récipiens, quelque grands & nombreux qu'ils
fuffenr 5 & alors vint l’ufage des tubulures ouvertes
dans les appareils d ftillatoires. C'étoit
de petits trous qu'on pratiquoit aux ballons à
une feule pointe ou à un feul cou , qu'on em-
pîoyoit feuls ou avec lefquejs on terminoit lès
appareils diftillatoires à plufieurs ballons enfilés.
Tous ces ballons à une pointe qu'on avoir dans
les laboratoires étoient percés a un trou qu’on
pratiquoit foit à la partie oppofée à leur col,
foit dans une portion de leur ventre tenant le
milieu entre le cou 8c le pôle oppofé du ballon ,•
en fuppofant l'axe paflant par le milieu de ce
cou. Cette tubulure additionnelle ou artificielle
des ballons ou muras à cou court, ou récipiens,
car ces vafes portoienc ces noms divers , étoit
même devenue après I-Iales , une forte deprocédé
regardé comme fi mdifpenfablemenc né-
ceffaiie dans les laboratoires de chimie, que
le moyen pratique de la faire aux ballons arri-~
vant des verreries étoit devenu un art qui avoir
fes procédés particuliers , fes fiueffes, fes tours
de main , fes règles, 8c que cet art étoit un
de ceux qu’il falioit apprendre avec Je plus de
foin, où les chimiftes manipulateurs s'exerçoicnt le
plus comme ils étoient le plus obligés d'y montrer
leur adrefle. Ce n'etoit point un moiceau
de fer rouge', un infiniment femblahle aux fers
à fouder qu'on promenoit fur' les verres mouillés
pour les rê!er & les couper comme lorfqn’on
avoir des fections entières de cous , de por
tions de fphères à faire ; l'application d'un anneau
de fer rouge, comme i'avoit indiqué Haies
dans la defeription de fon appareil pour recueillir
l'air des diftiHâtions au ch2pitre fixième de
fa ftatique des végétaux, ne luÆfoit point, puif-
qu'il ne s'agilîoir pas d'une grande ouverture d
pratiquer , comme dans fa méthode. 11 falioit
Faire aux ballons , quelque minces ou queloue
épais qu'ils fufient ,* & dans le milieu de leur
ventre, un (impie trou de deux à trois ou
quarté lignes de diamètre au plus, bien rond-,
adouci fur les bords , fans bnfer, ni fêler, ni
étoiler les ballons. Chacun avoit fa méthode &
fon faire particulier ; ordinairement on choifif-
foiç une bulle ou un défaut d'épaiffeut 8c de
folidité continué dans le verre du ballon , 8c
non pas un grain Taillant du à du fëi non fondu
ou à quelque corps étranger interpofé dans le
verre ? on convnençoit par entamer légèrement
cette bulle avec un fragarent de pierre a fufii
«Igu, foit en frappant. à petits coups , foit en
promenant la pierre fur la furface du verre &
en l'appuyant en même temps avec beaucoup de.
précautions^ quelques - uns fe fervoient d'ure
pointe de diamant montée fur fm morceau de
Fer ou de cuivre 8c placé à l'extrémité d'un
petit manche > on égrifoit ainfi le verre, &
loriqu’on étoit parvenu à le perforer complette-
ïjUÉUt fans acc.dent, fans étoile, fans fêlure du
ballon , les trois-quarts de la befogne étoient
faits. Une lime douce , conique, allongée, nommée
queue de rat dans les arts, étoir introduite
dans ce petit trou , & , en la promenant doucement
8c en long, on aggrandifibit peu- à -peu
& on arrondiflbit le trou comme on le defiroit.
D'autres chimiftes, pour commencer la perforation
du verre , plaçoisnt le ballon fur leur genou
muni d'un linge, ils frappçient le lieu choifi
pour le perforer avec l’extrémité aigue d'un
poinçon dur &: très-fin qu'ils foutenoient adroitement
en l'air avec la main gauche 3 8c qu’ils
touchoient avec un périt marteau de la droite ;
à chaque coup de marteau , il falioit rapidement
8c légèrement fou.le.ver le poinçon 8c ne
jamais ie laifler s'affeoir & fe repofer fur le
balion, car on fent bien qu'alors celui-ci étoit
brifé. On continuoit ainfi jufqu’à ce que la première
perforation fût faite , l'aggrandiflement
du trou & fon achèvement ie faifoient à la lime
comme on vient de le dire. Croiroit - on que
cette pratique étoit regardée», il y a trente ans,
encore comme un des moyens les plus tiécef-
faires au chimifte, comme un art dont il ne pou-
voit le diipenfer d’acquérir l’habitude & l'habilité
? Qu’il femblUt qu’on ne pouvoit parvenir à
faire de la chimie avec foin 8c avec exactitude,
fi l'on n'avoit pas fait un apprentiflage de ce procédé,
& fi on n’etoit pas parvenu à l’exercer avec
certitude, avc-c afliirance. Plufieurs chimiftes, vivais
actuellement, ont vu Rouelle i’aîné , telîe-
niÇHt préoccupé lur cet objet, tellement travaillé
de ce préjugé, que dans fes cours publics
au jardin des plantes à Paris, il ne manqüoit
jamais dans les premières leçons d’infifter longuement
6c avec compb.ifance fur ce procédé,
d’en décrire minutienfemfnt les pratiques , &
de le mettre en ufage devant fes auditeurs , en
annonçant bien formellement qu’il ne falioit pas
le livrer aux expériences chimiques fans apprendre
& fans fayoir cet art. On i’a vu plufieurs fois,
tout en déclamant contre la mal-adrefle ou l’étourderie
de ceux qui calToient les ballons en
y pratiquant ces tubulures , tomber lui - même
dans cette faute inévitable avec la pétulance
dent il étoit animé 8c le tremblement qui agi-
to:t prefoue perpétuellement fes mains, brifer
plufieurs beaux ballons en préfence de fon auditoire
3 8c recommencer jufqu’à ce qu'ileût réüffi j
ce n’eft point là affurément une tache dans la
vie d'un àufii habile maître, d’un chimifte ~ciui
a répandu 8c fait aimer cette fcience parmi les
français 3 mais c'eft une preuve de l’empire des
préjugés fur un homme illuflre, fur une tête aflez
forte d’ailleurs pour les combattre 8c pour les
vaincre , comme ii l’a fait pour une foule d’objets
plus importons.
Les accidens qui arrivoient Couvent dans ce
procédé firent chercher 8c trouver dèsmoyc- s
plus sûrs pour perforer les ballons. A l'exemple
des anglois, qui travailloient le verre avec habilité
, on adopta le tour pour remplir cet objet.
Une pointe d’acier ou de diamant, mue en
rond par la mécanique du tour , devint l'inftra-
ment dont fe fervoient ceux des chimiftes qui,
dans leurs laboratoires bien montés, pouvoient
joindre ce moyen à tous les autres 3 & quoiqu'elle
ne fût pas entièrement exempte du bris
de quelques ballons , cette méthode fut bientôt
préférée. Malgré cela , comme tous les chimifies
n’avoient- pas la facilité ou-l’emplacement fuffi-
fans pour fe. procurer un tour , Ja plupart continuèrent
à Cuivre le premier procédé. Quand on
employoit les ballons ainfi perforés dans les distillations'
3 on bouchoit dans les commence mens
de l’opération la tubulure avec un papier mâché
ou tourné fur lui-même , avec un faufîet
de bois blanc femblable à ceux qui fervent pour
les tonneaux , ou bien, & cette dernière pratique
finit par être généralement adoptée, par un petit
morceau de lut gras 3 lorfque les vapeurs élaf-
tiques & l'air fedégageoient avec rapidité , ce
que l’obfervation 8c l'habitude apprenoient à
reconnoître, ou ce dont on s'appercevoit par le
rallentiffement du produit auquel la vapeur con-
denfée oppofoit de la réfifiance, on débou-
choit le trou en enlevant le papier , le fauffet,
ou le lut 3 quelquefois même cette efpèce de
bouchon cédoit à l’effort & à la preflion de la
vapeur, qui fortoit dans l’un & l’autre cas avec
un fifflement plus ou moins fort , 8c en fai fan t
un jet plus ou moins rapide , étendu, prolongé3
ou même vïfîble ; car l’air ou le fluide diadique
qui fe dégageoit dans cette circonftance ,-en-
traînoit prefque toujours avec lui de l’eau, de
l'acide , de l'huile , ou d’autre fubftance quelconque
en vapeur. Il falioit déboucher fouvent
le trou des ballons, donner une fréquente iflue
aux vapeurs, pour que les opérations où elles 1
fe développoient euffent le fuccès qu'on y' re-'1
cherchoit ', & pour que les appareils diftillatoires
ne fufifent point briîes avec fracas , ce qui arri-
voit même encore fouvent foit que l’iffue ne fût
point aflez grande , foit que l’artifte négligeât
de la donner affez fouvent. Mais le plus grand
des inconveniens de cette pratique, fuivie cependant
fi long-temps dans les laboratoires , c'eft
que ce n’étoit pas feulement de l’air qui fe dégageoit
comme on I’avoit cru. La moindre expérience
fuffifoit pour détromper à cet égard
les chimiftes les plus greffiers, les moins bons
obfervatenrs : ils recohnoiffoient à l’odeur, à
la couleur, aux effets fur tous les corps voifins,
la nature différente des vapeurs évacuées par
les tubulures , & portées dans l’air 3 ils n'igno-
roient pas que , dans la préparation des acides ,
celui du nitre & celui du fel marin fe diftl-
poient en partie dans l’atmofphère par cette
C h i m i e , Tome III,
pratique 5 l'odeur, la rouille prompte des inf-
trumens de fer 8c de cuivre les en avertiffoient
aflez. Dans celle de l’alcali volatil ils en étoient
également avertis , ainfi que dans les diftillattons
à la cornue des matières végétales & animales ;
Couvent même leur faute 8c leur vie étoient
menacées par les vapeurs portées’ dans l'air &
agiflant fur leurs poumons. Une partie plus ou
moins grande du produit des analyses etoit donc
perdue & diflipée dans l’atmolphère 3 comment
compter , d'après cela , fur les résultats 3 comment
connoître, avec exactitude, les corps qu on
analyfoit ? N'eft-il pas évident que c’eft d’après
cette manière d’opérer & les incertitudes qu elle
fai foit naître , qu'on a fi long-temps négligé de
calculer 8c d'énoncer , dans les anal y fes , les proportions
des matières ou des principes qu’on en
re tir oit ? Nous pouvons apprécier actuellement,
fans craindre de nous tromper, l'influence fâ-
cheufe que cette manière d’opérer a du avoir 8c
a eue effectivement fur la marche & fur les progrès
de la fcience 5 nous pouvons prouver facilement
que, tant qu’on auroit continué d’opérer
ainfi , la chimie fer oit reftée dans la clafle
des pratiques inexaCtes pour le perfectionnement
de beaucoup d’arts , 8c infuffîfautes pour ^ la
création d’une théorie vraie & îumineufe. Rien
ne s'oppofe à ce que nous admettions comme
la véritable naiflance de la chimie philofophi.que ,
comme la bafe de la nouvelle MoCtrine chimique
, la mémorable époque où les chimiftes ont
commencé, à bannir les tubulures de leurs appareils
, à boucher les i (lues par lesquelles une
partie, fouvent même la plus abondante portion ,
ou la plus intéreflànte à connoître des produits
de leurs opérations , fe, difperfoit ou fe per-
doit dans l’air. Dès-lors , cette fqurc.e intarif-
fable & trop féconde d’erreurs &: d’incertitudes,
a été fermée pour jamais 3 8c l’on peut croire y
qu’en aucun temps, fi les connoiffmces ne fe
perdent point, fi le flambeau des fciences n'eft
point éteint par la barharie , les hommes ne feront
tentés de la rouvrir. Il étoit donc necef-
faire de connoître fous toutes fes faces ce vice
radical des opérations chimiques, cet ennemi qui
fe gliflcit fans cefîe dans les procédés des laboratoires
5 8c voilà ce qui exeufe les détails minutieux
en apparence dans lefquels nous fommes
entrés-. Paffons maintenant à l’expofé des diverfes
améliorations apportées fuçceflivement dans les
appareils , & parcourons avec foin les routes quô
les chimiftes ont fuivies depuis Haies jufqu’à
Lavoifier.
Rouelle , fans faire autant d'attention que
Haies au produit aériforme des analyfes, ne négligea
cependant point autant que les autres chimiftes
cette partie intéreflànte des expériences
analytiques. Il corrigea 8c améliora l’appareil