
ment. La fuccion de l'enfant accélère beaucoup fa
fortie & augmente fa production. Il s'en écoule
d’abord un très-liquide & peu opaque ; c’efl:1e
coloftrum : bientôt, & de jour en jour, ce liquide
s’épaiflit, fe perfectionne, devient blanc., très-
opaque , odorant, favoureux, & fufceptible de
faurnir au nourriflpn un aliment de plus fin plus
f jbftantiel. Il continue à couler pendant des années
entières, lorfque la fuccion & l'irritation ne font
pas interrompues ; & la quantité qui s’en forme,
elt quelquefois fi abondante, qu’une nourrice peut
alaiter plufieurs enfans à la fois. 6. La formation & , comme on d it, la montée
du lait ont de grands rapports avec les fonctions
de la matrice. Il femble d'abord qu’un liquide vraiment
laiteux fe forme dans ce dernier vifcère s &
les lochies, qui en ont en partie le earaCtere, coulent
jufqu’à l’époque où le Lait fe fépare abondamment
dans les mamelles. Les médecins croient que
ce liquide paffe en effet de la matrice dans les feins,
& un grand nombre de faits prouvent cette f^m-
pathie entre ces deux organes. C’eft à la même
époque qu'ils prennent leur activité particulière :
les mamelles s’élèvent au moment où tes règles
parotffent, & où les parties génitales fe développent;
1q lait commence à fe fépaier à ladifparition
des règles par la gro.ffdïe ; leur fuppreftkm fait
tuméfier les glandes mammaires t ces glandes fe
âétriffeot quand les règles difparoilfent, & cqs
deux organes, la matrice & les mamelles,, s endorment
comme ils fe font éveillés en même tems.
Ou profite même en médecine de cette r.éaCtion
lorfque, pour diminuer l’abondance, de l’évacuation
menftruelle, on applique une ventoufe à la mamelle.
Des éeoulemens, par l’une ou pair l’autre \
voie, fe fuccèdent & fe répondent. Ce r a p p o r t eft
encore prouvé par la fenfacion qu’excite le cha-
touillemenc des papilles dans les parties génitalesi
auffi les Anciens admettoient-ils le concours de k
matrice dans la formation du lait,
7, Quelques anatomiftes n’admettent que le fang
comme fource du tait; ils croient que ;les artères
mammaires en font la feule origine. La petfteffe de
ces canaux fanguins a fait penfer à d’autres, que les
artères ne fourniffoient pas la feule matière du
tait. Haller y admettoit le mélange ou l’addition
de la graiffe par les canaux dont j’ai parlé. Qn ci oit
affez généralement que le chyle contribue plus
abondamment que le fang à la formation du lait,
parce que fa quantité eft toujours en raifon de celle
de la nourriture, parce que les vaiflkaux chyleux
montrent aux anatomiftes un liquide analogue au
hait , parce que le lait a fouvent l’odeur & plu-
fieurs des caractères des alimensparçe qu’en&n
les nourrices Tentent monter lelait dans leurs feins
au moment où le chyle s’élève dans fes vaiffeaux.
G’eft pour cela que les médecins ont cru ces deux
liquides fi femblabfes- l’un à l’autre, qu’ils, ont décrit
les propriétés & les maladiies des divers élé-
roens du. chyle comme celles du lait ; mais cette
analogie, poufifée trop loin , peut être trompeufe,
& l’ expérience ne l’a point prouvée directement.
Je fuis beaucoup plus porté à croire que la lymphe
toute entière j dont le chyle augmente la quantité
& accélère le mouvement .airm^ment où il s’élève
des inteftins dans fes canaux, contribue à la pro-
duèlion du lait y que è fe kng fournit la partie
albumino-caféeufe, la,graine donne la butyreufe,
& la lymphe la féreuife, _
8. Quand le lait eft bien formé & qu’il diftend
fes couloirs , fouvent les tubes laétifères ou glac-
tophores , ouverts & dilatés, le verfent fpontané-
ment au dehors : une efpèce d’orgafme s’empare
de fes canaux , les dreffe, les dilate, les refferre
enfuite, 8e leur donne ce mouvement, cette aétion,
qui font fouvent fortir le lait en jets plus ou moins
rapides. La fuccion, dont la nature a placé chea
l ’enfant Se dans le befojn d’être nourri l’efpèce d’art
ou le mode, en favorife finguliérement l'écoule^
ment- Le vide fait autour du bouton papillaire à
l’aide d’une pompe ou par le goulot d’une bouteille
chauffée qu’on y applique, Se la prefilon de l’air
qui s’appuie avec avantage fur l’bémifphère de la
mamelle , en follicitent avec énergie la fortie , &
on le voit jaillir en filets blancs qu’on compte fouvent
au. nombre de fix ou huit très-fenfibles dans
les femelles de's animaux : i’aétion de preffer avec
adreffe & de haut en bas les mamelles jufqu’à i ’ex*
. trémité du pis, la traite ou l’art de traire, font
couler le lait avec facilité & avec promptitude*
Les animaux auxquels on a enlevé leurs petits fe
prêtent à cette extra&ion, qui les foulage, &
qufen’eft pas fans un feotiment voluptueux. La nature
a placé dans cette excrétion du lait un plaifir
qui double celui d’être mère, &qui attache, par
fe doux lien de la reconnoiffance & de la tendrefle*.
l’enfant qui ne connort pour fa mère que celle qui
. le: nourrit.
9. L’influence que les alimens portent fur la fotv
mation & la nature du lait y, mérite encore toute
l ’attention du phyficien. On fait que les animaux
bien nourris tourniffent abondamment du lait de
bonne qualité. Les nourrices diftinguent les ali*
mens par la propriété dont ils jouiffent de favori»
■ fer ou de diminuer la proportion de ce liquide*
L’odeur âcre.de l’alliaire , des alliacées, des crucifères,
paffe dans le lait;, le parfum des fleurs,
l’arome du kfran ou du thym, le fucre des racine*
& des fruits, le ne&are des pétales, y portent
une odeur fuave aromatique , & une faveur douce,.
Le Cuc rouge de l’ opuntia , le jaune rougeâtre de
la garance, le bfeu de l’indigo nuancent la ceinte
de çe liquide nourricier chez les animaux dans la
1 nourriture desquels op introduit ces matières color-
rantes * l’amertume de Tabfynthe , l’acre té du
: tithymale, i’aftriéüon des plantes aftringentes, la
propriété purgative de la gratiole, fe retrouvent
, dans le lait : on lui donne des propriétés médica*
! memeufes diverfes, fuivant k nourriture qu’on
» piÊfçste.aux animaux. Le Uit d’une nourrice qui
« pfi$ iVft purgatif, donne des coliqnès & des éva*-
c nation s à l’ehfant qu’> lie alaire. l..e vin , labierre,
les diverfes liqu ut s vintuf- s, luido’nnenmn carac4
tère reconnoiffable’} les poifons mêmes fe tranf-
mettent, comme plufieurs maladies, par cette
voie, & le làit participe de tout ce qui a été introduit
dans l’eftomac des femmes qui nous le don1-
neht.
10. Les paflions mêmes dont les nourrices font
agitées, modifient & l’abondance & les propriétés
du lait qui fe fépare dans leurs mamelles. On a vu
la colère troubler l’économie des nourrifl'ons & leur
donner des mouvemens convulfifs. Le chagrin, la
ïnauvaife humeur, les nouvellesfâcheufes,lapeur ,
le faififlement,tariffept les fources du lait, ik font
dégonfler quelquefois fubitement les mamelles*
Les mauvais traitemens qu’on fait febir aux femelles
laitières change manifeftemenc leur lait; aufli
a-t-on bien foin, non-feulement par la propreté &
la nature des alimens, mais encore par la douceur
& même lèsearefles 8e les attentions de tout genre,
des femelles qui font deftinées à fournir le lait pour
la table. Plufieurs phyficiens mêmes ont pouffé fi
loin cette influèricé des paflions fur le lait, qu’ils
ont cru qu’il influoit lui même fur le caraélère &
les paflions des jeunes individus qui le prenoient
pour nourriture : c’eft ainfi qu’on a prétendu que
les enfaris nourris par des femmes colères & emportées
, douces & bienfaifantes, vives & falaces.
Ou triftes & froidës, acquéroient les mêmes difpo-
îitions morales. Mais il ÿ a lieu de croire que^cette
Opinion eft portée trop loin, que c’eft plutôt fur
l’exemple des effets de "Ces diverfes paflions que
les enfans fe modèlent peu à peu,& qu’ils font feulement
imitàteürs de leurs môuverfvehS dans leurs
hbürricès, plutôt quë changés phyfiquëment dans
leur ferifoïium par la nature du lait.
§. II. Des propriétés phyfiqûe's dit lait.
11. Là quantité du lait varie dans la fetnmè
comme dans les animaûx, par une foule dè circotif-
tances. L’abondance de la boiffon amène en géné-
tal cëïle du liquide mammaire ; les alimens mouS,
très-nourriffans & faciles à digérer prôduifent le
même effet. Les farineuk, cuits dans l’eau quand
l ’eftomac les digère bien , augmentent fa quantité,
& léS nourrices connoi fient bien ce genre d’ influence.
Il eft difficile de fixer les limites où d’indiquer
dès terrhe's moyens pour cette production :
il paroît cependant en général que le lait fait le
plus fonvent le tiers ou très-peu plus du poids des
tii'mens. On a vu cependant des nourrices qui -,
Outré le iait qu’elles fourniffoient abondamment à
leurs en'fans, rendoient encore fpbntanémènt >
depuis un ïcilogramme jufqu’à près dë deux, dé
Cë liquide dans la journée j dans les fèmellés où
Cëtte quantité eft bien plus confidérable, on lait
àffei qu’elle varie fuivaht les faifons, les lieux
Qu’elles habitent, les pâturages où elles font
placées, la nature des alimens qti’on lent fert
■ dans leurs demeures, leur âg e, le tems plus où
; moins éloigné de l’époque où elles ont mis bas.
j 12. La pefanteUr du lait eft en général plus con-
j fidé able que celle de l’eau. Haller dit qu’elle eft
à cette dernière comme 277 eft à 2613 ou commè
ÏÖ45 eft à ÏOÓO-. Elle varie, fuivant lûi, & d’après
j les divers auteurs qu’ri a rapprochés, dans les proportions
fui vantes, comme 1026, 1029, 1032,
I lôqr, IOOOi
j M. Briffon , dans fon Traité de la pefanttur des
corps, donne le tableau fuivant de celle des dit-
fétens laits, l’eau étant fuppofée iOOOO:
Lait de femme..
Lait de vache.. .
Lait de chèvre.
Lait de jument..
Lait d’âne f ie .. . .
Lait de brebis. . .
10203*
10324.
1.0341.
10346. m ü 10409.
13. Le lait eft en général d’Uné couleur blanche
opaque, qui tire 'cependant fur le j&une dans la
femme, fur le bleu dans ia Vache, & qui varie
dans la même femelle, fuivant la proportion dà
fes principes, & conféquemment fuivant une fouie
de circonftances. Cependant il y a de la confiance
dans fon opacité & fa blancheur : c’eft ce qui l’a
fait comparer à une émuliion, 8c ce qui a fait dom
ner à cette dernière le nom de lait d amande.
Sa confiftaftce eft celle d’un liquide huileux 8t
aqueux tout à la fois. Quand il eft très-fort &
très-bon> il eft un peu épais ; une goutte fe tient
fur l’ongle fans couler au dehors , & il s’y étend
lentement : c’eft ainfi que les médecins jugent Iè
lait des nourrices ; un peu de fl.;i iité eft néanmoins
préférable à une confiftance trop forte.
14. La faveur du lait eft douce , agréable, 8t
prefque fucrée en général ; elle a„cepeivdant beau*-
coup de modification dans les différentes efpècfeS
d’animaux j elle a quelque chofe d’onétuôux & dé
gras qui fe diftingue , qui tient manifeftement à fà
nature huileufe. Le lait a une odeur particulière,
& qui plaît affez généralement ; c’eft: un - des propriétés
dans lefquelles il eft le plus fufceptible dè
varier, fuivant les nourritures. Celle qui lui eft
propre eft cependant inhérente à fa nature in-ime *
& indépendante du parfum ou de la mauvaife odeur
provenant des alimens ; elle ne fubfifte qüe tant
qu’il eft chaud; elle a lieu furtout au moment où
. il fort des ^mamelles. Prefque nulle quand il'eft
entièrement tefroidi, elle fe renouvelle parla cha-
| leur à laquelle on l’expofe ; elle fe diffipe par l’é-
i bullition. On la fent & on la reconnoît très-facilement
dans les laiteries bi n tenues ’& bien pro-
! près, àü'.moment cù le lait chtud & nouvellement
I trait y eft dépofé. lies laits de diffé-rens animaux
| ont uFi cara&ère particulier & bien prononcé dans
leur odeur.
j 15. Suivant les obfervarions de MM. Deyeux:
. & > le lait fourni par une vache à dif*
£ c e e z