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riences que fai faites fur les yeux des pigeons : il
fuflît de favoir que l ’huile de laurier-cerife, appliquée
à ces organes, eft un poifon violent, & tue
ces animaux en peu de tems, comme les tue l’ef-
prit extrait de cette plante.
L'huile de laurier-cerife, appliquée au coeur 3 le rend
immobile.
» La faculté que poflede l'huile de laurier-cerife
d’enlever l’irritabilité à la fibre charnue, m’engagea
d’éprouver f i , étant appliquée immédiatement
au coeur, elle lerendoit immobile, même
aux ftimulans extérieurs : conféquemment j’en fis
tomber quelques gouttes fur le coeur de plusieurs
grenouilles ; il cefia bientôt de fe mouvoir, & ne
fut pas remis en mouvement par les piqûres d'une
aiguille. L'efprit de laurier-cerife produit le même
effet, mais moins promptement & moins parfai-
temeht que l ’huile.
L'huile de laurier-cerife, appliquée au cerveau, tue.
» Je fus enfuite curieux'de voir fi, étant appliquée
au cerveau des grenouilles, cette huile leur
feroit mortelle , & j ’obfervai qu’au bout de peu
de minutes à peine pouvoient-elles fe mouvoir, &
qu’elles moururent en moins de fix minutes. Le
coeur continuoit cependant encore de fe mouvoir :
le cerveau étant ftimulé, aucune partie des grenouilles
ne fe contra&oit ; mais lorfque j’eus enfoncé
une épingle tout le long de la moelle épinière,
les pattes fe mûrent avec force. Ce dernier
réfultat feroit croire que la fubftance nerveufe ,
mife en contaél avec l'huile de laurier-cerife, perd
le pouvoir de contracter les raufcles, mais que
cependant ce poifon n’a la force de l’enlever qu’aux
nerfs ou productions nerveufes qu’il touche immédiatement.
L huile de laurier-cerife dépouille les nerfs avec lef-
quels on la met en contait, de la faculté de contracter <
les mufcles.
» Pour m’alfurer de ce fait, je penfai à appliquer
l ’huile de laurier-cerife fur les nerfs cruraux
des grenouilles, & j’obfervai qu’en moins de deux
minutes l’animal avoir perdu la faculté de contracter
fes pattes, & que lorfqu’on ftimuloit fes
nerfs avec l’aiguille à l’endroit où l’huile avoir
touché , ils ne mettoient plus les mufcles en mouvement
j mais toutes les fois que je les ftimulois
vers les jambes, où l’ huile n’ avoit pas atteint,
les pattes fe contraCtoient fortement. Les nerfs
ne font donc pas l’organe ou l’inftrument par lequel
l’ huîle de laurier-cerife communique fes mau-
vaifes qualités aux autres parties de l’animal, &
le nerf même n’eft capable de les éprouver que
dans l’endroit précis où l’huile a été immédiatement
appliquée. L’efprit de laurier-cerife produit !
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des effets ahalogues à ceux de l’huile, quoique
j moins forts, quand on l’applique de même aux
nerfs : il eft très-probable que l'aCtion de l’huile
& de l’efprit appliqués aux nerfs eft Amplement
mécanique, & que ces deux fubftances agifienx
a l’inftar des fubftances qui mordent & crifpent.
Vhuile de laurier-cerife tue dans les fangfues la partie
■ quon lui fait toucher.
« PinjeCtai dans la gueule à quelques fangfues
de l’huile de laurier-cerife ,• elles moururent fur le
champ, & ne furent plus irritables par les ftimulans
extérieurs. Il en arriva de même lorfque j’in-
jeCtai l’efprit de cette plante : j’en injeCtai quelques
unes prefque jufqu’à la moitié de leur longueur,
en empêchant par une ligature que l’huile
n’allât pas au-delà , & je vis avec furprife, que
la moitié injeCtée étoit morte, & l’autre moitié
vivante, & que celle-ci vécut ainfi pendant un
très-grand nombre d’heures : la partie morte n’e-
toit plus irritable par aucun ftimulus. Ce phénomène
fi fingulier n’a point lieu dans lesrferpens ni
dans les vipères, qui meurent tout entiers prefque
dans le meme tems , & cette différence peut dériver
principalement delà diverfité du mouvement
des humeurs dans ces animaux relativement aux
autres.
»Je baignai extérieurement d’huile de laurier-
cerife la moitié d’une fangfue, du côté de la gueule :
au bout de trois minutes la partie baignée ne re-
muoitpoint, l'autre moitié étoit encore vivante ,
& dans un grand mouvement au bout de fix
heures.
f Dans une autre fangfue, je baignai la portion
qui regardera queue; en moins de deux minutes
cette moitié étoit immobile, mais l’autre con-
tinuoit de fe mouvoir , même au bout de fix
heures.
» Je touchai avec l’huile de laurier-cerife une
portion coupée de la queue d’un ferpent ; en
moins de demi-heure' elle eut perdu tous fes
mouvemens.
L'huile de laurier-cerife, injectée par la jugulaire ,
tue les animaux.
ïa Les exemples multipliés que j’ai rapportés ci-
deffus des facultés meurtrières de l’huile de laurier-
cerife , me firent penfer qu’étant injêdéedans le
fang, elle pourroit porter la mort dans les animaux.
Quoique j’euffe inje&é à Londres, deux
ans auparavant, l’efprit de laurier-cerife dans lès
lapins fans qu’ils en fufTerit morts, je préfumai
que l’huile, étant plus mordanté & beaucoup plus
brûlante que l’efprit, agifoit fur le fang avec beaucoup
plus d’énergie : je voulus ,en conféquence
tenter diverfes expériences.
» J’injeétai dans la jugulaire à un gros lapin dix
gouttes d’huile de laurier-cerifei auxquelles j’avais
mêlé'
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mêlé cinq à fix gouttes d’eau. Au moment où l ’huile
entroit dans la jugulaire par le moyen de la ferin-
güe, l’animal mourut avec quelques convulfions :
j ’ouvris le thorax, & je trouvai le fang plus noir
u’il.ne l’eft naturellement 5 le ventricule gauche
.11 coeur & fes oreillettes étoient prefque vides,
& le peu de fang qui y reftoit, étoit coagulé ; le
ventricule droit & fon oreillette étoient gonflés
& remplis de fang coagulé. T ont étoit en repos, &
les ftimulans n’excitoient aucun mouvement : le
poumon étoit couvert de grandes taches obfcures,
noires, avec du fang coagulé dans tous fes „vaif-
feaux , & peut-être même extravafé en plufieurs
endroits : il étoit refte de l’huile dans le petit fi-
.phon ; ainfi j'eftime qu'il en étoit à peine entré
fept gouttes dans.la jugulaire.
« Je diminuai la dofe de-l’huile pour un autre
lapin , & je ne lui en injeétai que cinq gouttes,
unies avec la m ê m e quantité d’eau ; ce lapin mourut
à l’ inftant avec quelques .convulfions : je lui
ouvris auflîtôt la poitrine, & je trouvai le coeur
& les oreillettes en mouvement ; le ventricule &
l’oreillette droite étoient gonflés , & les cavités
oppoféês avoienc peu de fang. Peu de tems après,
le coeur cefla de fe mouvoir, & je trouvai le fang
de l’oreillette droite & de fon ventricule un peu
vifqueux & noir : dans les cavités oppoféês il y
avôit peu de fang & il étoit rouge ; le poumon
étoit tout taché de fang, mais un peu moins que
dans le premier cas , & le fang paroifloit ita-
gnant dans fes vaiffeaux.
» Je ne crois pas qu’il fût entré plus de trois
^gouttes d’huile dans la jugulaire, & cependant
l’animal mourut dans l’inftant. On ne peut pas
douter ici que la caufé de la mort ne foit dans
le poumon & dans le. fang qui eft ftagnant dans fes
vaiffeaux. Il eft fuperflu de faire remarquer que
la mort, qui arrive fi fubitement & avec les lignes
certains d’une coagulation générale dans le poumon,
exclut dire&ement la prétendue a&ion fur
les nerfs, & fournit une véritable preuve contre
ces organes.
. » J’ai enfuite obfervé que fi l’huile eft injectée
en beaucoup moindre quantité, ou la mort ne s’enfuit
pas, ou elle arrive plus tard, & alors il y a
de très-fortes convulfions produites certainement'
par l’anxiété que caufe à l’animal le fang qui devient
peu à peu ftagnant dans fes vaiffeaux.
L'efprit de laurier-cerife tue lorfqu'il eft injeSté dans
Les vàiffeaux.
» D’après ces dernières expériences, il étoit
naturel de foupçonner.que l’efprit de laurier-cerifey
îfljeélé dans les vaiffeaux, pourroit bien tuerauffi,
& que mes expériences faites à Londres n’étoient
pas concluantes, parce qu’elles\ étoient en trop
petit nombre, ou peut-être encore parce que je
fn’étois fervi d’efprit peu aétif. Quoi qu’il en foit,
j’ai voulu m’enaffurer de nouveau par l’exp4rience,
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& je n’ai pas rougi d’oppoferà mes propres expériences
de nouvelles expériences plus décifives,
plus précifes & plus nombreufes.
» Je préparai donc de l’efprit de laurier-cerife
cohobé trois fois, & en ayant mis environ cinquante
gouttes dans le fiphon, je les injeétai dans
la jugulaire d’un lapin;mais peu de tems après l’in-
jeétion, & peut-être en moins de quarante fécondés,
l’animal mourut dans les convulfions, qui ne
furent cependant ni fortes ni de durée. Ayant
ouvert le thorax, je trouvai le poumon tout taché,
mais de très-petites marques, comme des points
rougeâtres & obfcurs : le fang paroifloit vifqueux
& ftagnant dans les vaiffeaux de ce vifeère, & je
le trouvai vifqueux & noir dans le coeur.
» Cette expérience , répétée fur trois autres lapins,
eut un fuccès peu différent, & l’un des trois
mourut à l’inftant d.e l’injt étion.
» L’efprit que j’injeétois, étoit de la plus grande
aâivité, & il tu oit très-promptement les animaux
auxquels je le donnois, même à très-petite dofe. Je
ne rapporterai pas un plus grand nombre d’expériences
, parce que celles qu’on vient de voir rem-
phffent fuffifamment. mon objet; mais j’ai obfervé
dans un cochon d’ Inde de groffeur médiocre, un
cas fingulier qui mérite d’être noté : je lui fis avaler
une cuillerée à café d’efprit de laurier-cerife de
la troifième cohobation. A peine l’eut-il pris, qu’ il
tomba comme mort, & il refta dans cet état pendant
fix minutes : tout à coup il feleva & fe mit à
courir, quoiqu’avec quelque difficulté. Au bout de
peu de. minutes il paroifloit auffi fort & auffi vif
qu’avant de boire cette liqueur; je le trouvai
mort deux heures après.
i 53 H eft donc hors de doute que l’efprit de laurier
cerife , même donné à des dofes fuffifantes, &
rendu plus actif par des côhobations, eft un poifon
violent quand il eft introduit dans le fang par la
jugulaire, & qu’il tue à l’inftant ; en forte que ce
poifon ne fait plus exception à la loi que nous
avons obfervée pour les autres poifons, lefquels ,
introduits immédiatement dans le fang fans toucher
aux parties folîdes bleffées ni aux nerfs,
tuent immédiatement en peu d’inftans, & avec con-
vulfîons. Non-feulement il eft abfurde d’avoir recours
aux nerfs pour expliquer l’aétion de ce poifon
dans ces cas, mais encore cette hypothèfe imaginaire
eft entièrement fuperflue, puifque fes terribles
effets contre le fang font fi évidens.
La pierre a cautère ne rend pas innocinte L'huile de
laurier-cerife.
» J’étois curieux de favoir fi la pierre à cautère,
, mêlée fous forme de pâte avec 1 huile de laurier-
J cerife , ne lui ferviroit pas de corre&if.
| ' » Je fis plufieurs petites bleffures aux mufcles
j de la poitrine a un pigeon, j’ÿ appliquai de cette
î pâte; en moins d’une minute il fut pris de con-
L vullions, & peu de tems après il mourut.
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