
les corps naturels par le feu-, le grand Newton
inrerrompoit quelquefois fes calculs pour faire
des expériences chimiques , 8c fans parler de
Bergman lui-même qui quitta l’enfeignement des
mathématiques pour embrafier celui de la chimie ,
8c qui porta dans cette dernière la rigueur des
raifonnemens & la méthode fevère qu'il a voit
puiféejs dans la fcience des grandeurs, on voit
de -»nos jours les illuftres géomètres français-,
la Grange, la Place & Coufin, faire marcher
d’un pas égal les fpéculations de la haute géométrie
& les recherches chimiques, ou les théories
que les expériences modernes font naître.
Pendant les temps dont nous nous occupons,
les beaux arts de tous les genres fuyoient
de l’Europe, que des barbares parcouroient 8c
ravageoient par la guerre. Les mufes ont toujours
redouté le fracas des armes. Charlemagne
les foutint cependant de fa puififance ; leur ref-
tauration a été fpécialement due aux expéditions
entreprifes dans l’orient pour la religion. Ces
expéditions j commencées à la fin du onzième j
fiècle , & .ayant conduit fis européens chez '
les arabes , 1 =ur ont fourni l’occafion de tourner
à leur profit les tréfors littéraires qu’ils y puifèrent.
En ï io y, Conftantinople ayant été pris par les t
chrétiens, un grand nombre de manufcrîts furent
transportés de cette ville en Europe -, & bien-;
tôt traduits dans iss langues familières aux peuples
dq cette partie du monde. En 12.30 , l'empereur
Frédéric II s’occupa de la profpérité des fciences
8c deslettres. D’autres princes l'imitèrent bientôt, :
enforre qu’elles fèmbièreuc quittër leur ancien \
Fl jour pour fe fixer à jamais en Europe, il eft
vrai que la fuperftition & ie fanatifme qui
couvroiefît cette partie du monde retardèrent :
pendant longtemps les progrès de la fcience de !
ia nature. Les hommes qui découvro'iént quelques- .
uns dé fes fecrets & qui reproduifoient quelques- '
uns de fes phénomènes^ étoient perfécutés &
punis de mort comme des magiciens & des j
loiciers/ Peu-à-peu cette abfurde perfécùtion :
diminua', les ténèbres fe diftipèrent,;Ies philo- '
fbphes/ eûfént plus de liberté dans leurs recherches
, fur-tout vers le feizième fiècle, où |j
Luther purgea l'Eglife des horribles préjugés & |
des atrOce§ idées qui i’avoient infeCtée depuis ; '
long-temps.
’ ’ Si r.ous recherchons ce qu’a éprouvé la j
chimie pendant l’époque indiquée, nous verrons \
Jes propr iétés dés corps un peu mieux .-étudiées
aif auparavant i mais elles n’ont été ni déter-I
minées avec aflfez de foin ni comparées erstr’elles ; j
;é]les formoient une fuite de- faits fans ordre j
fans fyftême, & la fcience étoit encore 1
enveloppée de nuages.' La màfTe des expériences J
dcveouè ttès-confidérablè à la fin de la période |
qui nous occupé^effembleitafîéz'à un tas mélangé j
de pierres, de chaux , de fables, de pièces de
bois , tous matériaux néceffaires pour conl-
truire un édifice , mais qpi n’acquièrent leur
véritable valeur que par une difpofition régulière
8c une liaifon étroite entr’eux. Les opinions
fauffes 8c erronées , adoptées par les
favans de ces temp*, n’ont pas peu contribué
à épaiflir'les ténèbres. Beaucoup étoient per-
fuadés qu’on pouvoit compofer l’or de toutes
pièces & trouvër des médicamens qui dévoient
guérir toutes les maladies , rendre même les
hommes immortels. Ils ne voyoiént que,l’art
de, s’enrichir 8c de prolonge*» la vie» tel étoit
le but unique des travaux-les plus infatigables.
Mais en même-temps . ils mettoient .tout leur
foin à ne point aider les autres dans la folu-
tion de ces grands problèmes , 8c à fe réferver
pour eux feuls les prétendues découvertes qui
la leur fourniuoient ou qu’ils croyoient au moins
devoir la leur fournir. Ils imaginoient des-figces
myftérieux . & hiéroglyphiques, ils fe fer volent
d’un langage métaphorique 8c ridicule, enfortë
qu’on ne corhprenoit ni leur langagè ni leurs
écrits. Il paroifïbit cependant beaucoup d’ouvrages,
fans qu’il fûtpolfiblé deéfavoir à quel
ufage on les d e f t in o .itpuifqu’iîs étoient
écrits dans un ftyle inintelligible. Cette Fureur
. d’écrire étoit d’autant plus étonnante, qu’ils
affur.oierit toiis que l’art de faire de l’or furpàffoit
le s ' efforts humains & qu’il n’étoit. révélé^ par
Dieu qu’à quelques hommes privilégiés, qu ils
nommoient adeptes $ en même-temps ils mena-
çoi-ent des fupplkes les plus affreux ceux qui
inftruits de ce beau fecret auraient l’imprudente
indifcrétfon de le divulguer aux autres.
Pendant la plus grande partie de l’époque
citée , l'imprimerie étoit inconnue , & les copies
manulcrites étoient très-chères & très-laborieufes.
Cela n’empêcha pas qu’il n’en parût un . très-
grasd nombre, vraifemolablement parce que leurs
auteurs en tiroient un grand profit. Ils mèttôient
rarement leurs noms à leurs ouvrages , mais ils
empruntoient ceux des personnages fameux parmi
les anciens pour attirer la confiance.
Le nombre des alchimiftes fê mulciplioit dans
tous les lieux » cet art étoit fort répandu de
fort recherché , fur-tout en Afrique. O n ' cher*-
choit un élyxir qui dëvoit convertir les métaux
lès q?l!Lis vils en. or. Quelques-uns s’étant acquis
des richeffes par là fabrication de fauffes rnon-
noiî s , furent punis par ' l ’amputation de la
mai-Tj. Le pape Jean XXII lança contre les im-
pofteurs alchimiftes une bulle foudroyante dans
le quatorzième fiècle. Le roi d’Angleterre
Henri IV les pourfuivit datls le' même-temps , .
ainfi que la faculté de médecine de Paris en
1609.
La fociéte des frères de la Rofè-xrotx commença
,
mença,: vers la fin de la période dont nous ,
traitons , à tr'oubler l’Allemagne par des idées,1
exagérées & folles. Pendant que . les académies
établies peu de temps après , répandaient le
goût des expériences & de la vt-ritable, phy- ;
fique , lès frères Rofe-.Croix entretenoient les
opinions les plus abfurdes fur la tranfmutation
des - métaux , la médecine uni ver Celle , l’art de.
tout favpir, de tout deviner, jufqu’à la penfée
même, par la cabale & le pouvoir des nombres.
Entre les années 1609 & 1630 il parut une
foule incroyable d’ouvrages de cette confrairie ; ,
mais il reftoit toujours douteux fi cette confrairie
exiftoit véritablement,ou fi toute l’Europe n’étoit
pas abufée par quelques hommes qui en répan-
dôient la prétendue doctrine. Une des hiftoires
de cette afïociation cachée en fera connoître
le caractère.,,Sufvant eux , un noble allemand,
voyageant e^n 1.378 dansèJ’Âràbiè, fut falué par
les fages de ce pays, qui, fans l ’avoir jamais
vu ni connu, lui dirent fon nom 8c lui racontèrent
toutes les aétions de fà vie. A l’étonnement
de la paît de ce perfonnage fuccéda l’inftruc-
tion , & l’initiation dans les fecrets des fages.
De retour dans fà patrie , . il communiqua fes
lumières, il fit des difciples, & en 1484,
content- d’une vie de. qent cinquante, ans, il
fe donna'volontairement la mort. Ün de fes
élevés trouva fon tombeau en 1^94, & outre
des inferiptibns très-remarquables qu’il y rencontra,
la plus précieufe découverte fut celle
d’un livre ‘ écrit -en lettres d*of 8c contenant
tous’ les fecrets de* l’art.. JLà' .s’arrête le récit,
& en effet , après la trouvaille fi myftérieufe
d'un pafeil ouvrage’, il ne refté plus, qu’à '.en
çrbife les préceptes & à en pratiquer les maximes.
Les frères de la Rofe-Croix .avoient fix règles
principales dans leur conduite. La première étoit
de guérir gratis tous les malades, qu’ils trou-
voient dans.'leur routé; la fécondé de porter
le coftume de tous les pays où ils yoyageoîent ;
la troifième jde fe trouver touÿ les ans à leur af-
fetnbléè générale 8c de n y manquer jamais fans
une çàufe trèsrlégi|;iihe; la quatrième obligeoit
chaque frère, lorfqu’il vouloit quitter la vie,
à fe ch'oïfir un fuccêffeur digne de l’affociation;
ifi cinquième étoit de porter pour fymbolé, pour
ligne de reconhoilTance une croix rofe, ; la
fixièmé enfin confiftoit à tenir leur fociéte fer
çrette péndant cent ans. Cette fociéte "a fait
peu de progrès en France, & après l’année
1630,elle y fut entièrement oubliée. Cette année
même un certain Mormiu^offrit d’en découvrir
les féçrèts aux màgiftrats de Hollande , mais
cèrte'offre fut couverte du mépris qu’elle mé-
ritô'it/
On voit .que la prétendue fcience. .chimique
de voit être peu utile aux arts pendant_ le règne
'de touteis cés folies ; cependant lés arts chi-
C n 'i m ï e . Tome III,
tniquç’s firent .peu-à-peu des progrès ; le hazard ».
en fai finit trouyer. des procédés plus courts ,
la hardieffe de quitter les routines ordinaires ,
& d’en tenter de nouvelles , les effàis < même
malheureux des alchimiftes y contribuèrent. Ces
infatigables travailleurs n’ont jamais atteint le
but qu’ils fe propolbient , celui de faire de l’or,
mais ils ont Couvent trouvé des chofes utiles
qu’ils ne cherchoient pas , & qui fans eux
feroiènt certainement encore cachées.
Z . Chimie m é d i c i n a l e o u p h a r m a c e u t i q u e .
En traitant ici de la chimie médicinale du
moyen âge , nous ne devons nous occuper que
de ce qui a trait à la préparation des médicamens.
Le cas qu’on faifoit alors des compoli-
tions multipliées, des mi th ri dates, des thériaques
& des antidotes, prouve:qu’on eftimoit.peu les'
médicamens fimples ; les grecs 8c les arabes ren-
chériffoient fans ceflfe les uns fur les autres pour
rendre le? formules, plus longues. Les ténèbres
étoient alors fi grandes, même dans la partie
occidentale de l’Europe , qui commençoit cependant
à recevoir les lumières des arabes, qu’on
pe pouvoit point attendre de coireétions dans
les erreurs adoptées ; les- Cens mêmes & la raifon
n’y .avoient aucune inâuenc-î; on fe laiffoit en--
tràîner. par l’autorité des auteurs. D'après Arif-
tote , on divifoit les médicamens en chauds *
froids, Feçs & humides, quoiqu’on les confondît
dans l’ufage. On fuivoit les idées cFHippocrate
fur les qualités atténuante, incrafiante, af-
fQiblifîanteaftrihgente, dont Erafiftrate &
fes' fe&ateurs abufèrent étrangement. En fuite
eft venu le fyftême des remèdes qui agiffent
fur tout le corps, 8c de ceux qui agiffent fpé-
cifiquement fur quelques parties ; de-là les céphaliques
, ftomachîques , diurétiques, hépa -
tiques* Chaque qualité étoit divilée en quatre
degrés, 8c chaque degré en trois parties. On
ajouta aux remèdes compotes des correctifs,
pour en détruire les mauvais, effets , des régulateurs
, dés ; protecteurs, des accélerans , des
rètardans, des efpèces de directeurs.
Il eft bon de donner ici quelques notions fur
les travaux des arabes en matière médicale &
en phannacie, parce qu’ils ont e.u une influence
marques- fur la chimie. Les arabes fe font fer vis
,de la chimie en medecine beaucoup plus eue
les grecs leurs maîtres ; ils ont, a la vérité
imaginé, beaucoup de remèdes inertes ou même
nuifibies. Ils pafient pour avoir connu l’ufage
du fucre , ils ne l’ont annoncé que fous le
nom à^ miel de canne. Les médicamens indiqués
par Rhafès étaient: prefque tous des.compofitîons
;. Quelconques ; c’etoient des pilules, des poudres y
: dés elèCtuai.res, des decoCtions, des trochifques
; des onguens 8c des emplâtres. 11 faifoit des huiles-
S f