propriété de précipiter l'eau de chaux , d'éteindre
les corps allumés, & de tuer les. animaux
en un inftant. M. Lavoifier pente que ces fluides
font compofés l'un 8c l’autre d’une partie fuf-
ceptible de fe combiner avec l'eau, avec la chaux
& autres fubftances, & d’une autre partie beaucoup
plus difficile â fixer»fufceptible- jufqü’à un
certain point d’entretenir la vie des animaux ,
& qui paroît fe rapprocher, beaucoup par fa?nature
de l ’air de Batmofphère; que cette portion'
d’air commun eft un peu plus confidérable dans
le fluide-élaftique, dégagé des réductions me-,
tàliiques que < dans celui qui eft dégagé de la.
craie ; que c’eft dans la partie fufceptible de fe '
combiner, que rëfide la propriété nuijïble de ce
même fluide., puifque *M. Lavoifier a obfervé
qu’il fait périr les animaux , d'autant moins
.promptement qu'il en a été dépouillé davantage I
enfin que rien ne met encore en état de décider
.f i la partie combinable du fluide: élaftiquè ' des
effervefcences 8c des réductions, eft une fub-
ftance eflemiellement différente de l’air, ou fi
c’eft l’air même auquel il a été ajouté, ou dont
■ il a été retranché quelque chofe, & que la prudence
exige de fufpendre encore fon jugement
fur cet article! « ■
» Après toutes ces recherches, M. Lavoifier a
voulu répéter les expériences de MM. Prieflley,
Cavendisn .& Rouéike, fur les -propriétés-8c. la
vertu diflolvante de Beau imprégnée de fluide :
élaftique , dégagé des effervefcences' ; il' y a j
joint l’examen de celles de l’eau , imprégnée du
fluide élaftique des réductions métalliques ; il a
fait avec ces deux eaux gazeufes , les diffol.u-
tions de terre calcaire qui lui ont réufil comme.
aux phyficiens que nous venons de nommer:
ces eaux fe font aüfïî comportées de même avec
la plupart des difiolutions métalliques qu’elles*'
ont plutôt éclaircies que précipitées';' enfin elles .
ont donné une, très-légère teinte rougeâtre- au
firop de violette si »»
Ces eaux gazeufes ont été enfuite faturées de
craie, & elles ont pré Tenté des effets fort différents
; elles ont très-légéremeht verdi le firop
violât, n’ons.pcmt précipité certaines diffolu-
tions métalliques, en ont précipité d’autres plus
ou moins promptement êc abondamment, &
enfin ont été précipitées elîes-mêmès par les al-
/ca!is fixes & volatils' cauftiques 8c non cauf-
îiques. »
» L'ouvrage eft termine; par des expériences4 fur
la cômbuftion du phofphore dans les vaiffeaux
clos. M. Lavoifier a bien conftaté que , dans une
grande quantité d'air non renoiiveiee , il ne peut
brûler qu’une quantité limitée de phofphore ,
laquelle eft d’environ'fix à fept grains-fous un
jécipient contenant cent nçuf pouces cubes d'air ;
P^r l’effet de cette combuftion, il y a une
diminution ou abforption d'environ un cinquième
de cet air , 8c imè augmentation correfpondânte
dans le poids de l'acide phofphoriqüe. Comme
les .acides & celui du phofphore en particulier,
font très-avides de l’humidité , 8c qu’il pouvoit
/e faire „que cètte augmentation f ût due à la
partie aqueufe qu’on lait, être toujours mêlée
avec l ’air ; que ci’ailleurs. on pouvoit croire auffi
que*cette même partie aqueufe. ëtoit néceflaire
à l’entretien ,de la combuftion , 8c que le phof-
phore pefïoit de brûler dès que Pair en étoit
épuifé ; M. Lavoifier^a difpofé fon appareil de
manière qu'il pouvoit introduire fous le réci-
pient de Beau réduite en vapeurs, dans le temps
qu’i l , vduloit de la combuftion du phofphore ;
& ayant fait cette épreuve de toutes les maniérés
, il en a réfui té que l’eau ne contribuoit
en rien à la combuftion du phofphore , ni au
dégagement de fon acide ,. 8c il eft refté très-
probable que tous ces phénomènes, font dûs à
la partie fixable dé l’air. Le phofphore, le fou-
fre, la poudre a canon, difrérens mélanges de
foutre 8c de nitre,. ont refufé conftamment de
brûler & de détonner dans le vide de' la machine
pneumatique., , malgré l’application fouveht
réitérée . du. • foyer d’un verre ardent de trois
pouces de diamètre. >»
» Enfin , l'air dans lequel le phofphore avoit
eeifé de brûler fous la cloche , faute de renouvellement
, éprouvé fur les animaux , ne les
a pas fait périr comme celui des éffèivefcen-
ces & des réductions métalliques, quoiqu'il
éteignît la bougie daas le moment même où il
en touchoit la flamme ; cirçonftance remarquable
, qm indique qu’il y a encore bien des chofes
importantes à découvrir fur la nature & les effets
de l’àir 8c des fluides élaftique s qu’on obtient
dans les.combinaifon 8c les dé comportions de
beaucoup de fubftaaces. »
Après avoir livré fon premier ouvrage au public,
Lavoifier reconnut bientôt qu’en offrant
aux phyficiens de/.nouvelles méthodes de rai-
fonner comme d'expérimenter, & aux chimiftes
une manière également nouvelle de faire des
analyfes où les poids & les mefures dévoient
être employés avec une précifion 8c une conf-
tançe inconnues jufque-là , il ne lui étoit plus
poffible de marcher'dans les fentiers battus,
qu’avec les, inftrtiinens exaCts dont il fembloit
annoncer le premier l ’ufage, & dont par cela
même l'emploi dévoie lui'être familier & jes avantages
immenfes. Il devoit obtenir & faire con-
noître des réfultats inattendus ; que plus il alloit
frapper les favans par Baftùrance de fes premiers
pas 8c par l’habilité des nouveaux guides, qüi les
dirigeoient dans la route expérimentale, & plus
oa. deyiendroit exigeant pour les. recherches
qu'il produiroit, & pour les idées auxquelles
elles le conduiroienr . enfin que , pour fe fou-
tenir à la hauteur où ils'étoit tout-à-coiip. élevée
il ne devoit pas interrompre un feul inftant les
travaux qu'il avoitentrepris, ni abandonner ,pour
fe livrer à d'autres genres d'études , la carrière
fi vafte qu’il venoit d'.ouvrir. Auffi difpofa-t-il
tous les moyens • dont il lui étoit permis de
s'entourer, dirigea-t-il tous fes efforts 8c. con-
facra-t-il toutes, fes veilles pour, continuer une
entreprise dont lui feul peut-être alors connoif-
foit toute l'étendue,. &- dont fon premier volume
d'opufculès ■ ne laiffoit , encore entrevoir
que le but général-, & ne préièntoit qu'un ap-
perçu ïur les: détails, immenfes qui- y .étoient
compris. Lavoifier ; dans les premières rècher-
ches auxquelles il s’étoitlivr^. depuis quelques
années fur l'influence de l'air dans les phénomènes
chimiques; & fur ce qu'on, avoit nommé
l’air fixe,. avoir entrevu une foule de vérités
nouvelles, propres à;ch.ïcgér, totalement la face
de la chimie, comme il eft facile de le fentir lorf-
qu'on fe rend compte , | ainfi que nous l'avons
fait plus haut, des réfultats de les expériences ;
mais il ne pouvoit pas efpérer que .fes vues,
préfentées aux favans., puffent être acceptées
avec faveur, fans une quantité ou une-nature
de preuves, telles qu'il fut impoffible de ré-
fifter à leur-’ évidence,. & il étoit bien éloigné
d'avoir pu réunir encore allez tie ces preuves
expérimentales , pour porter la -con-viétion dans
les efprits. Son premier ouvrage n’étoit donc,
en quelque forte vis-à-vis .des phyficiens , qu'un
effai de la méthode qu’il fe prppofoit de fuivre,
une propofition de fa manière nouvelle , & use
efpèce de tâtonnement propce à lui faire juger
comment les chimiftes,~ habitués, à opérer de . à
raifonnertotit autrement ,fèroientaffe.Més & dif-
pofés à l'admettre ou à la négliger. L.orfqu’il eut
connu l’effet produit par fön ouvrage l ’af-
fentiment de tous les. bons efprits pour la marche
qu'il avoit commencé à. fuivre;, lorfqus lé
concert ée tous les. hommes éclairés l’eut engagea
continuer des travaux entrepris fous de
fi heureux aufoices , il prit alors tous les. .moyens
capables de donner une aftivité confiante à fes
recherches, & une grande authenticité à fes expériences.
Une partie de fa fortune fut deftinée
à l'aggrandiffem^nt de la fciencê ; fa maifon devint
un vafte laboratoire où rien ne manquoit ,
où les vafes , les uftenfifes les matières étoient
prodigués à 1 efpoir des d é co u v e r te s .à la recherche
de là vérité. Les plus habiles ingénieurs
furent occupés de lui conftruire des inftruniens
infiniment meilleurs que ceux qu'on ayojt employés
jufques - là ; dés appareils nouveaux &
précieux, des machines faites avec une exactitude
& une précifion inconnues j-ufqu’à cette époque
dans les laboratoires de chimie , étoient auffi-
tôt fabriqués qu'imaginés : rien ne lui coûtoit
Chimie. Tome ICI»
pouf une fi belle 8c fi utile occupation ; heureux
de pouvoir eonfacrer à la phyfique d e s
Tommes bien fupérieures à celles dont le plus
grand nombre des favans peuvent ordinairement
difpofer 3 aucune dépenfe n’étoit épargnée. A ce
premier avantage ? dont fi peu d’hommes fa-
vent profiter pour le, bonheur de leurs fembla-
bles ; . Lavoifier en réunit plufieurs autres dont
il fut également tirer parti, autant pour la réuffite
de fes , vues profondes que pour le fuccès de la
jméthode. philofophique dont on lui doit l’in-
trodu«ft:ipn dans la chimie. Il tenait chez lui ',
deux fois la femaine , des affembiées auxquelles
étoient appelés lés hommes les plus diftingués
dans la géométrie, la phyfique 8c J a. chimie ;
des Conventions inftruélives , des entretiens
femblables à ceux qui avoient précédé Bétablif-
fement des académies, y devenoient le centre
de toutes les lumières. On y difeutoit les opinions
de tous les hommes les plus éclairés de
l’Europe ; on y lifoit les palfagès les plus frap-
pans & les plus neufs des ouvrages publiés chez
nos voifins ; on y comparoir lés théories avec
les expériences ; les favans étrangers y étoient
admis avec une fraternité dont il eft tant
à defîrer que les fciênçes,. les lettres & les arts
confervent au moins le modèle au milieu du fracas
des révolutions & des (lifçulfions politiques.
Prieftley , Fontana , Blagden ,. Ingenhoufz ,
Landriani, Jacquin le fils, Wath , Bolton, 8c
d’autres chimiftes 8c phyficiens illuftres d’Angleterre
3 d’Allemagne , d’Italie , s’y trouvoient
réunis avéc Laplacé, Lagrange , Borda , Cou-
fin , Meunier, Vandermonde, Monge Guy ton,
Berthollet. Je n’oublierai de ma vie les heures
fortunées que j’ai p3,files dans ces do.cïes entretiens
où il m’ étoit fi doux d’être admis; tout
ce que j’y ai entendu & recueilli d’utile pour
le progrès des fciences & pour le. bonheur des
hommes , ne fortira jamais de. ma mémoire.
Parmi'les grands avantages de ces réunions,
celui de tous qui m’a le plus frappé & dont
l’inappréciable influence s’eft bientôt fait fentir
dans le fein de l’académie des fciences , & par
fuite dans tous les ouvrages de phyfique 8c de
chimie publiés depuis vingt ans en .France , c’eft
l’accord qui s'eft: établi.entre, la manière de rai-
fonner dés-géomètres & celle des phyficiens.
La précifion , la févérité du langage , des ex-
preffionS 8c de la méthode philofophique des
premiers, a pafîe peu-à peu dans l ’efprit des
féconds ;. ceux-ci fe font résiliés à l’ecole de
-ceux-là & moulés, en quelque forte, fur leur
forme. L’intérêt due les géomètres françois ont
.marqué pour les découvertes.: pour l’avancement
de la chimié , eft devenu Une. fource de
profit pour cette fcierice ; ils fe font rapprochés
des '-cnimiftës, ils ont examiné avec foin leurs
principes 8c leurs raifonnemens ; ils ont produit
des objections , prop.ofé. des. difficultés à ré-
H h h