
qu’il obtenoit, devoit fe diffoudre tout entier dans
le vinaigre s’il n’étoit que du fébate de plomb,
& ne pas s’y diffoudre entièrement s’ilètoit mêlé
de fulfate de plomb.
M. Guy ton a décrit un autre moyen plus facile
& plus Ample pour obtenir l’acide fébacique. Ce
moyen coniifte à traiter la graijfewec la chaux vive,
en mêlant cette terre cauftiqüe en poudre avec la
graijfe fondue : on laiffe refroidir le mélange, on
lave ce favon à grande eau, on filtre & on évapore
la leflive : le fébate calcaire brun, qui en eft Je
produit, eft fortement calciné dans uncreufet:
-on le leffive, on filtre la dilfolution, on en fépare
la chaux furabondante par l’acide carbonique, on
l ’évapore enfuite $ & en diftillant le fébate cal-
.caire blanc & pur qu’elle fournit avec de l’acide
fulfurique, on obtient de l’acide fébacique pur.
J1 me paroît évident qu’ic i, comme dans tous les
cas precédens,l’acide fébacique eft le produit de la
grande altération que fubit \i graijfe par le feu,qu’il
.n’eft pas tout contenu dans la graijfe , que les calcinations
que fubiffent les alcalis & la chaux , ainfi
que la graijfe , lorfque, fous le prétexte de puri-
fter-le fel, on le chauffe très-vivement, font lés
vraies caufes & en même tems les témoins de la
formation de l’acide fébacique. Ce n’eft, fuivant
moi, ni un fébate de potaffe ni un fébate de chaux j
ce n’eft point un fel, mais un véritable favon adipeux
que l’on chauffe, & qui , laiffant alors l ’huile
animale fe décompofer, permet àla fubftance ter-
xeufe ou alcaline d’abforber & de fixer la portion
À 'acide fébacique qui s’eft formée. Aucun fait ne
prouve que la graijfe pure contienne cet acide : ce
.n’eft que par une théorie hafardée qu’on l'admet,
& tout prouve au contraire que pour le préparer il
faut décompofer la graijfe & en combiner dans un
.autre ordre les principes conftituans.
19. Crell a extrait un peu moins du quart du
poids de la graijfe en acide fébacique , en la traitant
fuivant le procédé indiqué. En examinant cet
acide par divers moyens, il a commencé par croire
qu’il étoit le même que le muriatique, parce
qu’il lui avoit donné avec la foude un fel fufible
fans décompofition au feu j parce .qu’il agit fur
l’or à l’aide de l’acide nitrique ; parce qu’il précipite
le nitrate d’argent, fe fublime avec le mercure;
parce que fa dilfolution n’ eft pas décomposée
par le muriate de foude, & parce que fon
union avec l ’antimoine eft précipitée par l’eau.
Mais M. Guyton , en comparant fous d’autres rapports
cet acide fébacique à l’acide muriatique, lui
a trouvé plus de différence que de reffemblance;
il obferve d’ailleurs judicieufement qu’une feule
propriété chimique le feroit différer afféz pour
empêcher de les confondre jamais. Suivant lui l’acide
fébacique uni à la foude criftallife en'aiguilles
& non en cubes, comme le muriate de foude : il
ne forme point de fel déliquefcent avec le fer ; il
attaque le mercure coulant 5 il précipite le muriate
oxigéné de mercure, ainfi que le .muriate de foude,
dont il retient la bafe en dégageant fon acide par
ladiftiüation ; enfin, on ne décompofe pas l’alun
par le fébate de chaux ; ce qui eft encore un des
caractères les plus diftinCtifs de cet acide. M. Guy-
ton , d’après ces principales différences, ne balance
pas à le croire un acide particulier, différent
de tous ceux qui font connus jufqu’ici.
20. L’acide fébacique paroît fe former généralement
par la décompofition de tous les corps
huileux , puifque M. Crell la obtenu en diftillant
du beurre de cacao ; cependant il eft plus facilement
& plus abondamment produit par toutes les
graijfes : c’eft ainfi que le chimifte allemand cité
en a retiré fpéçialement du blanc de baleine. Quoique
la nature intime de l’acide fébacique ne foit
pas encore déterminée, ce qu’on fait de fa formation
permet de foupçonner qu’il n’eft pas, comme
les acides prufiique & zoonique , un véritable produit
animal, un compofé de radical triple d’hydrogène
de carbone & d'azote , unis tous enfem-
ble à l’oxigène. De quelque nature qu’il foit, voici
les propriétés qui le diftinguent & le caraétérifent.
Il a une odeur fuffocanre, âcre , qui irrite les yeux,
les narines & la gorge, & qui le fait facilement
reconnoître. Il exhale une vapeur ou fumée blanche
quand il eft bien concentré 5 il reffemhle par
fa confiftance & fon afpeét, à un liquide huileux ,
& il montre ainfi fon origine, à la vue. Il rougit
fortement la teinture de tournefol, & fenfible-
ment même celle des violettes. Il eft très-volatil,
prend une couleur rougeâtre par le feu , & laiffe
a chaque diftillation employée pour le reébfier, un
liquide brun ou une trace charboneufe quand
on pouffe l’opération jufqu’à ficcité. Il fe décqi^-
pofe entièrement dans un tube rouge, & fe change
en eau , en acide carbonique, en gaz hydrogène
carboné & eh charbon.
21. Ses combinaifons avec les bafes alcalines
& terreufes ou les fébates, ont des traits de reffemblance
avec les acétites , fuivant Bergmann.
M. Guyton obferve cependant qu’ils font plus
fixes au feu & moins altérables à l’air. On n’a point
encore bien décrit les efpèces de ces fels : on fait
feulement que la plupart font criftailifables en lames
, affez bien diffolubles, décompofabies par
l’acide fulfurique. Il paroît auflî que l’ordre des
attractions de l’acide fébacique pour les bafes,
préfente de fuite la baryte, la potaffe, la foude, la
ftrontiane, la chaux , la magnéfie, la glucine, l’alumine
& la zircone, comme la plupart des acides
puiffans, & furtout des acides fulfurique, nitrique
& muriatique. Il y a quelques faits remarquables
recueillis fur les attractions de plufieurs fébates.
La diffolution de fébate de chaux ne trouble
pas celle de l’alun > ce qui tient à la foible attraction
de l’acide fébacique pour l’alumine: Çet
acide, diftillé avec les fuliâtes alcalins, en dégage
de l’acide fulfureux en fe décompofant. Il précipite
en acidulé tartareux la diffolution de tavtrits
de potaffe. Il décompofe le nitrate l’acétite de
potaffe
potaffe par la diftillation, & ne touche point au
muriate de fouefë. Il paroît être fufceptible d’attaquer
le verre & d’en diffoudre une partie, puif-
qu’il dépolit les vafes dans lefquels on le diftillé,
& dépofe enfuite par la digeflion, de la terre fi-
licee. On a vu le même effet dans l’acide pyromuqueux.
22. L'acide fébacique exerce une aCtion affez
marquée fur beaucoup de fubftances métalliques.
Diftillé fur l'acide arfénieux il le réduit en métal,
comme le font l’ huile & la graijfe entière. Il n’attaque
ni le cobalt, ni le bifmuth, ni le nickel,
même par une longue digeftion. Il précipite la diffolution
nitro-muriatique d’antimoine, qu’à la vérité
l ’eau feule en très-grande quantité décompofe.
Il s’ unit au mercure & à l’argent lorfqu’on
le fait agir fur ces deux corps à l'état métallique.
Le fébate d’argent eft précipité par l’acide muriatique
, tandis que l’acide fébacique décompofe
les nitrates de mercure & d’argent, le fulfate de
ce dernier , & même précipite en blanc la diffolution
de muriate oxigéné de mercure. Il précipite
également le nitrate & l’acétite de plomb,
& non les fulfates & nitrates de zinc, de fer &
de cuivre. Il attaque l’or très-foiblement, mais il
le diffout très-bien quand il eft uni à l'acide nitrique.
C ’eft un des faits qui portoient le plus
M. Crell à trouver une grande analogie entre cet
acide & le muriatique. Uni à l’oxide d’o r , l ’acide
fébacique forme un fel criftallifable , ainfi
qu’avec l’oxide de platine; il précipite l’une &
l’autre de leurs diffolutions nitro-mui iatiques.
Le chimifte allemand , difpofé, d’après toutes
'ffes expériences, à ranger l’acide fébacique dans
la claffe des plus puiffans de ces corps, annonce
même qu’il a de l’aélion fur les huiles j ce qui pa-
roït tenir à fa nature huileufe, & qu'il eft parvenu
à obtenir de l’éther en traitant l'alcool avec cet
acide.
23. M. Thénard a configné les détails fuivans
fur l’acide fébacique, dans les Annales de Chimie,
tom. 39, pag. 194. Thermidor an 9.
a. Procédés pour obtenir Vacide fébacique, & propriétés
caractérijliques de cet acide.
« J’ai diftillé, dit-il, une affez grande quantité
de graijfe de porc ; j’ai traité , à plufieurs reprifes ,
le produit par l’eau chaude, & j’ai verfé dans la
liqueur de l’acétite de plomb : il s’eft formé un
précipité floconeux qui a été recueilli & féché :
•je l’ai introduit dans une cornue avec de l’acide
fulfurique , & j'ai chauffé. La liqueur du récipient
n'avoit aucun caractère acide, mais il fur-
nageoit, dans la cornue , une matière fondue ,
analogue à la graijfe, que j’ ai féparée avec foin, &
qu’après avoir bien lavée j’ai fait bouillir avec de
l’eau. A l'aide del’ aétion de la chaleur, l’eau l'a
totalement diffoute, & par le refroidiffement il s’eft
•dépofé des aiguilles criftallines ayant peu de con-
CatMiE, Tome 1K,
fiftance : ces aiguilles étoient acides, &■ jouiffoient
de caractères tout particuliers. Pour m affurer
qu’elles n’étoient pas le produit de l’acide fulfurique
, j’ai traité de la graijfe djftillée par l’eau ;
: j'ai filtré, fait évaporer la liqueur, & j’ai obtenu
des aiguilles présentant ablolument les mêmes
propriétés.
»» Pour fe procurer cet acide , on peut encore,
fi l’on veut, après avoir traité par l’eau la graijfe
diftillée, faturer la liqueur filtrée par de la po-
taffé , 1a faire évaporer , & y ver fer une diffolution
de plomb. Il fe fait un précipité qui eft un
fébate de plomb, qu’on traite comme ci-deffus
par l’acide fulfurique. Tels font les trois moyens
que l’on peut employer pour obtenir l’acide fébacique.
Voici les propriétés dont il jouit.
« 11 eft fans odeur ; il a une faveur légèrement
acide ; il fe fond comme une efpèce de graijfe ; il
rougit affez fortement la teinture de tournefol >
il eft bien plus foluble à chaud qu’à froid. L’eau
bouillante , faturée d’acide fébacique, fe prend en
malle par le refroidiffement : l’alcool en diffout
une grande quantité > il criftallife en petites aiguilles.
Avec des précautions, on peut l’obtenir
tous la forme de longues, larges & belles lames’
très-brillantes 5 il précipite l'acétite & le nitrate
de plomb, le nitrate d’argent, l'acétite & le nitrate
de mercure 5 il fature la caufticité des alcalis,
& forme avec elle des fels folubles. Avec la poj
ta'ffe, il donne naiffance à un fel qui n’attire point
l’humidité de l’air, qui a peu de faveur, & qui,
lorfqu’on y verfe de l ’acide fulfurique , nitrique
ou muriatique, fe trouble & dépofe de l'acide
i fébaciqué : fi fa diffolution eft concentrée , mêlée
avec l’un de ces acides , elle fe prend en maffe ;
! enfin, il ne trouble point les eaux de chaux , dé
j baryte & de ftrontiane. Ces propriétés le diftin-
| guent de tous les autres acides, & prouvent évi-
! demment que c’eft un acide particulier.
i b. Moyen de féparer l'acide acéteux du produit de la I diftillation. de la graijfe.
»■> On traite par l’eau le produit de la graijfe dif-
tillée; on fature la liqueur ^ar la potaffe, & on
fait évaporer. Quand la matière eft fèche, on l’in-
! troduit dans une cornue avec de l’acide fulfurique
affoibli, ou de l’acide phofphorique , & on dif-
j tille ; on obtient un acide qui a tous les carac-
; tères de l’acide acéteux ; il forme , avec la po-
j taffe, un fel feuilleté. Ce fel eft fufceptible de
fe fondre par la chaleur. Expofé à l'air, il tombe
promptement & totalement en déliquescence ; fa
faveur eft extrêmement piquante j il tonne, avec
I une diffolution de nitrate de mercure , un préci-
! pité criftallife en paillettes. Lorfqu’on verfe defius
de l’acide fulfurique , il fe dégage abondamment
! de l’acide acéteux. Quèlquefois l’eau avec laquelle
on a traité le produit de la graijfe diftillée , ns
j contient prefque que de l’acide acéteux, de forte
O o o