
& fe choquoient j les maladies naiffoient des excès
des unes ou des autres , & la thérapeutique
leur oppofoit des médicamens de nature contraire.
L'art de guérir fut infeCté quelque te ms de cette
erreur j elle ne fut détruite que par la naifiance
de la phÿfique expérimentale. ,
4. J’attache la fécondé époque .aux efforts que
quelques grands médecins, également illuftres par
leurs çonnoiflances en chimie, ont été obligés de
Faire pour détruire l'empire abfurde & nuifible
que la théorie des acides & des alcalis avôit pris
dans,l’art de guérir. Après les premiers fuccès de
la phÿfique expérimentale, après la grande révolution
opérée dans les fciences par les Bacon, les
Newton & les Boyle, Stahl & Boerhaave s’occupèrent
à purger la médecine des erreurs qu’une
chimie hypothétique y avoit introduites. Ils furent
forcés de porter même fes ufages dans l'art de
guérir prefque jufqu'à l’inutilité, pour combattre
la théorie dominante ; ils parurent prefque mépri-
fer les importans travaux & les premiers apperçus
de Mayow, de Boyle, de Haies, qui avoient emprunté
à la chimie de nouveaux moyens d’avancer
la phÿfique animale, pour repoufîer des atteintes
fâcheufes qu’elle avoit portées dans l’art falutaire.
Leur grande influence fur tous ceux qui enfei-
gnoient, pratiquoient & étudioient la médecine,
eut le fuccès qu’ils avoient ambitionné, & l’on
crut que la chimie ne devoit avoir d’autre utilité
en medecine, que celle de lui fournir de nouveaux
médicamens ou des améliorations dans leur préparation.
Cette deuxième époque date du commencement
du dix-huitième fiècle jufqu’à peu près au
tiers de fa durée. La théorie des acides & des alcalis
fut repouflee & bientôt oubliée.
5. La troifième époque de l’hifloire de la chimie
animale fe rapporte au moment où l’opération
du phofphore d’urine, trouvé par hafard en 1677
par Brandt, découvert quelques années après par
Kunçkel, préparé long-tems dans le feul laboratoire
de Godefroy Hanckwyts à Londrés pour
toute l’Europe, fut enfeignée à Paris par un étranger,
& décrire en 1737 par Hellot, dans les Mémoires
de VAcadémie des fciences. Ce procédé ,
quoique long, difficile, difpendieux & dégoûtant,
fut comme le fignal de la renaiffance de la
chimie animale, alors prefque délaiflee. On fe mit
à travailler avec ardeur fur l'urine.Margraff trouva
que le fel microcofmique ou fufible, le phofphate
d'ammoniaque , y étoit là fource du phofphore $
qu’il ne provenoic pas du fel marin, quoique Stahl
l’eût affuré. Il donna un excellent procédé pour le
préparer, au moyen du muriate de plomb ajouté
a l’extrait d’urine, & qui, fervant à décompofer,
fans qu’il le fût, le phofphate de foude, augmen-
toit beaucoup la quantité du phofphore obtenu }
il trouva même, finon la différence réelle de ces
deux fels, au moins qu’il y en avoit deux différens
dans l’urine. Pott en 1740*, Haupt & Schlofler en
T7J 3, décrivirent aufli les propriétés des fels fufiblés
ou des phofphatès ; Haupt diftingua même le
phofphaté de foude fous le nom de felpedé. Rouelle
l’aîné, qui ouvrit vers cette époque fes cours à
Paris, réuffit, non-feulement à faire le phofphore
plufieurs années de fuite, mais commença- à tnui-
tiplièr fes recherches & fes produits fur les matières
animales. parcourant les procédés de Ton
cours public en 1762, on reconnut qu’il avoit fait
faire à cette partie plus de progrès qu’elle n’en
offroit dans les ouvrages de fes prédéeeffeurs, &
furtout dans celui de Boerhaave.
6. La quatrième époque de ce genre de chimie,
fi nouvelle encore & fi peu cultivée, eft af-
fez exactement fixée par les travaux de Rouelle le
cadet. Elevé depuis long-tems dans l’école de fon
frère, nourri des idées de ce favant chimifte, accoutumé
furtout par de longues études-pratiques
à faire des analyfes plus exactes & plus précifes
qu’on n'en avoit fait jufque-là, diftingué parmi
tous les chimiftes de fon tems par une grande &
précieufe habitude de bien reconnoître les corps
& de les féparer habilement les uns des autres, il
s’occupa particuliérement de la chimie animale,
qu’il fembloit avoir prife dans une affeCtion particulière.
II publia fucoeflivement- dans le Journal
de médecine de Paris, depuis l'année 1773 jufqu’en
1777, des recherches nombreufes & neuves fur
les fels du fang, fur l'eau des hydropiques, fur
l'urine humaine, l’urine de vache & de cheval
comparées, fur le fucre de lait, fur le fang, fur
les fels fufibles, fur l’urine de chameau j il confirma
la découverte de Menghini, faite en Italie
fur la préfence du fer dans le fang. Toutes fes analyfes,
décrites avec fagefle & fimplicité, données
fans application forcée à la médecine, offrirent
des vérités nouvelles, qui répandirent du jour fur
plufieurs points de la phÿfique animale. Les médecins
en profitèrent, ainfi que de celles de M. Cadet
fur la bile, qu’il prouva être un favon en 1766.
Bucquet alla un peu plus loin dans l’art d’analyfer
le fang. Poulletier de la Salle annonça quelques
faits nouveaux fur une fubftance concrète & crif-
talline, contenue dms les calculs biliaires. La
marche fage & réfervée de tous ces travaux rappela
les efprits vers l’ufage avantageux de la chimie
animale, & fur les fecours qu'elle offroit à
l’art de guérir. On s’appliqua alors avec fuccès à
chercher des différences caraCtériftiques entre les
propriétés chimiques des matières animales & des
végétales. On trouva plufieurs acides animaux * on
s’aflura de la préfence de l’acide phofphorique
dans plufieurs humeurs animales. En un mot, un
nouveau courage s’empara des chimiftes, & ce
genre d’analyfe prit un éclat qu’il n’avoit jamais
eu.
7. La cinquième époque que je diftingué, eft
remarquable par trois découvertes extrêmement
faillantes fur l’analyfe animale, faites en Suède
dans le même tems qui appartient à la précédente,
mais connues un peu plus tard feulement en France.
En 1772, Schéele, pharmacien fuédo’s , & G abri,
doCteur en médecine du même pays /trouvèrent
l’acide phofphorique dans les os des animaux ,
dont ils firent connaître la matière folide pour du
phofphate de chaux, & donnèrent les moyens d’en
féparer ces matières, qu’on n’y avoit pas même
foupçonnées jufque-là. Rouelle le cadet, Nicolas
de Nancy, Berniard, Poulletier de la Salle &
Macquer confirmèrent cette découverte , & ajoutèrent
plufieurs faits importans, foit à la nature
comparée des os des divers animaux, foit aux procédés
de leur analyfe. Ce fut depuis qu’on trouva
ce fel parmi les fofliles, &r long-tems après qu'on
reconnut que la chryfolithe en étoit compofée.
Schéele annonça en 1776 que le même fe l, la bafe
des os, exiftoit dans Turine humaine avec un ex-
;cès d'acide phofphorique qui l y rendoit diflolu-
ble. La même année, & dans le même Mémoire,
le chimifte fuédois découvrit dans les calculs de la
veflie humaine un acide particulier. Ce fut alors,
& en comparant ces trois découvertes capitales à
plufieurs faits de phyfiologie & de pathologie,
qu'on reconnut généralement que la chimie, traitée
de cette manière, pouvoit être très-utilement
appliquée à l’art de guérir, & que, loin d’en
avoir à craindre les erreurs qui en avoient déjà
compromis la deftinée, on ne pouvoit plus fe paf-
fer de fes importantes applications. ■
8. Dans le même tems à peu près, & en fe conformant
avec la précédente, quoique méritant
d’en être diftinguée par fon objet & fes vues, fe
trouve placée fur une fixième époque, aufli importante
que toutes celles qui ont été indiquées.
Elle eft formée par les premières données que la
doctrine pneumatique , encore à fon berceau,
fournit à la chimie des matières animales. Lavoi-
fier, en travaillant en 1774 à l’analyfe de l’air,
apprécia avec exactitude l’ancienne, mais trop
vague comparaifon qu’on avoit faite de la refpi-
ration des animaux avec la combuftion, reconnut
qu’elle altéroit l’air à la manière du charbon. Condorcet
donna dès-lors le nom d’àir vital à la partie
refpirable de l’air. Crawford trouva, dans la ref-
piration & dans l’air qui y fert, la fource de la
chaleur animale ; Carminati découvrit que les mofettes,
en afphixiant les animaux, détruifoient
l’irritabilité du coeur & des inufcles. Succeflive-
ment Lavoifier fut conduit à étudier avec M. Séguin
, qu’il aflbcia à fes recherches, les phénomènes
& l’influence de l'a tranfpiration , à reconnoître
un grand rapport entre cette fonction & la refpi-
ration. Spallanzani faifoit en même tems une forte
d’analyfe vivante du fuc gaftrique, & con'firmoit
fa qualité diffolvante, déjà prouvée en 1743 &
1744 par l’ingénieux Réaumur > il y reconnut de :
plus ufie forte propriété antifeptique. Cette car- ■
rière nouvelle, & qui mérite, comme on voit, 1
de faire une principale époque dans l’hiftoire de
la chimie animale, n’a pas été interrompue, depuis.
Elle a permis de répandre la plus vive lu- ,
’ mière fur la phÿfique des animaux , & de prouver
; qu’il fe paffoit des phénomènes vraiment chimi-
1 oiies & appréciables dans l’exercice de leurs fonctions.
C ’ait en quelque foi te une chimie vivante,
entrevue , il y a plus d’un fiècle, par Mayow,
! pourfuivie dans quelques points par Haies au commencement
du dix-huitième, & reprife de nos
jours par fes rapports aufli eflèntiels qu'immédiats
avec les principaux phénomènes de la doCtrine
pneumatique, qui s'y lient fi naturellement.
9. La feptième époque, plus importante encore
que les précédentes, en raifon du plus grand nombre
d’objets connus ou éclaircis au moins qu’elle
renferme, &. de la généralité qu’elle embrafle,
appartient toute entière aux recherches de M. Ber-
thollet. Ce grand chimifte, après avoir embrafle
en 1784, lors de la découverte de la compofition
de l’eau, due à Lavoifier Sc à M. Monge, la théorie
pneumatique qui lui parut affermie par cette
découverte, fit faire un pas bien nouveau à la
chimie animale, en fixant la nature de l’ammoniaque
que Schéele n’avoit qu’entrevue, & en
trouvant dans.les matières animales une grande
quantité d’azote. L’ammoniaque une fois connue
comme un compofé de cinq parties d’azote 6c
d’une d’hydrogène, M. Berrhollet montra comment
elle fe fonnoit fi fouvent pat faCtion du feu ,
par la putréfaction, &c. dans les matières animales
fi chargées d’azote. Il expliqua par-là leur principale
différence d’avec les fubftances végétales ,
confiftante dans la production de cet alcali > il
prouva de plus que la préfence des phofphatès &
l’abondance de l hydrogèneparmi leurs principes,
contribuoient beaucoup à cette différence. Il y a
furtout dans ce genre de données nouvelles, dues
au chimifte français dont je parle, & dans l’époque
que j’en cotnpofe, un caractère qui les éloigne
fenfiblement des époques précédentes : c’eft
que cette feptième époque offre un enfemble 6c
un réfuîtat plus généraux & plus complets quelles*
c’eft qu’il n’y eft plus feulement queftion d’une
feule fubftance, ou de quelques fubitances animales
en particulier, mais de toutes ces matières à
la fois ; c’eft que ce travail ayant donné une con-
noiffance de toute la maflë des compofés animaux >
ceux qui l’ont fuivi ont pris une aiTurance, une
rectitude, une fiabilité qu'ils n'auroient point
eues fans cela, comme va le prouver l’expofé de
la huitième & dernière époque de cette efquifle
hiftorique.
10. Cette huitième & dernière époque comprend
la continuation des travaux déjà indiqués
dans la feptième, l’application devenue dès-Jors
plus immédiate & plus facile des analyfes à la phy-
fique même des animaux, les fuccès non interrompus
de ces mêmes applications, & la véritable
exiflence d’-une carrière nouvelle propre à expliquer
les phénomènes les plus cachés de'cette phy-
lique, pourvu qu’on ne celle pas de la parcourir.
Ç’eft furtout de 1787 & 1788 que cette dernière