
Le nombre des millièmes d’or trouvés dans le ,
gramme fournis à l’effai, repréfentent autant de I
grammes par kilogramme de la matière ; & Ton
trouvera la quantité qu’il y en auroit par marc, en
multipliant les parties aliquotes de ce poids, c’eft-
à-dire, les grains, par le nombre de millièmes trouvés
dans le gramme, & en divifant enfuite le produit
par le gramme, qui, comme on fait, eftformé
de dix-huit grains & de huit cent quarante-un millièmes
de grain. L’on a par ce moyen la quantité de
millièmes contenus dans un marc, qu’il fuffit en-
fuite de divifer par 53,07 pour les convertir en
grains poids de marc, ou fi l’on veut, pour éviter
les longues diviûons, on prendra l’once au
lieu du marc, & on multipliera enfuite le quo-
tien obtenu, par huit , ce qui reviendra au
même.
Quant au cas où de l’or contiéndroit de l’argent
dont on defireroit avoir le rapport, après
l ’avoir eftimé à peu près par la pierre de touche,
il faudroit y ajouter la dofe d’argent capable de
former l’inquartation, & le coupeller avec la
quantité de plomb convenable , d’après l’ïndice
acquis de la quantité d’alliage qu’il contient 5 pe-
fer le bouton de retour, & agir du refte comme
pour l’elfai de l’or ordinaire II faut ici feulement
défalquer de la quantité d’argent trouvée par le
poids de l’o r , celle de l’argent que l’on y a mife.
De l ’ejfai de Cor contenant du platine.
La cupidité a quelquefois exercé fon génie mal-
faifant pour introduire dans l’ or & dans l’argent
une proportion de platine , telle que fa préfence
fût infenfible à l’oe il, & cependant lui fournît un
gain d’autant plus coupable, qu’il eft plus illicite.
Les eflayeurs doivent être d’autant plus en garde
contre ce genre de fraude, que le métal qui en eft
l’objet, jouit de quelques propriétés communes
à l’or & à l’argent : comme eux , il réfifte à l’action
du plomb pendant la coupellation, & repouffe
même en partie celle de l’eau-forte dans l’opérâ-
tion du départ.
Je vais préfenter ici le réfultat de mes obfer-
vations fur cet objet. Quoiqu’il ne foit pas autfi
complet qu’il feroit à delïrer, j’efpère cependant
qu’il fuffira aux eflayeurs attentifs pour recon-
noître la préfence du platine dans l’or & dans
l ’argent.
De Vor allié de platine.
J’ai fait quatre alliages principaux plufieurs fois
répétés, dans lefquels il y avoit depuis dix juf-
qu’à deux cent cinquante millièmes de platine
avec l’or fin, & , après y avoir mis trois parties
d'argent, je lés ai coupellés avec la quantité de
plomb fuffifante.
J’ai fuivi avec attention ces effais depuis le
commencement jufqu’à la fin de l’opération , pour
faifir, s’il m’étoit poflible, tous les phénomènes
qu'ils présenteraient> établir enfuite, par la corn-
paraîfon , les différences qui pourroient exifter
entr’eux & les effais ordinaires, & mettre enfin
l’effayeur dans le cas de pouvoir reconnoître la
préfence du platine dans l’or & l’argent.
PREMIÈRE REMARQUE.
Lorfque le platine eft feulement à l’or dans le
rapport de 0,020, il faut une chaleur beaucoup
plus forte qu’à l’or pour qu’il paffe , & que le
bouton foit rond : fans cela il s’applatit, & fa
furface devient raboteufe.
SECONDE REMARQUE.
Au fnoment où l’effai paffe, le mouvement eft
| plus lent, & en quelque forte plus pâteux 5 les
bandes colorées font moins nombreufes, plus obf-
cures , & durent moins long-tems.
TROISIÈME REMARQUE.
Un phénomène plus remarquable que les pré-
cédens, & plus propre en même tems à fervir de
! preuve de l’exiltence du platine , c’eft qu’après
avoir préfenté foiblement les couleurs de l’iris,
l’effai ne fe découvre point, & fa furface ne devient
pas brillante comme celle des effais d’or &
d’argent ; elle refte, au contraire, matte & terne.
QUATRIÈME REMARQUE.
Quand l’effai contenant du platine a eu afféz
de chaleur pour bien paffer, fi l’on examine avec
attention , l’on remarquera que les bords du bouton
font plus épais & plus arrondis que ceux dés
effais communs , que fa couleur eft d’un blanc
plus mat & tirant un peu fur le jaune, & que fa
furface eft en tout ou en partie criftallifée.
A la vérité, ces effets varient en intenfité fui-
vant les proportions où fe trouve le platine avec
les autres métaux ; mais ils font fenfibles même
à la dofe de dix millièmes, & il eft probable que
la fraude ne pourroit, avec quelqu’intérêt, introduire
ce métal dans l’o r , beaucoup au deffous de
ce terme ; car les foins que cette opération exi-
geroit, & les dangers auxquels s’expofe celui qui
la feroit, ne l’ indemniferoient pas fuffifamment.
Les boutons compofés d’or , d’ argent & de
platine fe forgent allez facilement, & il feroit
difficile de reconnoître leur altération par cette
feule opération mécanique ; ils fe laminent aufli
très-aifément ; cependant les lames qui en proviennent
, ont plus de roideur & d’élafticité que
celles des effais d’or.
CINQUIÈME REMARQUE.
Il y a auffi quelques remarques à faire lorfqu’on
oaffe les cornets à l'eau-forte. Si le platine excède
vingt millièmes la liqueur prend une couleur jaune
di paille, qui augmente avec la quantité de platine
: mais au deffous de ce terme , l'eau-forte ne
donne pas de lignes fenfibles de coloration.
- SIXIÈME REMARQUE.
Pefidant le départ, les cornets prennent une
couleur verte brunâtre s’ils contiennent du platine
au-delà de cent vingt millièmes, & feulement
deux fois & un cinquième leur poids d’argent :
cette couleur ne fe manifefte pas d’une manière
bien diftinde au deffous de vingt millièmes.
On éprouve beaucoup de variations relativement
à la couleur & à la furcharge ou augmentation
des cornets après le départ & le recuit : ces
variations paroiffent dépendre , i°. de 1 épaiffeur
plus ou moins grande que 1 on donne a la matière
par le laminage 5 20. du recuit plus ou moins fort
qu’ils fubiffent enfuite; du degré des eaux-
fortes employées au départ ; 4°*, enfin a la proportion
relative de chacun des métaux qui entrent
dans l’alliage.
Lorfque le platine ne s’élève pas au deflus d’un
dixième, l’on peut parvenir, à l'aide d’un laminage
mince & d’un récuit un peu fort, à enlever
la totalité de ce métal à l’or, fans même employer
d’autres moyens que ceux qui font en ufage pour
les effais d’or fin ; mais s’il pafle cette limite , il
eft extrêmement difficile de l’emporrer complètement
, & fi la dofe va jufqu’au quart de l’or, la
chofe devient abfolument impoffible par la méthode
ordinaire.
Tillet, dans un Mémoire très-détaillé fur la
manière dont fe comporte avec l’ eau-forte le platine
allié à l’ or & à l’argent, affure qu’il eft toujours
parvenu à féparer exactement ce métal
étranger en laminant mince, en employant l’acide
d’abord foiblè, enfuitë plus fort-, & en
faifant bouillir long-tems trois fois de fuite. Tout
en convenant que ces difpofitions font favorables
au but propofé , je penfe cependant que la chofe
eft impraticable lorfque la proportion de platine
paffe un dixième de fon alliage avec l’o r , & qu’on
n’emploie que la quantité d’argent accoutumée.
J?ai fait plufieurs effais à dix, à vingt & même
quarante millièmes de platine, & je n’ai pas eu
de furcharge dans le cornet en fuivant les procédés
ufités ; mais à cent millièmes, j’ai eu une augmentation
de quelques millièmes ; & lorfque Je
rapport de platine va jufqu’à deux cent cinquante
millièmes, la furcharge s’eft élevée beaucoup plus
haut encore , quoique ces derniers euffent été
traités abfolument comme les précédens.
Je ne donnerai ici aucune explication de la
caufe pour laquelle il y a dans un cas diffolution
complète du platine, & feulement diffolution
partielle & furcharge dans l’autre; cela feroit peu
important pour l’effayeur qui ne cherche que le
réfultat, fans s’embarraffer delà puiffance qui le
produit ; il fuffit qu’il fâche que quand le platine
ne furpaffe pas les trente à quarante millièmes de
fon alliage avec l'or , ce dernier n’en garde point
fi le départ eft fart avec les précautions nécef-
faires ; que lorfque ce métal eft au deflus de ce
terme, la fraude devient trop fenfible & trop évidente
pour qu’il ne s’en apperçoive pas , i°. par
la plus grande, chaleur que l'effai demande pour
paffer & prendre line forme arrondie; 20. par
rabfence de l’éclair; 30. par la furface criftallifée
& la couleur blanche & matte du bouton ; 40. par
la couleur jaune de paille, plus ou moins foncée,
qu’ il communique à l’ eau-forte pendant le départ;
5°. enfin par la couleur jaune-pâle, & tirant au
blanc du cornet quand il eft recuit.
Je dirai feulement , d’après des expériences
pofitives plufieurs fois réitérées, que fi le platine
fait lé quart de l’o r , il faut y mettre au moins
trois fois le poids de l’alliage d’argent fin, laminer
mince, recuire un peu fort, faire bouillir pendant
une demi-heure dans la première eau, & au moins
un quart d’heure dans la deuxième, pour que l’acide
puiffe diffoudre la totalité du platine. On
verra un exemple de cette affertion à l’article de
l ’effai du doré qui fuit.
De l 'ejfai du doré, foupçonnè contenir du platine.
C ’eft particuliéremént fur les lingots de doré
que la mauvaife foi a cherché à tromper en intro-
duifant du platine dans ces métaux, parce qu’elle
; s’ eft imaginée que l’o r , reliant le plus louvent en
poulfière , mafqueroit en quelque forte, fans l’al-
: térer lui-même, la préfence du platine, & que
j l’effayenr pourroit par-là tomber dans une erreur
préjudiciable à l’acheteur s’il ne fe tenoit en garde
contre ce délit.
Pour favoiràquoi s’en tenir à cet égard, j’ai
? compofé un lingot avec quatre-vingr-dix-huit millièmes
d’or fin, cinquante de platine & huit cent
cinquante-quatre d’argent.
Après avoir fondu deux fois , forgé & laminé
; ce lingot, plufieurs effais ont été pefés & coupellés
à l’ordinaire. L’oeuvre a bien paffé, mais
il n’a point été agité de ce mouvement rapide
que préfentent les effais de doré ; les couleurs de
l’iris n’ont point été aufli vives, & l’éclair n'a
pas eu lieu ; les boutons étoient plus arrondis,
leur bord plus épais, & leur furface parfaitement
criftallifée. Ces boutons, laminés & recuits, ont
paffé à l’eau-forte fuivant les règles preferites :
* bientôt celle-ci a pris une couleur jaune , le cornet
s’eft réduit en poudre, dans laquelle on re-
marquoit quelques particules plus foncées en cou-
i leur & plus légères.
Les pouflières lavées & recuites avoient une
couleur jaune tirant un peu fur le brun, & on y
diflinguoit facilement, à l’aide d’une loupe, des
parties noirâtres qui reflembloient à du platine