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fuivant Euler, neuf cent mille fois plus rapide
encore» elle arrive du foleil jufqu’à nous en huit
minutes , & cependant, fuivant le même géomètre,
la lumière partie de l’étoile fixe la plus voifine
de notre globe, qui en eft à la vérité éloignée au
moins quatre cent mille fois plus que le foleil, elt
a peu près fix ans avant de parvenir jufqu'à nos
yeux: : en forte qu’une étoile, placée à cette dif-
tance, feroit vue encore fix ans après fa deftruc-
tion, en fuppofant que celle-ci pût avoir lieu.
Quel grand & beau fujet de méditations fur l’im-
menfité de l’efpace, de l’Univers, des globes qui
le parcourent, & de la durée des tems qu’ils me-
furent dans leur marche filencieufe !
7. La lumière, arrivée ou verfée fur notre globe,
s'infléchit & fe rapproche de la perpendiculaire à
la furface ou au plan du corps qu’elle traverfe,
uand elle paffe d’un milieu plus rare dans un plus
enfe. C'eft ainfi qu’on la condenfe pgr les lentilles,
& l’on connoît ce phénomène fous le nom
de réfrattion. Il prouve que la lumière pèfe ou eft
attirée par les corps, quoique nous n’ayions pas de
balance àffez exaCte pour env déterminer la pe-
fanteur.
8. Elle traverfe certains corps qu’on nomme
iranfparens, & elle éprouve dans leur intérieur
une réfraûion qui fuit la raifon de la denfité de
ces corps s’ils font incombuftibles, ou la raifon
compofée de leur denfité & de leur combuftibi-
lité s’ils font combuftibles. 'C’eft par la mefure
de leur force réfringente que Newton a deviné,
long-tems avant les découvertes expérimentales
de la chimie, que le diamant étoit un corps com-
buftible, & que l’eau contenoit un principe inflammable.
9. Elle eft arrêtée par la furface des corps opaques.
Réfléchie de cette furface,' elle fe meut de
nouveau dans un fens contraire à fon premier mouvement,
oü revient fur elle-iuême, fous un angle
prefqu’égal. à celui de fon incidence. C’eft pour
cela qu’on la croit le corps le plus élaftique de la
nature.
S î o . Non-feulement la vifibilité de tous les corps
& le fpeétacle de l'Univers offert à l’homme dé-
J>endent de ce mouvement de la lumière de deffus
eur furface, & de fon intromiflion dans nos yeux,
où elle porte l'image des objets fur la rétine, de
manière à nous avertir & à nous convaincre de
leur exiftence, de leurs formes variées, de leur
diftance refpeétive, mais elle eft encore la caufe
des couleurs fous lefquelles elle peint véritablement
tous les corps dans la vifion.
11. Quand la lumière palfe à travers des corps
tranfparens & denfes, elle s’éparpille ou fe divife
en un grand nombre de rayons colorés de diverfes
nuances, qu’on rapporte fpécialement à fept couleurs
nommées primitives, & placées dans l’ordre
fuivant de haut en bas fur le fpe&re folaire ; c’eft
ainfi qu’on nomme la férié des bandes colorées
que forme la lumïere lorfque, reçue par le trou
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j d’une chambre bien obfcure, elle traverfe ua
prifme de verre qui la brife , l’éparpille & la pro-
J jette fur un drap ou papier blanc. Ces fept bandes
■ font le rouge, l’orangé, le jaune, le vert, le bleu,
l’indigo & le violet.
12. Cet effet de la coloration, car c’eft à un
eparpillement pareil de la lumière par la furface
des corps colores qu’elle touche, qu’on attribue
la couleur des corps opaques, dépend-il d’une
décompofition de la lumière , comme quelques
phyficiens l’ont cru ? La lumière fembleroit, dans
cette hypothèfe, être un corps compofé, & ne
devroit plus être placée dans la première feétion
des corps fîmples, ou au moins elle ne devroit
pas y occuper la première place / comme je la lui
ai donnée dans mon Syftème des connoijfances chimiques.
Mais aucun fait ne prouve encore cette
prétendue decompofnion dé la lumière. L’opinion
d’Euler, qui regarde la génération des couleurs
comme le produit d’un mouvement ou de vibrations
variées dans les rapports certains .entre ces
couleurs, ainfi que les tons qu'on diftingue des
fions,eft bien plus d’accord avec les phénomènes.
13. D’après cette dernière idée, la furface des
corps colorés, en recevant les rayons lumineux,
leur communique, fuivant la nature propre de ces
corps, différens ébranlemens qui leur font produire
? dans nos yeux, les fenfations des diverfes
couleurs. Celles-ci font entr'elles dans des rapports
de viteffe fi variés, que les uns choquent &
bleffent l’oeil, tandis que d’autres le foulagent &
lui plailent. Les peintres conçoivent très-bien ces
rapports ou ces difparates, & c'eft en fe rapprochant
des muficiens, par leur fentiment exquis à
cet égard , qu’ils dilènt l’harmonie, les tons de
couleurs.
14. Il arrive un. effet femblable dans les corps
denfes tranfparens, & furtout dans les prifmes que
la lumière traverfe. Ces corps, très-peu homogènes
dans leurs molécules, agitent en divers fens
les rayons lumineux, & les ébranlent de manièr-e
à leur faire repréfenter, dans notre.oeil, les bandés
colorées, qui ne font que ces rayons mus avec
des viteffes différentes & proportionnelles entre
elles : de la vient que les hétérogénéités des couches,
les bulles, les différentes épaiffeurs, les
corps étrangers tranfparens interpofés entre les
lames des verres & des pierres tranfparentes, font
naître des iris, des reflets , des anneaux Colorés :
de là encore les belles couleurs des bulles de
favori, &c.
1 y. Il y a des corps opaques qui femblent repouffer
toute la lumière de leur furface, en communiquant
à toute fa maffe un mouvement égal
& uniforme : ce font les corps blancs & les corps
brillans. D ’autres au contraire femblent i’abforber
toute entière, la retenir ou ne lui communiquer
aucun mouvement, ou même arrêter le fien propre
comme en l’enchaînant : ce font les corps mats,
obscurs}
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obfcurs. L’extrême de ce dernier phénomène eft
le noir, l’ombre ou l obfcurité parfaite.
16. Quoique toutes les propriétés précédentes
foient des propriétés phyfiques, plufieurs cependant
, telles que la rétraction, la coloration forte
& l’obfcurité, fe rapprochent des propriétés chimiques
, parce qu’elles annoncent une attraction
de compofîtibn entre la lumière & les différens
corps qui contribuent avec elle à faire naître ces
phénomènes. ..
17. Il n’y a aucune raifon de douter que la
lumière, comme tous les corps naturels , n’obéiffe
à cette force d’attra&ion 5 qu’elle n’entre dans la
combinaifon de plufieurs compofés, & quelle ne
fe dégage dans plufieurs décompofitions. Ainfi,
quand on la voit difparoître au fein des corps
qu’elle traverfe > comme lorfqu’un rayon éclatant
touche fur une fubftance & en reffort beaucoup
moins brillant} quand on la voit fortir au contraire
du fein de l’ombre dans plufieurs opérations de
chimie, faites fur des corps obfcurs & qui s’illuminent,
s’éclairent, s’enflamment au moment même
des combinallons qui ont lieu , il faut en conclure
que, dans les premiers cas, elle fe fixe & fe combine,
tandis que, dans les féconds, elle fe dégage,
le met en liberté , 8c fort des compofés que l’on
forme. Telle eft la caufe générale de la flamme &
de la'phofphorefcenee.
18. On verra, dans les articles relatifs aux corps
combuftibles, ceux du phofphore, du foufre, &c.
qu’elle s’échappe en effet des entraves d’une de
fes combinaifons naturelles les plus fréquentes
pendant" la combuftion, & qu’elle difparoît, fe
fixe & fe combine dans tous les cas où fe ptér
fente le phénomène inverfe de la combuftion,
que je nomme, à caufe de cela , décombuftion.
Aufli une des expreflîons les plus utiles & les plus
frappantes que je puiffe employer, & dont je me
fers très-fouvent pour repréfenter l’a&ion & l’influence
chimique de la lumière , c’eft le mot débrûler.
19. Quand on ne pourroit point expliquer la
manière dont la lumière agit fur les végétaux &
fur la végétation, la plus légère attention aux phénomènes
qui l’accompagnent, & aux ré fui rats qui
la caraélérifent, fuffiroit pour prouver qu’elle a
une grande influence fur la production de ces phénomènes.
Toutes les plantes qui croiffent à l’ombre
font blanches, fades, aqueufes, infipides,
comme leucoflegmatiques ou hydropiques : les:
agriculteurs les nomment, dans cet état, plantes
étiolées. Les jardiniers mettent à .profit cet effet
de l’abfence du foleil & de la lumière, foit en fai-
fant croître les plantes dans des fouterrainSj foit
en enveloppant leurs feuilles & les ferrant les unes
contre les autres, pour nous procurer des légumes
blancs & tendres.
20. Toutes les plantes au contraire qui fonttrès-
éclairées, celles furtout fur lefquelles le foleil verfe
fes rayons d’à-pfomb, comme cela a lieu pour les
Cm Mit., Tome IK .
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végétaux fitués fous l'équateur ,croiffent plus rapidement,
deviennent droites, fol ides, colorées,
lapides & inflammables. Ces dernières font en
même tems très-odorantes, & fi âcres que beau-'
coupd’entr’elles font vénéneufes. On voit une différence
analogue dans nos jardins & dans nos campagnes.
Tandis que les plantes cachées fous l'herbe*
épaiffe, dans l’ombre des forêts, ou fous les .pleures
, font contournées-, petites, minces, aqueufes
& fades, les mêmes plantes deviennent dures ,
ligneufes, amères outrès-fapides lorfqu’elles croif-
fent dans les campagnes ouvertes.
21. Il n’eft pas moins évident queh lumière agît
fur les animaux vivans, que la préfence du foleil
eft néçèffaire à l’entretien de leur vie & au fou-
tien de leur fanté j car, outre l ’exemple dé ceux
des animaux qui recherchent avec èmpreffement
l’afpeâ: de cet aftre vivifiant, on fait que les hommes
qui font plongés long-tems dans les lieux fermés
& obfcurs, languiffent, s’affoibiiffent, perdent
leurs couleurs , leur activité , leur énergie vitale ,
& que leur fyftème abforbant fe gorge de liquides
que les vaiffeaux blancs ne peuvent plus faire mouvoir
avec la viteffe convenable.
22. Il n’eft pas ici queftionde déterminer quelle
eft la théorie de l’aélion qu’ exerce la lumière fur
les minéraux qu’elle débrûle, dont elle altère la
cduleur & la nature } fur les végétaux dans lefquels
elle produit la couleur verte, l’huile & la réline ;
fur les animaux, dont elle anime & foutient l’exif-
tence : ce fera l’objet dé plufieurs autres articles ;
il ne s’agit dans celui-ci que d’acquérir la preuve
générale de l’influence chimique qu’exerce la lumière
> & des attractions de compofirion auxquelles
elle obéit j je ne penfe pas qu’il puiffe refter le
moindre doute fur cet objet d’après tout ce que
j’ai préfenté jufqu’ici. Il n’eft donc pas poffible de
croire , avec Euler, que la lumière neconfilte ,
comme le fon, que dans les vibrations de l’éther,
produites par lé mouvement du foleil & des étoiles
fixes, car on effaieroit en vain de produire avec le
fon, des effets chimiques analogues à ceux que
fait naîtré la lumière. ( Voye% Us articles COMBUSTION,
DÉCOMBU STION , F l a m m e , A n i m a l
i s a t i o n , E t i o l e m e n t , I r r i t a b i l i t é , V é g
é t a t i o n , V i e . )
L u m i è r e s o l a i r e . On fe fert fouvent en chimie
, de la lumière du foleil ou de la lumière folaire
pour expofer des corps à fon contaCL On croit
même quelle a des effets chimiques particuliers &
différens de ceux de la lumière artificielle des lampes,
des chandelles , des bougies ou des flambeaux.
Cependant quelques phénomènes de la végétation,
effayés à cette dernière, ont préfenté des réfultats
à très-peu près femblables à ceux qu’on obtient
par le contaét des rayons du foleil} & s’il exifte
réellement des différences, elles font fi peufenfibies
i à cet égard , qu’il eft bien difficile d’en admettre
O o o o
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