
H leur refte une force non fatisfaite en vertu de
laquelle elles font déterminées à s'unir avec les
parties intégrantes de toute autre efpèce de corps,
avec lefqueltes elles auront la liberté de contrôler
une union plus intime que celle qu'elles
ont entr'elles ?
J’examine un alcali fixe, végétal, mis dans
l état de la plus grande caufticité ; je vois que
cette fubftance a une activité extrême pour ronger
& diffoudre tout ce qu'elle touche i fa faveur
eft portée jufqu’à l'âcreté la plus doulou-
reufe i s'il eft prive d'eau , il fe faifit avec une
force lin prenante de celle avec laquelle on le
mêle, ou même de celle qui eft contenue dans
i*air , (a déliqutfcence eft extrême} il corrode
& réduit en pâte toutes les matières végétales
& animales auxquelles on l'applique. 11 diflbut
les huiles & les graifles avec énergie , & les
transforme en favons, Mais que refulte-t-il de
toutes ces diflolutions faites avec une fi grande
a&ivité ? 11 en réfulte que fon aÔtion diflolvante
ou fa caufticité diminue eonftamment dans la même
proportion qu'elle s'exerce, ou plutôt, comme
je 1 ai dit en raifon de l'intimite & de la force
de l’union que ce cauftique contrarie avec toutes
les autres fubftances fur lefquelies il porte fon
action. S’eft-il faifi, par exemple, de la fubftance
volatile, gazeufe qu’on peut, féparer des
pierres calcaires & de beaucoup d’autres matières?
comme cette fubftance légère & prefque
aérienne a trop peu de corps pour contracter
avec lui l'union la plus intime, il a confervé
encore après cette opération une portion de fon
aélion diflolvante } on lui retrouve toutes les
propriétés qui le caraêlérifent alcali fixe. Mais
auffi comme il s eft combiné jufqu'à un certain
point avec ce gaz , fa caufiicité à dû diminuer,
& eft diminuée en effet en proportion de cette
nouvelle union : non feulement l'âcreté de fa
faveur s'eft beaucoup adoucie, mais il ne cau-
térife plus les chairs des animaux} loin d'avoir
la même déliquefcence que dans fon état de plus
grande caufticité 3 il eft fufceptible de fecryftallifer
de fe conferv- r tant qu'on veut en plein air
e« cryftaux fecs } il n’a plus aflez de force peur
difloudre les huiles & les grailles avec l'efficacité
néceffaire à la combinaifon favonneufe : il
. en eft de même de toutes fes autres propriétés.
S i, au lieu de préfenter à l'alcali cauftique le
gaz dont nous venons de parler, on lui fait
porter fon aétion fur les huiles & graifles, il
épuife une partie dé fa caufiicité fur ces fubftances
d’uné manière encore plus marquée que
fur le gaz , p;irce qu'il contracte avec elles
une union plus intime ; auffi les propriétés alcalines
& l’aêlion diflolvante, quoique encore un
peu fenfibles dans les favons le font cependant
infiniment moins que dans l'alcali fimplemenp
fcturé de gaz, ' ■ ' ' -
Avec les acides en général, mais, particulière*
ment avec l'acide vitriolique , l'a&ion d e h cauf-
ticité des alcalis, & fon abolition qui en eft la
fuite, fe manifeftent d'une manière encore plus
frappante. Qu'on faffe attention à ce qa'il arrive
à l'alcali fixe le plus cauftique , lorfqu'il peut
agir fur l'acide vitriolique , qui dans fon genre
eft un autre cauftique tout auffi puiffant} les parties
intégrantes de ces deux grands corrofifs,
font difpofées de manière que les uns peuvent
contracter avec les autres une union beaucoup
plus intime qu'avec celles de la plupart des autres
fubftances } auffi fe portent-elles les unes
vers les autres avec une violence extrême § elles
s'uniflèm avec une très-grande force} elles épui-
fent réciproquement leur aéfcion par cette union,
& à tel point, qu'après que cette union eft
faite , il ne refte plus , ni à l’acide vitriolique ,
ni à l'alcali cauftique , la moindre apparence de
caufticité ; i peine lé nouveau compofé qui réfulte
de cette union , le tartre v itriolé , conferve-
t-il une médiocre faveur faline & un peu de
diûblubilité dans l'eau} il n'y a prefque plus
aucun corps fur lequel - il puifle donner des
marques dé fa foible aôtion.
Enfin, fî au lieu de combiner l'alcali cauftique
avec l’acide vitriolique , on lui fait porter
fon aôtion fur une matière purement terreufe ;
(ce qui exige la fufion au grand feu, à caufô
de la force de i’aggrégation des parties intégrantes
de la terre,) 1’aôtion de ce cauftique
s'exerce fi complettement fur la matière terreufe,
& l’union que les parties de ces deux fubftances
contractent entre'elles , à raifon de cette aCtion ,
eft fi forte , que le nouveau compofé , le verre
qui en réfulte, loin de donner le moindre figne
de caufticité, n'a pas même la moindre apparence
de faveur , ni d’aucune des propriétés faline s.
Quoique toutes ces chofes foient connues en
chimie jufqu'au point d'en être triviales , je fuis
forcé de les rappeller ic i, & d'en former un tableau
qu'on puiffe faifir d'un même coup-d’oeil,
parce que les efforts qu’on a faits pour expliquer
la caufticité par l’aCtion propre des parties
-du feu ou d'un caufticum particulier , prouvent
clairement qu'on n'a pas fenti aflez les confé-
quences naturelles de cette faturation qui accompagne
l'aétion des cauftiques , ou qui en eft l'effet
& la fuite. Je ferai encore, par la même. raifon ,
quelques réflexions fur plufieurs des circonftances
des combinaifons dès cauftiques avec les corps
fur lefquels ils exercent leur Caufticité.
Il faut remarquer d’abord dans tous les exemples
dont je viëns de parler , la proportion ëxaCtè
ui fe trouve entre la diminution de la caufticité
e l'alcali, & le degré de la force aveelaquelle
çe-cauftique- adhère aux fubftances auxquelles1 il
s’unît. De toutes ces fubftances le gaz eft celle
avec laquelle il contracte l'union la moins intime
& la moins -forte , puifque les fimples terres
calcaires calcinées & tous les acides, jufqu'aux
plus fo:bles, peuvent lui enlever ce gaz à froid,
& avec la plus grande facilité } aulfi tout l'effet
de diminution de caufticité que ce gaz foit capable
de produire fur l’alcali, en l’en fuppofant
même faturé autant qu'il puifle l'être, fe réduit
à le rendre cryftallifable , moins déliqiiefcent,
moins âcre, moins propre à fe combiner avec
les huiles & matières graffes } mais lui laifle dans
un degré tirés-marqué toutes fes propriétés alcalines
, enforte que quand il eft dans cet état,
on le nomme alcali f ix e , ordinaire ou non cauftique.
Quoique les huiles & graifles ne contractent
point une union bien intime avec l'alcali cauftique
dans là combinaifon des favons , puifqu’elles
peuvent en être féparées comme le gaz à froid &
par les acides les plus foiblesj cette union eft ce
pendant plus forte que celle du gaz? car ces matières
graffes n’en peuvent être féparées, comme
le gaz par les fimples terres calcaires calcinées , &
nous voyons aufii que la caufiicité de l’alcali eft
plus amortie par les matières graffes que par le
gaz. Tout le monde fait en effet que le favon
eft moins caufiique , moins diffolvaivt, moins
alcalin, que l'alcali le plus gazeux & le plus
jcryftallifable.
C’eft encore une vérité reconnue &: avouée
de tous les chimiftes , que les acides quelconques
contractent une adhérence plus complette &
plus forte que les huiles avec l'alcali cauftique }
& nous voyons auffi que dans tous les. fels com-
pofé;s d’acide & d'alcali , la caufiicité alcaline eft
tellement diminuée, qu’elle n’eff plus recon-
noiii'abie,&: difparoît d'autant plus complètement ,
que i’aeide uni avec l'alcali eft plus fimple &
plus puiffant.
Je pourrois fuîvre ainfî les combinaifons de
j’alcalj caufiique avec un très-grand nombre d’autres
fubftances , telles que 1 efoufre ■ les métaux , l ’ ar-
fénic.t l ’acide b o r a c iq u e le s charbons , la matière
colorante du bleu de Prttjfe , & c ., & faire remarquer
la même proportion entre la diminution de
fa caufticité , &: l’intimité de l’union qu’il eft
fufceptible de contracter avec chacune de ces
fubftances. Mais pour ne point trop étendre cet
article , qui n’eft déjà peut-être que trop long ,
je me borne à l’union.de l'alcali par la fufion avec
des fubftances purement terreufes , que j’ai déjà
citée } & j’obfcrve que- cette union dans une
vitrification parfaite , eft la plus forte de toutes,
puifqu’elle ne peut être détruite par aucun intermède
connu , qu’elle réfifte à l’aCtion d’un
feu des plus violens. Elle eft par- cette raifon.
de toutes les combinaifons d’alcali fixe cauftique,
celle dans laquelle fa caufticité, & jufqu’a fes
plus foibles propriétés falines, font le plus parfaitement
abolies : ellesde font à tel point, que'
fi l’on ignoroic la compofition du verre , aucune
de fes propriétés ne pourroit taire naître
le foupçon qu’il contient réellement beaucoup
d’alcali. ( i )
Ce que je viens de dire fur la caufticité de
l’alcali fixe , eft applicable à celles des acides ,
& en général de tous les autres cauftiques ou
diflolvans. Si je n’écrivcês que pour des leékeurs
très-profonds dans la chimie , ils feroient cès
applications d’eux-raêmes ; il fèroit inutile que
je rappomlfe d’autres exemples, & ceux même
dont je viens de parler auraient été de trop ,
mais comme le développement de la vraie caufe
de la caufticité me paroit être le fondement unique
de toute théorie raifonnable dans cette
vafte fcience , je ne puis me difpenfer d’éclairer
& de convaincre fur cet objet, autant qu’il e(i
en moi, ceux mêmes dont la vue eft la moins
étendue, & qui par cette raifon , ont de la
eine à contempler l’enfemble d’un grand nom-
re de faits.
Voici donc encore un exemple que je choifts
entre beaucoup d’autres , parce qu’il renferme
une circonftancé à laqueliejl eft bon de donner
quelque attention.
JjOrfqu’on applique de bon acide nitreux à
de la chaux, la caufticité de cet acide s’exerce
avec violence & chaleur fur cette matière terreufe
: fi l’on applique une autre portion de ce
même acide nitreux à i’étain, on ©bferve que
ce cauftique agit fur ce métal avec la même violence
& la même chaleur que fuV la chaiixj mais
en examinant ce qui réfulte de ces deux mélanges,
on y trouve une différence bien frappante
: celui de l’acide & de la chaux n’a plus
ni la c a u f i i c i t é ni la faveur., ni aucune des propriétés
caraélériftiques des acides : celui du même
acide avec l’étain , conferve au contraire toute
la 'caufticité & toute Ta&ivité propres à l’acide
nitreux. D’où vient cette différence fi fingùlière ?
Les parti-fans du feu pur ou prefque pur ou
caufticum , né peuvent dire autre chofe ,, finon
que dans te temps que l’acide nitreux & la chaux
ont agi l’un fur l’autre, le feu dont ces deux
cauftiques font tout pleins, & auquel ils doivent
leüt caufticité $ en eft féparé en produifant la
(Q Je fais qu’il eft dit dans le mémoire qui a rear-
poné le prix de l'Académie des fciences , fur lejVnz
glajfy qu’il ne refte plus de fondant dans le verve
bien fait , mais c’eft très-ceruinemerit une (rRur.
à ce f u j e t , l’article Y i t k i ï i c a t i o » .