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Des moyens de déjfaller Veau de la mer.
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On s’eft beaucoup occupé de deflaller Veau de
la mer. Prefque tout ce qu'on a fait à cet égard
étant contenu dans uneDiifertation de Baumé,in-
férée à la fin du troifième volume .de fa Chimie
expérimentale & raifonnée , je donne ici cette Dif-
fertation.
Le navigateur en pleine mer, dit Baumé, manque
fouvent à!eau potable, parce que l'eau douce
qu’on a embarquée eft confommée, ou corrompue
à un tel point, qu’il eft difficile d’échapper aux
incommodités qu’elle occafionne lorfque la né-
ceffité oblige d’en boire. Ces confidérations, &
plufieurs autres qui ne font pas moins importantes,
ont engagé les chimiftes & l^s phyficiens à
chercher les moyens de conferver Veau douce
qu’on embarque, fans qu’elle puiflfe fe gâter,
à trouver quelques procédés propres à féparer le
fel marin de Veau de mer; enfin à rendre cette eau
potable. La plupart de ces recherches ont été in-
fruétueufes, parce qu’elles ont été faites par des
gens qui n’étoient pas fuffifamment inftruits des
principes de la faine phyfique. Quelques-unes des
conféquences qu’ils ont tirées de leurs opérations,
ont meme induit en erreur.
L‘eau douce qu’on embarque dans des tonneaux
de bois, ne conferve pas long-tems fa falubrité.
La première conféquence qu’on en a tirée, a été
que cet élément eft fujet à fe corrompre. Quelques
expériences mal faites ont porté plulieurs phyfî-
ciens à croire qu’il y avoir des eaux douces, quoique
d’égal degré de pureté, qui étoient fufcepti-
bles de fe gâter plutôt les unes que les autres , 8c
on en a conclu qu’il falloit de préférence embarquer
celle qui par hafard avoir confervé plus
long-tems fa falubrité.
Veau douce parfaitement pure eft abfolument
incorruptible, & peut fe garder des fiècles fans
contrarier aucun goût, aucune odeur, enfin aucune
mauvaife qualité, pourvu que le vafe dans
lequel on la conferve foit de nature à ne pouvoir
rien lui communiquer ; mais de Veau chargée de
matières inflammables ne tardera pas à fe corrompre
, quoique confervée dans un vafe qu’elle
ne peut attaquer : ce n’eft pas d’une feinblabie eau
dont nous entendons parler.
Là nature fournit abondamment de Veau affez
pure, qui peut fe garder fans fe gâter : telles font
celles des grandes rivières f des fleuves, & celles
des fources qui coulent dans des terrains fableux.
J’ai confervé pendant quinze années de ces eaux
dans des flacons de criftal, bouchés de criftal,
fans qu’ elles fe foient altérées en aucune manière,
tandis que Veau, également pure, qu’on embarque
dans des tonneaux, fe corrompt même dans I’ef-
pace de huit jours. On doit attribuer cette différence
à la nature du vafe dans lequel on conferve
Veau des embarquemens.
L ’eau qu’on embarque eft contenue dans des
tonneaux de bois de chêne ou de châtaignier.
. C ’eft la fubftaace que Veau diffout du bois qui fe
putréfie, & qui ôte à cette boiffon fa falubrité.
En général, des tonneaux de bois ne font pas des
vaiffeaux propres à conferver de Veau qui n’eft pas
renouvelée tous les jours. Ceux qui font faits de
bois tendre & neuf font encore moins bons. De
pareil bois fournit à Veau beaucoup de matière
extraélive. Des tonneaux qui ont fervi pendant
quelque tems à contenir de Veau , font un peu
epuifés de matière extraélive : ils font, par cette
raifon, en état de conferver de Veau un peu plus
long-tems que les premiers. C ’eft vraifemblable-
ment faute d’avoir fait attention aux différens états
du bois des tonneaux , qu’on a cru conftater, par
des expériences de comparaifon, que certaines
eaux, quoique pures d’ailleurs, n’étoient pas convenables
pour les embarquemens , parce qu’elles
fe font corrompues les premières j ce qui les a fait
rejeter pour toujours.
Des expériences de ce genre , faites dans de
pareils tonneaux, font abfolument illufoires, parce
, qu’il eft impoffible de connoître parfaitement l’état
du bois. Ces expériences ne doivent être faites
que dans des vafes de verre., & bouchés avec des
bouchons de verre. On m’ objeétera qu’il eft impraticable
d’emporter affez (Veau dans des bouteilles
ainfi bouchées pour la confommation de
l’équipage d’un navire ; mais ne feroit-il pas poffi-
ble de faire des tonneaux exprès, & d’enduire leur
intérieur d’un vernis folide qui ne communiquât
rien à Veau, tel qu’eft celui qu’on applique à
certains vafes faits pour fupporter des degrés de
chaleur fupérieure à celle de Veau bouillante ? Ce
vernis ne communique aucun goût aux liqueurs
chaudes qu’on verfe dans lés vafes. On peut encore
fe fervir de tonneaux garnis, dans l’intérieur, de
plomb ou d’étain laminé. Lorfque la furface de
ces métaux eft enduite de la terre fine que dépofe
Veau même la plus pure, ils ne communiquent rien
à Veau. Ces tonneaux métalliques remplaceroient
ceux de verre pour conferver Veau douce des
embarquemens; mais leur poids eft peut-être la,
feule raifon qui a empêché qu’ on s’en fervît.
Plufieurs habiles phyficiens ont donné différens
procédés pour ôter à Veau douce corrompue
fes inauvaifes qualités, ou pour retarder la corruption
de celle qu’on eft dans l’ ufage d’embarquer
dans des tonneaux de bois. Boerhaave,
Chemia , premier volume, page 319, édition de
Paris ,in -4 ° ., recommande de faire bouillir Veau
corrompue, & d’ajouter un peu d’eiprit de vitriol
j à celle dont on veut retarder la putréfaélion.
j De flan des , Hifioire de VAcadémie, année 1722,
j page 9 , obferve qu’il règne dans le fond de cale
où l’on place Veau, une chaleur égale à celle de
l’été. Cette chalèur eft favorable à là génération
| des infe&es & à la putréfa&ion des fubftances
i dont Veau eft chargée. Il recommande-de foufrer
les tonneaux ayant & pendant qu’on le« remplit
d’eau,
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d’eau, 8c d’ajouter de l’efprit de vitriol à cette
même eau renfermée dans les tonneaux. L’intro-
duétion des acides minéraux dans Veau eft reconnue
très-propre à retarder.la putréfaction de celle
qu’on embarque. Le doéteur Haies, dans un ouvrage
traduit de l’anglais, qui a pour titre lnf-
truftions pour les mariniers, contenant la manière de
rendre l eau de mer potable, 6* celle de conferver Veau
douce, &c. recommande & détermine même la
proportion d’efprk de vitriol qu’il convient d’ajouter
a l eau ; mais ces additions d’acides minéraux
a 1 eau dont on fait ufage habituellement,
ne font pas elles-mêmes toujours abfolument falu-
bres ; ainfi l ’intention n eft point remplie (1).
On a cherché les moyens d’enlever à Veau de
mer fa falure, & de la rendre potable par des opérations
qui fufient praticables dans les navirefc &
pendant la navigation. La filtration paroît être un
des premiers moyens qui ait été propofé. Pline,
Hifioire naturelle, liv. XXXI, dit que fi l’on plonge
dans la mer des boules dè cire creufes, elles fe
îçmplifiTent d eau douce. On trouve le même procédé
indiqué dans les Tranfaftions pkilofophiques, !
année i66j , n°. 7. La cire ne laifïe pas ainfi filtrer
de 1 eau, 8c celle qui peut palier au travers de fes
pores, n eft point différente de ce qu’elle étoit
auparavant. Pour que de Veau puiffe fe filtrer, il
faut que les pores du corps au travers duquel on
la fait palier, foient de nature à être mouillés, &
que Veau puiffe adhérer à ces mêmes pores, comme
elle adhère à dès tuyaux capillaires, fans cela
point de filtration.
Lifter, dans les mêmes Tranfaftions philofopki-
ques, année i6 8 |, n°. 1 j 6 , propofe une diftilla-
11011 de Veau de mer qu’il prend pour
une filtration. Son moyen confilte à mettre Veau
de mer dans une cucurbite de verre avec de Valgue
marine ou d’autres plantes du même genre, & de
couvrir ce vaiffeau de fon chapiteau; il s’élève,
dit-il, de Veau douce dans le chapiteau. Cet effet
qu il attribuoit à une filtration de Veau de mer au
travers des pores de la plante, n’eft rien autre
chofe qu’une diftillation infenfible, parce que la
Plante eft entièrement plongée dans Veau, & que
1 auteur nè fait ufage d’aucune chaleur autre que
celle qui règne dans l’air environnant pour produire
la diftillation qu’il nomme filtration. (Voyez
Colle ft. académique , partie étrangère , tome VII
page ii6 . ) 5
Leibnitz, Ailes de Leipfick, décembre 1682,
oC Coll eft. academique, partie étrangère , tome VII
(1) On allure que du lait de chaux clair, promené dans
ies futailles neuves, & y ayant dépofé un peu de chaux
eteinte, qui s’applique exactement au bois par la deflic-
cation, eft un moyen certain de conferver l’eau à la
uacr. U paroît même que quelques expériences heureu-
les ont déjà montré l ’avantage de ce procédé. C’eft: aux
rnar,1)S s a^ulV ce fait Par de nouvelles expériences,
(Note de L‘auteur du Diftionnaire. )
Chimie. Toih. IV .
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page 442 , préfume que la diftillation peut rendre
' \Uc f me-r- Pota^ e >. mais il a plus de confiance
a la h.tration au travers de différens intermèdes.
Parmi ceux qu il indique , il y en a qui font dangereux,
& qu on devroit rejeter quand même ils
auroient Ja propriété qu’il leur fuppofe. Il penfe
que de l eau de mer qu’on feroit paffer, à l’aide
d une machine de compreffion ou d’afpiration, au
travers de la litharge ou d’autres chaux de fa-
turne, fe deflaleroit. & deviendroit potable. Il
parole que les moyens dont on vient de parler,
n ont été que des idées qu’on n’a jamais foumifes
a 1 expérience. Une feule auroic fuffi pour con-
\ruijacre leurs auteurs * que de l’eau de mer ne peur
fe débarrafler, par la feule filtration, du fel quelle
tient en dilfolution.
Quelques perfonnes avoient avancé que de
1 eau de mer pouvoit fe filtier aq.travers du verre ,
. & fe defîaler en plongeant des bouteilles vides &
bien bouchées à differentes profondeurs dans ia
mer. M. de, Colfigny fit, fur. cet objet, une belle
fuite d’expériences qui font le fujet d’un Mémoire
infère dans le ttoifième volume des Savans
etrangers. Il réfulte des expériences de M. de Cof-
figny, que des bouteilles, plongées dans la mer à
cent trente ou cent quarante’ brades, fe caffenr
parla preflion du poids de Y eau, lorfque le bouchon
réfifte ; que celles qui ne fe caffenr point,,
& dont le bouchon s’enfonce, fe rempliffent
d’eau falée, qui ne diffère point de celle puifée à
la furface de,la mer. Enfin, M. de Coffigny a
plonge a de. pareilles profondeurs des globes de
verre prefque ronds, & n’ayant aucune ouverture.
Quelques-uns de ces globes ont cafié; mais
ceux qui font reliés fains & entiers, ne conte-
noient abfolument aucune goutte d‘eau. Il en a
été de même des bouteilles ordinaires lorfque
les bouchons ont bien réiïfté à la preflion de
l’eau. Ces expériences conftatent que l’eau ne
peut paffer au travers, du verre.
L abbé Nollet difoit, dans un cours dephyfî-
fique expérimentale qu’il faifoit au collège de Na-
y.arre ! <lue ; conjointement avec de Réaumur,
ilavoft filtré de l ’eau de mer dans un tube de verre
difpofé en zigzag, rempli de fable fin, & formant
une longueur de mille toifes, & que Veau en éroit
fortie tout aufli falee. qu’elle y étoit entrée.
Toutes ces expériences prouvent donc que la
filtration eft incapable de deflâlér Veau de mer;
ce qui eft abfolument conforme à la théorie. En
effet, Veau & le fel font tellement combinés, que
Veau porte toujours avec elle, au travers dés pores
par où elle paffe, le fel dont elle eft chargée.
; Les Ailes de.Leipfick ( fepteir.bre 1697 ) , ou
ColleSt. acad. part, étrang. , tome V I I , page 471 ,
font mèntion d’une obfervation très-connue aujourd’hui
, mais qui devoit être fort intérefiante
dans ce tems-la, & qui peut avoir fon application
dans certaines circonftances. Samuel Reyer
remarque que de Veauderner qui fe gèle, fournit de