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munes à toute fermentation, qui forment comme
autant de caractères génériques de ce mouvement
fpontané, qui expofent-des faits appartenans à
toutes & à chacune d'elles, & qui doivent confé-
quemment précéder leur hiftoire particulière.
8* La première de ces vérités générales, c'eft
la néceffité de bien diftinguer l'altération fermen-
tative d'avec les autres altérations fpontanées dont
les végétaux font fufceptibles : par exemple, de
celles qu'ils éprouvent lorfque, privés d'ailleurs
des conditions néceffaires à la naiffance de la fermentation,
ils font plongés dans l'eau ou enfouis à
fec dans la terre. I c i , outre que les circonftances
que je puis nommer fermentifères leur manquent,
les végétaux fe trouvent fournis à l'aéiion d'autres
agens capables de retarder ou d’arrêter leur fermentation
, ou d'agir d'une autre manière fur leur
tiflu & leur compofition. Auffi, dans l'ordre des
faits qui m’occupent ici, je diftingue la formation
du terreau , celle des bitumes, la foffilifation proprement
dite d'avec les fermentations. Quoique la
nature même des matières végétales qui éprouvent
.1 une ou l’autre de ces altérations s'oppofe plus ou
moins par elle-mêmë à une véritable fermentation,
je montrerai, en.traitant de ces phénomènes & de
-leurs produits, que des circonftances étrangères,
que les inftrumens ou les agens dans lefquels les
végétaux font plongés lorsqu’ils éprouvent les
effets très-differens des fermentations , modifient
.tout autrement le genre d’altération qu'ils fu-
biffent.
. ?• Une fécondé vérité , plus relative encore à ;
1 hiftoire de la fermentation en général, c’eft qu'aucune
matière végétale ne peut la fubir que lorf-
qu elle eft pénétrée d’une certaine quantité d'eau,
q u i, comme je l'ai déjà énoncé dans l'article
précédent, en écarte les molécules, diminue leur
attraction propre, les difpofe à agir réciproquement
fur elles-mêmes. Cette néceffité de l'eau eft
tellement indifpenfable, que le plus fur moyen de
prévenir toute fermentation conlifte à priver com-
pletement de ce liquide les matières végétales, à
les deffécher totalement. Dans l'état de léchereffe
ces matières confervent l’intégrité de leur com-
pofitionj elles ne s'altèrent ni ne changent en
aucune manière. On le fait aflez par i'hiftoire des
graines & des femences de toute efpèce, qu'on
n'entretient faines qu’en les tenant dans des lieux
fecs & à l’abri de toute humidité ; par celle des
plantes de toutes les natures j des racines, des
tiges, des fleurs & des fruits, qu'on ne conferve,
pendant plufieurs faifons & même pendant des années
entières, qu'après les avoir deiféchés au foleil
ou dans des fours j enfin par celle des pulpes , des
poudres, des farines , des.extraits, & de toutes
les préparations végétales pharmaceutiques dont
pn ne peut maintenir la pureté & les propriétés
quen les réduifant à l’état parfait de féchereffe,
S: en les enfermant dans des vafes parfaitement à
I abri des vapeurs & des lieux humides.
^ v.uviuw 'tm c jc uuo piacer ici
pour faire connoitre les conditions générales de la
fermentation, & pour parvenir à mieux connoître
leur théorie particulière , c’eft qu’une certaine
élévation de température eft néceflaire à la production
de ce mouvement. Non-feulement on ne
connoit aucune fermentation au deffous du terme
de congélation, mais même la plupart de ces mou-
vemens ne commencent à s’exciter qu a des températures
qui s’élèvent au deflus de quinze degrés
du thermomètre réaumurien. Ainfi toute fermen-
I arrêtée : aucune n’a abfolument lieu fous
| ®* P°lesf. dans les contrées & dans les faifons
glacees. Amfi, au contraire, les climats les plüs
chauds prefentent.les fermentations dans toute leur
puiflance, dans toute leur activité. Cependant les
zones torrides, fituées fous l'équateur, ne font
naître ces mouyemens que dans les matières végé-
taies les plus fluides, ou qui contiennent beaucoup
d eau ; car celles qui n’en font que légèrement
pourvues la perdent promptement, & fe defle-
chent fi yïte dans les températures ardentes que
ce premier effet s'oppofe en général à la nailîancè
ae la fermentation.
Quoique ces deux circonftances, l’eau & la
chaleur, foient les deux conditions les plus effen-
tielies de la fermentation en général, leur néceffité
ou la proportion de leur influence, en quelque
lorte , varie pour, chaque efpèce de fermentation.
II en eft pour lefquelies il ne faut qu'une petite
proportion d'eau & une température peu élevée *
d autres, au contraire, demandent, & beaucoup’
de liquide, & une chaleur aflez forte. Ces détails
appartiennent au refte à chaque fermentation en
particulier. -
12. On a remarqué, depuis long tems, qu'en
mêlant, avec une fubftance végétale fufceptible de
fermentation, une portion, fouvent même très-petite
de la meme mauere qui a déjà fermenté, la première
paffoit au mouvement fermentatif beaucoup
plus rapidement que fi elle eût été feule, & l’é>-
prouvoit d’une manière beaucoup plus rapide. Tout
le monde fait que c’eft ainfi qu’on fait lever plus
ou moins fortement, & fermenter plus ou moins
vite la pâte de farine de froment lorfqu’on y
ajoute un peu de levure de bière ou de pâte déjà
levee,connue fous le nom de levain ou de franc
levain. Les chimiftes, depuis Stahl qui a fait ■ un
ouvrage particulier fur ce fujet, ont élevé une
theone qu on a nommée des fermens 3 & dont on
a beaucoup abufé en médecine, dans laquelle on
la tranfportée. Ils ont cru qu’il ne pouvoit s’éta-
bhr de fermentation fans l’addition d'une matière
déjà rermentee ou d’un ferment. Les médecins ont
penfe, de leur côté, qu’un effet pareil avoir lieu dans
une roule de maladies, & que, notamment toutes
celles qui provenoient d’un virus, fpécialement
les affections communiquées par une inoculation ,
par [’introduction d'une matière quelconque, &
par une voie quelconque dans la circulation ,
ne
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ne dévoient leur naiffance qu’à un mouvement
inteftin , occasionné par un ferment. 11 eft bien
reconnu aujourd'hui que fi des corps étrangers,
introduits entre les molécules des differentes fubf-
tances végétales, favorifent le mouvement <\à fermentation
auquel elles font naturellement difpo-
fées, il n'eft pas néceflaire que ces corps aient déjà "
fermenté eux-mêmes , & que , quoique dans ce
dernier cas la fermentation s'établifle eif général
d’une manière plus rapide 8ç plus prononcée, toute
fubftance étrangère , fufceptible d’écarter les molécules
& de diminuer leur adhérence réciproque *
jouit de la même propriété j c’eft ainfi que l’acide
carbonique, par fon caraCtère de prendre facilement
laforme gazeulè, d’occuper un grand efpace,
d’écarter conféquemment les molécules des corps
entre lefquels il eft logé, a fpécialement^la propriété
d'y faire naître la fermentation, & d'y développer
plus promptement lé mouvement inteftin
qui tend à-les faire changer de nature, comme il
réfulte des recherches de M. Henry , chimifte
anglais.
Fermentation acide ou acéteuse. i . La
fermentation acide étoit regardée comme le fécond
degré de la fermentation générale par Boerhaave,
parce que c'eft en effet par un mouvement inteftin
dont le vin eft fufceptible, qu’on fabrique l'acide
acéteux i mais plufieurs fubftances végétales qui
ne font pas vineufes, peuvent former cet acide,
& ce n'eft pas une condition indifpenfable à fon
exiftence , qu’il ait été précédé par la fermentation
vineufe. Pour bien connoître tout ce qui tient à
I’hiftoire de cette fermentation & de 1 acide ace-
teux, je partagerai cet article en fix paragraphes.
Dans le premier, j'expoferai les conditions 8c les
phénomènes de la fermentation- acéteufe y dans le
fécond, je traiterai de plufieurs autres moyens
d’obtenir de l ’acide acéteux, différent de celui de
h fermentation, ou de ce que je nomme en général
Y acétification ; le troifième fera confacré à l’examen
des propriétés phyfiques du vinaigre & de
l'acide aceteux j le quatrième, à cejui de fes propriétés
chimiques. Je décrirai dans le cinquième
les diverfes efpèces ou modifications de l’acide
acéteux, 8c furtout de celle qu’on nomme acide
acétique; enfin, le fixième & dernier de ces paragraphes
aura pour objet les ufages auxquels on
emploie le vinaigre, l’acide acéteux 8c l'acide
acétique.
§. Ier. Des conditions & des phénomènes de la
fermentation acéteufe.
i . Quoique beaucoup de fubftances végétales,
8c furtout les feuilles plongées dans l’eau, les farines
qu'on délaie, les mucilages qu’on en fabrique
avec l'eau chaude, foient fufceptibles d é-
prouver fpontanément un mouvement inteftin qui
les convertit en acide, c’ eft plus particuliérement
Ch im i e , Tome .
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fur le vin que l’on pratique & que l’on a bien ob-
fervé cette efpèce de fermentation. Il y a trois
conditions eflentielles à une liqueur vineufe pour
qu’elle paffe à la fermentation acéteufe : il faut d a-
bord qu’elle foit expofée à une température de
vingt à vingt - cinq degrés du thermomètre de
Réaumur. On fait que les vins renfermés dans des
caves dont la température eft aflez conftamment à
dix degrés, fé confervent fans altération. Il faut
de plus qu’ils foient chargés d’une certaine quantité
de mucilage & de tartre. C'eft pour cela qu’on
ne doit coller les vins qu’au momenc de les mettre
en bouteilles. On les fait fermenter beaucoup
plus vite j furtout ceux qui font très-généreux ,
qui donnent beaucoup d’alcool à la difiillation ,
en y ajoutant des mucilages quelconques : le fu-
cre même en petite dofe, mais furtout la melaffe,
leur fervent ainii de ferment. Il faut en troifième
lieu que les vins aient le contaél de l'air ; plus
même ce contait eft multiplié, & plus la fermentation
acéteufe s’y établit promptement. Très-p u
de vin reftant dans une bouteille en vidange, paffe
promptement à l’état de vinaigre, a caufe du grand
volume d’air qui le touche de toutes parts ; &
Rczier a trouvé qu’une veffie pleine d’air,: attachée
à la bonde d’un tonneau plein de vin qui
toumoit à l’aigre, fe vidoit par l'abforption de
l ’air qu’eliëfubiffbit.
t. Tous les vins font fufceptibles d’éprouver la
fermentation acéteufe ; mais quoiqu’on y confacré
plus particuliérement ceux de médiocre qualité,
les expériences de Becchér, répétées depuis par
Cartheufer, prouvent que les vins forts qui donnent
beaucoup d’alcool à la diftillation , fournif-
fent le meilleur vinaigre. C ’eft ainfi que les vins
des environs d’Orléans , qui ont de la qualité j -C
qui font aflez généreux , donnent un vinaigre
très-eflimé ; c’eft ainfi encore qu’on communique
plus de qualité au vinaigre que l’on fabrique avec
de petits vins, en leur ajoutant un peu d’eau-de-
vie avant la fermentation. Au refte 3 quoique cela
ait fait penfet long-tems aux chimiftes que le vinaigre
étoit un acide fpiritueux, on verra plus bas
que cette propriété n’eft relative qu'à l’odeur 8C
à la faveur du vinaigre employé dans les ufages
de la v ie , mais nullement à fa nature acide propre,
qui eft inciépendante de la préfence ou de
la proportion diteéte de 1 alcool qui peut y etre.
uni.
4. Pendant que le vin éprouvé la fermentation
acéteufe, il y a dans la liqueur un bouillonnement
Si un fifflement très-fenfibles ; elle s’échauffe &
: fe trouble ; elle offre'beaucoup de filamens & de
bulles qui la parcourent en tout fens ; elle exhale
une odeur vive, acide fans dégager de gaz carbonique
, comme cela a lieu dans la fermentation 1 vineufe. Peu à peu ces phénomènes s’appaifent,
la chaleur tombe, le mouvement fe -ralentit, la
liqueur devient claire après avoir dépofé un fs-
diment en flocons roug-’ âtres glaireux, qui s’aaia