
manière des fubftances animales. Quoiqu’il foit
certain qu’elle paffe par un état acide lorfqu’on la
laiffe aller au-delà du fimple foulévementque doit
avoir le pain, il ne l’eft pas moins qu’elle tend
aufli facilement à fe pourrir.
ƒ. On peut donc, fans avoir recours à la fimul-
tanéité de trois fermentations, en admettre une
dans le glutineux de la farine , laquelle fermentation
n’eft ni une acétification, ni une formation de
vin, ni une putréfaction, mais bien plutôtun commencement
de décompofition putride , qui ne fait
que divifer la ma fie, en diminuer ; en annuller
même la vifcofité , en dégager quelques bulles de
fluides élaftiques, en modifier la faveur, l’odeur5
en un mot, en changer dune manière très-remarquable
les propriétés. Sans doute ce n’eft pasmne
fermentation accomplie, car ce feroit une putréfaction
j ce n’eft qu’un premier tems de fermentation
que l’art arrête après l’avoir provoquée,après
l ’avoir amenée au point de communiquer à la pâte
l ’atténuation, la légéreté dont.elle avoit befoin
pour faire du bon pain : voilà pourquoi on l’a désignée
par le nom de fermentation panaire ; elle eft
loin d’être terminée : à peine a-t-elle commencé à
s’emparer de la pâte, à peine celle-ci a-t-ellë commencé
à fe lever, qu’on fe hâte d’en arrêter le cours
par la cuifion, à laquelle on foumet la maffe pour
lui donner la faveur 8c les belles propriétés panai
res. 6. Il en eft de même de la fermentation colorante,
pouffée feulement un peu plus loin dans les procédés
de l’ art, que celle à laquelle on livre la pâte
panifiable. Ce n’eft encore, comme celle-ci, qu’une
véritable décompofition plus ou moins avancée
vers la putréfaction, un commencemant de réfo-
lution qui tend à détruire complètement la matière
végétale. Il n’eft perfonne qui n’ait obfervé que,
dans le cours de cette décompofition putride, le's
fubftances végétales qui l’éprouvent, prennent en
général une couleur plus ou moins marquée : c’eft
• ainfi que les fruits fe foncent & bruniffent, que
les champignons noirciffent, les mucilages jaunif-
fent & rougi fient. Les feuilles, plongées dans l’eau,
femblent fe foncer d’abord dans leur.vert, marchent
enfuite vers une bruniture qui fe rapproche
du noir. Ainfi les fels végétaux les plus blancs, les
tartrites & les acétites montrent dans leurs diffolu-
tions tranfparentes, des flocons ou lambeaux fauves,
bruns & noirâtres, produits muciformes de
leur lente altération , qui finiflfent par dépofer des -
molécules charbonneuses.
7. Cette notion a fiez exaCte , quoique bien générale
, doit être appliquée à ce qui fe paffe dans
la préparation de plufieurs matières colorantes tirées
de fubftances végétales qu’on fait fermenter
pour la formation du paftel ou vouède, & de l’indigo.
Ce phénomène eft affez exactement prouvé :
la brillante coloration en bleu , la formation de la
plus belle , de la plus folide, de la plus précieufe
couleur que la teinture poflède * eft le produit j
d’une véritable fermentation ; & puifque la plante
feule, plongée dans l’eau, éprouve, pour prendre
cette nuance, un mouvement inteftin dont l’augmentation
de volume & de température , la naif-
fance d une écume & d’un bruit affez confidéra-
bje, le dégagement d'un fluide élaflique mélangé
d acide carbonique & de gaz hydrogène carboné
affez abondant, font des Agnes indubitables : on
ne peut s'empêche^ de reconnoître celte fermentation
comme la véritable foutce de la matière
colorante formée, puifque celle-ci ne fe préfente
qu'avec les Agnes biens certains de l'autre.
[ Mais eft-il bien vrai, comme l’ont vu & indiqué
quelques modernes, que cette coloration
foit une fermentation particulière, qu'elle mérite
dette foigneufement diftinguéede toutes lés aiv-
tres, & défignée-même par un nom fpécial, comme
je l'ai préfentée dans cet article, pour frapper
1 attention de ceux qui veulent étudier avec foin
la chimie végétale ? Je ne penfe pas que, dans l'é-
tat aCtuel d© nos connoiffanccs, on puiffe adopter
une pareille opinion : fans doute à raifon du produit
particulier, auffi remarquable qu’utile, que l’on
obtient, on peut,en n’attachant que cette idée'à
la dénomination, adopter celle de fermentation
colorante; mais on ne doit pas vouloir exprimer
par-la , que c eft un ^mouvement different de tous
ceux que 1 on connoit j on ne doit y trouver énoncée
que la particularité du produit. 9’ Ees fermentations panaire et colorante ne font
donc, dans leur véritable effence, que des commen-
cemens de décompofition fpontanée, qui fe termi-
neroient promptement par la putréfaction & la
diffolutiorr complète des matières végétales, fi on
ne les arrêtoit pas à une certaine époque, en fou-
mettant le produit de la première à une cuiffon
qui en fait du pain, 8c en enlevant la fécule divine
& bleue de l’autre , du milieu du liquide où
elle marchoit vers la putréfaction, pour la faite
deffécher avec rapidité : dans la première, la pâte
eft voifine de l’aigreur quand on la cuit ; dans la
• fécondé, il s eft déjà formé aux dépens de la planté,
une quantité .confidérable- d’acide carbonique &
d ammoniaque : fi 1 une & l’autre de cette production
continuoient, une diffolution complète
des elemens du végétal'en feroit la fuite. Arrêtée
a téms^ cette décompofition montre une matière
déjà très-charbonnée, dont le carbone fait le prin-
cipe excédant, & dont il rend la durée, comme
. , ce colorante, fi permanente , 8c l’altérabilité
fi difficile.
Fermentation putride, i . La putréfaction
eft le dernier genre d e fermentation que j’ai distingué
, & c’eft èn effet elle qui termine toutes les
autres 8c qui opère la décompofition complète du
végétal. Aucune partie des plantes n’eft exempte
de ce mouvement, & cependant on peut l’écarter
de prefque toutes, lorfqu’on les prive d’eau ,, du
contaCt de 1 air 8c de la chaleur« Quelques çhimiftes
anciens, 8c en particulier Beccher, avoient
établi une forte de comparaifon entre la putréfaction
8c la combuftion ; 8c cette idée, quoique difficile
à bien prouver dans des tems reculés, avoit
cependant l'on fondement dans une obfervation
bien faite ; elle a été confirmée de nos jours.
1. Pour que la put réfaction s’établiffe dans les j
végétaux , il eft plufieurs conditions néceffaires'. j
Leur tiffu doit être relâché par de l’eau. Toutes
les matières végétales fèches fe confervent fans
aucune altération ; toutes celles au contraire qui
font fuffifamment humeCtées, fe pourriffent. Cela
arrive aux bois les plus durs, aux cordes les plus
fèches, aux tiges les plus coriaces. Le contaCfc de ;
l ’air contribue beaucoup à l’établiffement 8c à
l’entretien de ce mouvement : on cite un grand
qo'mbre de faits fur des fleurs, des fruits confer-
vés verts 8c fains dans le vide, dans des lieux très-
bien bouchés 8c à l’abri de tout contaCt avec l'air;
il n’eft pas néceffaire d’une forte température pour
entretenir la putréfaCfcion végétale. Dix à quinze ;
-degrés lui fuffifent} cependant une plus forte chaleur
n’y nuit pas 8c l’accélère : il ne faut pas toute
fois qu’elle foit affez vive pour opérer un deffé-
chement confervateur. L’exfîccation produite dans
un four eft le procédé le plus antifeptique que l’on
connoiffe pour les matières végétales , quelles
qu’elles foient. Les maffes des végétaux entaffés,
mais non comprimés, fâvorifent finguliérement
cette analyfe fpontanée.
• 3. Toutes les conditions de la putréfaction
étant réunies, cette décompofition s’annonce par '
un changement de couleur 8c de confiftance dans
les parties des plantes : lenr tiffu fe relâche 8c s’amollit
j leurs lames , leurs fibres s’écartent, fe foù-
lèvent ; leurs parties molles 8c liquides fe bour-
fouflent, fe couvrent d’écume ; des fluides diadiques
les diftendent, les traversent 8c s’en échappent
; leur température s’élève, 8c va quelquefois
jufqu’à l’inflammation. Les gaz dégagés 8c accompagnés
d’une odeur d’abord peu défagréable, en-
fuite de moifi , de chanci , puis fade, fétide, légèrement
ammoniacale, font compofés de gaz hydrogène
carboné, de gaz acide carbonique 8c de.
gaz azote. Ces phénomènes diminuent 8c s’affoi-
bliffent peu à peu, après avoir duré un tems plus
' ou moins long , fuivant la confiftance du végétal :
il a perdu beaucoup de fa malle en matière évaporée
; il n’en refte qu’un réfidu plus ou moins abondant,
noirâtre, 8c contenantles matériaux les plus
fixes qui entroient dans fa compofition > favoir : les
terres , les acides qui les faturent, 8c partie du
carbone qui la conftituoit.
4. On reconnoît bien manifeftement dans les
conditions, dans les phénomènes, comme dans les
produits de la fermentation putride des végétaux ,
l’influence des attra&ions multipliées qu’exercent
les uns fur les autres les matériaux qui entrent dans
la compofition de leur tiffu. L’hydrogène s’unit en
.particulier à l’oxigène, fe volatilife en eau ou fe
dégage en gaz, en entraînant avec lui une portion
du carbone ; une troifième partie de ce principe
s’unit à l’azote dans les plantes qui en contiennent
8c conftjtuent l’ammoniaque; une quatrième 8c
dernière partie refté encore dans le réfidu qu’elle
colore 8c rend encore odorant. Le carbone fe joint
en partie à l’hydrogène dégagé, à l’oxigène qui le
brûle 8c l’emporte en acide, 8c refte en partie dans
le réfidu ; l’oxigène fe fépare avec l’un 8c l’autre
des deux principes précédens, auxquels il s'unit
pour faire des combinaifons binaires.
y. Parmi les réfultats fixes, les réfidus que
donne la décompofition putride des végétaux, fl
faut fpécialement diftinguer comme objets utiles
le chanvre 8c les plantes textiles rouies, le bois
pourri, le fumier 8c le terreau.
F e r m e n t a t i o n s a c c h a r i n e , i . Je nomme
fermentation faccharine un mouvement inteftin 8c
fpontané qui s’excite fouvent dans plufieurs fubftances
végétales, 8c par lequel il fe forme dans
leur intérieur une matière fucrée qui n’y exiftort
pas auparavant. Si ce phénomène exifte réellement,
8c fi, fans l’aétion d’un agent ou d’un inf-
trument extérieur étranger aux conditions néceÉ-
faires delà fermentation, une matière végétale fade
ou infipide devient véritablement fucrée, il n’eft
pas poffiblè de ne pas reconnoître dans cette production
fpontanée une véritable fermentation. Les
faits que je vais bientôt raffembler mettront cette
vérité hors de doute.
2. Je range cette fermentation au premier rang ,
parce qu’elle précède réellement la fermentation
vineufe que Boerhaave règardoit comme la première.
En effet, on verra bientôt que la préfencè
d’une matière fucrée eft indifpenfablement néceffaire
pour donner naiffance à la formation d’une
liqueur vineufëJ; que toutes les fubftances fades',
mnqueufes, infipides font abfolument incapables
d’éprouver cette fermentation vineufe; que toutes
celles, au contraire, qui ont une faveur plus ou
moins fucrée > en font plus <bu moins fenfiblement
fufceptibles, 8c que les matièrés non fucrées ou
fades, paflant quelquefois à l’état de vin , ne peuvent
arriver à cet état fans contracter auparavant
la faveur 8c toutes les propriétés des matières fucrées.
3. Ce paffage de matières fades à l’état de matières
fucrées appartient à une fermentation ,* 8c
c’ eft celle que je nommé faccharine, parce que fort
produit eft le fucre. Je ne veux pas dire par-là que
la formation de la matière fucrée dépende toujours
8c nécefl'airement de cette efpèçe de fermentation;
que parce qu’une matière végétale eft fucrée
, élle a fubi ce mouvement particulier. Il fau-
droit de même fuppofer qu’ il ne peut y avoir de
1 vinaigre ou l’acide acéteux que par la. fermentation
acide 8c par le changement inteftin d’un vin, tandis
qu’une foule de faits chimiques , dont j’en ai'
déjà préfenté plufieurs précédemment, 8c aux