
Ces ptoptiétés montrèrent la plus frappante i
analogie entre cette fubftance criftalline des
calculs biliaires & le blanc de baleine , ainfi
qu'avec la matière féparée du foie humain dé-
compofé & féché à Pair. Cette analyfe a répandu
un grand jour fur la variété des diverfes concrétions
biliaires , qui contiennent plus ou moins
de cette matière criftalline ' mêlée d'extrait de
bile , & fpécialement fur lefpèce décrite quelques
années auparavant par Walther dans fon
Traite* des concrétions, & depuis plus'exactement
encore par Vicq-d’Azyr , dans les Mémoires
delà focieté de médecine pour 1779 , efpèce
qui diffère des calculs biliaires communs parce
qu'elle eft ou feule ou peu rombreufe dans la
véficule, & parce qu’elle eft .fous la forme de
lames blanches , criftallines , talqueufes douces
& grafles au toucher, quelquefois tranfparen-
tts , brillantes , colorées , argentées ou verdâ- 1
très, comme certains micas , réunies à la manière
de lames ou feuillets fpathiques , & formant
des calculs qui atteignent quelquefois la
groffeur d’un oe u f de pigeon, & qui font ou
arrondis ou ellipfoïdes. Celles-ci préfentent toutes
les propriétés, de la matière criftalline blan
che , féparée des calculs biliaires communs , &
elles paroiffent fe former dans la véficule par
une vraie criftallifation de^ cette matière devenue
trop abondante dans la bile humaine ; on ne
les trouve que dans l'homme. 11 pareît que la
formation des pierres biliaires communes 3 dans
le {quefies on reconnoît par la feule infpedtion
la préfence des lames & des ftries criftallines
que l'analyfe en fépare, eft due à la propriété
Criftallifable de cette matière, qui fans doute
entraîne avec elle une portion de bile épaiflîe
dans le cas des concrétions brunes ordinaires ,
& qui , plus abondantes dans une bile moins
épaifte , fe dépofe plus lentement , mais plus
pure j dans le cas des concrétions ifolées , blanches
& criftallines. Ainfi l’hiftoire des maladies
produites par les calculs biliaires 3 la caufe de
leurs productions . l’art même de les prévenir
ou de les guérir, devra fes progrès à tette analyfe
exaCte & remarquable , qui prouve déplus
une utile analogie entre la propre fubftance pa-
renchyrnareufe du foie humain & celle qui formant
fans cloute une des parties conftituantes de
la bile , s'en fépare dans la véficule , & peut
être même quelquefois dans le propre tiffu
du foie , lorfque fa proportion eft furabon-
dante, ou lorfque ce liquide féjourne trop long-
tems dans fes couloirs. Une induCtion generale,
& très importante pour les progrès de la physique
animale,'que l’auteur offre à la fin de fon
mémoire fur h matière criftalline huileufe des
calculs biliaires, comparée à celle qu’il a trouvée
dans le parenchyme du foie décompofé par
h 1,putréfaction, c’ eft que ce vifcère paroît être
fpécialement cpnfacré à évacuer hors du corps
la matière huileufe fuirabondante , furtout d:ns
la région abdominale , où beaucoup d'autres
faits prou\ ent qu’elles fe ram a (Te nt & s’accumulent.
On aura occafion de revenir bientôt fur ce
point de la théorie.
Remarquons, en terminant cette notice , que
l’analyfe dont on vient de rendre compte , fe
trouve confirmée par celle que M. Gren a fait
inférer dans la première demi année des A n n a le s
d e C h im ie de Crell pour 1789» La pierre de la
véficule examinée par ce chimifte ,.paroifloit.être
de la nature de celles qui font entièrement crif-
tallifées j elle pefoit 1 gros 6 grains ; fa pefan-
teur fpécifique étoit de 0,803, elle étoit jaune
& douce au toucher ; elle s’eft fondue dans l'eau,
& féparée , dit l'aujeur allemand , en lames brillantes
par l’alcool j elle a été diffoute par les
huiles volatiles & grafles; elle- a brûlé en répandant
une odeur de cire. Traitée par les acides
fulfurique & nitrique à une digeftion longue
, elle s'eft noircie dans le premier, jaunie
dans le fécond* & s’eft en partie décompofée :
30 grains de cette concrétion diftillée dans une
cornue de verre , ont donné une liqueur jaune,
vifqueufe , de l’huile brune- fétide , beaucoup
de gaz acide carbonique & hydrogène carboné ;
le charbon reftant pefoit 3 grains. M. Gren a
conclu de cette analyfe que le calcul cyftique
qu'il a examiné contenoit o,8j de matière ci-
reufe, & 0,1 ƒ de matière lymphatique. Il eft
bien évident , en comparant ces deux genres
d’analyfes, que la matière cireufe du profcffeur
de Hall, eft la fubftance analogue au blanc de
baleine du chiniifte de Paris ; fi le premier ne
l'a pas trouvée diffoJuble dans l’alcool , c'eft
qu’il ne l'a pas employé affez chaud , ou bien
qu'il n’a point employé allez d'alcool.
En 175)0 a été publié le travail commencé en
1787, & pourfuivi pendant le cours des années
1788 & 1789 fur les matières animales trouvées
dans le cimetière des Innocens , fur l’état des
corps qui en furchargeoient le fol , & fur la
nature favoneufe homogène que les parties
molles , de quelque nature qu’elles fuflent, y
avoient prife. Cet état eft: décrit dans un
premier mémoire inféré aux A n n a l e s d e C h im ie ,
tom. 3 , pag. 154. Le ciqietière des Innocens
étoit un terrain ittué au milieu de Paris, dans
le quartier le plus fréquenté , entouré de mai-
fons élevées, où l’air ne pouvoit circuler que
difficilement, & dont la terre étoit furchargee ,
furfaturée de cadavres qû’on n’avoit ceflfé d’y
dépofer depuis plus de trois fiecles ; on attribuoit
à cette enceinte , fermée depuis quelques années
, une influence funefte fur la vie & la
(anté. Il s’agiffoit de la changer en un lieu aéré
& utile, en un marché ; il falioit en remuer le
fo l, l’affainir , 8c le rendre folide avant de je
couvrir de pavés. L’adminiftration appella l’art
de guérir à fon fecours , pour prévenir les acci-
dens qu’une fouille pareille menaçoit de produire.
La fociété de médecine fut chargée de
veiller à cette grande opération , & de garantir
par toutes les précautions, par tous les moyen«
de définfe&ion poflïbies, les inconvéniens qu'il
étoit permis de prévoir. De grands feux, des
travaux faits avec prudence , une follicitude non
interrompue écartèrent tous les dangers. Les
ouvriers travaillèrent fans accidens , & même
fans crainte. Les voifins n'eurent rien à redouter
; aucune maladie qu'on pût attribuer aux
exhalaifons ne fe déclara. On debarraffa les premières
couches du fol de la mafTe de corps qui
les furchargeoient, & cette immenfe fouille fut
terminée, la terre nivelée , battue , recouverte
de pavés prefque fans que les voifins s’en apper-
çuffent, même par une odeur incommode.
Tandis que les lumières de l’art rendoient ce
fervice à l’adminiftration publique , la phyfique
animale fit une*abondarte récolte de faits nouveaux
fur la décompofition des corps 'enfouis
dans la terre. On y trouva des cadavres féchés
en momie ; mais ce fut furtout un changement
fingulier de leurs parties molles qui attira toute
l’attention des phyficiens , & qui offrit au cit.
Fourcroy l’occafion de faire une découverte remarquable,
propre à jetter du jour fur la nature
de la décompofition des fublhnces .animales.
Dans ce qu’on appelloit des fôffes communes ,
c’eft à-dire, des cavités de 30 pieds de profondeur
& 20 de largeur dans leurs deux diamètres,
on plaçoit les corps dans leurs bières par rangs
très-ferrés , jufqu’à ce que ces larges' trous en
Fuffent éntiérement remplis. Ils reprélentoient
des efpèces de cubes prefque folides de cadavres
, féparés feulement par des planches de fix
lignes d’épaiffeur ; chaque foffe commune contenoit
mille à quinze cents cadavres ainfi ferrés ;.
elle demeuroit trois ans ouverte 3 & recevoit
ainfi trois à quatre corps par jour ; une fois remplie
3 on Ja recouvroit d'environ un pied de
terre , & on en creufoit une autre à côté. Dans
le même lieu on revenoit creufer une nouvelle
foffe , nécelîitée par le peu d'étendue du terrain
, 15 ans au plus tôt, & 30 ans au plus tard,
après l’avoir déjà comblée. Les foflbyeurs fa-
voient , par une longue expérience, que ce dernier
ternis ne fuffifoit pas pour le deftrudlion des
corps, & ils connoilToient depuis long - fems ,
fous lé nom de g r a s 3 l'efpèce d’altération que
ces cadavres ainfi entaffés avoient éprouvée pendant
ce laps de tems. En fai faut ouvrir avec
précaution la première foffe commune, clofe
depuis quinze ans feulement , les obfervateurs
trouvèrent les cercueils de bois confervés , un
pou affaiffës les uns fur les autres; le bois en
çtoit r-:n & jaune j les corps placés & comme
comprimés fur la planche qui en faifoit le fond ,
offroient le linge qui les recouvroit adhérent
à leur furface , & deflfmant en quelque forte Us
diverfes régions qu'il couvroit. En l'enlevant,
on ne vit au-deffous , à la place d'un corps con-
fervé avec toute fa forme & fes proportions ,
que des maffes refferrées , irrégulières , d'une
matière molle , grife blanchâtre , caffante , environnant
encore les os , affez femblable à l'af-
peéfc du fromage , fur la furfaçe de laquelle le
rézeau du linge étoit marqué. Cetre matière fe
ramoliiffoit fous le doigt , elle n'avoit point
l’ odeur infedfe qu’on auroit pu y foupçonner.
Comme toute la fubftance des corps > excepté
les os , avoit la même nature, & préfentoit le
même afpeét, les phyficiens, pour la première
fois témoins de cette converfion remarquable ,
l'obfervèrent ep détail avec ce calme & cette
curiofité qui dévoient accompagner un phénomène
auffi fingulier , & ils tirèrent des anciens
foffoyeurs, qui 3 accoutumés depuis long-tems à
ce fpeëtacle , ne montrèrent pas le même.étonnement
qu'eux , beaucoup de renfeignemens
préçieux.iur cet état des corps qu'ils défignoient
fous le nom de g ra s 3 qu’ils difoient être to u r n é s
au g r a s . Suivant eux , on ne trôuvoit ce changement
que dans les corps accumulés dans les
fbffes communes , ce qui ne pouvoit fignifier
autre chofe, finon qu’ils ne l:s avoient frappés
que dans cette grande maffe de corps. ; car il
fut reconnu depuis par un grand nombre d'ab-
fèrvationrs fubféquentes , qu’il avoit lieu même
dans de petites maffes de matières animales ,
pourvu que leur décompofition fût Lnte.
La peau , les mufcles., les aponevrofes , les
tendons , les ligamens , tout étoit converti en
gras dans les corps entièrement d reompofés ,
enforte que les os défarticulés & 1 ans attaches
permettoient qu’on rou’ât un corps fur lui-
même , & que toutes fes parties autrefois articulées,
féparées facilement en les pliant les unes-
fur les autres, ne formaffent plus qu’un bloc informe
qu’on tranfportoit facilement d’un lieu
dans un autre. La cavité abdominale n’exiftoit
plus ; les vifeères qui la rempliffoient étoient
fondus & convertis en quelques maffes irrégulières
de g ra s qu'on retrouvoit à la place du
foie &: de la rate ; les tégumens changés en g ra s
comme le refte du corps étoient appliqués fur la
colonne vertébrale. La poitrine étoit également
affaiflee , les côtes fpontanément luxées étoient
couchées fur les vertèbres dorfales ; les vifeères
qu’elle avoi t renfermés étoient déforganifés, fondus
en grumeaux de matière grafle , moins blanche
que celle des membres , parce qu’elle étoit
le produit de parties remplies de -fang. Quelquefois
on trouvoit une maffe arrondie. , affez
grofle , à la place du coeur ; les mammelles encore
reconnoiffables offroient une m^ffe de gras