ui pigeon, & je frottai les bleffures.avec cette
huile : il ne parut pas fouffrir fenfîblement.
« J’eus le même réfultat fur deux autres pigeons,
fur trois lapins 8c quatre cochons d’ Inde.,
quoique je n’épargnaffe pas l’huile avec laquelle
je couvris plufieurs fois les bleffures que j’avois
faites dans les mufcles à ces animaux.
” Trois autres pigeons auxquels je bleffai les
mufcles de la poitrine , 3c je couvris les bleffüres
avec cette huile , ne donnèrent aucun ligne de
maladie.
« Il fembleroit ne refter aucun doute que l’huile
de laurier-cerife, qui eft un poifon loriqu’elle eft
prife par le haut, n’a point cette qualité meurtrière
lorfqu’elle eft appliquée fur les blelfures,
du moins-dans les parties lur lefquelles j’ai fai J
mes expériences; ce qui eft absolument le contraire
du venin de la vipère 8c des autres venins
qui font innocenslorfqu’on les donne à i’intérieur, 3c meurtriers lorfqu'ils font appliqués aux bleffures.
Si l’on peut dire quelque chofe de vraifem-
bîable pour rendre raifon de cette différence dans
le venin de la vipère, on ne voit rien qui puilfe
expliquer les différentes a étions de l’huile de laurier
cerife dans les différentes partit s de l’animal,
& le phénomène eft des plus linguliers & des
moins attendus. Je dois cependant avouer que-
mes expériences ne font pas tout-à-fait décifives
quoique je les aie faites fur les pigeons, parce
que je n’ai pas employé autant d’huile que j ’avois
employé d’efprit : 1 huile m’a manqué au plus fort
de mes expériences, & je n’ai pas eu jufqu’ à pré-
fent la commodité d’en faire de nouvelle. C ’eft
cependant toujours fin gu lier, que ce qui empoi-
fonne étant pris intérieurement , foit innocent
lorfqu’on l’applique aux blelfures, quoiqu’en plus
grande abondance.
Huile dejféchée au foleil.
» J’ai laiffé delfécher au foleil ardent deux drachmes
d’huile de laurier-cerife. L’ huile fut diminuée,
envjron de moitié; le réfidu étoit encore jaune,
amer, odorant 8c brûlant. J’en ai donné environ
trois grains de poids à un pigeon,-avec vingt gouttes
d’eau j le pigeon tomba un moment après,
cqnvulfionoa beaucoup & mourut auffitôt. Je.répétai
cette expérience fur trois autres pigeons avec
le même réfultat. De forte qu’il paroît certain que
ce réfidu concret eft un poifon puilfant, 3c que
tout ce qui s’en étoit évaporé au foleil ne lui
avoit pas ôté fa qualité nuifible.
« Le réfidu de l ’huile de laurier-cerife delîéchée
au foleil eft une véritable réfine, qui, lorfqu’elle
eft précipitée de l’efprit-de-vin par le moyen de
l’eau , n’eft plus vénéneufe.
» On a vu que la partie de l’huile de laurier-
cerife qui demeure concrète (après avoir été ex-
pofée au foleil ) eft encore un poifon puilfant.
Cette partie ne fe diffout point dans l’eau, & elle
eft facilement diffoute en entier par l’efprit-de-
vin : c’eft donc une fubftance réfineufe, à laquelle
demeure attachée la qualité délétère. J’étois curieux
de favoir fi cette réfine , après avoir été dif-
foute dans l’efprit-de-vin, 3c précipitée par le
moyen de l’eau, leroit encore meurtrière. A cet
effet, je verfai une grande quantité d’eau diftillée
fur cette dilfolution, 8c dès que le précipité fe
fut fait fous forme d’une matière blanche fari-
neufe-, je le lavai à plufieurs eaux : cette matière
confervoit à peine un peu d’odeur; mais quand
on la mettoit fur la langue 3c qu’on la mâchoit,
elle piquoit encore fenfiblement. J’en donnai ,
pendant qu’elle étoit encore un peu humide, vingt
grains à un très-petit cochon d’Inde, 3c autant à
un pigeon : ni l’un ni l’autre ne mourut ni ne parut
avoir aucun mal.
« Je répétai cette expérience fur deux autres
animaux des mêmes efpèces, & l’événement fut
le même : d’où il fuit que cette réfine, après avoir
été diffoute dans l’efprit-de-vin 3c précipitée par
le moyen de l’eau , étoit devenue innocente,
quoiqu’elle eût confervé un peu d’odeur 3c de
piquant, dé meurtrière qu’elle étoit auparavant.
Il ne paroît donc pas qu’il réfide dans ce-léger
principe d’odeur ou de fubftance piquante & cauf-
tique, aucun poifon capable de tuer, & de produire
un dérangement fenfible dans les animaux.
Extrait de laurier-cerife.
» Je fis avaler environ trente grains d’extrait
de laurier-cerife à un cochon d'Inde, mais il n’eut
rien.
M Je fis la même épreuve fur un lapin , qui ne
fouffrit rien non plusî
» J’en donnai environ quinze grains à un pigeon
, qui ne parut fouffrir aucun mal.
33 Je répétai cette expérience fur deux autres
pigeons ; elle eut le même fuecès. En forte qu’il
paroît qu’on peut conclure de toutes ces expériences,
que l’extrait de laurier-cerife eft tout-à-fait
innocent.
Huile empyreumatique.
«Je fis avaler environ vingt grains d’huile empyreumatique
de laurier-cerife à un cochon d’Inde ;
il vomit peu de tems après, mais il fe remit promptement
, & n’éprouva rien de plus.
«Je donnai à un petit pigeon douze gouttes
d’huile empyreumatique ; il vomit plufieurs fois,
parut d’une grande foibleffe, mais il fut bientôt
entièrement remis.
« J’en donnai environ trente grains à un lapin ;
il vomit plufieurs fois, mais il fe rétablit peu de
tems après.
« Je donnai vingt grains à deux pigeons ; ils
vomirent plufieurs fois; ils parurent très-foibles,
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mais ils ne moururent ni n’eurent des convuî- j
fions.
33 J’obfervai pareillement le vomiffement dans
deux autres cochons d’Inde & dans trois lapins,
mais aucun n’en mourut ni ne parut fouffrir
beaucoup.
33 11 femble qu’on pourroit conclure que l’huile
empyreumatique de .laurier-cerife eft plutôt un
vomitif qu’un poifon, puifqu’elle ne parvient pas
à tuer les animaux tes plus délicats, auxquels onia
donne même à très-forte dole.
» De tout ce que nous avons dit jufqu’ici; on
peut déduire les vérités fuivantes :
» i°. L’efprit dé laurier-cerife eft un poifon.
« 2°. L’huile de laurier-cerife eft aufli un poifon.
« 3°. L’efprit de laurier-cerife, prefqu’entiére-
ment privé de la partie odorante 3c lapide, eft
encore un poifon.
» De là , le poifon ne paroîtroit pas confifter
dans tes particules odorantes 3c fapides, 3c cela
paroît encore prouvé p a rh u ile defféchée, &
enfuite diffoute dans l'efprit-de-vin , & précipitée s
de ce menftrue, laquelle eft encore odorante 3c
fapide, quoiqu’elle ne foit plus un poilon.
«.D’ailleurs, l’huile defféchée eft une véritable
réfine, & continue d’être un poiiôn même dans
cet état. Il réfide donc certainement dans cette
refine un principe vénéneux que l’efprit-de-vin
enlève, après quoi la refîne eliinnocente.
« Comme il refte toujours qn peu d’huile &
d’odeur dans l ’efprit de laurier-cèrife, même dé-
phlegmé, le principe vénéneux de cet efprit peut
être le même que celui de l’huile, §c que celui
qui fe trouve dans" fa partie réfineufe.
« D ’ailleurs, il n’eft pas prouvé que l'huile foit
plus puifîame 3c plus active que l’efprit ; du moins
elle n’a pas toujours paru telle, ni dans tous les
animaux.
»» On voit, à la vérité, que l’efprit de laurier- \
cerife évaporé longuement, & jufqu’à ce qu’il
foit réduit à un tiers ou privé de fes parties les
plus fpiritueufts par la diftillation, n’eft plus aufïi
,a6tif qu’auparavant, & dans cet état il a.perdu
une bonne partie de fon odeur & de fa faveur
primitives ; de telle forte qu’on diroit que cette
odeur & cette faveur concourent beaucoup à fa
qualité vénéneufe; mais, d’un autre côté, après
que l’huile a été précipitée de l ’efprit-de-vin,
elle conferve encore un peu d’odeur & de goût, 3c cependant elle n’eft plus un poifon.
« De forte qu’après toutes ces expériences,
quoiqu’elles aient été extrêmement variées &
multipliées , nous ignorons en quoi confifte réel-
lementle poifon des feuilles de laurier-cerife y nous
ignorons le mécanifme de ce poifon , 3c nous ne
favons même pas fur quelle partie il agit en donnant
la mort aux animaux , quoique nous âyîons
appris par les expériences & par les faits que nous
venons de rapporter, beaucoup d’autres vérités
qu’on ne favoic pas auparavant, & qu’on n’auroit
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pu deviner; ainfi la fcience de l’homme eft toujours
accompagnée de l’ignorance. lir e nous femble
pas permis d’aller au-delà de la fimple expérience,
& c’eft à elle feule qu’ il convient de nous
en tenir. Mais combien eft-il de cas danslefquels,
ou l’expérience fe tait, ou nous ne réuffiffofo pas
à en imaginer de décifîve!
« Ce qui mérite cependant beaucoup d'attention,
c’ eft de voir que ce poifon peut tuer un
animal en peu d’inftans, étant appliqué feulement
à très-petite dofe dans linrérieqr de la bouche
fans toucher à l ’oefophage 8c (ans fe porter dans
l’eftomac , tandis que lorfqu’ il a été appliqué,
même à la plus grande dofe, lur les parties blefiées,
il a paru fi peu aétif, que les animaux les plus foi-
bles>, comme les pigeons, y ont réfifté, au lieu
qu’ils font rnorrs lorfqu’on le leur a Amplement
appliqué dans l’intérieur de la bouche & fur les
yeux.
« Quoi qu’il en foit, ce phénomène me paroît
tout-à-fait finpulier & digne d’être ultérieurement
examiné avec U plus grande attention. Je nedéfef-
père-'pàs de pouvoir revenir fur cette matière dans
un tems plus opportun, & alors je chercherai lufïi
à donner plus de certitude! & d’extenfîon à mes
autres expériences fur ce poifon, nommément à
celle de i’injeéiion de ce fluide dans les vaiffeaux
fanguins fur l’animal vivant. Dans le peu d’animaux
fur lefquels j’ai fait cette opération, & aux petites
dofes que j ’ai employées de ce poifon pendant
que j’étois à Londres, je l’ai trouvé tout-à-fait
innocent ; ce qui fait une grande exception parmi
les autres poifons que j’ai examinés.
Danger que l’on court avec Vhuile de laurier-cerife.
« Ces dernières expériences que j’ai faites fur
l’huile de laurier-cerife ferviront non-feulement à
compléter celles que j’avois déjà faites fur la même
matière, mais elles montreront, d’une manière
encore plus lumineufe, que cette huile eft un des
poifons les plus terribles & les plus meurtriers
qu’on connoiffe, foit qu’on le donne intérieurement,
foit qu’on l'applique fur les parties bîeffées
des animaux. Cette importante vérité doit, comme
je l’efpère, détruire, une fois pour toutes, l’abus
qui s’eft introduit en Italie, de vendre en plufieurs
endroits de l’huile de laurier-cerife publiquement
dans les boutiques, & à qui que ce foit qui fe préfente.
Il eft facile de voir combien cet ufage peut
être dangereux pour la fociété, & ce danger eft
encore augmenté par la méthode qu’on pratique
pour la vendre. On la mafque d’ordinaire fous !e
titre à'ejfence d’amandes ameres ,• on la trouve fous
ce titre dans les liftes imprimées des diftillateurs,
& iis la vendent conjointement avec toutes les
autres effencès, huiles & liqueurs les plus innocentes
qu’on peut avaler impunément. On fait plus,
on fait d es rojfolis pourl’ufage public, danslefquels
on fait entier ce dangereux poifon: on les vend