
deront comme chimérique une théorie qui attribue
à une feule 8c même caufe , la dureté
des cailloux 8c la caufiicité violente dès dilfol-
vans les plus aéiifs. Mais dans un fujet comme
celui-ci , il faut bien fe réfoudre à ne pas réunir
tous les fuffrages. J’abandonne donc fans regret
celui des phyficiens qui ne pouvant géné-
ralilef affez leurs idées^pour voir la nature tout-
shfait en grand, aimant mieux imaginer autant,
de caufes particulières qu’ils trouvent dé phénomènes
à expliquer, que de rapporter à une
même caufe commune 8c univerfelle, un nombre
prefque infini d’effets, à caufe des différences
confidérables 8c même oppofées qu'ils crc'eut
remarquer entre beaucoup de ces effets; qui,
voyant que le feu eft une fubftnnce très cauf-
tique & toujours extrêmement a&ive lorfqu'elle
eft libre ou qui reprend fi facilement cette activité
, aiment mieux regarder cet élément
comme le principe unique de tome caufiicité ,
8c par conséquent comme la feule matière active
qu’il y ait dans la nature , que de recon-
n.oître que cette même force aéfcive n’eft point
bornée de la forte &'affeélée à une efpèce particulière
de matière, mais qu’elle eft générale,
univerfelle ., commune 8c effentielle à tout ce
qui eft matière. Je feus enfin qu’on aura: peine
à comprendre que cette force aûive n’eft autre
chofé que la tendance ou la pefimreur qui porte
tontes les parties de la matière les unes vers
les autres, 8e qui eft auff-bien la caufe de l'intimité
avec laquelle les parties intégrantes de
l’acier le plus dur adhèrent les unes aux autres,
que celle de l’a&ivité étonnante avec laquelle
un acide torrofif diffout & dévore ce corps fi dur.
Je prévois bien toutes, les obiéétions qu’on
pourra faire contre une pareille th crie ; mais
d’un autre côté j’aurai atteint mon but 8c fuffi-
lamment développé mon idée ,, h ies phyficiens
qui fentent toute la firnplicité & la généralité de .
la philofophie de New:on, trouY.tnt que j’en ai
fait une application raifonnable aux phénomènes
chimiques de la caufiicité , des diifolutions ,
& autres combinaifon de cette nature, qui,
comme je l'ai dit , conftituent, à proprement
parler, toute la fcience de la chimie.
Il eft bien vrai que la force aétive 8c générale
de la matière que Newton a défignée par
le nom a attraction, n’eft'pas fufceptib'e d’être
établie dans la phyfique particulière , fur des
preuves du même genre que celles par lefquelles
1a fuppofitiôn de cette force 8c de fa loi eft
devenue la théovie la plus fatisfaifante des mou-
yemens des corps celeftes 8c du fyflême du
monde. Le fobil, les planètes 8c les comètes
font de grandes malles de matière- affez peu
nombreufes 8c réparées les unes des autres par
des efpacés affez confidérables pour que d’après -
leuis mouvemens, 8c à l’aide d’une géométrie
profonde, on ait pu trouver 8c démontrer U
correfpondance parfaite de cës grands effets ,
avec la force que Newton avoir fuppofée en
être la caiife, 8c cet accord vraiment admirable
a changé la fuppolition en une vérité prefque
démontrée aux yeux de tous les bons efprits ;
mais on ne pt ut avoir les mêmes avantagés dans
la phyfique particulière. Ici une multitude infinie
d’atomes invifibles 8c d’une petiteffe inconcevable
agiffent les uns fur les autres à
des diftances infiniment petites 8c innpréciables :
on ne peut avoir aucune idée de leurs mafTes,
de leurs vîteffes, de leur figure, qui, comme
l’a dit Bufon , doit néceffa»rement influer dans
leur aélion. Lesperturbatipns font innombrables,
8c par conféquent il eft comme impofhble de
démontrer , à l’aide d’aucun calcul,. la loi fui-
vant laquelle tous ces corpufcules agiffent les
uns fur les autrt s ; .mais quoique cette connoi^
fance , s’il étoit poffible de l’acquérir, fût une
nouvelle 8c très-iorte preuve de l’aétion générale
de toutes les parties de la matière les unes
fur les. autres , fur-tout fi l’on pouvoit dembn-'
trer que la loi de leur aélion eft la même que
celle des grands corps céleftes , ou en dérive
néceffairement ; cette ccnnoiffance n’eft ce'perv
dant pas indifpenfable pour fentir en général
que n les grandes maffes de matière agiffent les
unes fur .les autres à de grandes diftances, les
plus petites" particules de la même fubftance
doivent agir auffi entr’elies à de petites diftar-
.ces proportionnées à leur maffe , parce qu’il n’y
a aucune raifon pour que les petits corps foient
privés d’une propriété, d’une activité qui fe
manifefte fi évidemment dans lès grands.
Enfin, il paroît que cette tendancè univerfelle
de toutes les parties dè la matière 1 s
unes vers les autres , eft la caufe la plus Ample
8c la plus générale .à laquelle en puiffe
remonter en expliquant les phénomènes de la
chimie, puifque l’on ne peut lui affigner à elle
même aucune autre caufe 8c que la Ample ré-
penfe qu’on pourroit faire à ceux qui deman-
ueroient pourquoi la matière,eft douée de cette
Force aétive, feroit que, dès que l’être fu-
prêroe a voulu que l’univers exiftât tel qu’il eft,
il étoit néceffaire que la matière eût les propriétés
qu’elle a, & en particulier, cette force active
fans'laquelle les corps céleftes ne - par-,
courroient point des orbites autour d’un centre
, fans laquelle les élémens de la matière pri»
vée de tout mouvement particulier, ne fe join-
droient, ni n’adhéreroient point les uns avec
les autres ; fans hquelle par conféquent la mafïè
totale de la matière, en fuppofant qu’elle pût
exifter alors , ne feroit qu’un liquide immenfe ,
immobile 8c immuable, c’eft-à tiire, vin véritable
chaos.
Quoique plusieurs des faits employés par
Macquer dans l’excellent Article qu’on vient de
lire ne foient pas entièrement exaéls par rapport
à la chaux , aux alcalis , aux acides minéraux
8c aux diifolutions métalliques ; quoique
l’époque où ce célèbre chimifte compofoit cette
diflèrtation ne lui ait pas permis de connoître
la nature des corps dont il a cherché à apprécier
les effets, il n’en eft pas moins évident
qu’il a faifi la véritable caufe générale de la
caufiicité 8c de la faveur,, en la préfentant toujours
comme le produit de la tendance à la
combinaifon, comme un des phénomènes conf-
tans; de l’a&e même de cette combinaifon. Mais
plus la théorie générale de Macquer eft exaéte,
8c convenable à tous les cas de caufiicité ,
plus il eft néceffaire de déterminer l’aéfcion des
principales efpèces de caufliques cites même
par ce chimifte, 8c de faire voir que malgré
les découvertes modernes, 8c les changemens
qu’elles exigent , la théorie qu’il a propofee
n’en eft point altérée, 8c qu’elle,en reçoit même
de nouvelles forces. Une* des premières obier-
vations que je ferai à cet égard , c’eft que A
la caufiicité dépend toujours de la force de combinaifon
j fi elle fuit conftamment ||| raifon de
cette force , fi elle fe confond véritablement
avec elle dans fon aétipn, fi elle n’eft . en un
mot que l’aéte même de la combinaifon du caufo
tique avec nos organes., cette conibinaifon
même varie fuivant la nature du caufiique, 8c
c’eft ce point qui a échappé; qui de voit meme
échapper à. Macquer , à l’époque où .il écri-
voit cet article. En comparant à cet égard tous
les cauftiques les uns avec, les autres, on trouve
qu’ils ont en général trois manières d’agir fur
les matières animales ; i?. ou bien ils enlèvent
«n des principes de ces matières 8c les décom-
pofent ; i°- ou bien ils diffolvent la matière
animale toute entière ; -3°. eu enfin ils fe dé-
compofent eux-mêmes 8c portent dans la fubftance
de nos corps un principe qui en s’umf-
fant avec elle la brûle plus eu moins fortement.
Confidérons cette triple aélion des cauftiques ;
appuyons-la par des expériences 8c des exemples,
8c fanons voir que, quoique réellement
différente dans fon mode , elle fe rapproche
cependant par fon effet, 8c fe confond en quelque
forte dans fa fin ou fon terme.
§ . I . De la caufiicité dépendante de la décompofition
ou de Vabsorption de quelque principe des
matières animales.
Les fubftances ahimales font compofées d’eau ,
de. gélatine , d'albumine, de matière fibreufe ,
d’huile graiffeufe 8c de quelques fubftances fa-
lines. Il eft évident que »quelle que foit la matière
fur laquelle fe porte un agent chimique ,
s’il tend à enlever fortement ou complettement
l’un des matériaux dont l’enfemble com-
pofé le tiffu animal, cet agent détruira le tiffu
8c décompofera véritablement l’organe, il
peut donc, il doit même exifter des cauftiques
qui agiffent ainft fur un ou plufkuis principes
des matières animales % qui les de tarifent en
.enlevant ces principes. C\ft ainfi que la chaux-
vive paroît exercer là caufiicité. Elle abforbë
puiffamment l’eau de ces matières , elle les
defsèche , les refferre , les racornit & les brife,
pour ainfi d>re, par cette aétioh ; elle enlève
en même temps la matière huileufe & doit contribuer
ainfi à faire difparoître plus ou moins
promptement la foupleft’e 8c la mobilité des. or-
gànes animaux. Tel eft au Ai le genre d’aélion
qu’on voit opérer par la chaux lur les matières
animales. Il eft vraifemblable que les alcalis
étendus d’eau , que les acides affoibiis , fans
détruire tout-à-coup l’orgànifrne animal par mi
effet cauftique du moment, le rongent peu à
peu 8c le ruinent lentement, . les premiers en
diffolvant petit-à-petit la matière graiffeufe 8c
albumiheufeles féconds en agiffant de même
fur la gélatine 8c la matière fibreufe; c’eft fans
doute à cette aétion lente mais reelle-?
ment deftruétive qu’eft dû l’effet produit par
ces Tels employés inconfidérément 8ç pendant
trop long-temps..
Il faut convenir cependant que ces efpèces
de cauftiques font les plus rares 8c les moins
violeris de tous , fi on les confidère par rapport
à leurs vertus médicinales, parce qu’ils n’opèrent
pas la deftruêtion des matières animales' dans
un temps aüfti court 8c avec autant d’énergie
que ceux des deux claffes fuivantes.
§. I I. De la caufiicité dépendante de la dijfo-
lution totale des matières animales.
Il y a des cauftiques qui diffolvent entièrement
les fubftances animales, quelle que foit leur
nature ; matières fibreufe , albumineufe ,. géla-
tineufe , graiffeufe , rien ne réfifte à leur action
; tous les folides cutanés, aponévrotiaues ,
îT.afculeux , parenchymateux, font également
ramollis, réduits en bouillie 8c complettement
diffous par les cauftiques que je range dans cette
fécondé claffe ; tels font les alcalis cauftiques :
Berthollet a fait voir par des expériences.exac-
tes la manière d’agir de ces cauftiques. Voici
comment il s’exprime lui-même fur ce phénomène.
Quelle eft donc , dit-il, l’efpèce de tendance
à la combinaifon qu’exercent les alcalis
lorfqu'ils agiffent comme cauftiques fur les fubftances
animales , 8c qu’ils les décompofent ?
Sur quels principes fe portent leur aélion? Voila
l’objet dont je m’occupe dans ce moment. >»
» J’ai fait bouillir de la laine avec l’alcaK