
par Teboulement des terres. Dans plufîeurs de ces
bières placées obliquement, nous avons vu la portion
inférieure des corps réduite à Tétât de fque-
lette3 tandis que la partie fupérieure préfentoit
les maffes de gras ordinaires dans tous ces corps.
Il étoit aifé de juger par l 'infpeCtion, qiftune caufe
diffolvante a voit agi fur le bas de ces cadavres
fans porter fon aCtion furies parties élevées. Gette
caufe ne fut pas difficile à reconnoïtre. Nous trouvâmes
dans la partie inférieure de ces bières un
fluide brun & feride; la terre des environs étoit
'humide & pénétrée des mêmes miafmes que l’eau
des bièresj celles-ci d’ailleurs ne fe trouvoient
qu’au bas des foffes, & en général tous les cadavres
qui occupoient cette région , avoient la matière
grade la plus molle, la plus altérée & la
moins abondante. On reconnoït à ces indices
l ’aCtion de T eau des pluies. En fe filtrant à travers
une terre perméable 3 elle fe raflemble dans le
fond des foffes; elle baigne la partie des cadavres
qui y font fîtués, elle diffoutla matière graffe qui
y plonge ; car on verra par nos expériences que
cette matière fe délaie & fe dilïout facilement
dans l’eau. Les fofîoyeurs ont remarqué qu’après
de longues& fortes pluies, le deffus des foffes ou
le fol qui.les recouvre, fe creufe & s’abaiffe de
quelques pouces. On voit dans cette obfervation
la preuve d’une diminution dans la maffe des corps
dont la matière folubie eft peu à peu enlevée par
l ’eau & diftribuée en. molécules plus tenues dans
la terre qui les environne, & dans laquelle nous
avons trouvé, comme nous le dirons par la fuite,
les élémens de cette fubftance..
» Telle eft la fucceffion progreflive de phénomènes
naturels que nous avons pu obferver dans
les changemens qu’éprouvent les corps enfouis
dans la terre.'Ces phénomènes appartiennent à un
ordre de chofes qui n’ont été ni connu.es ni décrites
jufqu’ ici : tout nous manq.uoit, pour ainfi
dire, jufqu’aux mots propres à exprimer nos idées.
On ne fera donc point étonné que nous ne regardions
les détails précédens que comme Tefquiffe
imparfaite d’un grand tableau dont les derniers
traits ne feront dûs qu’aux efforts de la poftérité.
II faudroit vivre long- tèms au milieu des tombeaux,
il faudroit fe dévouer à fuivrelong-tems les fouilles
fans ceffé renouveléesjles cimetières, il faudroit
enfin une fucceffion non interrompue, pendant un
fîècle j d’hommes également infatigables par les
plus pénibjes comme les plus triftes recherches,
pourconnoitre & décrire dans toutes fesépoques la
deftruCtion lente des cadavres au fein de la terre.
” Nous- avons cru devoir configner dans les
faftes des fciences utiles, les faits qu’uneoccafion
henreufe pour la pbyfique médicale nousen a permis
de recueillir. Il ne manque plus à ce que nous avons
expofé dans ce premier Mémoire, que de faire
connoitre la nature particulière du grandes corps
defféchés en momies, des os qui ontféjourné long-
tems dans la terre ou dans l’air, & celle.de la terre
prefqifanimalifée & chargée depuis plufîeurs fîè-
cles des principes diffousou volatilifés des cadavres
humains. Tels font les objets qui feront traités
dans un fécond Mémoire. »
D e u x iè m e M é m o ir e fur les matières animales
trouvées dans te cimetière des Innocens d Paris ,
pendant les fouilles qu on y a faites en 1786 &
1787.
E x a m e n c h im iq u e de la matière grajfe des cadavres
contenùs dans les foffes communes ,, par
M. Fourcroy.
 R T . Ier. De l'aélion de la chaleur fur cette matière.
« Nous avons déjà dit que la matière graffe,.
formée par les corps enfouis en maffe dans les
foffes communes du cimetière., fe ramollifloit par
la chaleur & le mouvement des doigts : ce caractère
nous engagea à la traiter par le feu. Nous vîmes
qu’elle fe fondoit comme une gtaiffe, qu’elle
éprouvoit cette fufion au degré moyen de .beau
ébouillante puifqu’en la diftiilant au bain-marie,
elle s’eft fondue comme à feu nu. Cette diftHla--
tion faite fur quatre livres de matière grafle d'ans
une cucurbîte de verre, plongée dans un bain
d’eau bouillante, a fourni, pendant troisfemaine's
qu’ elle a duré , huit onces d’eau rrès-claire, qui
avoit une odeur fétide, qui verdiffoit le firop
de violettes, & qui tenoit manifeftement un peu
d’ammoniaque en diffolution : il s’eft dépofé de
ce fluide quelques flocons blancs, & l’odeur en
eft devenue plus infeCte au bout de deux mois.
Quoique cette diftillation eût été continuée long-
tems, la matière graffe n’étoit point encore épui-
fée de toute l’eau qu’elle conteuoit. Mais comme
il n’étoit pas important de déterminer cette quantité
, puifqu’elle varioit fuivant l’état de cette matière
fans influer fur fa nature, nous n’avons pas
cru devoir fuivre cette expérience jufqu’à la fin.
Nous remarquerons feulement que la matière graffe,
après avoir été tenue en fufion plufîeurs jours de
fuite par la chaleur de l’eau bouillante ,. paroiffoit
avoir acquis une confiftance un peu plus forte, ou
une liquidité moins grande, quoiqu’entretenue
toujours à la même température ; qu’elle a pris
une couleur un peu brune, & qu’ayant perdu le
huitième de fon poids d’eau par la diftillation,.
elle étoit un peu. plus fèche qu’auparavant, mais
fans être caffante.
« Cette fubftance a préfenté d’autres phénomènes
à feu nu. En la fondant dans des vafes de terre
immédiatement placés fur des charbons, nous remarquâmes
que cette liquéfaction reffembloit à
celle des emplâtres ou des favons ; qu’elle corn--
mençoit par le ramollir à fa furface, ne fe fondoit
complètement qu’avec difficulté ; qu’elle éprouvoit
une efpèce de grillage : il fe dégageoit, pendant
cette fufion,,une odeur forte d'ammoniaque.•
Comme il étoit rare que de grandes maffes de
matière graffe fuflent bien pures & bien homogènes
, nous nous fommes fervis de la fufion pour
la purifier. Après l’avoir Amplement ramollie, on
la pafloit à travers un tamis de crin , en la pref-
fant avec un pilori de bois ; on obtenoir ainfi une
maffe uniforme d’une matière compacte , devenant
, par fon agitation à l’air, plus blanche que
celle qui, après avoir été entièrement fondue,
étoit pafl'ée à travers un linge. D’ailleurs , pour
opérer la fufion complète néceflaire avant de lui
faire fubir cette efpèce de filtration, on en dégageoit
une plus grande quantité d’ammoniaque,
& on pouvoit moins compter fur fa- nature. Par
le procédé du tamis, il reftoit de petits fragmens
d’os, du tiflu fibreux , des poils & plufîeurs autres
matières étrangères au gras (Q : nous appellerorvs
cette opération, purification-de la matière graffe.
On doit cependant obferver que , dans ce ratnol-
liffement ou cette fufion, il y a toujours une certaine
quantité d’ammoniaque volatilifée. Ainfi purifié,
le gras fe coupe comme un favon un peu
mou ; il fe lèche plus facilement à l’air que dans
fon état ordinaire. . I
» On a mis deux livres de matière graffe dans
une cornue de verre, à laquelle étoient adaptes
une alonge & un ballon terminé par l’appareil
pneumato-chimique à T,eau. La cornue étoit placée
dans un bain de fable. On a donné le feu avec
beaucoup de lenteur & de précautions, la matière
s’eft affez promptement fondue : il s’en échappoit
une vapeur blanche qui fe condenfoit dans le récipient
en une liqueur de la même couleur. Après
deux heures de feu , cette matière étoit fondue
& en ébullition ; elle étoit recouverte d’une écume
noirâtre, elle fe bourfoufloit beaucoup,. & on a
été obligé de ménager fînguliérement le feu. Pendant
trente-fix heures, il n’a paffé que de l’eau
chargée d’ammoniaque : à cette époque il s’eft
volatilifé une huile qui s’eft figée dans l’alonge.
Il ne fe dégageoit aucun fluide élaftique, que Pair
de l ’appareil ; enfin on apperçut, après quarante-
huit heures de feu, des criftauxde carbonate ammoniacal
dans Talonge ; mais ces criftaux ont bientôt
difparu dans l’huile qui les a diffous. Cette
huile, qui continuoit toujours à paffer & à fe figer
dans le récipient,, s’eft colorée en rouge-brun.
C’eft à ces phénomènes que s’eft borné.ce que
nous avons obfervé fur la diftillation à feu nu de
la matière. Comme cette diftillation étoit extrêmement
lente, & ne nous donno'it pas beaucoup
de lumière fur la nature du gras, nous n’avons pas
cru devoir la continuer jufqu’à la fin; elle nous a
feulement appris., i°. qu’il y a dans cette matière
(r) Il faut fe rappeler que- les foffoyeurs , qui connoif-'
fuient depuis long-tems cet état fingulier des corps enfouis-
en grande maffe dans la terre , donnoient le nom très-ex-
jreflif de gras à çette. matière,..
une huile concrète, de l’ammoniaque &. de 1 eau ;
2°. que ces principes fe réparent affez facilement
par une chaleur modérée & dans Tordre de leur
volatilité ; 30. que l’ammoniaque eft en partie fixée
par l’huile conciète à laquelle elle eft combinée
dans le gras3 puifqu’elle ne s’en dégage que très-'
lentement; 40. que, pour opérer la décompofi-
tion des principes qui confiraient le gras 3 il faut
qu’il y ait une très-grande quantité d’air en con-
taCt avec le gras dans l’appareil diftillatoire, ablo-
lument comme cela eft néceflaire dans l analyfe
des hurles par le feu ; 50.-que le premier phénomène
de cette, décompufition eft la formation de
l’acide carbonique, qui fe combine avec 1 ammoniaque,
& produit le fel volatil concret, du carbonate
ammoniacal obtenu dans le courant de cette
diftillaiion ; 6°. que TaCtion du feu, dans des vaif-
feaux fermés, eft un moyen très-long & très-em-
barraffant pour déterminer les proportions des
compofans des matériaux immédiats du gras. Nous
décrirons, dans un des articles fuivans , des procédés
qui nous ont mieux réufli pour obtenir «et
important réfultat.
• 11. De l'aélion de l'air.
« Nous avions remarqué que les cadavres, convertis
en gras 3 préfentoient cette matière plus ou
moins humide, & plus ou moins fèche, fuivant la
hauteur à laquelle ils étoient placés dans les foffes,
& la plus ou moins grande humidité de la terre qui
les environnoit. Nous avons voulu favoir avec
exactitude ce qui arrivoit à cette fubftance en fe
defféchant. Nous en avons expofé des fragmens, -
exactement pefés, à l’air fec & chaud pendant l’été
de 1786; ils font devenus fecs & caffans, fans-di-
minuer de volume ; en même tems ils ont pris plus
de blancheur, & ont perdu Todeur qui les carac-
térifoit: leur furface étoit friable, & fe réduifoit
prefqu’en pouflière fous le doigt. L’analyfe de
, cette matière, ainfi defféchée, nous a appris qu’elle
avoit perdu plus que de l’eau, & qu’il s’en étoit
dégagé une quantité notable d'ammoniaque. En
examinant avec attention plufîeurs morceaux de
gras féchés à l’air, nous y avons trouvé des portions
demi-tranfparentes,. plus fèches & plus caf-
fantes que le refte : ces portions a voient toutes
; les propriétés apparentes de la cire. Nous avons
féparé avec foin plufîeurs de ces parties tranfparentes
; elles ne nous ont plus donné d’ammoniaque
; elles fe font fondues & refroidies en une
matière également demi-tranfparente, & ayant
plufîeurs des caractères extérieurs d’une-vraie cire.
La matière graffe,. en fe décompofant & en perdant
fon ammoniaque , avoit donc pris les caractères
d’une huile concrète d’une nature par--
ticulière. La fuite de cette analyfe démontrera
en effet que le gras eft un compofé de cette huile
& d’ammoniaque. Nous concluons, des faits relatifs
à fon defféchement, que l’ammoniaque n’y