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pofe ic i , comme je l ’ai déjà fait dans plhfieurs
parties de cet article ', que de traiter les princi-
Faux points de cette intéreffante époque de
hiftoire chimique. Pour le faire au moins avec
quelqu utilité pour le leéteur, & de manière à
lui offrir quelques réfuitats iriftruéfeifs , pour
l ’engager fpécialement à rechercher par lui-
même & à puifer plus facilement dans les fources
convenables les détails qui l’intérefferont plus
particulièrement, il eft indifpenfable de revenir
en partie fur nos pas , de rentrer dans quelques
unes des époques, qui précèdent, de faire
encore quelques excurfïons fur le pafle , pour
y chercher les premières notions que les favatts
ont données fur les gaz, & y trouver les"premiers
fondemens de la doétrine pheumatique
dont il me relie à lui faire connoître la naif-
fance, l’accroilfement & la confolidation. Au
lieu des immenfes détails dans lefquels une
érudition , peut-être trop lèche 8c trop minu-
tieufe en même-temps , pourroit m’entraîner,
fi je me laiffois emporter par l’envie de faire,
connoître toutes les expériences, toutes les découvertes
de l’époque qui va nous occuper,
j’ai peiifé qu’il féroit 8c plus frappant, 8c plus
utile de les clalfer, de les ordonner méthodiquement,
de les réunir en quelques faifceaux
principaux , dont chacun aura pour titre 8c
pour bannière, en quelque forte , une découverte
capitale, ou un réfultat important pour
la théorie générale de la fciençe. J’ai en con-
féquence coupé la grande époque de la révo-
lqtion chimique moderne en huit autres époques
fecondaires , ou en huit périodes dont je dois
d’abord expofer ici la férié & les rapports.
La première période qui fervira d’introduction
à cette efquiffe hiftorique, n’appartient à la
révolution que par le rapport des faits quelle
renferme ; elle en eft éloignée par le temps où
elle s’étend $ on pourroitmême la faire remonter
jufqu’aux égyptiens 8c aux grecs, fi ces peuples
avoient offert dans leur hiftoire quelques notions
exactes 8c expérimentales, fur-tout de l’air 8c des
gaz } elle confond donc les temps, & ne fixe
dans la route de l’hiftoire des fciences physiques
que quelques monumens relatifs aux fluides
eiaftiques. Quoique' détachée 8c hors de ligne,
en quelque forte, elle eft indifpenfable pour faire
connoître ce qui exiftcit avant les découvertes
modernes, 8c jufqu’ où l’efprit humain avoir pu
pénétrer, fans les méthodes & les inftrumens
trouvés depuis.
La féconde période fera rapportée à îa vraie
découverte de l'air fixe 8c de fies propriétés principales
par Black y c’eft bien véritablement là la
fource commune 6c féconde de toutes les découvertes
des' g a z , 6c le tronc principal -d’où
forcent toutes les branches de ce travail créateur.
c H i
Une troifième, période, non moins importante j
doit être attachée aux changemens très-remarquables,
8c très - heureux que cette découverte
apporta prefque tout-à-coup aux vaifléaux, aux
infttumens , aux appareils chimiques , 8c par
conféquent aux réfuitats nouveaux que les chan-
gemens ont produits dans l’art expérimental. '
Je fais une quatrième période de l’inftant où
Lavoifier fit connoître l’exa&.itude qu’on pouvoir
porter dans les nouveaux procédés, 8c à l’aide
d’une forte de . géométrie chimique obtint des
données inattendues, qui commencèrent à jetter
les premiers fondemens d’une doctrine fans hypo-
thèfe , d’une théorie réelle, dont le principal
mérite & la différence d’avec celle qui avoir
régné jufques-là en c h im i e , étoit de n’admettre
aucune invention de l’efprit, aucun pouvoir de
l’imagination.
Je traite dans là cinquième période des découvertes
& des expériences faites par les chimifle's
8c les phyficiens étrangers., fur-tout dans le nord,
pendant le temps même que la révolution chimi-
ue s’opéroit en France, 8c de la concordance
è ces découvertes étrangères avec les faits
dont les chimiftes françois enrichifïbiént la
ficience.
Une fixième période eft deftinée à faire connoître
la réfiftance que les préjugés 6c les anciennes
opinions opposèrent, à l’admiflîon de la
doétrine de Lavoifier, le combat glorieux que les
partifans 8c les coopérateurs de cette doéfrine
firent à ces préjugés, 8c les dernières découvertes
ajoutées à celles du créateur de cette doctrine *
qui lui ont affuré la victoire.
Pour la feptième période, je fixe la nomenclature
méthodique par laquelle plusieurs chimiftes
françois réunis, 8c dans un travail commun,
ont porté le dernier coup aux préjugés de leurs
adverfaires, ont exprimé avec clarté 8c précifion
les faits fur lefquels la dôéfcrine moderne étoit
fondée, lui ont donné en quelque manière une
aftiette définitive , & en ont affuré la marche en
même-temps qu’ils en ont rendu l’étude fimple &
facile»
Enfin, je renferme dans la huitième 8c dernière
période les expériences confirmatives ajoutées
dans les temps les plus modernes à toutes
celles qui avoient créé 8c fait naître cetjte doctrine
, expériences qui en ont confolidé toutes
les bâfes, qui lui ont affuré une durée comparable
à fon éclat. À cetce dernière fè rapportent
aufli les - conquêtes que cette doétrine fit alors
par fa beauté, fa (implicite 8c fa force , de la
plupart des phyficiens 8c des chimiftes étrangers
les plus célèbres.
Premiers
c H i
P R IM I è B. I P É RI ODE .
Faits épars qui ont précédé la véritable découverte
des gai' , 6* la révolution quelle a produite dans
la chimie.
Quoique ce qui nous refte des connoiffances
des anciens dans la phyfique 8c la chimie, prouve
u’ils avoient quelques notions des propriétés
e l ’air, qu’ils n’ignoroient pas entièrement fa
pefanteur, ainfi que fon influence dans la com-
buftion 8c dans la refpiration, 8c les différences
qu’il préfente par rapport à l’entretien de la vie
8c de la lanté des animaux, fuivant une foule de
circonftances qui fe rapportent à fa pureté ou à
fes altérations, il eft certain -qu’ils- étoient dans
une ignorance entière fur l’exiftence particulière
des gaz, 8c qu’un grand nombre de fiècies accumulés
n’offrent aucune découverte, ni aucune
idée de cette exiftence. On n’en trouve quelques
traces que dans les ouvrages des premiers miné-
ralogiftes, des premiers métallurgiftes qui ont eu
occafion de parler des vapeurs délétères, des
mophètes fouter raines qui fe développent dans les
mines. Mais les uns les attribuaient à des d.émons,
à des efprits malins j les autres, plus éclairés 8c
moins fuperftitieux, lés regardoient comme de
l’air in fe dé par des vapeurs métalliques 8c a tien i-
cajes. Du temps de Paracelfe, les chimiftes don-
noient à ces vapeurs mortelles le nom d’efprit
fauvage, fpiritusfylvejïre, mais fans en déterminer
en aucune manière la nature , fans exprimer qu'ils
parloient d’un fluide élaftique, quoiqu’ils euffent
entrevu que cet efprit fauvage des mines 8c des
cavités fouterraines avoit de l’analogie avec celui
qui fe dégage dans les fermentations , dans les
effervefcence's, 8cc.
C’eft Vanhelmont qui, au commencement du
fiècle dernier (il eft né en 1^77 8c mort en 1644),
a eu des idées plus étendues que tous les phyficiens
qui l’avoient précédé fur les fluides élaf-
tiques différens de l’air, & qui en a préfenté une
efpèce de dodrine qu’on peut dire étonnante
pour fon fiècle, par les vues 8c.-les apperçus
qu’elle contenoit. On fait en général, que Vanhel-
mont étoit un homme de génie qui a- eu plus
d’idées nouvelles qu’aucun de ceux qui avoient
traité jufques - là de l’application de la c h im ie à la
médecine. On trouve dans les ouvrages det ce
méd.qcin - chimifte, une fuite de recherches affez
liées fur ce que Paracelfe avoit défigné par le'
nom d’efprit fauvage , fpiritus fylvcfire. Il le définit
d’abord une vapeür incoercible., un efprit
qu’on ne peut ni raffembler dans des vafes, ni
concentrer fous une forme fenfible à îâ vue 5 il lui
donne le nom de gas, ou gas fylveflre, tiré mani-
tëftoment du mot holiandois gkoafi qui lignifie
tfprit \ il faut obferver que les anglais rendent
la même idée parle mot g h o f i les allemands par !
Chimie, Tome III,
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celui de geifl qu’ils prononcent gai (ire. Le nom
de gas donné par Vanhelmont, a été enfuite
adopté par Macquer qui l’a,écrit par un \ , comme
nous le faifons d’après lu i, pour le diftinguer de
quelques mots françois qui ont une autre lignification.
Vanhelmont donnoit une très-bonne 8c
très-exa&e idée du gaz dont :’l parloit, en difant
que quelques corps fe réfolvent prefqu’entièrement
en cette fubftance ; il obferve avec une
grande jufteffe qu’il ne faut pas entendre par-là
que ce gaz fût contenu fous fa forme élaftique
dans le corps d’où il fe dégage , car rien ne pourroit
le retenir 5 il en biiferoit 8c écarteroit les
parties > mais qu’il y eft renfermé fous forme
concrète , comme fixée ,- comme coagulée. Af-
furément, on ne pourroit rien dire de mieux ou de
plus exaél aujourd’hui, & il y a quelques phyficiens
modernes parmi ceux qui ont long-temps
combattu la doélrine nouvelle, qui n’ ont pas , à
beaucoup près, fur les gaz une idée aufli nette
que celle qu’en avoit Vanhelmont.
L ega%fylveflre fe dégage, fuivant Vanhelmont,
de toute fubftance végétale actuellement en fermentation
, telles que le vin, l’hydromel, la
jus de verjus, le pain ; il fe fépare aufli des
végétaux, fur-tout des farineux, pendant 8c par
leur chiffon j on l’obtient du fel ammoniac par
fes combinaisons avec pliifieurs corps ; il s’échappe.
de la poudre à canon enflammée , ainfi
que du charbon qui brûle fur ce corps qui a
occupé la fagacité de Vanhelmont, il va jufqu’ à
dire que foixante-deiix livres de charbon donnent
jufqu’ à foixante-une livres de gaz, 8c une feule
livre de terre.
Il attribue les funeftes effets de la Grotte-du -
Chien, la fuffocationdes ouvriers dans les mines,
les açcidens produits par la vapeur du charbon
allumé, ainfi que ceux qui arrivent trop fouvent
au-deffus des cuves 8c meme dans les celliers où
fermentent des liqueurs vineufes, à l’émanation'
du même gaz 5 fuivant lûi , la quantité qu’en
donne le tartre mis eh diftillation eft fi grande y
qu’elle brife avec fracas les vaiffeaux qui fervent
à l'opération, fi l’on n’a pas le foin de lui offrir
une iffue 5 enfin, c’eft encore le même gaz qui
fe diflipe pendant l’effervefcence que forment les
alcalis 8c les terres avec les acides. Ces rappro-
chemens 8c cette identité font aufli bien vus 8c
aufli exaéts que ce qu’on a découvert depuis , 3c
il ne manquoit à-Vanhelmont que d’avoir pu recueillir
8c examiner ce gaz qu’il croyoit incoercible
; il auroit vu alors que celui qui eft fourni
par le fel ammoniac n’étoit pas de la même nature
i ainfi que celui qui fe dégage de la diffo-
lütion. des métaux dans les acides ; il auroit déterminé
leur différence : mais fi l’on confidère ie
temps où il a écrit, au commencement du dix-
feptième fièscle ,. le peu de moyens que poffédoit