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langue; des pays où Ton s'occupe des fciences.
Quoique cet ouvrage n’ait paru qu’ à la fin de
1777 , il paroît qu’il était rédigé avant juillet
1775 j d’après ce qu’annonce Bergman, il n’eft
pas moins évident que les expériences qu’il contient
datoient de plufieurs années avant cette
dernière époque1 de 1775* Ainfi l’on peut croire
que dès 1769, 8c pendant l'on féjour à Stockholm
, Scnèele conçut le projet d’examiner les
propriétés du feu qu’il employoit avec tant de
fuccèsj comme agent ; 8c qu'au milieu de fes
travaux .» pour en reconnoître la nature , les
découvertes de Black , Cavendish 3 Matbride 3
Prieftley y vinrent le, frappi-r » 8c l’engager à
pourfuivre avec plus d’ardeur encore les expériences
qu’il avoir commencées , fur-tout fous
le point de vue des rapports exiftans entre l’air
& le feu. Lorfqu’il préfenta en 1775 à
Bergman fan ouvrage rédigé & terminé „ les
principales découvertes de Prieftley fur l’air vita
l, tic fur-tout celles de Lavoifier fur la com-
buftion , lui étaient entièrement inconnues}
•feul, avec le fecours de' fon génie -, il avoit
projetté depuis long-tems, 8c entièrement exécute
, un ouvrage fur un fujet qui avoit tant
occupé & illuftré Boerhaave } il fut le traiter
d’ une manière bien différente 8c ablblumenC'
nouvelle. Sans prefque aucun des appareils ingénieux
que les chimiftes Français & Anglais
ont commencé à imaginer à l’époque où Schèele
mettait la dernière main à fon ouvrage.} cet
habile homme fe fervoit de fioles ordinaires, de
veflies, de jattes, de bocaux renverfés de
cucurbites même ,. prefque à la manière de
Mayow , à la fin du fiècle dernier. Il n’avait
nul moyen , nul inftrumentde précifi an 8c d’exactitude
, 8c cependant à force d’expériences variées
& ingénieufes, il eft parvenu à analyfer
l ’atmofphère, à découvrir une foule de faits*
importans fur les propriétés de l’air vital qu’il
a nommé a ir ,d u f e u 3 & de l’ autre principe de
l ’âtmofphère qu’il a nommé a ir co r rom p u , fur
celles de plufieurs autres gaz importans., fur la
combuftion » fur la refpiration , fur les acides
fur l’alcali volatil, l’ or fulminant, &c. 11 a ofé
s’ élever jufqu’ à j’analyfe de la chaleur & de la
lumière, 8c effayer .d’en déterminer la nature.
Il s’eft créé une théorie complette fur tous les
phénomènes chimiques 5 théorie dont l’enfemble
& la généralité a tellement frappé 8c fatisfait
Bergman , qu’ 1 l’a adoptée toute entière ainfi.
que nous l’avons déjà vu ; théorie qui, quoique,
mamfollement erronée , ne pouvoir être que l’ouvrage
du génie} théorie enfin, qui- fera pour tous
les. te ms une production précienfe del’efprit humain
, quand on la considérera fur tout par compa-
raifon avec celle de Lavoifier,qui l’a promptement
fait difparoître, mais dont Schèelè é.oit digne
d’être le précurfeur. En lifant avec-attention l’ouvrage
de Schèele 3 on eft étonné de l’immenfe
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fuite de faits nouveaux qu’ il a réunis., de la manière
ingénieufe autant que fini-pie dont il
eft parvenu à découvrir la çompoiïtion de l’air,
l’aftion différente de la chaleur tic de la lumière.
On eft faifi d’adm iration en voyant dans un traité
de deux cent pages , rempli d’expériences fines &
déliées , une marche analogue à celle qu’a fui vie
Lavoifier dans fa longue fuite de travaux} les.
mêmes objets de xre cherches le conduifent quelquefois
à des r.éfoltats expérimentaux, fembla-
bles à ceux de l’illuftre François , & toujours
à des idées oppoiees 5 on le voit fans ce fie fur
le point de faifir les vérités que Lavoifier a découvertes
, & s’en é oignant cent fois au moment
même où elles fimblent fe. pré Tenter a lui.
S’il eft naturel de penfer que les effais de Schèele
dévoient ne ren laifier à faire à Lavoifier } il
eft d’autant plus fingulier de voir qu’en paroif-
Tant fuivre la. même route , examiner les mêmes
phénomènes , traiter les mêmes corps-, obtenir
fouvent les mêmes réfultats , ils vont bientôt
s’éloigner firîgulièrement.dans leurs conclufions,
dans leurs idées, & créer chacun fur des fon-
demens analogues,, un édifice fi différent. Par
la hardieffe bc. par la- Angularité de l’opinion ,,
.celui de Schèele eft peut-être plus étonnant &
plus original que celui- de. Lavoifier } mais par fa
lé g è r e t é & en quelque forte par fon- élégance
même,, le fyftême. du chimifte Suédois ne devoir
avoir qu’une exiftence pafiagère, tandis que celui;
de Lavoifier conftruit lentement,,pierre a pierre,
en quelque forte & avec des matériaux choifis,
offre un monument folide & durable. Le premier
eft la. création de l’ efprit», le fruit d’une
imagination ardente, étayée d’expériences nom-
breufes 8c Caillantes , mais non péremptoires &
décifives } Te fécondeft- la production lente
d’un raifonnemênt réfléchi- & fondé fur dès-
faits concluant & certains. Schèele a- raifon de
dire de fon fyftême fur fa prétendue compofî-
tion de la chaleur par l’air du- feu 8c le phlo-
giftique,. c e t te o p in io n m e f em b l e , 'd 'a b o r d 'aujfi
e x tra o r d in a ir e q u e l l e p o u r ra p a r o h r e é t ra n g e âm e s
le c te u r s ,* mais il eft difficile de concevoir comment
il a. pu penfer que ce n’étoit pas une
fimple hypothèfe , & qu’elle étoit fufeeptible
d’être démpntiée comme une vérité confiante,.
11 eft véritablement- incompréhenfible qu’uni
homme auffi habile en expériences , ait fans
ceffe perdu de vue que les- poids dés matières
dévoient faire la bâfe principale des réfultats
qu’il en tiroit} qu’il ait perpétuellement négligé
d'en tenir compte , 8c qu’il ait pouffé la- fingularité
affez loin pour croire & vouloir perfuader
aux autres, qu’une matière pefante comme;l’air
vital, pouvoir perdre toute fà pefantèur en fe
combinant avec le phlogiftique, devenir allez
fubtile pour traverfer les vaiiîeaux de verre, &
fe diffiper fous la forme de chaleur , en biffant
un vide dans. les. yafes fans leur faire perdre la
pefanteijff
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‘Ipefanteur qu’il avoit lui-même avant cette com- j
Ibinaifon } une fois cette idée, affurément très-
([extraordinaire, admife, il ne devoit plus exifter
■ &: il n’exiftoit plus en effet de difficulté à
■ Schèele, pour expliquer, comme il l’a fa it, la
Içalcination des métaux , leur rédu&ion , les
Ichangemens des acides , leur formation , leur
fdécompofition , la diffolution des métaux , & la
fjprodudtion de l ’ardeur rayonnante, de la lumière ,
■ de l’air inflammable, 8c c . Il n’eft pas difficile de
»trouver la caufe de la manière dont ce chimifte..
■ célèbre a été conduit à des opinions auffi har-
Idies ôc auffi improbables , dans la néceffité d’ad-
Jmettre la préfence du phlogiftique par laquelle il
Is’eft trouvé lié. Ainfi , ce préjugé eft encore pour
«ce fyftême comme pour ceux dont il a été quef-
ition jufqu’à préfent, la fource des erreurs ou
JSchèele s’eft biffé entraîner. Mais ne nous bpr-
Inofis pas à cette fuccinte idée de fa théorie ;
■ examinons-1a plus en détail} le cas qu’on en a
■ fait dans le nord , fon adoption par plufieurs
Ithimiftes célèbres en Allemagne , l'efpèce d’ha-
Ibileré & de talent avec lefquels Schèele lui-
iinême en a fait un fyftême lié à cous les phéno-
Imènes de la chimie, nous en impofent ici l’obli-
Igation.
I La première idée , la bâfe générale du fyftême
Ide Schèele , comme 1a première fuite des expériences
fur lefquelles il s’appuie , eft tirée de ,
I l’analogie qu’il trouve entre l’air & le feu , de
■ la nécêffité de l’un pour l’entretien de l’autre ,
I de l’identité qui lui paroît exifter entre ces deux
■ corps. Ainfi pour connoître la nature du feu , il
■ lui paroît indifpenfable de commencer par exa-
Iminer celle de l ’air. Il obferve d'abord , que l’air
latmofphérique ne peut entretenir b combuftion,
S la végétation des plantes 8c la vie des animaux
Ique pendant un tems limité. Il montre enfuite
Ique dans toute* combuftion, il y a*un tiers ou
|un.quart de diminution de la part de l’air ,
Ilorfque le corps brûlé ne forme point ou n’ex- I haie point un fluide élaftique, remplaçant celui
I qui difparoît. En mettant de l’ air atmofphérique
I en contai avec du foie de foufre liquide à
(quelque bâfe alcaline ou terreufe que le foufre
I y foie uni , il fait voir que l’air fe réduit à un I quart de fon volume. Des linges imbibés de
| diffolution de fel fulfureux agiffént de la même I manière fur l’air } Ls huiles effentielles , en
1 diminuant auffi d’un quart le volume de l’air auquel
! on Ls expofe , fe rapprochent de l’état refîneux,
| & l’huile animale de Dippel s’épaiffit & noir-
I c:t. Il en eft encore de même de la chaux de fer
I précipitée du vitriol par l’alcali cauftique, &
J expofée encore humide , à l’air dans un bocal
I jenverfé ; cette chaux d’un vert foncé, devient
bientôt jaune , 8c l ’air eft diminué de plus du
( quart} on obtient le même réfultat. avec la li-
| niaille de fer hume&ée. L’air t'rfidu de toutes ces
C h i m i e * T o m e , I I I .
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opérations eft plus léger que l ’air atmofphé
rique, 8c ne peut plus fervir à la combuftion
& à 1a refpiration. Schèele après avoir prouvé
par-là que l’air atmofphérique eft compôfé de
deux efpèces de fluides diadiques , ce que La-
voifîer avoit déjà annoncé dès 1773 , 8c prouvé
enfuite par des expériences très-exaétes en 1776 ,
avant 1a publication de l ’ouvrage du chimifte
Suédois, Schèele ne doute pas 8c regarde au
contraire comme très-démontré, que l’effet général
de -diminution prouvée par fes huit premières
expériences, eft dû au dégagement du
phlogiftique des corps mis en conta# avec l’air }
qu’une quantité donnée d’air ne peut le faturer
que d’une quantité donnée de phlogiftique } il fê
demande enfuite fi le phlogiftique dégagé de ces
corps exifte dans l’air reliant , ou fi l’air difparu
eft fixé dans les corps. La première opinion eft
démentie par la plus grande légèreté de cet air
réfidu 8c par fon poids abfolu moindre } quant
à la fécondé, Schèele dit avoir fait des tentatives
inutiles pour trouver l’air dans les corps}
il le cherchoit, à b vérité., fous la forme d’air
fixe, & l’on voit qu’à cet égard il étoit fort
loin de Lavoifier , qui avoit déjà prouvé en 1777
que le foufre converti en acide , contenoit de
l’air , ainfi que le fer en chaux. Schèele fe contente
donc de la fimple conclufîon , que des
deux fluides différens qui compofent l’air , l’un
n’a aucune affinité avec le phlogiftique ; & l’autre
, qui en forme la troifieme ou la quatrième
partie , eft deftiné à l’attirer} & il fe propofe
de prouver , par des expériences ultérieures ,
ce que devient cette efpèce d’air uni au phlogiftique.
Pour cela il paffe aux phénomènes de la combuftion
,. en commençant par celle des corps
qui ne fourniffent point de fluide élaftique en
brûlant.En enflammant du phofphore dans un ma-
tras fermé hermétiquement, par le moyen d’une
lumière fixée fous la place occupée par le phofphore
, 8c en ouvrant enfuite ce matras fous
l’eau , après avoir vu fe former l’acide concret,
iL obferve que fur 30 onces d’eau de capacité
qu’avoit le vafe, il a difparu un volume d’air
égal à celui de 9 onces d’air , c’eft-à-dire , près
du tiers de fon volume. Lavoifier avoit déjà fait
cette expérience plufieurs années auparavant
avec b différence qu’ayant opéré fur du meiv
cure, il n*avoit vu la diminution de volume
n’aller qu’au quart tout au plus. L’inflammation
de l’air inflammab’e obtenue de la diffolution du
fer ou du zinc par l’acide vitriolique , a diminué
d’un quart le volume de l’air où elle a eu lieu,
fuivant'Scheèle , l’air reliant n’ a point précipité
l’eau de chaux , il étoit comme le réfidu de la
combuftion du phofphore, plus léger que l’ air
atmofphérique. En paffant enfuite à la combur-
tion des corps qui donnent de h air fixe en bru