
liérement arrondie, de même nature que les précédentes
, & qui nous a paru appartenir à la graiffe
& au tiffu fibreux du coeur } nous avons penfé
ue cette mafle , qui n’exiftoit pas conftamment
ans tous les fujets , ne fe rencontroit dans quel-
ues-uns qu’en rai Ton de la furabondance de graiffe
ont ce vifcère étoit chargé j car nous verrons
f>ar la fuite, que , toutes chofes d’ailleurs égales ,
es parties graffes éprouvent plus manifeftement
cette converfion que les autres, & donnent une
plus grande quantité de cette matière.
» La région extérieure de la poitrine nous a
Îiréfenté fouvent, dans les cadavres des femmes ,
a mafle glanduleufe & adipeufe des mamelles,
convertie en matière graffe très-blanche & très-
homogène.
» La tête é to it, comme nous l’avons déjà d it,
environnée de matière graffe > la face n’ étoit plus
reconnoiffable dans le plus grand nombre des fii-
jets j la bouche déforganifée n’offroit plus de ,
langue ni de palais j les mâchoires, luxées & plus
ou moins écartées , étoient environnées de plaques
irrégulières de gras. Quelques grumeaux de
la même matière tenoient ordinairement la place '
des parties fituées dans la bouche> les cartilages
du nez participoient à l’altération générale de la '
peau> les orbites n’avoient plus, au lieu d’yeux,
que quelques mafles blanches ; les oreilles étoient
également déforga.nifées s le cuir chevelu, changé
comme les autres organes, confervoit encore les
cheveux, & nous ferons remarquer en paffant que
ces parties font celles qui paroiflènt fubfifter le
plus long-tems, & qui réfiftent davantage à toute
altération. Le crâne renfermoit conftamment le
cerveau rapetiffé, noirâtre à fa furface , & changé
abfolument comme les autres organes. Dans un'
.grand nombre de fujets que nous avons examinés
foigneufement, nous n’avons jamais vu manquer
ce vifcère, & nous l’avons toujours trouvé dans
l’état indiqué j ce qui démontre que la fubftance
du cerveau a beaucoup de difpofition pour fe
changer en matière graffe.
*> Après avoir décrit l’état des corps trouvés
dans le cimetière des Innocens, nous devons encore
faire connoître les diverfes modifications que
cette fubftance nous a préfentées. Sa confiftance
n’étoit pas toujours abfolument la même. Dans
les corps les plus nouvellement changés, c’eft-à-
dire, depuis crois jufqu’à cinq ans, cette matière
eft molle & très-duCtile ; elle contient une grande
Quantité d’eau & eft très - légère ; dans d’autres
fujets convertis en gras depuis long-tems, tels
que ceux qui occupoient les foffes remplies depuis
trente à quarante ans, cette matière y eft
plus fèche & plus caffante , en plaques plus denfes :
nous en avons même obfervé plufieurs placés dans
des terrains fecs, dont quelques portions de la
matière grade étoient devenues demi-tranfparentes.
L’afpeâ * le tiffu grenu & la qualité enfante de
cette matière ainfî defféchée imitoient affez bien
la cire.
»9 L’époque de la formation de cette fubftance
ii fluoit auffi fur fa nature. En général, toute celle
qui paroifioit formée depuis long-tems, étoit blanche
, égale danstous fes points, & ne çontenoit aucune
matière étrangère, aucun refte de tiffu fibreux:
telle étoit furtout celle qui appartenoit à la peau
des extrémités. Au contraire , dans les corps dont
la converfion en gras n’étoit que récente , la matière
graffe n’étoit pas aufli homogène ni aufli
pure que la première : on y trouvoit encore des
portions de mufcîes, de tendons, de ligamens,
dont le tiffu, quoique déjà altéré & changé dans
fa couleur, étoit encore reconnoiflable. Suivant
que la converfion étoit plus ou moins avancée ,
ces reftes de tiffu étoient plus ou moins pénétrés
de matière graffe , comme enchâffée entre les in-
terftices des fibres. Cette obfervation, fur laquelle
il eft important d’infifter> annonce que ce n’eft
pas feulement la graiffe qui fe change en matière
graffe , comme il étoit affez naturel de le penfer
à la première infpe&ion. D’autres faits que nous
avons déjà décrits, & que nous devons rappeler
ici, confirment cette affertion. Le tiffu de la peau,
que les anatomiftes n’ont jamais regardé comme
de la graiffe , fe convertit facilement en gras très-
pur 5 la matière du cerveau éprouve la même altération
, donne du gras très-pur, & n’eft pas ,
pour les anatomiftes, une fubftance analogue à la
graiffe. Il eft vrai que , toutes chofes égales d’ailleurs,
les parties grafles & les cadavres chargés
de graiffe paroiffent paffer plus facilement & plus
promptement à l’état qui nous occupe. C’eft ainfi
que nous avons trouve la moële convertie entièrement
en gras très-pur dans l’intérieur des os
longs j nous avons même vu cette fubftance
graffe paffer de l’intérieur des os entre les lames
offeufes, & occuper toutes les cavités que ces
lames laiffoient entr’elles ; mais s’ il eft démontré
que-la graiffe fe change facilement en gras, &
contribue fenfiblement à fa quantité dans les fu-
jeis qui en offrent une grande abondance , les
j faits déjà énoncés prouvent que d’autres parties
que le tiffu cellulaire & la graiffe. qu’il renferme ,
peuvent éprouver cette converfion. Nous ajourerons
ici deux obfervations propres à fixer encore
plus les idées fur ce point. La première, c’eft
que, dans le grand nombre de corps renfermés
dans une des, foffes communes que nous avons
décrites , il eft à préfumer que la plupart avoient
été émaciés par les maladies qui les avoient conduits
au tombeau j & dans ces foffes , tous les
corps étoient abfolument tournés au gras: dans ce
cas on ne peut pas dire que c’eft la graiffe qui a
éprouvé cette altération. La fécondé obfervation
eft appuyée fur un phénomène fingulier que nous
avons eu occafion d’obferver, feu M. Poulletier
de la Salle & moi,
» M, Poulletier avoit. fufpendu dans fon laboratoire
f
ratoire un morceau de foie humain , pour ob-
ferver ce qu’il deviendroit par le contaCt de l’air.
Il s’eft en partie pourri fans exhaler cependant une
odeur très-infeCte : des larves de dermeftes 8c de
bruches l’ont attaqué & percé en plufieurs fens j
enfin , il s’eft defféché , & après plus de dix ans
qu’il refta ainfi fufpendu , il étoit devenu blanc ,
friable, & affez femblable par l’afpeCt à un agaric
defféché : on eût dit que ce n’étoit plus qu’une
matière terreufe j il ne répandoit pas dL'odeur fen-
fible. M. Poulletier defiroit de favoir en quel
état étoit cette matière animale : nous re’con-
nûmes bientôt, par les expériences auxquelles
mous la fournîmes, que cette matière n’étoic rien
moins qu’une terre > elle fe fondit à la chaleur ,
& exhala, en fe réduifant en vapeur , une odeur
graffe très-fétide : l’efprit-de-vin en fépara une
huile concrefcible, qui nous parut avoir toutes les
propriétés du blanc de baleine : la potaffe , la foude
& l’ammoniaque la mirent à l’état favoneux ; en
un mot, elle nous préfenta toutes les propriétés
du gras du cimetière des Innocens , expofé plu-
,fieurs mois à l’air. Voilà donc un organe glan-
.duleux qui a éprouvé, au milieu de l’atmofphère,
un changement femblable à celui des corps du
.cimetière. Nous verrons par la fuite comment
cette obfervation remarquable de M. Poulletier
peut éclairer fur la formation du gras : il nous
fuffit de l’avoir cité ici i pour faire voir qu’une
fubftance animale qui n’eft rien moins que de la
graiffe, fe convertit toute entière en matière
.graffe.
« Parmi les modifications que l ’état des corps
changés en gras nous a préfentées , nous avons
déjà diftingué celui qui étoit fe c , friable , caf-
fant, d’avec celui qui étoit mou , duCtile. Nous
devons ajouter à cette diftinCtion, que le premier
qui fe trouvoit plus fouvent dans les corps placés
à la furface du terrain, ne différoit pas feulement
du fécond par l’eau qu’il avoit perdue, comme
nous le foupçonnions d’abord, mais qu’il avoit
éprouvé de plus une nouvelle altération , & qu’un
de ces principes s’étoit volatilifé de manière qu’il
n’étoit plus tout-à-fait de la même nature que
l’autre. Nous décrirons, dans un autre Mémoire ,
l ’état particulier de ce gras ainfi defféché, & nous
y ferons connoître la caufe des changemeus qu’il
éprouve par le defféchement.
»j La matière graffe nous a préfenté, dans quelques
fujets, cTes furfaces brillantes, de la couleur
de, l’or & de l’ argent : on eut dit qu’une couche
légère de mica étoit étendue fur ces furfaces j dans
quelques-uns même, cette propriété chatoyante
avoit affez d’éclat pour mériter d’être confervée
par le deflin & l’impreflion. On voyoit aufli, dans
plufieurs points de la matière graffe , des couleurs
rouges, orangées & incarnates fort brillantes : ces
couleurs fe font furtout rencontrées aux environs
des os qui en étoient eux-mêmes pénétrés. -
« Nous avons appris des foffoyeurs, qu’il faut à Chi mi e. Tome IV .
peu près trois ans de féjour dans la terre, pour
que les corps foient convertis en gras. Nous avons
cherché à connoître, par nos queflions, les chan-
gemens fucceflifs qui arrivent aux corps avant
qu’ils foient parvenus à cet état. Voici tout ce que
nous avons pu recueillir fur cet objet.
» L^s corps enterrés ne changent fenfiblement
de couleur qu’au bout de fept à hi»it jours ; c’eft
dans le bas-ventre que fe paffe la première fcène
de cette altération. L’obfervationanatomiqueavoic
déjà appris que les parois de cette cavité font les
parties des cadavres qui éprouveut les premiers
changemens, & qui font le premier foyer de la
putréfaction. Le même phénomène a lieu dans la
terre. Le ventre fe bourfoufle, & paroî-t être dif-
tendu par des fluides élaftiques qui fe dégagent
dans fon intérieur : ce bourfouflement a lieu plus
ou moins promptement, fuivant que l’abdomen
eft plus ou moins gros & rempli de fluides , fuivant
la profondeur où les corps font enfouis , 8c
furtout fuivant la température plus ou moins chaude
de l’air. Ainfi , en réunifiant toutes les circonf-
tances favorables à ce premier degré de la décom-
pofition putride, un corps très-gras dont le ventre
eft infiltré, enterré à peu de profondeur dans une
faifon chaude, offre ce bourfouflement du bas-
ventre au bout de trois ou quatre jours, tandis
qu’un corps maigre, defféché, profondément enfoui
dans une faifon froide , peut refter plufieurs
femarnes fans préfenter d’ altération fenfible. Les
foffoyeurs ont cru remarquer qu’un tems d’orage
avoit une grande influence fur ce bourfouflement
du ventre 5 ils affurent que cet état de l’atmofphère
favorife finguliérement cette dilatation. Sui-
vantleur témoignage & leurs expreûîons, le ventre
bout à l ’approche des orages : cèfte diftenfion du
ventre v a , fuivant eux, en augmentant jufquà ce
que les parois trop tendues , Sc ayant d’ailleurs
leur tiffu relâché & ramolli par la putréfaction qui
les attaque , cèdent à. l’effort de cette raréfaction
intérieure, & fe brifent avec une forte d’explofion.
Il paroît que c’ eft aux environs de l’anneau, &
quelquefois autour du nombril, que fe fait cette
efpèce d’éruption : il s’écoule alors , par ces ouvertures,
un fluide fanieüx, brunâtre, d’une odeur
trèv-fétide j il fe dégage en même tems un fluide
élaftique très - méphitique , & dont les foffoyeurs
redoutent les dangereux effets. Une expérience
multipliée , & que la tradition a depuis long-tems
confirmée parmi eux, leur a appris que ce n’eft
qu’à cette époque que les miafmes qui fe dégagent
des corps en décompofition , les expofent à un
véritable danger. Il eft arrivé plufieurs fois, dans
des fouilles de cimetière, que la pioche ayant ouvert
ainfi le bas-ventre, le fluide.élaflique qui s’en
eft élevé , a frappé fubitement d’afphixie les- ouvriers
employés à ce travail : telle eft la caufe des
malheurs arrivés dans les cimetières.
?? On conçoit que la même rupture du bas-ventre
& le dégagement du gaz très1 méphitique ayant Ppp