
dernière, de véritable pare, liée, duiftilè, & ne
donne une quantité femblable de glutineux quand
on la lave avec l'eau ajoutée peu à. peu.. A peine
en trouve-t-on quelques,.traces dans les farines- du
feigle & de l'orge,-qui fe rapprochent cependant
le plus de celle de froment par leur propriété de
faire pâte, par la ténacité & le liant qu'elles
prennent dans leur pétriffage. On n’en rencontre
aucun yeüige dans les farines de riz, de mais, de
millet, &c. On-juge aifément de la petite proportion
de glutineux contenue dans ces diverfes
efpèces de farines, par la nature de la pâte qu'on
en obtient en les pétrifiant. Moins elles en contiennent,
& plus la pâte qu’elles donnent, eft
feche , caftante, non ductile , difficile à pétrir,
plus elle fe fendille, fe defleche & fe couvre
d'une croûte fragile à fa fur face j moins encore
elles fe foulé vent en les gardant à quinze degrés
de température.
12.. La propriété de faire une belle pâte eft
tellement liée à la prélence du glutineux dans la
farine de froment, que cette farine elle-même
pvéferite dans cette propriété, des variations relatives
à la quantité de ce corps quelle contient.
On peut en effet juger de la bonté de cette farine,
de la maturité & des bonnes qualités du
blé qui la fournit, foie par la manière dont elle
fe comporte au pétriiïage , foit, & ce dernier
moyen eft beaucoup plus fur quë le premier, par
1 ■ proportion de glutineux qu'on en extrait i l’aide
du procédé que j'ai décrit. Les chimiftes ont déjà
trouvé des différences notables entre les diverfes
efpèces de farines de froment, fuivant leurs qualités,
'la nature du blé, cel!e du terrain où il a
crû , celle de l'année & des faifons pendant lef-
quelles il a végété j & il eft fort à defirer qu'on
continue les recherches fur ce point, puisqu'il
peut fournir un moyen affuré pour, diftinguer la
qualité des farines, & pour déterminer leur propriété
nourriffante. Beccari a déjà obfervé que
la proportion du gluten varioit dans la farine de
froment, d'un cinquième à un tiers. A mefure que
la farine de froment s'altère & fe détériore, ce
qui lui arrive, comme on le fait, lorfqu’on la
gai de trop comprimée, fans la remuer & l'aérer,
dans des magafîns chauds & humides ; à mefure
qu’elle s'échauffe , qu’elle prend de l’odeur,
qu’elle fermente en un mot, elle diminue en
même proportion dans la propriété de donner du
gluten ; & quand elle eft très-altérée , elle n’en
fournit plus que quelques flocons détachés qu'on
ne peut plus rapprocher , dont on ne peut plus
faire une feule mafle, un tout duétile. Auffi cette
opération , fi fimple & fi facile d’extraire le gluten
de la farine, devient une épreuve rigoureufe
& exaéfce pour reconnoître la bonté, la qualité &
le bon ou le mauvais état de cette matière utile.
13. Le glutineux, convenablement préparé, ne
refîemhle à aucune autre matièrè- végétale c'eft
un corps mou, tenace, collant aux doigts lorfqu’ils
font fecs, élaftique, fufceptible de s’alon-
ger quand on le tire , & fe remettant dans fon
premier, état lorfqu'il ce fie d'être tiré j d’une couleur
grifâtre, d'une faveur fade, & d’une odeur
à peu près femblable à celle de la liqueur fper-
matique de l'homme, ou des os râpés, fortement
frottés.
14. La propriété élaftique du glutineux eft celle
qui caraêtérilê cette fubftance de la manière la
plus fingulière. Quand on Talonge avec la main ,
elle s’aplatit & s’amincit en s’étendant ; elle prend
la forme & l'apparence d’une peau blanche, brillante
& farinée, comme les aponévrofes ou les
membranes animales. On lui reconnoît alors un
tiffu fibreux, dont les filets femblent entrelacés
& crqifés les uns dans les autres.
ij. Sa propriété collante & la forte adhérence
qu’il contracte avec beaucoup de corps eft encore
un de fes caractères les.plus prononcés. Lorfqu’on
veut le détacher d’une fubftance quelconque fur
laquelle il eft dépofé, il s'étend en filamens détachés
le.s uns des autres, & qui imitent les tiffus
feutrés : fou feul afpedt fuffit pour le rapprocher
des fubftances animales avec lefquelles on lui reconnoît
promptement une analogie frappante. Elle
devient caftante par la defiiccation, & reffembie
alors à de la colle-forte.
16. Le glutineux fe colore en jaune & en brun ,
& femble fe couvrir d'une couche d'huile par fon
expofîtion à la lumière. Quand on l’expofe à un
feu doux , il fê foulève, fe bourfoufle , s’écarte,
& fe remplit de cavités ou de bulles j il fe def-
fè.che enfin fans prendre beaucoup de couleur,
en confervant le gris qui le.diftingue ; il devient
caffant & inaltérable à l’air, comme de la colle-
forte. Toute fa duCtilité & fonélafticité difparoif-
fent. Sur un charbon ardent, ce gluten fec s’agite
comme une fibre animale, fe fond, s’allume &
brûle en fe bourfouflant avec une odeur fétide. Si
on le diftille fec dans une cornue, il fournit peu
d’eau ammoniacale, de l’huile brune , fétide ,
épaiffe Ôc abondante, beaucoup de carbonatè d’ammoniaque
folide & criftallifé, un peu d'acide pruf-
fique également dans l'état ammoniacal, du gaz
hydrogène carboné huileux > il refte un charbon
difficile à incinérer, qui monte à une quantité af-
fez notable, pu.ifqu'elle va à près d’un cinquième
du poids du glutineux., Ces produits ont tous l’odeur
défagréable de ceux des matières animales
mifes en diftillation i en forte qu’on pourrait les
confondre, & qu’on conçoit très-bien pourquoi
les premiers auteurs ont appelé cette fubftance
végétQ- uni male.
17. A l’air, le glutineux fe deffeche quand il
fait très-fec & qu’il eft en petites couches. Si
l’air eft humide èz le glutineux en maffe , il s'altère,
& s’y pourrit en s’y bourfouflant comme une
matière animale.. S’il n’eft pas entièrement privé
d'amidon, s'il en retient entre fes molécules,
ce dernier, paffant à la fermentation acide, &
retardant la putréfa&ion du glutineux, le, porte à ,
un état très-voifin de celui du fromage. Rouelle
le Jeune'montroit dans fes cours, du glutineux ainfi
préparé, & confei vé à l'aide du fel en une efpèce'
de fromage analogue à celui de Gruyère ou de
Hollande, par fon tiffu, fon odeur & fa faveur.
iS. L'eau ne diffout point le. gluten, & elle
en empêche même l’adhérence avec les corps fur
lefquels il a le plus de difpofïtion à fe coller. On
conferve pendant quelque tems le glutineux au
fond de l'eau, pour empêcher le defféchement
de fa furface fon altération à l’air. Cependant
l’eaii où l’on malaxe pendant quelque tems du
gluten frais précipite enfuite par la noix de galle,
de l’acide muriatique oxigéné ; elle paffe à la pu-,
tridîté : il paroït donc qu'elle contient une petite
quantité de gluten en diffolution.
Quand on fait bouillir de l’eau fur cette fubf-
tance, elle fe ferre fur elle- même & devient plus
folide qu’elle n'étoit : loin de fe divifer &r de fe
diffoudre, elle y perd bientôt fa vifeofité & fon
extenfibilité. En comparant cette aétion de l'eau
à ce qu’elle fait fur les molécules de gluten pulvérulent
dé la farine qu’elle amène en quelque forte
à l'état duétile* on voit que cette matière, dans
ce dernier état, eft faturée d'eau ne peut pas
en prendre davantage. ■
19. Tous les acides très-étendus d’eau, les plus
foibles mêmes, de leur nature, tels que l’acide
acéteux, ramollifferit le glutineux, le diffolvent
& le laiffent enfuite précipiter par les alcalis,
mais fous la forme d'une matière qui a perdu fon
liant & fa du&ilité , & que Macquer croyoit s’être
rapprochée des mucilages. Quand les acides font
concentrés, ils agiffent d’une toute autre ma-
riière fur ce corps. L’acide fulfurique le rend violet,
lé noircit & le charbonne, le déshydrogëne au
point d’en dégager un gaz très-inflammable, & le
convertit en partie en acide acéteux, partie en
ammoniaque. L’acide nitrique en dégage à froid
du gaz azote comme d'une matière animale 5 il le
jaunit, le convertit en partie en acides malique &.
oxalique, & en flocons huileux ou graiffeux jaunâtres
: c'eft ici une analogie de plus avec les
fubftances animales. L’acide muriatique agit auffi
lentement que l’acide fulfurique agit vite, & contient
de .le défendre de fon alteration feptique.- Les
oxides métalliques qu’il réduit plus ou moins, le
décompofent en le brûlant, ainfi que les diffolu-
tions métalliques.
21. Toutes ces propriétés montrent que le glutineux
après un long féjour, du muriate d’ammo-.
miaque.
20. Les alcalis purs & un peu concentrés dif-
folvènt le glutineux à l’aide de la chaleur : on peut
l'en précipiter par les acides , mais il eft altéré &
n’eft plus élaftique. Quand ils font très-concentrés
, ils le convertiffent en une efpèce de favon ,
en lui donnant le caractère huileux, & en en dégageant
de l’ammoniaque dont ils occafionnent
îa formation inftantanée , pendant qu’on les triture
avec le gluten. Les feîs, fi l’on en excepte
le muriate furoxigéné de potaffe, qui, par la feule
preflion, le brûle & l'enflamme avec détonation,
fi’ont d'autre aétion fur lui que de le conferver je
eft un corps très-différent de ceux des autres
matériaux immédiats des végétaux, qu'il fe rapproche
beaucoup des fubftances animales, qu'il
fe comporte comme elles au feu, à l'air, par les
acides' & les alcalis 5 qu'il donne furtout de l'ammoniaque
& de l'huile auffi abondamment que plu-
fieurs de ces, f. b fiances* & qu'outre l'hydrogène,
le carbone & l'oxigène qu’il contient comme toutes
les autres matières végétales, i! recèle parmi fes
élémens, de l'azote qui change fingulière ment fes
propriétés , en lui donnant toutes celles qui le rapprochent
des compofés animaux.
22. Malgré tout ce que les chimiftes ont avancé
depuis quarante ans fur la matière glutineufe, découverte
à peu près à cette époque , & fur fon
exiftence dans divers végétaux ou diverfes parties
des plantes, il eft bien certain qu'il n’y a encore
que la farine de froment d'où on la retire fous la
forme duftile, 'élaftique, extenfible & molle qui
la caraétérife. Il femble même, à cet égard, que
cette plante, l’aliment général de tant d’hommes,
: foit finguliérëment éloignée de tous les autres végétaux
connus , puifqu’elle eft la feule qui donne
ce fingulier produit.
23. Pour fuivre cependant ce que les plus habiles
chimiftes ont ou énoncé ou entrevu fur la
préfence du glutineux dans plufieurs autres végétaux,
j’expoferai comme efpèces :
A. Le gluten élaftique de la farine dé froment *
B. Le gluten filamenteux ou floconeux des ati-
• très farines céréales, furtout celui dont on trouve
quelques traces dans l’orge , le feigle & l’avoine
j
C. Le glutineux des fécules verte s des plantes,
.annoncé par Rouelle le jeune, mais non exactement
prouvé j celui du linge >
D. Celui que M. Joffe dit avoir extrait de l’opium
en le traitant par l’eau à la manière de la
: pâte de farine ;
E. La portion de gluten indiquée dans les fèves
douces ou acides par M. Deyeux;
F. La glu, faite, comme l’on fait, avec les fruits
du gui, avec les écorces tendres du houx & de
plufieurs autres arbres macérés dans l’eau. Quoiqu’on
n’ait pas encore examiné cette fubftance
avec affez de foin, elle prëfente beaucoup de pre-
priétés analogues à celles du corps glutineux.
24. J’ajouterai à cet énoncé, que l’on prépare
en pharmacie fous le nom impropre & erroné de
pâte de guimauve, une forte de matière tenace,
duétile , élaftique & comme glutineufe, avec une
diffolution de gomme épàiffie à l’aide du fucre,
& mêlée de blancs d’oeufs bien battus : à la vérité
! ce mélange eft diffoluble dans l’eau, quoique difficilement.