
les pouflîères des plantes fèches & odorantes, des
bois âcres, réfin eux , amers > le charbon , lès vins
généreux, ralcool, les bitumes, ont particuliérement
cette propriété : aufti font-ce ces fubftances
que l’on emploie avec le plus de fécurité pour
conferver les matières animales dans l’art des em-
baumemens, les falaifons, les condimens, les macérations
au vinaigre , 8cc.
120. La médecine s’elt occupée avec un intérêt
particulier de la recherche des matières fufcepti-
bles de retarder ou d’arrêter les progrès de la pu-
tréfadèion qui fe manifefte fouvent dans quelques
parties de l’homme malade ; elle les a nommées
antiputrides ou antifeptiques. En ies comparant à
celles déjà indiquées, on y trouve de très-grands
rapports.
- Godart obferve que tous les antifeptiques pof-
fibles peuvent être rapportés à trois claffes :
A. Les rafraîchiffans , qui comprennent tous
les moyens de diminuer la chaleur , dont on con-
noit la grande influence fur la putréfaction ; il
range dans cette claffe le froid, les aqueux, les
farineux , les acides & les engourdiffans ;
B. Les ventilans ou ceux qui diflipenc les miaf-
mes putrides., l’agitation de l’air, les évacuans
les cordiaux ;
C. Les fortifians qui condenfent ou refferrent,
dans lefquels il compte les acerbes, les aftringens
& les amers.
Bordenave a rapporté à fîx genres les antifeptiques
médicinaux j favoir : les antirelâchans, les
ftimulans, les aftringens, les balfamiques, lesdef-
féchans 8c les cauftiques.
Boiflleux, dans un tableau très-étendu 8c très-
méthodique, en a préfenté la férié, partagée en
un grand nombre de divifions ingénieufes, qu’il
q’eft pas de mon objet de faire connoître ici. Dans
toutes les confidérations relatives à ces agens, on
a fpécialement diftingué l’acide fulfurique , l’acide
carbonique, les acides végétaux,1e quinquina,
le fcordium, le bois de gaïac, le camphre, le tannin
, la noix de galle, l’alcool, les fels métalliques
& leurs diffolutions : on a même été jufqu’à prétendre
rétablir dans leur premier état des viandes
déjà fort avancées dans leur putréfa&ion. Mac-
bride a fpécialement attribué cet effet au gaz acide,
carbonique, parce que les chairs pourries qu’on
y plonge, reprennent une partie de leur couleur,
de leur confiftance ; mais il eft bien évident que
cette prétention eft exagérée, & qu’on n’a opéré
que l?i féparation ou la diffolution de la partie extérieure
la plus avancée, d’avec la portion encore
faine * car la fcience apprend qu’il eft impoflible
de reformer une matière animale détruite , 8c l’on
ne peut pas furpaffer en ce genre la nature, qui
s’eft prefcrice à elle-rmême l'impoflibilité dê rétrograder
dans cette définition.
n i . D’après toutes les confidérations précédent
tes, on ne peut plus douter que la putréfaction
pefoit une dçcompofition lente, une efpèce d’ana-* j
j lyfe fpontanée qui s’opère en vertu de l'attraCtion
compliquée, exiftarrt entre les principes nombreux
des matières animales, l’hydrogène, l ’azote, le
carbone, l’oxigène, le foufre, le phofphore j que
le mouvement qui s’excite entre ces principes, 6c
qui a de grands rapports avec une fermentation,
quoi qu’en aient dit Boerhaave & fon école, qui
lui refufoient cette analogie, eft en quelque manière
ordonnée ou voulue par la nature > que c’ eft
le moyen qu’elle emploie pour détruire 6c l’orga-
nifation & la compofition animales, lorfque les
matières organifées, privées de la v ie, ne peuvent
plus fervir fous la forme animée, pour l’exercice. 8c l’entretien de laquelle ces matières primitives
avoient été feulement prêtées fuivant les lois immuables
établies dans l’ ordre du monde ; quela
nature reprend ainfi ces principes, qui ne font plus
employés aux phénomènes de la vie, 8c qu’elle
rend à d’autres combinaifons plus fîmples -la portion
de matière qui conftituoic le corps des animaux.
Ainfi, par l’ordre admirable qui exifte dans
l’économie de la nature, les compofés les plus
compliqués, repréfentant pendant la vie le chef-
d’oeuvre de l’ organifation 8c les phénomènes, chimiques
les plus nombreux, fe réduifent après la
mort en compofés plus fimpies , prefque tous binaires
> rentrent, à l'aide de la décompofition putride,
dans la clalfe des minéraux ; repaffent pref-
qu’à l’état d’élémens, fe diffolvent dans l’eau, fe
répandent dans la terre, 8c fervent à de nouvelles
combinaifons. C’eft ainfi qu’én étudiant les propriétés
& les caractères chimiques des fubftances
animales, nous fommes ramenés aux fubftances
fimpies & primitives , par lefquelles nous avons
commencé l’étude des corps naturels. Cet effet,
ce paflage, cette circulation dë'matières , apper-
çus depuis long-tems par l’ingénieux Beccher,
avoient été nommés par "ce chimifte le cercle du
mouvement éternel, circulas &terni motus,.
122. Les hommes ont de tout teins tiré parti
des produits & des phénomènes de k putréfaction,
& fait fortir-en quelque forte le foutien de
leur exiftence du fein même de la mort & de la
deftruétion. Les matières animales, corrompues 8c
réduites en état de terreau, font employées avec
beaucoup d’avantage comme efigrais. Pour diminuer
leurs propriétés trop chaudes & trop nourrit
fantes, on ne les diftribue dans la terre qu’on veut
fumer-, que lorfqu’elles font prefqu’entiéfement
détruites : on les prépare aufli quelquefois par des
procédés particuliers de defféchenlent 8c de concentration
, comme on le fait aux environs de Paris
avec les vidanges des latrines, pour les convertir
en unepoufïière fèche* très-fécondante, que l’on
nomme poudrette. Dans d’autres lieux., en faifant
pourrir les matières animales avec des fubftances
végétales, ou en arrofant celles-ci, dépofées par
couches fèches 6c expofées à la décompofition
fous des hangards avec des liquides animaux , de
l’urine, des eaux de vaiflelle, de boucherie, &c. .
on
on hâte la production du nitre, en raifon de l’a-
zore què f iurniffenx ces liquides. Dans quelques
ateliers on fe fert des matières animale*, & notamment
des urines corrompues, pour extraire facilement
de s quantités1 très-abondantes de carbonate
d’amm;;niaque > enfin, on peut profiter de la découverte
que j’ai faite de la converfion des corps
des animaux en gras dans l’eau ftagnante ou dans
Ls terres humides, pour fabriquer, avec des débris
inemployés jufqu’à préfenr, des grailles utiles
dans un grand nombre d'arts. Gn allure même que
l’induftrie anglaife a déjà mis cette découverte à
profit s 8c qu’on prépare èn Angleterre une huile
concrète par ce mode de putréfaction.
123. Il y a quelques circonftances qui, s’oppo-
fa.nt plus ou moins fortement à la décompofition
putride des matières animales, ne leur laiflent que
Ja poffibilité de fe convertir en corps de nature
d? verfe, 8c fufceptibles de fe conferver long-tems
dans ce dernier état : c’eft dans cette clalfe qu’il
faut ranger, i°. les cadavres delféchés par un ciel
fec & brûlant ou par un fable aride & fortement
chauffé; 20. les momies naturelles, les momies
que l ’art, confeillé par un fentiment religieux ou
par un attachement refpeCtable pour les rëftes des
êtres chéris, prépare à l’aide de tous les moyens
confervateurs & des embaumemems ; 30. les corps
& les organes préparés par divers moyens anatomiques
; 40. les crins, les foies, les poils, les plumes
, les peaux, apprêtés & confervés en tiffus
folides 8c durables; j° . les chairs fumées , falées,
durcies, devenues comme ligneufes, & qui relient
très-long-tems fans altération; 6°. les os, les cornes
, les écailles, féchés & convertis en uftenfiles
ou en machines d’une forme & d’une utilité variées
; 70. les os imprégnés de divers minéraux
dans le fein de la terre, & fpécialement ceux qui
font changés en turquoife. Il y a lieu de croire
aulfi qu'une portion des débris de la matière animale
, fi abondante dans l’eau des mers & des
grands fleuves, entre par leur décompofition plus
ou moins avancée, 8c en prenant le caractère de
fubftànce huileufe, dans la formation des bitumes.
Quant aux fubftances animales pétrifiées, qu'on a
coutume, de ranger dans la même férié que les
fubftances précédentes, ou bien ce font des folides
imprégnés de dépôt calcaire, ou bien ce ne font
que des moules remplis de matière filicée.
§. XIII. Des divers modes de claffer les matières
animales.
124. Il ne fuffit pas d’avoir confidéré les fubftances
animales en général, & d’avoir recherché les
caractères, qui les diftinguent des fubftances végétales.
Cette première recherche ne doit être regardée
que comme une introduction à i'hiftoire
chimique de ces matières en particulier : elle devoir
la précéder & l’éclairer, mais elle ne peut pas
en tenir lieu ; elle a feulement l’avantage de ren-
. Ch im ie . Tome IPr.
: dre plus facile à concevoir l’examen de leurs pro-
: priétés, & de diminuer l’étendue des détails que
j cet examen auroit exigés, fi l’expofé des propriétés
générales des matières animales n'en avoit pas
déterminé la nature.
12$’. Quoiqu’il paroiffe indifférent, au premier
coup-d’oeil, de traiter I’hiftoire chimique des matières
animales dans tel ou tel ordre, il eft cependant
néceffaire de fe décider dans le choix de cet
ordre, & pour cela il devient néceffaire de faire
connoître 8c de comparer entr’elles les differentes
méthodes de claffer ces matières. On conçoit
d’abord qu'on peut les regarder comme des efpè-
ces de matériaux immédiats des animaux, & que,
fous ce point de vue, il feroit poffible de les partager
ou plutôt de les difpofer, comme on l'a fait
par rapport à ces matériaux végétaux, en folubles
dans l’eau, en huileux, en falins, en folides & in-
diffolubles. Mais ce premier genre de divifion eft
fort imparfait 8c fort inexaCt, puifqu'il eft bien
loin d’embraffer toutes les fubftances qui compo-
fent le corps des animaux.
126. Le partage de ces fubftances en liquides &
en folides eft encore infuffifant. Souvent on a fuivi,
dans les ouvrages de chimie, la divifion en liqueurs
récrémentitielles, telles que le fang, la lympne ; en
excrémentitielles, comme l’urine, &c. 8c en ex-
crémento-récrémentitielles, la bile, lefperme, &c.
On ne doit pas être plus fatisfait de cette claffifi-
cation, qui ne préfente rien de bien fixe ni de
bien exaCt. On pourroit difpofer ces matières,
d’après leur nature chimique, en huit claffes, fuivant
la furabondance de l’un ou de l’autre des principes
qui entrent dans leur compofition ; ainfi l’on
auroit :
A. Des fubftances animales hydrogénées ou hui-
leufes, telles que la graiffe, le cérumen, la bile,
i B. Des fubftances animales oxigénées ou oxides ,
les albumineufes, les lymphatiques : on y corn-
prendroit la lymphe, l'eau des cavités intérieures ,
la pulpe cérébrale.
C. Des fubftances animales carbonéesy les géla-
tineufes 8c muqueufes renfermant les membranes,
les aponévrofes, les tendons.
D. Les fubftances animales azotées, fibreufes
ou charnues, tels que les mufcles, quelques parenchymes
vifcéraux.
E. Les fubftances animales acides, l’acide urique,
l’acide formique , le bombique, &c.
F. Les fubftances animales falées aqueufes, comme
l’humeur aqueufe & l’humeur vitrée, les larmes,
la falive.
G. Les fubftances animales pkofphatées, furtout
celles où le phofphate de chaux prédomine : on
placeroit dans cette claffe les ongles, les cornes,
les poils, les os.
H. Enfin, les fubftances animales mixtes ou mélangées,
contenant plufîeurs des précédens matériaux
: cette dernière claffe appartiendroit au fang,
au lait» au fperme, à l’urine.
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