
uct préfente encore des différences très-connues '
dans leur aétion réciproque. j
» Il ne faut pas attendre moins de variétés dans }
les expériences, de l’expofition des corps qui y *
font fournis à l'ombre ou à la lumière, furtout
aux rayons du foleil. Les recherches de Schéele
opt averti les chimiftes, qu’ils dévoient faire autant
d’attention à cette expofition, que les botaniftes
en font pour les plantes. Combien de fois n’ai-je
pas eu occafion de faire voir dans mes cours l’influence
de la lumière fur les huiles animales, fur
les oxides métalliques, fur les couleurs des poudres
végétales confervées dans des vaiffeaux tranf-
parens ! J’ai furtout démontré & je démontre j
tous les ans la prodigieufe adion_de la lumière j
fur le muriate d’ argent humide contenu dans des !
verres, & encore recouvert du liquide où il s’eft j
formé. On voit conftamment le côté le plus éclairé j
de cette fubftance noircir en quelques minutes,
tandis que l’autre conferve encore fa blancheur.
35 Enfin, le voifinagfe de quelque corps ou de
quelque fubftance chimique n’eft nullement indifférent
dans beaucoup d’expériences î des vapeurs
alcalines ou acides qui s’échappent d’un flacon
mal bouché, du gaz hydrogène Ample ou fuifuré,
qui s’exhale des difïolutions métalliques ou de celles
des fulfures Se hydrofulfures; l’arome des eaux
diftillées, l ’éther, les huiles volatiles, l’odeur des
corps en putréfaction 5 enfin, quelque fluide répandu
dans l’atmofphèrê d’un laboratoire par l’action
du feu qu’on lui fait fubir, ou par celle de
l’atmofphère, dont la chaleur fuffit pour en vola-
tilifer une partie, donnent fouvent naiffanee à des j
phénomènes qui ne dépendent point uniquement j
des matières que l’on met en contaCt. C’eft par
une caufe pareille, qu’un fuîfure & un hydrofui-
fure liquides fedécompofent promptement, qu’un
f©i terreux & une diffolution métallique fe troublent,
que les couleurs éprouvent des altérations
inattendues, fans qu’on puiffe fouvent en trouver
la véritable raifon. C ’eft par une caufe de cette
nature , que les muriates métalliques déliquefcens
exhalent une vapeur blanche très-abondante , &
paroiffent fumer aux yeux des perfonnes qui ne
connoififent point encore bien les théories chimiques
dès qu’on débouche un flacon d'ammoniaque,
quoique ces corps foient à dix ou douze
pieds dediftance l’un de l’autre. Dans ce cas, l’ag-
grégation eft détruite par la force d’affinité, qui eft
tr^s-confidérabîe ; l’ acide muriatique eft féparé du
criftal par l'attraction chimique, & il fe dégage
dans l’état de gaz qui, s’emparant de l’eau de
l’atmofpheEe, paroît fous la forme de vapeur.
» Je le demande aux chimiftes., même les plus
inftruits & les plus exercés, n’eft-il pas très-difficile
de prévoir & d’apprécier exa&ement toutes
ces circonftances? Et s’il eft prouvé que chacune
d ’elles peut modifier d’une manière particulière la
même expérience, n’eft*ce pas à leur exiftenceque
doiventprefque toujours être attribuées le? variétés
fans nombre que préfentent les combinaifons
pareilles en apparence ? Telle eft une des fources
de la diverfité des opinions & de la différence des
réfultats que deuxou plufieurs chimiftes ont fur le
meme fait. Cela nous avertit que , dans des expériences
n o u v e lle s ,q u i n’ ont encore été tentées
par perfotine, telles que celles qui font I objet des
recherches chimiques particulières , on ne fauroit
„mettre une attention trop fcrupuleufe à toutes les
circonftances extérieures, dont l’influence furies
opérations phyfiques eft fi bien démontrée aujourd’hui.
»Si l'art expérimental ne préfentoit que cette
fource d’erreurs, d’incertitudes & de difficultés,
on pourroit efpérer de parvenir à la détruire ou à
la diminuer au moins beaucoup, en obfervant avec
l'exactitude la plus minutieufe toutes les circonftances
extérieures dont je viens de donner le dénombrement.
Mais il en eft plufieurs autres qui
concourent en même,tems\à augmenter les difficultés
de cet art, & qui font d’autant plus embar-
raffantes à connoïtre, qu’elles font plus cachées.
Telle eft, par exemple, la nature des diffolvans
; chimiques dont on fe fert, des acides, des alcalis,
: des fubftances terreufes, des fels neutres,&c.C’eft
fur ce point que je crois devoir particuliérement
; infiller. Les chimiftes ont tous fait connoïtre la
néceffitè de fe procurer ces diffolvans, ces réaéfcifs
ou ces agens primitifs dans le plus grand degré poffi-
ble de p areté; mais iis n’ont pas affez travaillé, j’ofe
le dire, fur les moyens de les obtenir tels. Rien
n’eft fi rare que des acides & des alcalis bien purs :
, j’efpère même démontrer qu'il n’y a peut-être pas
eu encore d’alcali fixe cauftique', fec &r parfaitement
purifié dans aucun laboratoire ( 1). Les acides
font tous mêlés enfemble , & altérés par des corps
combuftibles, terreux > des fels , &c. En lescon-
fidérant dans trente laboratoires différens, on peut
affurerque ce font autant d’acides particuliers,
quoiqu’ils portent le même nom. Les procédés pour
les purifier font longs, difficiles, & ne réiiffiffent
pas conftamment 5 les carbonates de potaffe & de
foude peuvent être dans un grand nombre d’étés
différens, relativement à la quantité d’acide carbonique
qu’ils contiennent , & , dans chacun de
fes états, ils agiffent certainement fur les corps
fimples & compofés d’une manière particulière.
(1) Cette affertion , qui pourra paroître fingulière, étoip
fondée, en 1784 , fur des expériences que i'avois faites
conjointement avec le duc de Laroehefoucault, pour obtenir
de la pierre à cautère, bien cauftique 8c bien blanche j
je ne connois,, difois-je alors., aucune opération plus: difficile
, plus longue, plus difpendieuiè 8c plus, incertaine
que celle-là j 8c , peut-être ajoutois-je alors , aucun chi-
mifte n'a-tfU encore vu cet alcali bien pur. Peu de teins
après la publication de ce Mémoire -, écric il y a aujourd’hat
vingt-deux ans ( 4 décembre i8of> ) , la méthode de M . Ber-
thollet, qui confifte à dilfoudre la potaffe ou la foude caufti*
que dans l’alcoo l, 8c à évaporer rapidement la diffolution,
A levé cette difficulté,.
Il en eft de même de la chaux, de la magnéfie, de
la baryte, de la ftrontiane, &c. Quelles différences
prodigieufes tout cela ne doit-il pas apporter
clans les réfultats ! Quelle difficulté pour les
faffir toutes & pour les apprécier avec la juftefle
requife 1
» Jé fuppofe encore qu’on ait tous les agens dans
une grande pureté : comme on en prépare une
quantité plus ou moins confidérable à la fois, on
jes conferve dans des Laboratoires, & le tems , aidé
de toutes les circonftances énoncées plus haut, les
altère peu à peu, de forte qu’au bouc de quelques
jours ou de quelques mois ils ne font plus de la
même nature qu’ils étoient d’abord. Les uns fe font
affoiblis en attirant l’humidité de l’atmofphère} les
antres fe font colorés par le feul contaâ: de la lumière.
On croyoit autrefois que le verre des vaif-
feaax dans lefquels on les tenoic renfermés, étoit
un rempart fûr contre les corps qui pouvoient y
porter de l ’altération, & cependant la perméabilité
de ce produit de l’art par la lumière, par les
rayons du foleil, fon inaltérabilité même par les
fubftances falines, enfin les corps falins, terreux
& métalliques qui entrent dans fa compofition,
préfentent autant de moyens decombinaifondont
la nature fe fert continuellemeur: pour détruire en
quelque tems la pureté des acides & des alcalis que
ces vaiffeaux contiennent. S’il y a quelque moyen
de connoïtre, ou au moins de foupçonner les erreurs
que ces altérations fnévitables des premiers
agens chimiques doivent faire naître dans les expériences,
c’eft affurément de tenir une note exaéte
de la manière dont ces.réaétifs ont été préparés,
du tems depuis lequel on les conferve, des vaiffeaux
qui les renferment, des phénomènes qu’ils
ont préfentés depuis leur féjour dans ces vaiffeaux,
de leur expofition à l’ombre, à la clarté du jour,
aux rayons du foleil. En comparant les effets qu’ils
produifent dans ces circonftances fur différens
corps, avec ceux qu’ils produiraient à une époque
antérieure & dans des circonftances différentes lur
ces mêmes corps, on peut efpérer de parvenir à
fixer quelque jour les divers changemens dont ils
font fufceptibles, & les variétés d’aétions qu ils
opèrent fur les fubftances auxquelles on les unit.
Je conclus de ces obfervations, que jamais une expérience
ne pourra réulfir abfolument de la même
manière que lorfque tous les chimiftes auront des
agens parfaitement comparables,. préparés & con-
fervés par les mêmes procédés, & que les circonftances
extérieures qui tiennent au local, à la température
de l’air, &c. fe trouveront abfolument
femblables entr’elles.
»En fuppofant les premiers points remplis,
toutes les difficultés ne font point encore vaincues :
«J on naît pour ainft dire de nouvelles- à chaque
pas. Tous ceux qui ont pratiqué la chimie fa vent
que, fuivant la manière dont on opère , on a quelquefois
des réfultats fort différens avec les mêmes
fubftances. En effet,, dans toutes les expériences >
la pulvérifation eft plu* ou moins exaéte, le mélange
eft fait avec plus ou moins de promptitude :
on verfe un fluide fur un corps fec, ou bien on
jette ce dernier dans un liquide •, on les lailfe
un tems différent en contadt 5 on les échauffé
avec la main, ou on les refroidit par l’expofition à
l’air} on donne différens degrés de chaleur j on
opère dans des vaiffeaux clos ou ouverts > on filtre
de telle ou telle façon : le papier qui fert à cette
i opération eft d’un tiffii & d une nature divers 3 on
évapore plus ou moins vite} on fe fert de vaiffeaux
; de différentes natures, &c. Toutes ces circonftances,
qui appartiennent à la pratique & qui paroiffent
très-légers au premier coup d’oe il. occafionnent
. cependant de très-grandes différences dans les ré-
j fultats : c’eft pour ainfi dire le mouvement de l’extrémité
d’un lévieralongé, qui n’eft prefque point fen-
fibledans le centre autour duquel il s’exécute. Ort
peut objeéter à la vérité, que de pareilles circonftances
font plus ou moins au pouvoir du chimifte,
qu’il eft le maître de s’y prendre de l’ une ou de
l’autre façon, d’employer tel ou tel v afe,& c. 'y
mais qu’on fe repréfente l’empire de l’habitude,
l’ adreffe particulière à chaque homme , les moyens
qui font à fa portée, &c. & l’on reconnoîtra bientôt
qu’il n’eft guère poflible que tous les chimiftes
opèrent de la même manière ; chacun d’eux a pour
ainfi dire fon faire particulier. Je fuis perfuadé
que c’eft à la diverfité dans les manipulations, qu’on
doit rapporter les réfultats fouvent oppofés que
plufieurs chimiftes ont obtenus de la même expérience.
Je ne connois qu’un moyen certain d’affûrer
fa marche dans ce dédale de la pratique chimique*,
c’eft de décrire avec une exactitude ferupuleufer
la manière dont on opère, de ne négliger aucune
circonftance relative à la manipulation, d’être long
& minutieux en apparence, plutôt que précis &
infidèle en réalité. La plupart des chimiftes n’onç
pas toujours mis dans la defeription de leurs procédés,
des détails affez circonftanciés pour indiquer
à ceux qui veulent faire leurs expériences,
la route qu’ils doivent fuivre afin d’arriver aux
mêmes réfultats > & c’eft cependant la feule voie?
capable de donner le fceau de l’authenticité à leurs
découvertes.
» Après avoir fait connoïtre les quatre fourcesîes-
plus communes des erreurs auxquelles font expofés
les chimiftes en fe livrant à des recherches particulières,
fa voir, l'empire de l’opinion prife avant les
expériences , l’influence des circonftances extérieures,
la difficulté d’avoir des agens chimiques
bien purs, & la variété ou la différence dans les
manipulations, il en refte encore deux autres à indiquer,
& que j’ai cru devoir bien diftinguer des pré--
cédentes, parce qu’elles font beaucoup plus fufceptibles
de corre&ion que les premières. Cë n’efe
pas que jufqu’ici tous les chimiftes les aient évitées
, ou fe foient fouftraits à leur influence avec
un égal fuccès, car l hiftoire des difeuflions qui
ont de tout tems partagé ces fayansprouve que