
miftes modernes , d'ailleurs ‘ très-habiles gens,
de croire aux nouvelles découvertes & plus encore
à la vérité aux résultats nouveaux qu'on en
a tirés , &r qui ne font cependant que des con-
ièquences immédiates des expériences.
Ce qui eft arrivé entre Vanhelmont, Jean
Rey & Boyle, efl à-peu-près de même arrivé
entre Haies 8c Black. On a comme enfoui fes
découvertes , on n'a point continué fes recherches
, on a négligé de fuivre le même plan
de travail1, & l'importance des refultats qu’il
pvomettoit n'a point été un ftimulant allez fort ;
peut-être aufli d’autres genres de découvertes ,
d’autres parties de la phyfîque ont-elles réclamé
alors tout le temps & toute l'attention des
phyfîciens. Boerhaave , proteffeur de médecine
& de chimie à Leyde , 8c qui a rendu tant de
fervices àr- toutes les lciences dont il s'eft occupé
, pubîioit à la même époque , ou quelques
années après la ftatique des végétaux de
Haies , fes élémens de chimie, dans l’intention
de faire tomber les mauvailès copies de fon
cours de chimie 3 qp’onavoit rendues publiques,
8c de fe garantir des reproches qu'on auroit pu
lui faire d’après les erreurs dont les contrefac-
tions étaient remplies. Dans cet ouvrage, dont
la première partie renfermant la théorie de Part
efl un chef-d'oeuvre, fur tout par rapport au traité
du feu, Boerhaave s’occupe aufii de l’air ; 8c
q uoiqu' il y ait fait plus d’attention que les chimiftes
n'en faifoient de fon temps , 8c qu'il leur ait
même reproché de ne point y penfer affez, on
Eeur lui adrefler le même reproche. Dans toutes
îs opérations chimiques , dit-il à la fin de.fon
traité fur l'air , les corps fur lefquels on opère,
font expofés à l'air 5 ils doivent donc , ainfi
que les inftrumens quelconques employés pour
les changer, être affeéfés par lui. Un chimifte ,
en calculant les effets de fes expériences, ne
doit jamais oublier d’y faire entrer l’action de
l’air, & cependant c’eft une chofe à laquelle on
ne penfe ordinairement que peu ou point. Toutes
les fois qu’on décrit quelque opération chimique
, il faut avoir égard à la nature de l’at-
mofphère dans laquelle elle fe fait. Boerhaave,
on ne peut en douter, a bien apperçu, non-
faulement l’influence générale du poids , de
1 elaflicité, de la preflion , de l’état hygrométrique
de l'air, fur les phénomènes chimiques ;
mais il n'a point avancé les connoiflances déjà
acquifes par Haies ; il les a trop négligées lui-
même i 8c quoiqu’il ait fait aufli quelques
expériences particulières, on va voir qu'il n’a
pas tiré parti, comme il l'auroit pu, des refultats
qu’il a obtenus.
Après avoir parlé fort en détail des propriétés
phyiiques de l’air, de fa fluidité , de fa pefauteur
, de l’eau qui y eft diflbute , 8cc. 8cc. ,
Boerhaave porte fon attention fur l’a&ion 8c la :
liécUfité de l ’air'dans la refpiration des animaux, ■
8c la végétation des plantes. Empruntons ici
fes propres paroles. Avant, dit-il § de terminer
l’examen des diverfes fubftances 8c des'
diveriès propriétés inhérentes à l’air', il faut
encore considérer la puiflance falutaire & né-
ceflaire qu’il exerce lur la vie des animaux 8c
des végétaux j aucune des propriétés , con-
ftdérées jufcu’ ici, ne peut fervir àfaire concevoir
cette dernière qualité ; une recherche aflidue
pourra feule le faire quelque jour. Qui pourra
dire s’il n’y a pas dans l’air une vertu cachée
pour entretenir la vie que les animaux 8c les
végétaux j puifent , fi elle n’eft pas fufceptible
de s’épuifcr, li ce n’eft pas à cet épuifement
qu’eitdue la mort des animaux qui n’en trouvent
plus. »> Après avoir cités plufieurs faits bien
authentiques,tels que ceux de 1'oifenu qui meurt en
quelques quarts d’heures fous un récipient fermé;
dupoiffon qui périt dans l’eau privée d’air , -ou
dont l’air n’eft point renouvellé, ou fous les
glaces d’un lac qui en intercepte le conta#;
des charbons qui s'éteignent dans un lieu clos ;
des oeufs d’infe#es 8c des femences de plantes
qui n’éclofent ni ne germent daris le vide ; du
fang récemment tiré des. veines qui rougit par
l’air, qui noircit comme le fuc de là fèche
quand il en eft privé, -8c qui reprend fon pourpre
éclatant lorfqu’on lui en redonhe le contact ;;
il en conclut qu’il-exifte dans l'air une vertu
cachée , inexplicable par les propriétés connues'
jufqu’à lui. Plufieurs cHimiftés ont annoncé ,
dit-il , l’exiftence d’un aliment vital dans l’air j'
niais, iis ,n’ont dit ni ce que c’était, ni comment
il agiffoit. Heureux qui pourra le découvrir !
Ne feroit ce pas fa partie élaftiqÜé. « AiTtnë-
ment Boerhaave, avec toutes les connoiflances
qu'il avoit, tous les moyens de faire des expériences
nombreufès 8c exaéles qui. éroient fen
fa puiftànce, après: les premiérs effais.de: Haies’
fur i?absorption d’une partie, de l’air par les
animaux qui refpirent , n’auroit pas du refter
dans cette indécifion fur un objet de phyfique
animale qui devoit l’intérefler fî vivemenh II
n'a pas_ même cité ici ces beaux faits de la
diminution de l’air par la refpiration , 8c de la
grande quantité d'eau fortie par l’expiration , fi
bien démontrés par Haies. Il défefpéroit donc
alors de faire quelques découvertes fur ce point
qui lui paroifloit alors un problème infoluble ; 8c
cependant il a trouvé quelques refultats inté-
reflans fur ce. qu'il appeloit encore avec Males
de .l'air combiné dans les corps. Il a même employé
pour fes expériences un appareil qui avoit
fur celui de Haies 1 avantage de ne point expofcr
fon air dégagé au conta# de l’eau , de ne point
le laifler abforbçr comme cela étoit arrivé au
phyficien anglois , 8c de pouvoir en apprécier
exactement la quantité.
Il a dégagé l'air, ou plutôt le gaz de différens
mélanges faits fous le vide de la machine pneumatique
;
matique ; il pompoit d'abord exa#ement l’air
avant de faire le mélange ; il eftimoit. enfuite
lé fluide élaftique produit par le moyen d'un
baromètre d’épreuve. Un g. os 8c demi de pierres
d’écrevifles, difloùs dans une once 8c demi de
vinaigre chaud , lui a donné 81 pouces cubiques
de fluide élaftique; un gros de craie traitée par
deux onces de même acide , lui en a donné iy i
pouces ; la combinaifon de cet acide 8c 'du
vitrioliqiie avec l’huile de tartre, en a "fourni
également beaucoup ; la diflblution du fer dans
l’acide du nitre , ne lui a préfenté aucune production
d’air dans le vide ; mais l’acide nitreux
fumant, 8c l’huile de carvi ont donné naifiance
à un dégagement fî confîdérable, que l’expérience
a produit ,un foulévement rapide du récipient
8c une fraCture dangereufe. Voiçi comment
Boerhaave , après avoir indiqué la production
de fluide élaftique par la diftillation de
plufieurs matières végétales 8c animales, termine
cette partie de fon ouvrage fur l’air.- » Tous
15 ces différens moyens, dit-il, qui fe refîemblënt
»» parce qu’ils font le. produit d’un agent com-
»» mun , le feu , nous prouvent que l’air élaf-
»# tique entre dans la compofition des corps ,
99 comme partie conftituante , 8c même comme
99 partie aflez confîdérable. Si quelqu’un pouvoit
en douter encore , il fera au moins forcé
39 d’avouer qu’à l’aide du feu , on peut tirer
99 de tout corps connu une matière qui étant
** une fois féparee, eft fluide 8c élaftiq*ue, qui
»» peut être comprimée par des poids, qui fe
» condenfe par le froid , 8c qui fe dilate par
33 la chaleur , ou par la diminution du poids qui
“ 1» preffe : or , quand ce que nous appelons
« air élaftique eft léparé des corps avec lefquels
•» il eft mêlé , nous n’y connoiflons d’autres
propriétés que celles-là. Il faut donc convenir
» que le feu fépare de tous les corps une ma-'
»» tiere élaftique, 8c que par conféquent cetiè
»» matière aérienne rélide dans les corps , mais
* de façon qu’efté • n’y produit pas les effets de
99 l’air aufli long-tems qu'elle eft liée 8c unie
avec eux. Dès qu’elle en eft détachée 8c
99 qu’elle“vient à fe joindre avec d’autres parties
99 femblables à elle, suffi-tôt elle reprend fa
85 première nature , 8c refte ait jufqu'à ce que
» divifée de nouveau en fes élémens , elle fe;,
»» rejoigne avec d’autres parties d’une efpèce
99 différente , 8c avec lefquelles elle peut refter
99 en repos , 8c ne former pour un temps qu’une
99 feule mafle, fans que cependant elle perde rien
» de fa première nature; car elle fe montre
» toujours la même, dès qu’elle eft débarraffee
99 des liens qui la retiennent , 8c jointe ayec
99 d'autres particules aériennes de même efpèce.
99 Elle eft donc immuable dans toutes ces differeii-
39 tes circonftances ; féparée d’un corps, elle eft un
99 véritable air comme auparavant 8c difpofée à fe
"• joindre avec d’autres parties, pour reformer de
C h i m i e . T o m . l i t .
, » nouveau un corps tel que celui qu'elle vient de
99 quitter. Aucun art ne démontre plus clairement
39 que la chimie, cette efpèce derefolution 8c de
99 compofition , 8c j’en donnerois divers exém-
39 pies , fî je n'avois pas lu depuis peu l’excel-
39 lent traité que le fameux doéleur Halés a
33 publié fur la ftatique des végétaux : dans le
99 fixième chapitre de ce livre, l’auteur décrit
99 avec beaucoup d’ordre 8c de précifion toutes
99 les expériences qu'il a faites , 8c il femble
35 avoir épuifé la matière ; j’y renvoie donc les
« le#eurs, ils y verront comment l’art eft par-*
99 venu à dévoiler les fecrets de la nature. »On
reconnoît 8c dans les expériences de Boerhaave
8c dans le dilcours qui les accompagne , 8c
furtout en comparant ce qu’il dit avec les détails
donnés par Haies , non-feulement qu’il n'a
rien vu de nouveau, qu’il n’a même pas v u ,
a beaucoup près , tout ce que Haies avoit ap-
perçu '& décrit , mais encore qu'il a eu des
idées‘ beaucoup moins claires que le phyficien
anglois, 8c qu’il n’a pas conçu comme lui la
fixation 8c le dégagement d’un fluide élaftique,.
qu’il explique mal 8c obfcurément le paffage de
l’état fixe 8c fans reflort à l’état volatil 8c
compreffible de l’air , qu’ il ri'a nulle part exprimé
lès propriétés caraétériftiques variées que
prefente le fluide élaftique qu’on obtient dans
différentes expériences , qu'il ri’y a reconnu
d autres qualités que l’élafticité 8c la compreffî-
bilite , qu'enfin il a regardé comme inexplicable
1 aélion de l’air dans la combuftion , la refpiration
, la végétation. Ainfi Ton peut dire que
la théorie de l’air 8c des gaz n’a fait aucun
progrès entre lés mains de Boerhaave , qu'il
n’a rien ajouté aux découvertes dé Haies, 8c
qu'il a même été inférieur à ce phyficien dans
cette partie de fon travail.
Que penfer de Stahl qui 3 contemporain de
Haies, 8c publiant même quelques ouvrages après
la ftatique des végétaux, n'a fait aucune attention
à fes expériences , femble avoir entièrement
ignoré fes découverts , 8c en. général n’a tenu
aucun compte de l'air 8c de fes effets dans les
phénomènes de la nature 8c de l’art ? Il écrivoit
encore en 1731, « L'expanfîon ou la forme élaf-
» tique eft tellement propre à l'air, lui eft telle-
33 ment éffentielLe, qu'il eft impoflïble de conce-
33 vojr qu il puiffè dans aucun cas, ni par lui-
93 même, ni par d’autres mélanges, fe condenfer
39 8c prendre une véritable folidicé. »» Elajlica ilia
éxpanfiù aeri 3 ita per ejfentiàm. propria efi, ut nan*
quam ad verè denfam aggregationem nec ipje in fe s
nec in ùllis mixùionibiis' coivijfe fentiri pojfit.
Ouvrage intitulé : Expérimenta 3 ohfervaiiones &
animadverfiones, §. 47. On rie peut certainement
pas s’ exprimer ;d'une manière plus pofitive
8c plus claire ; Stahl ne croyoit point du tout
à la fixation de: l'air , à la perte de fon. elaflicité