
feul plufieurs métaux plus difterens même entr’eux
que ne le font quelques-uns de ceux que l’on dif-
tingue le plus généralement, & f i , fous ce point
de vue, le cobalt, le nickel & le platine n’étoient
pas même des efpèces de fer. Tout le monde fait
qu'on diftingue, par leurs propriétés comme par
leurs ufages , la fonte ou le fer coulé , le fer proprement
dit ou le fer forgé 5 enfin l’acier. Dans
chacun de ces trois états , le fer préfente encore
un grand nombre de variétés, qui diffèrent plus
ou moins entr'elles par plufieurs de leurs qualités
Comparées. Voilà pourquoi le fe r3 qui, dans tous
les états, varie par fa couleur, fon tiffu, fa dureté,
fa ténacité, fa du&ilité, fapefanteur, remplit tant
de fondions différentes dans les arts, & tient lieu
de beaucoup de fubflances métalliques différentes.
Mais, malgré fes nombreufes variétés, il eft bien
reconnu aujourd’hui qu’il n’y a qu’une efpèce de
fer ; que lorfqu’il eft bien pur, il eft toujours le
même ; que, dans fes divers états, il eft combiné
ou allié à plufieurs fubftances différentes ; qu’il faut
regarder ces états ou ces modifications comme des
compofés particuliers, les examiner au rang qu’ils
doivent occuper dans l’ordre de leur compofitian.
Ainfi je traiterai du fer proprement dit, du fer pur
doux & duétile dans cet article, & les variétés de
fer caftant à chaud & à froid, de diverfes fontes,
de divers aciers, feront traitées dans fon hiftoire
çomme de véritables combinaifons qui s’offriront
d'elles-mêmes à mon examen, dans la férié mér
thodique des faits dont cette hiftoire fera com~
pofée.
Propriétés phy.fiqu.es.
9. Le fer a un brillant métallique qui lui eft
particulier. Quand on veut décrire fa couleur on
eft obligé de dire qu’elle eft blanche, un peu
livide, tirant fur le gris & fur le bleu. Dans fon
t ftu, on le trouve formé de petits filets fibreux
ou de petits grains & de petites lames très-ferrées.
Tillet dit cependant qu’au mierofcope on y voit
un gFand nombre de pores ou de petites cavités ,
plus fenfibles. que dans le cuivre. Il paroît que fon
tiftu intérieur, vifïble par fa eaffure plus ou moins
fibreufe, grenue ou lamelleufe, dépend beaucoup
du mode de fon refroidiffement, de la prefïion
qu’ il a éprouvée, de la manière dont il a été traité,
de la chaleur à laquelle il a été forgé ou frappé,
comme on va le voir d’ailleurs dans l’examen de
toutes fes autres propriétés phyfiques qu’on trouve
également variables dans des termes plus ou moins
étendus.
10. La pefanteur du fer. 3 dont le terme moyen
eft en général 7,600, varie en effet entre de eer->
taines limites, comme on le voit en confultant les
réfultats donnés par Mufchenbroëck , Sweden^
borg, Briffon & plufieurs autres phyficiens. On
trouve dans ces réfultats nombreux, depuis 7,600
jufqu’à 7,8.95, & même 8,166 ; il eft placé immédiatement
après l’étain* La dureté de ce métal eft
la plus forte connue parmi les fubflances de cet
ordre ; aufïi les auteurs lui attribuent-ils le premier
rang par cette propriété. On s’en fort, en raifon
de fa dureté, pour ufer, tailler, couper, fculpter
& limer la plupart des corps naturels, les pierres,
les bois, & furtouf les autres métaux. 11 eftaufl;
le plus élaftique des métaux ; auffi eft-il préféré à
tous pour la fabrication des refforts de tous genres,
& il femble même donner le type & le premier
terme de cette propriété.
ir . La duéfcilité du fer eft auffi trèsTConfîdéra-
ble ; mais elle eft en quelque forte d’un genre particulier
, ou plutôt elle eft limitée par fon excef-
fîve dureté ou par la coiiéfion de fes molécules.
Quoique celles-ci aient bien plus de confiftance
que celles de la plupart des fubftances métalliques,
on ne peut pas en faire des lames, auffi minces qu’on
en. fabrique avec plufieurs de ces dernières : il y
a loin, en effet, de la plus petite épaifteur des tôles
les plus foibles, aux feuilles de plomb & d’étain >
auffi ne donne-t-on communément au fer que le
quatrième rang parmi les métaux pour fa duétU
lité , & en lui accordant même cette place ou
compare fa duélilité à la filière, à fa malléabilité.
Celle-ci étant très-bornée-^ caufe. de fa fermeté ,
la première va beaucoup plus loin. On fait qu’on
fait des fils de fer très*fins, &r prefqu’auifi tenus
que des cheveux, puifqu’on en a fabriqué des
perruques : on fait encore, qu’un fil de ce métal,
d’un dixième de pouce de diamètre, fupporte un
poids, de quatre cent cinquante livres avant de fe
rompre ; ce qu'un autre métal ne peut faire, même
le cuivre & le pla.tihe, qui s’ en rapprochent le
plus. Mufchenbroëck, en examinant un parallélépipède
de fer d’un dixième de pouce de diamètre,
a été obligé d’employer, pour le rompre , une
force de fept cent quarante livres; &r il remarque
, à cette occafion, qu’un pareil morceau de
fer, forgé avec des doux de maréchal qui ét-oient
reftés quelque tems enfermés, dans l’ongle d’un
cheval, ne lui a pas pEéfenté une. plus grande ténacité.
Cette opinion eft donc un préjugé, dont
l’origine naturelle ne peut être que la bonté &
la pureté du fer employé pour la fabrication de
ces doux.
12. Tout le monde connoit la promptitude avec
laquelle le fer s’échauffe, & la grande force qu’a
ce métal comme condu&eur du calorique. Quoiqu’on
n’ait point encore de terme exad de comparai
fon de cette propriété d\ifer avec celle des
autres matières métalliques > il paroit qu’elle eft
affez foibje dans le fer. Il réfuke en effet des expériences
de Mufchenbroëck fur la dilatabilité de
ces corps par la chaleur, qu’un fil âe fer prenoit
par celle de l’eau, bouillante, une dilatation exprimée
par 7$., tandis qu’un même fil (en volume}
de plomb, donnoit 164.;, d’étain, 124 ; de cuivre,
84. Caffini a eftimé le rapport de la dilatabilité-du
fer à celle du cuivre : m o : 17, ou : : 27 : 46. G-
Juan, en exp.ofanc des verges ou barres de différens
corps de trois pieds de longueur aux rayons
du foleil, au Pérou, & tandis que le thermomètre
à mercure s’élevoit à dix degrés à la graduation de
Réaumur, a vu le feé fe dilater de o. 13 £ de ligne ;
l’acier, de 0.12 f» le cuivre, de 0.19 i ; le verre,
de 0.03 £; & une pierre feulement, de 0.02. Muf-
chenbioèwk a conclu de ces expériences rapprochées
, que , parmi les métaux, l’étain étoit celui
de tous qui le dilatoit le plus vite, & que venoient
enfuite, & fucceifivement, le plomb, l’argent, le
cuivre & le fer.
13. Le fer eft un des métaux les plus infufi-
bles : il paffoit autrefois pour le plus difficile à
fondre; mais l’on fait aujourd’hui pofitivement
que le manganèfe & le platine exigent une température
plus élevée ou une accumulation de calorique
plus confidérable que lui pour être mis en
fufiôn. On eftime fa fufion à cent trente degrés du
thermomètre ou pyromètre d’alumine de Weédg-
wood. Mortimer indiquoit cette-température à
feize cents degrés fans doute de la graduation de
Fahrenheit. Le fer eft rouge long-tems avant de
fe fondre ; & l’on diftingue dans les arts au moins
quatre degrés de rougeur dans le fer : le premier
eft le rouge obfcur ,* le fécond , le rouge cerife ; le
tfoifième, le rouge éclatant ; & le quatrième, le
rouge blanc, que l’on défigne par le mot incandef- |
cence. Les phyficiens ont obfetvé depuis long-tems
que la percüflion forte pouvoit faire rougir le fel.
Après Boy le , qui le premier a infifté fur ce phénomène,
le journal de Breflaw a fait mention d un
ouvrier qui, en cinq ou fix coups de marteau,
faifoit rougir \e fer 3 & Swedenborg a remarqué
qu’un morceau carré plat de ce métal rougiffoic
Facilement fi on le frappoit fur une enclume par
fes faces ptates, & non fur fes bords ou fe$ angles.
Il eft prefque fuperflu d’obfervet ici que la
chaleur produite par la percuflion du fer eft l’effet
du calorique comprimé /qui fuinte de toutes parts
des molécules refoulées & rapprochées du fer, &
que la couleur rouge qu’il prend par la fuite de
ces percuflions n’eft que la même matière qui,
beaucoup plus condenfée, & douée d’un mouvement
bien plus rapide, s’élance à travers les pores
du fer, & fait naître à nos yeux la fenfation de
lumière.
14. Le fer fondu & coulant a plufieurs degres
de liquidité, pâteufe ou molle, & mobile, à^ fon
autre extrême, prefque comme l’eau elle-même.
Il faut obferver que tous les ouvriers qui travaillent
le fer ne le croient point fufceptible de fe
fondre , & qu’ils femblent, à cet égard, être en
contradiction avec les phyficiens. Cela vient de ce
qu’en effet, dans les arts, on ne fond jamais le fer
fans qu’il éprouve une combuftion plus ou moins
avancée, & conféquemment une altération plus
ou moins forte, fans qu’après fa fufion il ne fort
plus du fer proprement dit ; car les ouvriers dif-
tinguent avec une grande précifion & une grande
fineiïe les divers états du fer 3 parce que c’eft à
ces divers états que font dues les propriétés cir-
confcrites ou particulières qu'ils y recherchent.
Dans les opérations de chimie, au contraire,
on fond de petites portions de fer dans des vafes
exactement fermés, de telle manière qu’il ne lui
arrive aucun changement ; & c’eft de cette fufion
en petit, toujours impraticable en grand,que les
chimiftes veulent parler. Quand le fer y eft amené,
il ne paroît pas qu’il foit fenfîblement volatil, ou
au moins il faut un feu énorme pour le fublimer ;
s’il fe refroidit lentemènt, il criftallife en octaèdres
réguliers qui s’implantent les uns fur les autres
, & forment des efpèces de végétations ou
de dendrites très-agréables. Quelquefois la nature
les préfente fous cette forme, mais dans un état
de combinaifon.
15. Le fer eft rapidement parcouru par le fluide
éleCtriqüe : c’eft un des meilleurs conducteurs dé
l’électricité que l’on connoiffe ; auffi , depuis les
découvertes de Franklin fur l’identité de la fou-
■ dre atmofphérique & de l ’étincelle, eft - il employé,
avec grand fuccès, pour fabriquer les con-
duCteurs élevés dans l’air au defius des édifices &
des vaifleaux, conducteurs nommés paratonnerres,
: & deftinés, par les pointes dorées & inaltérables
qui les terminent, à foutirer fans fracas, & a
tranfporter rapidement la matière éleCtrique dans
la terre ou dans l’eau, où ils aboutiflent p a r leur
extrémité inférieure. On a obfervé depuis l o n g -
tems que du fer placé ainfi verticalement, & dans
une partie élevée de l’ atmofphère, qui y a fé-
journé long-tems, ou qui a été frappé de la foudre,
a pris les propriétés & même la p o l a r i t é m a g
n é t i q u e . Si le fer eft frappé dans 1 air de 1 etin-
celie/éleCtrique foudroyante, il s’enflamme; mais
ce phénomène appartenant à l’hiftoire de fa combuftion,
j’en parlerai en fon lieu.
16. Le magnétifme eft une des propriétés les
plus caraCtérifees & en même tems les plus fingu-
lières du fer. Long-tems on l’a crue particulière &
individuelle dans ce métal ; mais il eft aujourd’hui
bien prouvé que le cobalt & le nickel en.jouiffent
comme le fer. Cependant, toutes les expériences
relatives au magnétifme de ces deux derniers métaux,
n'ayant point encore été faites, ni avec la
même exactitude ni avec la même étendue que
fur le fer, ce n’eft encore que fur celui-ci qu 011
a bien bbfervé les principaux phénomènes de cettô
force. Voici les principaux faits qui, dans l’étude
du magnétifme du fer} doivent iniéreffèr le na-
turalifte & le chimiite, & dont, en conféquence,
M. Haüy a donné Texpofition à l’article des Mines
de fer, de l’extrait de fon grand ouvrage de
minéralogie.
A. C ’eft du globe terreftre qu’émanent les forces
qui dirigent le fer fufpendu librement; & plufieurs
phyficiens penfent que ces forces ont leur
fiége dans un corps particulier, placé au centre
du globe, faifant .fon&ion d'un aimant tfès-
puiflant.
r .Q<1 4