
meâer la boule d'un thermomètre, on augmente
le froid : il eft évident que la liqueur qui s’évapore
ici enlève la matière du feu à celle du
thermomètre , & qu’une vapeur , un corps aéri-
forme eft un compofé d’un, liquide & de la matière
du feu dans laquelle il eft diffous. La va
porifation eft favori fée par le vide j Lavoifier
s’eft réuni à la 1-lace .pour faire fur cet objet
des expériences dont voici le point de départ
& le précis. Le poids de l’air eft un obftacle
à la vaporifation > lorfque cette force eft ôtée ,
les liquides entrent en expanfïon ; le paflage des
liquides à l’état de fluides éhftiques eft accompagné
d’abforption de la matière du feu & ,de
refroidiffement. De l’éther , mis dans une phi oie
bouchée avec une veffie mouillée & placée fous
la cloche où l’on a fait le vide jufqu’à deux ou
trois lignes du niveau du mercure dans l’éprouvette
, fe réduit rapidement en vapeur au moment
où l'on perce avec une alêne la veflie qui
le recouvre; Cette vapeur éthérée foutient le
mercure du baromètre tronqué ou de l’éprouvette
à huit ou dix pouces en hiver , & à vingt
| nitreux, une chaleur è&tk à celle de l’eau bôui!-
| lante, tandis que ce même alcali faturé d’aei.ie
crayeux produit * avec l’acide-,- fix degrés de re-
froidiffement dû à l’ abforption du feu par /’acide
crayeux qui prend la forme de fluide éiaftique. Ici
Lavoifier rapporte une expérience décifive pour
la théorie qu'il avance. Une Solution d’alcali fixe
faturé d'acide crayeux, ayant été mife dans un
flacon très-fort avec de l’acide nitreux &: un thermomètre
ou vingt-cinq pouces en été j il fe produit en
même temps du .refroidiffement fous la cloche
lorfnu’on rend l’air, l’éther ne fe condenfe point,
& il refte diffous dans l’air avec lequel il forme
une efpèce d’air inflammable. L’é c r it de vin ,.
traité de même , foutient le-mercure à un pouce
en hiver & à quatre ou cinq pouces^en été.; il
produit aufli moins de froid , parce qu’il eft moins
volatil ou moins évaporable que l’éther. De l*cf-
prit de vin , à quinze degrés de température,
mis feus le vide dans un vafe ouvert, bout &
forme, un fluide elaftique ; cette formation eft
arrêtée par la preflion qu’exerce le fluide élafti-
que fur la portion encore liquide, & en même
rempspar lerefroidiffementquece liquideéprouve.
Dans cette expérience , lés bulles de l’efprit de
vin fe manifeftent à chaque coup de pifton; elles
partent du fond du vafe auquel l’elprit de vin
enlève du calorique. Deux forces font là en op-
pofition , la chaleur qui tend à.va'porifer, & la
preflion de l’air ou de la vapeur qui fe forme :
fi cette dernière l'emporte, le corps refte 11- ]
quide; fi c'eft la première , il fe forme d e . la
vapeur ou un fluide«elaftique. L’efrervefeençe
doit être , d’après cela, accompagnée de refroidi
fle ment : il y en a cependant où il fe produit
de la chaleur , mais alors c’eft qu’il fe dégage
plus de feu qu’il n’en faut peur former le fluide
elaftique qui fe volatilife. C’eft ainfi qu’en ver-
fant de l’acide nitreux dans un mélange d’âlcali
volatil concret Sz de chaux en différentes proportions
de celle-ci feulement, il y a. d’autant
plus de chaleur fenfîbîe, quoique le dégagement
d’air fixe foit le même, que la quantité de chaux j
eft plus grande , parce que la quantité de cha- j
leur dégagée fuit la proportion .de chaux ajoutée.
Ainfi l’alcali fixe cauftique donne , avec l’acide *
, & le flacon ayant été bouché fur-le-
champ, l’effervefcence fut bientôt ralentie par
la pieûion de l’air fixe dégagé dans le premier
moment du mélange , il fe produifît de la chaleur
■ & la liqueur du thermomètre remonta 3 on
ouvrit le flacon , & bientôt l’effervefcence, recommençant
avec une.grande activité, la liqueur
du thermomètre defeendit un peu au deffous de
la température extérieure. De tous les faits recueillis,
8e de toutes les expériences contenues
dans ce mémoire , Lavoifier conclud que toute
vapeur , tout fluide éiaftique, tout air eft un
compofé de la matière du feu avec un fluide ou
uri folide volatil, 8e que la volatilité des corps
n’eft que la propriété de fe difibudre dans le
fluide igné 8e de former avec lui des fluides
. elaftiques. Ce mémoire , clairement écrit , ne
contient cependant ni des vues aufli nouvelles,
ni des idées aufli étendues ;'ni des expériences
aufli neuves que tous les précédens & que le
plus grand nombre de ceux qui fuivent. Il eft
évident, pour ceux qui connoiffent ou qui étudient
l’hiftoire de la fcience , & fur - tout les
phafes qu’elle préfente dans la révolution remarquable
qui nous occupe, que Lavoifier n'avoit
eu l'intention en le rédigeant que de lier les
opinions qu'il avoitdéjà é mife s fur la formation
& i’abforption des fluides elaftiques dans plusieurs
de les mémoires précédens , que de géné-
ralifer les idées qu’il avoic comme éparpillées
dans fes différentes recherches. Il ne l'eft pas
moins que la plupart de ces idées , qui avoient déjà
été pîéfentées fous une cuire forme en Angleterre
par le célèbre Black, n'étoi.ent encore ni
bien connues ni fuffifamment répandues en
j France; ainfi l'on pourroit tout au plus repro-
I cher à cet égard à Lavoifier , de n'avoir pas
indiqué avec affe-z d’exa&itude tous les phyfî-
ciens qui l’ avoient précédé dans cette nouvelle
carrière j mais il ne lui r-eftera pas moins la
gloire d’avoir offert , 1e premier en France, un
enfemble de doélrine fur la chaleur , &c d’avoir
lié les baies dé cette doélrihe avec la théorie
générale qu’il établiffoit peu-à-peu dans le fein
de l'académie des feiences l ’amour de la vérité
nous oblige de remplir ici une lacune qui
fe trouve dans la partie hiftorique du mémoire
de Lavoifier, fur la formation des fluides élafti-
ques. Crawford nous apprend que Black avoic
diftingué la chaleur latente ou combinée des 1757
& 1758 dans les leçons, cpe de fon laboratoire
les idées de Black fe répandoient infenfîbîement
dans toute l’Europe favante ; que Wilkï en ex- ,
pofa un précis dans les mémoires de l'académie j
de Stocklohm • en 1772, & Dehic dans fa mé-- I
téorologie. Black fit voir qu’un corps folidè ab- j
forboit de la chaleur en fe liquéfiant, de même
qu’un fluide, en devenant vapeur; que cette cha*-
ltur alors latente & combinée redevenoit fen-
fible par le paflage du corps de l'état liquide à'
l’état folide , ou de l’état de vapeur à l'état
liquide. Mais remarquons encore que quand même
Lavoifier auroit eu connoi fiance de ces
explications ingériieufes que Black n'avoit données
qu’à fes élèves , la manière dont il les a
préfentées & fur-tout appropriées à fes découvertes
particulières , renaoit encore ce travail
neuf au Sortir de fa plume ; 8c. qu’il eft devenu
dès-lors un foyer de lumière pour tous les phy-
ficiens françois.
Le dernier mémoire de cette année 1777, fi
féconde en travaux de l’illuftre chimifte dont
nous retraçons les glorieufès entrepiifés , a pour
titre t fur la combùfl'ion en général ; c’eft une com-
parailon de tout ce qu’il a prëfenté jufque-là fur
cet important phénomène , avec les idées que
les autres . chimiftes s avoient adoptées fur la
théorie , 8c avec la réfutation de celle du phlo-
giftique. Il faut , dit-il, mettre de l’ordre dans
les iairs nouveaux déjà accumulés, éviter l’encombrement
qui menace déjà la fcience. Les
fyftêmes dephyfique lui paroiffent être des mé1
thodës d’approximation ; le meilleur feroit une
hypothèfe’ , qui par des éliminations fuccefli-
ves , conduiroit à la connoiffaneè des véritables
loix bé la nature; fur ces principes , il fe pro-
pofè de -tracer les bâfes de la fienne , qu’il dit
être contraires à l’hypothèfe- de Stahl. Il diftingué
quatre phénomènes dans la combuftion ; i° .
dégagement de la matière du feu ou de la lumière
; 2°. corps cômbuftibies , ne brillant que dans
l’air déphlogiftiqué de Prieftley qu’ il nomme ici j
air p u r ils s’ éteignent dans tous, les autres
fluides elaftiques comme dans l'eau ; 30. l’air 1
pur eft détruit ou déeompbfé-, le corps brûlé ‘
augmente de poids en proportion ; 40. le corps
brûlé fe trouve change en un acide, comme le
foufre en acide vitrioliqué , lé phofphore en
acide phofphorique, le charbon en air fixe ou
acide crayeux. La calcination des métaux eft fou-'
mife aux mêmes loix ; les métaux calcinés ont
abforbé de l’air , augmenté de poids , ils ne forment
point d’acides , mais des enaux métalliques.
Macquer qui s’eft fervî de l’hypothèfe de Stahl,
our expliquer ce phénomène, Sc qui regarde
* calcination des métaux , comme une précipitation
de l’air par la matière du feu, féparée
lentement de ces corps, fuppofe le feu exiftant
dans les métaux , & tourne ainfi dans un cercle
vicieux, puifqu’il explique 1 ;préfence du feu
par la combuftion , 8r la combuftion par la pré-
fence du feu. Lavoifier expofe fon fyftêine,
qu’il appelle hypothèfe, d’une manière aufli fimple
qu’ ingénieùfe ■ , mais beaucoup plus complette
qu’il ne l’avoit encore fait dans aucun des mémoires
précédens Suivant lui, le feu ou la lu-*
mière eft un fluide: fubtil, rare , éiaftique , environnant
le' globe , pénétrant tous les corps ,
fe mettant en1 équilibre , diffolvant-les corps,
& leur donnant le caraéïère du feu , formant
les fluides aériformes, *caufe de leur rareté, de
leur élafticité. L'air pur n'eft que du feu tenant
en diffolution une' autre matière- qui en fait la
ba-lê ; fi on préfente à cette diflolutio» un corps
qui ait plus d’affinité avec cette bafe que celle-
ci n’en a a:vec fon diffoivant igné , elle s’y unit ,
& le diffolvant ou i‘e feu devient libre; iecorps
brûlant, en. enlevant cette bâfe , & en mettant
le feu en liberté , laifle prendre à celui-ci le caractère
de flamme & de chaleur. Ainfi le métal
chauffé ou fondu dans l’air pur , ayant plus d’affinité
avec fa bâfe que celle- ci nYn a avec la
matière du feu ; abforbé cette bâfe , augmente
de poids , fe convertit en chaux, détruit l’air,
èn dégage la matière du feu , qui devient cha-
Je ur ou himière. Ces phénomènes dents dans, les
métaux font rapides ou inftantanés dans le foutre
& le phofphore ; la bâfe de l’air a b for bée par
ces derniers , forme les acides ; le diffolvant
fe dégage moins abondamment dans la combuftion
du charbon, parce qifil fe combine avec
l’acide crayeux qui fe formé , & qui refte en
état de fluide éiaftique ; c’eft pour cela qu’il
n’y a prefque pas de diminution fenfible dans l’air
qui fert à brûler dans le charbon , tandis qu’il
y en a une très-fenfîbîe par la combuftion du
foufre & du phofphore , qui deviennent des acides
concrets. D’après cette manière de voir
l’air pur , L’air déphlogiftiqué dé Prieftley eft
le véritable ,* le feul corps combuftible , puifque
c’eft de lui que fe dégage le feu en chaleur 8c
en lumière, qui d’ailleurs n’eft contenu qu’ en
très-petite quantité dans les corps folide-, tels
que le foufre , le phofphore 8c les métaux. Les
trois états folide , liquide , Sz fluide éiaftique
des corps dépendent de la quantité de feu qui
leur eft combiné 5 la fo'idité, la liquidité , la
fluidité éiaftique font de véritables caractères
dela préfenee du feu en différentes proportions;
la folidité eft la preuve de fon abfence ; l’air eft un
fluide fubtil auquel le feu donne les propriétés
ignées d’ élafticité , de rareté ; on n'a donc plus
befoin d’admettre la préfence du feu combiné ou
du phlogiftiquè dans une foule de corps , dont lès
propriétés répugnent à î’exiftence de cet être y il
n’éft plus néceffaire de recourir à une foule d’hy-
pothèfes pour exprimer comment un corps augmente
de poids , en perdant un de fes principes.
La théorie nouvelle de la combuftion s’applique
à la refpiration 5 l’air dans celle-ci eft ckangé