
« à par les faits, que la chaux & les alcalis ont
toute leur caufiidt.é quand ils font dépouillés de
t e gaz , & qu'ils perdent leur caufiicité quand on
les en fa titre. Cette découverte-, une. des plus
importantes qui aient été faites depuis qu’on
cultive la chimie, renvoie bien, loin comme ii
eft ailé de le ietitir, tz les particules ignées, 8z
le caufiicum , & le feu pur ou prefque pur atlfïi
a-t-elle déplu fouverainement à tous les chimiftes
qui fe fervcient fi commodément de la matière
du feu pour expliquer les phénomènes de la
Quelques-uns en éludant cette qiieftion épine
ufe de la caufe dé la caufiicité, 'fe font contentés
de difputer fur le nom à1 air fixe qu’on
donnoit en effet mal-à-propos, d’après Haies ,
au ga^ dont il s’agit, & qu’on rendoit commun
à d’autres fubftances gazeufes qui paroi lient
d’une nature différente. Ils ont tiré avantage
de cette coafufion pour traiter tellement cette
grande découverte en la préfentant comme un
réchauffé de celle de Haies, quoiqu’elle en
diffère beaucoup, fur-tout en ce que .cet excellent
phylicien n’a point du tout fait fervir Ces
expériences à la théorie de la caufiicité.
Nous dirons à l’article gaz , cè qui a été
répondu & ce qu’on doit répondre aux autres
objections contre les nouvelles découvertes
des gaz & de leuis propriétés. D’autres
partifan's du feu , comme caûfe immédiate
de la caufiicité , ont pris le parti de nier ou de
coutelier plusieurs des faits fur lefquels étoit établie
la théorie du doéteur Black : la plupart dès
phyficiens, qui s’occupoient à les vérifier & à
les étendre, en y joignant de-nouvelles expériences
confirmatives & analogues, y ont répondu
folidement.
Mais parmi ces derniers , perfonne ne l’a fait
avec plus de fucces que Lavoifier, l’un des
chimiftes de l’académie des feiénces. Ce phy-
ficién eit venu , les balances & les mefurés à
la main, donner le fceau de la plus grande authenticité
à ces mêmes faits en les vérifiant
avec toute l’exadlitude qu’on puiffe délirer, en
prélènce des commiffaires nommés pour la vérification.
( i) .
Il eft donc bien démontré que l’étât caufti-
que ou non caullique de. la chaux Sz des alcalis,
n’efl point dû à la préfence ou à- l’abfehce
d’une quantité plus confidérâble que dans les
(i) Trudaine, Leroi, Cadette, moi. Voye^ l’ouvrage
de Lavoifier, intitulé Opufeules phyfiques &
chimiques , te le rapport qui en a été fait à l’académie
par les commiflaires, te qui çfl imprimé dans
cet ouvrage.
autres corps de particules du feu , de caufiict'm
ou de feu prefque pur, mais à la féparatîon ou à
1^union d’une fubflance volatile gazeufe, & de
1 eau qui les met dans un état de faturation plus
vOU moins complette ou imparfaite, fuivant la
régie generale de toutes les autres opérations delà
chimie. Que pourront donc oppofer à une
telle démonftration, les„ chimiftes qui ne peuvent
concevoir une autre caufe dirèéle 8z .immédiate
de la caufiicité, que l’aétion propre des
particules du feu? diront-ils que le gaz dont
il s’agit n’eft lui-même que de l’air & du feu
prefque pur ? Cette réponfe feroit 1 bonne ,
fi la chaux & les alcalis devenaient d’autant
plus caufiiques qu’on les combine roit avec une
plus grande quantité de ce gaz chargé de couf-
ticum ou de feu prefque pur : encore faudroit-il
prouver que cette fubftance qui .éteint le feu
contient réellement plus de feu actif que les
autres corps, mais c’eft tout le contraire, comme
on vient de Je voir, ainfi cette fnppofition prouver
oit,bien plutôt que le feupreJquepur nc-Ct pas
du tout la caufe immédiate de la caufiicité, puif-
qu’alors il en réfulreroit que l’énergie de cette
qualité diminueroit d’autant plus, qù’ dn augmen-
teroit la caufe qui l’a produit & qu’on l ’augmen-
teroiten diminuant cette même caufe, ce qui aP
furément ne petit fe. foutenir. Seroit-il potiible
qu’on portât d'attachement pour le caufiicum ou
le feu prefque pur, jufqu’au point de prétendre
lever la contradiction d’unè pareille conféc.uence
en difant que le. caufiicum ou le feu prefque pur
de la chaux & des alcalis cauftiques T eft dans
un certain état différent d’un autre état où il eft:
lorfqu’il fait partie du j I l n’y auroit, j’en
conviens, aucune réplique à faire à une pareille
réponfe, par la même r.aifon qu’il étoit inutile
d’en faire aux épicycles &: à tous les cieux de
cryfhl qu’imaginoient les défènfeurs du fyftême
de Vtolémée, à mefuré qu’on découvrcic dans
le cours des aftres quelque nouveau phénomène
qui rüinoit ce fyftêmê.
Après des faits qui démontrent clairement,
comme ceux qui viennent d’être expofés , que
ce n’efl point l’a&ion propre des particules du
feu plus ou moins lié ou développé qu’on doit
attribuer comme à uné caufe immédiate l’effet
de la caufiicité y il feroit fuperflu d’ajouter des
preuves moins fortes, fi cet objet n’étoit point
d’une telle importance pour la théorie la plus générale'
de' la chimie, qu’on ne doit rien négliger dece
qui y a quelque rapport.J’ajouterai donc encoreici.
quelques confédérations qui tendant à éclaircir cette
matière,& qui.prouveront d’une.manière générale
& appli'çâblè non-feulement à la caufiicité delà
chaux 6c des alcalis, mais à celle de tous les autres
cauftiques poffibles, que la caufe de la caufiicité
ou de l ’état contraire, ne confïfte réellement
que dans les différens états de la faturation.
La première observation que, je ferai ,• aura
pour -objet la comparaifon des propriétés des fub-
iia.nces les plus cauftiques avec, celles du feu.
Je dis donc que fi l’ aCtion des cauftiques n’eft
point, à proprement parler-, leur aCtion, mais
feulement celle du feu qui leur eft uni, plus
leur caufiicité eft grande, plus ils doivent avoir
de propriétés" analogues à. celles du feu , puif-
que cette caufiicité eft fuppofée n’être due qu’à
du f.:u plus abondant & plus libre ou pur dans
ces .corps cauftiques que dans ceux qui ne le
font pas. D’un autre côté la propriété la plus
caraétériftiqûe dit feu libre & en aétion, eft celle
û’çcCakonner la fenfation de la chaleur & la ra-
refd&ion des corps fur lefquels il agit. Cela pofé,
le caufiicum Ou le f u prefque pur des cauftiques
doit néceffairement produire ces effets du feu
libre 8z en aClion d’une manière d’autant plus
marquée que les cauftiques font doués d’une
plus grande caufiicité ■: or , l’expérience prouve
décidément le contraire. Qu’on plonge un thermomètre
dans les alcalis cauftiques, dans les
acides vitriolique & nitreux les plus concentrés
& corrofifs, dans les dilïolütions d’argent,
de mercure, de beurre d’antimoine, en un mot
dans les cauftiques les plus violens qui foient
connus , il n’y aura pas dans la liqueur du thermomètre
le moindre degré de raréraCiion de plus
que fi on l’eût laiffé dans l’air, eu qu’on l’ eût
plongé dans de l’eau, dans de l’huile ou dans
toute autre liqueur .aufti douce & aufti peu caùf- ;
tique. On peut donc conclure de-là, que le
prétendu feu des cauftiques n’eft ni plus abondant,
ni plus pur, ni plus libre , ni plus en
.action que celui des -autres corps.
Il eft bien vrai que dans le temps que les cauf-
tiquês ou diffolvans chimiques exercent leur action
, il s’excite dans beaucoup de circonftanc.es
un degré "de chaleur, quelquefois même des plus
confidérables & qui peut aller jufqu’ à l’igni-
tion. Ceux qui ne reconnoiffent que le feu pour
caufe de la caufiicité ne manquent pas de tirer
un grand avantage de cè phénomène, en difant
que cette chaleur eft un effet fenfîble du cauftiçum
ou du feu prefque pur que contiennent les
cauftiques ou diffolvans , lequel ne pouvant faire
partie du nouveau compolë qui réfulte de la
diftblution ,. fe dégage & s’échappe , pendant
qu elle fe fait, 6e qianifefle fa préfence de la
manière la plus démonftrative : & e’eft-là , i]
faut en convenir, une des preuves les plus fédüi-
' fan tes de leur fenciment. Je penfe néanmoins
qu’elle, ne peut paroître telle qu’à ceux dont toute
l’attention eft abforbée par un fait particulier , cui
les frappe affez pour les empêcher d’appercevoir
dans ce phénomène les effets d’une caufe beaucoup
.plus générale.
C’eft un fait démontré par des expériences
nomfcreafes & inconteftables , que les chocs &
les fiottemens des corps durs, produifent déjà
Chimie. Tome JII.
chaleur , même une chaleur qui va jilfqu’à
lrincandcfcence. 1,1 arrive de-là , qu’il ri’y a point
de corps durs qui ne s’échauffent plus ou moins •
& même ne deviennent lumineux à proportion
dés perçuffions, des chocs Sz des frottemens
extraordinaires , lorfqu’ils font dans le cas de
les éprouver : or., c’eft-Ià précifément celui,où
fe trouvent les parties folides des cauftiques ou
agens chimiques, St celles.des corps fur lefquds
elles exercent leur a&ion, & dont elles éprouvent
une réaction,'dans le temps des difïolutions ou
dans l’aéle même de toutes les combinaifons qui
fe font avec violence & rapidité. La chaleur qui
fe produit dans toutes ces opérations chimiques,
n’eft donc pas plus l’effet de la portion du feu
prefque pur ou de caufiicum , qu’on fuppefe être
la caufe immédiate de la caufiicité des diffolvans ,
qu’elle n’eft l’effet d’un pareil cauftique dans deux
cailloux frottes violemment l’un contre l’autre „
& qui n’ont affurément aucune propriété qui
approche en rien de la caufiicité.
Le phlôgiftique, ou le feu entièrement lié &
combiné, qui.entré dans la combinaifon d’un fi
grand nombre de compofés, peut fans doute produire
, & produit réellement dans beaucoup
d’opérations de cette- efpèçe, un effet confïdé-
rable, puifqu’il eft fufceptible de devenir feu
libre toutes les fois que les parties des corps qui
le contiennent ^reçoivent un ébranlement fuffi-
fant pour produire l’incandefcence, & qu’il peut
en être féparé par l ’inttrmède de l’air. Il augmente
donc alors la chaleur & la lumière, &
c ’eft par cette raifon que le frottement de deux?
morceaux de bois produit non-feulement une
chaleur brûlante, mais même une' grande flamme
& un véritable incendie durable, tandis que
celui de deux cailloux n’ excite qu’une chaleur
moindre m une lumière froide & paflfagère. Mais
il faut prendre garde que cet embrâfement du
feu combiné eft une chofe qui peut accompagner
l’effet de la caufiicité, mais qui cependant
lui eft totalement étrangère , de l’aveu même
,de Meyer, qui a grand foin de diftinguer fon
caufiicum du phlôgiftique, & de Baume qui,
en nommant feu, prefque pur le prétendu principe
de caufiicité 3 eft bien éloigné de confondre ce
: principe avec le phlôgiftique , puifque ce dernier
eft du £. u fi peu pur, & tellement lié , que les
compofés dans lefquels il fe trouve le plus abon-
dament, tels que, les graiffes, les huiles, les
charbons , &c." font précifémènt les (ubftances
les plus douces , & de l’aveu de tout le monde ,
les moins cauftiques. Le phlôgiftique n’eft donc
dans aucun de cès cas, la caufe première de
la chaleur produite' par l ’aétion des cauftiques
pu diffolvans chimioues , mais feulement une
chofe concomitante de cette chaleurune caufe
'auxiliaire propre à l’augmenter & a la rendre
plus durable.
P v