& quoique la chaleur dégageât beaucoup d'ammoniaque
, la matière graffe a été complètement
difloute; la diffolution elt même devenue entièrement
claire te tranfparente à 68 degrés du thermomètre
de Réaumur : l’ébullition étoit bien établie
dans le mélange à cette température. Nous
n’avions point encore obtenu de dilïolutibn parfaite
du gras par l’eau ; auffi c’étoit à fa combinai-
fonavec l’ammoniaque* que cette diflolution étoit
due,& l’on pouvoitmême en conclure que c’étoit
au défaut d’une fuffifante quantité de cet alcali,
qu’il Ml bit attribuer la caufe de fa combinaifon
imparfaite avec l’eau (i)- Au refte * cette diffolu-
tion, claire à l’aide de l'ammoniaque te de la chaleur
* elt devenue un peu trouble * & de la couleur
de l’opale en refroidiffant. En faifant des expériences
analogues avec les alcalis fixes purs* nous
avons obtenu des diffolutions favoneufes tranfpa-
rentes avec ces fels.
» Il réfulte de ces elfais avec les fubftances alcalines
* qu’elles ont toutes dé l’a&ion fur la matière
du gras , que la chaux & les alcalis fixes la décom-
pofent * mais qu’on ne peut pas apprécier la quantité
d’ammoniaque contenue dans cette matière,
par le moyen de ces fels. Cette partie de nos recherches
* en confirmant les premiers-réfultats fur
la nature générale du gras y nous laiffoit de l’ incertitude
fur les proportions de fes principes ,
mais les expériences faites avec les acides ont parfaitement
rempli notre but.
V. De t aftion des acides fur le gras*
*» Parmi les acides nombreux que l’on connoît
aujourd’hui en chimie -, nous avons choifi pour
nos expériences furie gras y ceux qui font les mieux
connus dans leur nature & dans leur a&ion fur
les differens corps naturels, ceux enfin dont on
fait le plus fouvent ufage dans les analyfes chimiques.
§. I. Gras & acide fulfurique.
u On a verfé fur douze onces de gras dans une
terrine de grès * deux onces d’acide fulfurique
concentré * pefant jufte le double de l’ eau * te dans
l’état qu’on nomme très-improprement dans les
arts* huile de vitriol. En agitant ce mélange* il s’eft
produit tout à coup beaucoup de chaleur : la matière
graffe eft devenue rougeâtre; il s’eft exhalé*
avec une légère effervefcence* un gaz ou plutôt
un effluve odorant d’une fétidité infupportabJe &
fixe * qui a infecté plufieurs jours un vafté laboratoire
, quoiqu’on ait tenu les fenêtres ouvertes
plufieurs heures de fuite. Il eft impofflblede décrire
(t) Le même phénomène a lieu avec le favon de foude
ordinaire, loxfqu'on y ajouce une fuffifante quantité de foude
cauflique.
exactement cette odeur; je ne puis que l’annoncer
comme une des plus horribles des matières animales
pourries. Certainement l’odeur propre du
gras, quoique défagréable, a éprouvé dans cette
expérience * une modification* une exaltation fin-
gulière * car elle étoit entièrement différente ;
malgré fa fétidité, elle n’ a indifpofé ni deux jeunes
gens qui travailloient avec moi, ni moi-même*
quoiqu’elle fût repouffante au-delà de tout ce que
je puis dire. Lorfque le léger bourfouflement * la
chaleur te l’aCtion réciproque de l’açide fulfurique
& du gras ont été panés * on a délayé le mélange
avec fix onces d’eau diftillée froide ; on l’a fait
chauffer jufqu’à l’ébullition. En la laiffant refroidir*
on a diftingué au milieu d’un liquide brun ,
des flocons jaunâtres, très-abondans qui étoient
agités par le mouvement de la liqueur * te qu’on
féparoit aifément par le foufle. L’odeur étoit toujours
d’une grande fétidité. La liqueur étoit fortement
acide. Après fon refroidiffement, on l ’a
filtrée : il a pané un liquide d'un jaune-brun ; on
l’a fait évaporer dans une capfule de verre au bain
de fable. La chaleur a renouvelé l’odeur fétide ,
mais elle a perdu peu à peu de fon intenfité par les
progrès de l ’évaporation. La liqueur étant évapor
é e à peu près à moitié de fon volume, on voyoit
au fond de la capfule quelques criftaux plats te aiguillés
: on l’a retirée du feu ; vingt-quatre heures
après, ce fel n’étoit pas très-fenfiblement augmenté
: on a continué l’évaporation * qui a fourni
encore quelques criftaux en houpes d’aiguilles
femblables aux premiers. Ces criftaux, qui pefoient
un peu moins d’un gros * lavés avec.un peu d'eau,
ont été reconnus pour un mélange de fulfate calcaire
& d’un peu de fulfate ammoniacal. Lorfque
la liqueur fut réduite à quatre onces * elle étoit
brune, ne répandoit plus d’odeur fétide ; elle a
donné par le refroidiffement à peu près trois gros
de fulfate ammoniacal. En l’évaporant plus fortement*
fa couleur s’eft foncée; elle a exhalé une
odeur femblable à celle du rob de grofeilles ou de
fureau ; elle s'eft prife en une maffe brune épaiffe
par le refroidiffement. Il a été impoffible de la
deflecher dans la capfule ; elle attiroit fortement
l'humidité de l’air. En la chauffant dans un creufet*
elle s’eft bourfoufiée * a exhalé des vapeurs d’acide
fulfureux, te après avoir été tenue rouge pendant
une heure , on a trouvé un enduit vitreux opaque
d’acide phofphorique fur le fondducreufet.
*> Jufque-làcette expérience montre lapréfence
d’un peu de chaux*d’ammoniaque te d’acide phofphorique
dans le gras.
» La matière qu’on avoit vu fe concréter en
flocons dans le mélange de douze onces de gras 9
de deux onces d'acide fulfurique étendu de fix
onces d’eau diftillée* te qu’on avoit laiffé refroidir
après lui avoir fait fubir quelques inftans la
chaleur de l'ébullition* étoit reliée fur le filtre qui
avoit laiffé paffer le liquide falin dont nous venons
de décrire l ’évaporation. Cette matière* expofée
à l’air fur le filtre pendant cinq jours employés à
l'évaporation précédente , étoit en une mafle folide
comme du beurre ou de la graiffe un peu
rouffie ; elle avoit encore l’odeur fétide : les couches
plus minces qui occupoient les bords du papier*
te qui étoient plus élevées que le milieu,
offroient une demi-tranfparence. En enlevant cette
maffe, on a remarqué que fa furface avoit une
couleur gris-de-lin. On l’a fait fondre au bain-
marie * on en a féparé un peu d’eau légèrement
acidulé* te donnant des Agnes d’acide phofphorique
: on l’a laiffée fécher quinze jours à l’air te
au foleil; elle eft devenue caftante, grenue* affez
fonore, analogue à delà cire, mais d’une couleur
rouffe-fale; elle pefoitdeux onces.
»3 Cette matière étoit une huile concrète* affez
femblable à de la cire. L’acide fulfurique avoit
manifeftement te complètement décompofé le grasy
il en avoit volatilifé une partie de l’ammoniaque *
il s’étoit combiné avec une autre portion du même
fel * il avoit enlevé un peu de chaux * il avoit mis
à nu de l'acide phofphorique ; enfin il avoit féparé
la fubftance huileufe concrète* qui* bien purifiée
te bien féchée, paroît faire un lixième du poids
total du gras. On a déjà vu que le gras contient
beaucoup d’eau. L’expérience que nous venons
de décrire avoit été faite avec de l’acide fulfurique
Concentré : la chaleur forte * l’aélion vive
que nous avons obférvée, pouvoient avoir altéré,
les principes de ce compolé naturel : il étoit né-
ceffaire de la répéter avec l’ acide fulfurique foibie
te étendu d’une grande quantité d'eau.
« Pour cela, on a verfé fur une livre de cette,
matière fondue te mêlée auparavant avec quatre
livres d'eau diftillée bien chaude* te prife en une
mafle par le refroidiffement, huit onces d'acide
fulfurique étendu d’eau, au point qu’il ne pefoit
que deux gros de plus que celle-ci * fous le volume
d’une once. Ce mélange , agité * eft devenu grumeleux
te inégal : il s’en eft dégagé une odeur fétide
te tenace. Deux jours après * fa couleur étoit
grifè : on y appercevoit une partie liquide * fort
acide , fur laquelle nageoit une fubftance folide ,
femblable à dç la graiffe. Après avoir délayé toute
la maffe dans deux livres d'eau diftillée, on l’a filtrée
; nuis la liqueur ne paffoit que très-difficilement
; la fubftance folide en retênoit beaucoup * te
reftoit comme bourfoufiée : on a été obligé de la
partager fur quatre filtres *; & elle n’a été épuifee
du liquide qui pouvoit s’en féparer, qu’en vingt-
quatre heures. La liqueur jaune féparée ainfi a
donné * par l’évaporation * d’abord du fulfate de
chaux * puis du fulfate ammoniacal : l’épaiffiffe-
ment, la couleur noire qu’elle contra&oit à la fin
de l'évaporation, te l’ avidité avec laquelle elle
abforboit l'humidité de l’atmofphère* n’ont^pas
permis de déterminer la quantité de chaux & d’ammoniaque
que l’acide fulfurique avoit enlevée à la
maffe * ni celle de l’acide phofphorique qu’il en
avoit féparée. On a laiffé la fubftance graiffeufe
mife à nu par l’acide fulfurique, un mois entier à
l ’air fec pour effayer de la deiïécher. On a remarqué
qu’elle prenoit à fa furface une couleur rofée
ou gris-de-lin * très-jolie , femblable à ceile que
préfentent plufieurs monceaux des maffes de gras
extraites de la terre; qu’elle retenoit long-tems fa
fétidité & une grande quantité d’eau. On l'a fait
fondre au bain-marie pour en féparer l’humidité,
& par ce procédé on en a obtenu cinq onces te
quelques gros ; mais elle étoit encore très-humide*
& retenoit l’eau avec opiniâtreté. Nous avons
conclu de cette expérience, que fon adhérence
pour l’eau étoit telle, qu’il étoit prefqu'impoffibie
de l'en priver complètement après l’en avoir fatu-
rée dans le premier traitement, mais que ceseffais
fuffifoient pour prouver que l’acide fulfurique la
décompofoit à la manière des favons, qu’il en fé~
paroic une fubftance huileule concrète, indiffo-
luble dans l’eau à mefure qu’il enlevoit l’ammoniaque
qui la rendoit auparavant diffoluble dans ce
liquide. La matière graffe, ainfi féparée te le plus
defféchée qu’il a été poflible, étoit devenue caf-r
fànte, fonore, formée de lames, te fembloit fe
rapprocher de la cire. La couleur blanche qu’elle
avoit, fembloit nous annoncer que l’acide fulfurique
foibie l’avoit moins altérée, & pourroitnous
la fournir plus pure que le même acide concentré;
mais en la privant de l’eau qu'elle avoit abforbée ,
te qui lui donnoit cette couleur blanche, elle eft
redevenue brune. Comme tous les acides la fépa-
rent fous cette forme, nous en décrirons pi us
exactement les caractères te les propriétés dans un
des articles fui vans.
§. I I . Gras & acide nitrique.
>3 L’acide fulfurique n’avoit fait qu’indiquer les
differens matériaux contenus danslegrur, fans avoir
pu fervir à déterminer les proportions de ces matériaux.
Il étoit néceffaire d’examiner ce favon animal
par d’autres acides, te d'effayer de trouver
dans leur aCtion des moyens d’arriver à des réful-
tats plus exaéts. L’acide nitrique nous a fervi plus
avantageufement que le premier pour remplir ect
objet.
» Sur deux onces àz gras, à la vérité impur te
couvert de matière jaune, introduit dans une cornue
de verre, on a verfé deux onces d’acide nitrique
foibie. On avoit adapté au bout de la cornue
un fimple tube recourbé, plongeant fous une cloche
pleine d’eau: à froid il n’y a point eu d’aCtion
fenfîble, ou au moins d’effervefcence ; mais à peine
la chaleur de quelques charbons allumés a-t-elle
eu frappé le fond de la cornue , que la matière
graffe s’eft tout à coup bourfoufiée, couverte
d’écume, & qu’on a obtenu un fluide élaftiqüe.
Avec des précautions pour empêcher l’abforption
qui avoit lieu pour peu que la cornue fût refroidie*
on a obtenu un volume de gaz à peu près égal à
celui de trois livres d’eau. Lorfqu il ne s’en dégagea
plus* toute la maffe du gras étoit fondue* à
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