
tats les plus heureux & les plus utiles de la chimie
moderne & de la doctrine pneumatique , à laquelle
ces découvertes font dues.
28. Quoique l’a&iori d'un feu doux & l’intro-
miflion d'une légère quantité de calorique dans les L
matières animales en général fe rëduife , comme .
pour les matières végétales , à épaiftir leurs liquides
, à leur donner la forme concrète, à de flécher
leurs folides, & à extraire des unes comme des
autres une plus ou moins grande quantité d'eau,
comme on l'obtient par la diftillation au bain-
marie, cette aétion, toute foible qu’elle eft, offre
cependant des différences très-notables, qui deviennent
dès caractères bien prononcés pour les
fubftances animales. Un feu doux tend à coaguler
celles qui font liquides, & cette coagulation eft
accompagnée d'une opacité & d'un changement
de nature 5 celui-ci s'annoncë par la faveur changée,
par l'iudiffolubilité dans l'eau qu'acquièrent
ces matières coagulées. L'eau qui fe dégage au
bain-marie, en partie contenue dans ces matières,
en partie formée par l'aétion du feu, a une odeur
fade particulière î elle contient quelques matières
oui lui donnent la propriété de fe troubler, de
dépofer des flocons, 8c de fe pourrir bien plus
fortement & promptement que celle qu’on obtient
des végétaux. Les folides animaux, chauffés
peu fortement, éprouvent un changement de couleur
, de confiftance , de ténacité , d'odeur 8c de
faveur qu'on connoït fous le nom de cuiffon, 8c qui
provient d'un commencement d'altération qu'on
n'a pas encore exactement déterminé.
29. La différence d'aétion du calorique eft bien
plus forte lorfqu’on expofe les compofés animaux
à un feu plus aétif 8c au contaét de matières com-
buftibles enflammées ou rouges de feu. On vo-it
ces matières s'agiter, fe tondre, fe plier en différées
fens, montrer ün refte d’irritabilité où de mobilité
à ce ftimulus décompofant : on diroit qu'elles
oppofentencore, quoique mortes, une réfïftance
à leur deftruétion. Quand ce mouvement prefque
çonvulfif eft appaifé, les matières ainfi chauffées
à feu nu, & dans un appareil ouvert avec le contact
de l ’air, fe ramolliffent ou fe fondent, fe bour-
fouflein, exhalent une vapeur ou fumée abondante
blanche, jaunâtre ou rougeâtre, qui répand
une odeur fétide qué tous les hommes recon*
noiffent, 8c qui diffère beaucoup de ce qu’on fent
dans les matières végétales traitées de même. Prefque
toujours une flamme ardente & vive fuccède
à ces premiers effets, & la réduction en charbon
ou en cendre plus ou moins colorée qui les termine
, moins prompte ê^Vioins facile que dans les
végétaux, annonce une fubftance huileufe, quelle
que fait d’ailleurs primitivement la fubftance àni-
maîè que l'on traite ainfi.
• 30. Quand on chauffe des compofés animaux
dans une cornue de verre lutée ou de porcelaine, L
à laquelle eft adapté un récipient mufti d'un appa- f
reil pneumato-cnimiqite , on obtient d’abord de 1
l’eau plus ou moins abondante, fuivant l’état liquide,
mou ou yifqueux de ces compofés. Cette
eau paffé bientôt brune & trouble 5 elle contient
divers Tels ammoniacaux ; elle eft bientôt accompagnée
de carbonate dammoniaque qui s’y diflbut
dans le premier tems, & qui fe criftallife enfuite
fur le bec de la cotnue 8c les parois du ballon. À
ce fécond produit fuccède de l'huile, qui augmente
eft couleur & en côiififtance vers la fin de l'opération
5 pendant qu’elle paffe 3 il ne fe dégage plus
d’eau ou il s'en dégage bien peu. L’ huile eft accompagnée
de carbonate d'ammoniaque qui continue
à fe fublimer, 8c donc partie eft fondue & diffoute
par la vapeur huileufe très-chaude. En même tenu
des gaz plus ou moins abondans fe développent 8c
fe raffemblent dans les cloches qui terminent l'appareil
: fi on les force de paffer à travers l'eau de
chaux, les diffolutions métalliques, l'acide muriatique
oxigéné, ils précipitent la première en craie,
les fécondés en fulfures colorés, 8c ils dépofent
des gouttes d'huile 8c de la pouffière chirboneufe
dans le troifièmë. Quand la cornue qui fert à cette
opération eft pouffée jufqu'à rougir dans fon fond,
on ne voit plus rien fe dégager , ni fous la forme
aérienne, ni à l'état liquide, ni à l ’état folide; l'a
vapeur blanche qui remplit l ’appareil des récipiens
diminue & fe condenfe, quoique le feu foit très-
violent. Alors on arrête celui-ci, on laide refroidir
les vaiffeaux$ on les délutè enfuite, & on examine
les produits après les avoir féparés , foit par
leur place différente dans les vafes de l'appareil ,
foit en les verfant dans un entonnoir, où ils prennent
chacun une pofition relative à leur pefanteur
fpécifiaUe. On a donc de l’eau colorée, du (el volatil
concret, de l’huile animale , des gaz & du
charbon. Chacun de ces produits mérite un examen
particulier.
31. L'eau, comme je l'ai annoncé, varie en quantité
, fuivant l'état de la matière animale. On fup-
pofe cependant ici qu’elle provient d'une matière
fèchej car un liquide eft traité au bain-marie, &
coagulé ou épaifti avant d’être traité à la'cornue.
Cette eau n’éroit point contenue toute entière dans
la matière animale, & elle s’eft en grande partie
formée comme je le ferai voir plus bas. Il ne s’agit
d’abord ici que de fa nature. Sa couleur rouge ou
jaune ou brune, fon odeur fétide ,fa faveur âcre,
fbn état louche ou trouble, prouventraffezquece
n’eft pas de l’eau pure. En la diftillant à une double
chaleiir, ou eu la rectifiant, quoiqu’il s’en fépare
fouveïlt du carbonate d’ammoniaque, elle paffe
ordinairement plus claire, tranfparente même. En
la traitant avec la chaux , elle dégage de l'ammoniaque
; avec les diffolutions métalliques, elle les
trouble &les précipite j avec l'acide phofphorique
après la chaux 8c en la foumèttant à la dinolution,
on en obtient une liqueur acide .’particulière que
M. Berthollet à reconnue pour un nouvel acide,
& qu’il a nommé acide çoùnique. En un mot, on y
trouve -en diffolntion un fàvon ammoniacal qui la
colore, 8c plufieurs felsammoniacaux qui peuvent
être au nombre de cinq efpèces différentes, favoir:
du muriate d’ammoniaque & du carbonate d’ammoniaque
que l’on connoït j du zoonate d’ammoniaque
, du pruffate d'ammoniaque , & du fébate
d’ammoniaque , que je ferai eonnoître ailleurs
comme fels animaux particuliers. Ces cinq fels ne
fe trou vent pas conftammentdans le produit liquide
de la diftillation de toutes les fubftances animales j
mais il contient toujours du carbonate d'ammoniaque
8c un favon ammoniacal.il eft quelques ma-
tieres animales qui, après une fermentation, donnent
de l’acétite ammoniacal au lieu de carbonate,
ou en même rems que ce dernier. On voit que ce
produit très-compofé, qu’on nommoit autrefois
efprit volatil animal, & qu’on emplovoit en médecine
, étoit alors bien peu connu, 8c qu’ôn ne fe
doutoit pas de fa nature fingulière.
3 2. Le fel volatil concret 8c criftallifé que Ton
obtient eft du carbonate ammoniacal plus ou moins
fali par de l’huile empyreumatique. L’ammoniaque
eft ici un produit du feus elle n’exifte pas toute
formée avant fon aêlion dans le plus grand nombre
des fubftances animales. On a déjà vu que fa production
a été depuis long-cems regardée comme
le principal caraaère diftinClif de ces fubftances î •
mais fa lburce n’a été connue que depuis la découverte
de M. Bertholle* fur la nature de cet alcali,
comoofée de cinq parties d’azote & d’une d’hydrogène.
On voit qu’elle fe forme par l’union im-
médiatede ces deux principes à l’époque où la plus
grande Dartie de l’eau déjà formée laiffe de l'hydrogène
libre, 8c -où une température fort élevée
augmente l’attraCHon de i’oxigène pour le carbone.
Auff fe produit-il en même tems de l'acide carbonique
qui fature cet alcali volatil. On rectifie ce
carbonate ammoniacal en le fublimant à un feu
doux. La formation de trois autres acides accompagne
fouvent encore celle de l’ammoniaque, qui
-s’y unit en partie j 8c cette formation eft due à la
combinaifon de trois bafes combuftibles fimples à
l ’oxigène, comme je l’expliquerai ailleurs. On at-
tribuoit autrefois de grandes vertus à ce carbonate,
d’ammoniaque plus ou moins huileux j on croyoît
qu’il emportoit.de chaque matière animale d’où il
provenoit, quelque principe qui luidonnoit des caractères
particuliers : tel étois celui de la vipère,
de la corne de cerf, etc. Aujourd'hui on fait qu’ il
eft le même de quelque matière qu'il ait été tiré.'
On verra par la fuite que , quoique toutes les matières
animales fourniftènt également ce produit,
.elles diffèrent beaucoup entr'eiles dans la proportion
qu'elles én donnent. Il faut remarquer encore
que quelques-uns des matériaux immédiats des
plantes, fpécialement l’extrait, le tannin ÿ le glu-
tineux, & c ., & quelques plantes entières -parmi
iefquelles il faut diftinguer les crucifères , les pa-
pavéracées, les champignons , les nitreufes en général,
donnent à la diftillation du carbonate d'ammoniaque,
8c que.cette propriété, du.e à ce qu’elles
contiennent de l’azote parmi leurs principes , leur
avoit fait donner par l ’école de Rouelle le nom
aftez jnfte de plantes animales, quoiqu’on ignorât
dans cette école de quelle fource fortoic ce produit.
33. L’huile obtenue dans la diftillation des mar
tières animales à feu nu n’étoit pas plus contenue
dans ces matières, que l’ammoniaque qui s’en vola-
tilifej elle eft également un produit de l’aétion du
calorique fur leurs principes. Elle fe forme à l’époque
où une grande partie de l’oxigène de ces
matières, abforbée par l’hydrogène pour confti-
tuer l’eau qui paffe la première, laiffe dans le rér
fidu une plus grande proportion d’hydrogène qui
rapproche ce réfidu de l’état huileux. Cette huile
diffère de celle que donnent les végétaux, traités
de même par fon abondance, fon état épais, concret
, 8c fa nature ammoniacale ; elle verdit les
couleurs bleues végétales j elle a une odeur fétide 8c très-tenace. Dippel, chimifte de Berlin, a le
premier re&ifié cette huile pour l’ufage médicinal,:
auffi lui a-t-on donné fon nom. Cette re&ificatiou
confifte à la diftjller à une chaleur douce qui n'excède
pas la température de l’eau bouillante, & mieux
encore fur ce liquide même qu'on introduit dans
une cornue avec l’huile, comme l’a confeillé Rouelle.
L’huile animale rectifiée eft blanche, très-liquide
, très-odorante, très-volatile î elle jaunit &
brunit promptement par le contaêt de l’air & de
la lumière. Il s’en fépare du carbone qui la co-
-lore.
34. Les gaz qui fe dégagent des matières animales
traitées à la cornue , que Haies avoir pris pour de
l'air, & qui lui avoient fait dire que ce principe
-étoit la caufe de leur folidité, parce qu’au moment
où ils s’échappent, ces matières perdent ordinairement
leur cohérence , font des mélanges de gaz
hydrogène carboné, fouvent fulfuré 8c meme phof-
phoré en même tems , &de gaz acide carbonique.
Ils font d'une grande fétidité j ils font très-combuftibles
, 8c fou vent brûlent avec une flamme huileufe
•: c'eft à eux qu’eft due l’odeur infede que
-répandent les matières atiimales que l'on brûle à
l’air ou que l'on diftille dans des -appareils mal clos,
ainfi que lorfqu’on délu te les vaiffeaux où l’on a
reçu leurs produits. En gardant long-tems ces gaz
fur de l’eau, celle-ci fe trouble ; il fe dépofe fou-
- vent fur les parois des vafes une croûte brune-noirâtre,
charboneufe 8c fulfureufe \ fouvent même
on apperçoit des gouttes d’une huile brune épaiffe
précipitée 8c attachée au verre 5 ce qui prouve que
ces gaz entraînent une portion de ce corps en dif-
folution. Si on les fait paffer dans l'eau de chaux,
-ils la précipitent en carbonate calcaire i dans une
diffolution nitrique de plomb , ils y forment un
précipité brun-noirâtre ; dans de l’acide muriatique
oxigehé, il s’en fépare du c.arbone qui fe précipife
danscetre liqueur. On en fait l ’examen 8c l’anaiyfe
par leur détonation avec du gaz oxigène dans l’eu-
diomètre de y q k a , après en avoir féparé l’acide