
lîècles j la chimie végétale a •peut-être fait en-
>re P!us de progrès dans cet efpace de temps,
non pas a la vérité pour la folution de tous
les problèmes que l’analyfe des végétaux préfente
au pbilofophe qui en embraffe l’.enfemble,
non pas pour le perfeiïionnement de cette analyse
importante qui offre encore une foule de
chofes à défirer, mais feulement par rapport
a ce qu on en connoiffoit déjà, par rapport à j
ce qui étoit déjà trouvé dans ce genre de recherches.
Vers la naiffance des académies, la minéralogie
ou la connoiffance & le traitement des
minéraux avoic déjà fait de grands progrès ,
parce que les atteliers o,ù on travailloit les fubfr
tances métalliques, & même toutes les fubf-
tances minérales exiftoient depuis long-temps,
parce_ que ce genre de travail appelloit la cupidité
& les jouiifances, en meme temps qu’il
promettent de grands avantages pour la fociété. 11 n’en étoit pas de même des végétaux. Les
arts qui s’en occupoient étoient très-iimples &
ne flactoient point autant l'ambition & l'intérêt
des homme*; ils fe faornoient à.l'extraélion pref-
quentièrement mécanique de quelques-uns de
leurs principes, telles que les huiles, les réfines
Sec. En pharmacie on mêloit plufieurs matières
végétales làns trop favoir ce que ce mélange
produiroit, & fans avoir même aucune
idée des lumières que leur réaâion réciproque
examinée 8c approfondie pourrait fournir à
la fcience. Auffi lorfqu'on voulut d'abord s'occuper
de l’analyfe végétale, on ne fut quelle
route il falloit tenir, on prit la première qui
le préfentoit naturellement.On commença par employer
fur les plantes les mêmes moyens que ceux
qui avoient été employés pour l’analyfe minérale.
Ce fut d abord par le ïèu qu'on attaqua ces
corps très-compofés. Prefque- dès les premières
féances de l’académie des fciences de Paris , 1
on traça le plan de l’analyfe des végétaux par
la diftillation à la cornue, on fe propofa de les
examiner tous par cette méthode, & après
s’ être partagé la befogne entre ceux des aca-;
dëmiciens qui pouvoient naturellement s’occuper
de cet objet, on fe mit au travail avec une
ardeur & nn zèle- qui promettoient d’heureux
réfultats. On virTuccefiivement Duclos, Perraut,
Dodart, Boulduc, Bourdelin, Geoffroy & pim
fieurs autres encore porter dans le fein de l’académie
, les analyfes par le feu" des plantes j
ufuelles ; en quelques années plufieurs centaines
de végétaux furent diftillés avec foin. On ren-
doit compte de la quantité de phl 'gme, d’efprit,
de fel volatil, d’huile Se de caput mortuum que !
fourniffoit chaque plante. On travailla pendant "
plus de trente ans fur le même plan; les def- I
criptions des opérations étoient extrêmement
détaillées, & cependant on n’en donna que les .
fimples réfultats dans les mémoires de l’académie. I
Mais les anciens regiftres de cette compagnie , 1
contenant plufieuts grands volumes in-folio ma-
nufents où tous les détails de cette analyfe font
contenus, exiftent encore; 8c on peut y voir tous
les foins, toutes les attentions qui ont été pri-
fes pour ces diilillations. Il a fallu toute la confiance,
tout le travail dont on vient de tracer une
efquiffe pour fe convaincre que la route qu’on
avoit tenue ne conduifoic point à la vérité que
Ion cherchoir, 8c que plus on s’y enfoncoit,
plus on s’écartoit du but vers lequel on avoic
voulu diriger fes efforts. Bien-tôt on fut perfuadé
que l’analyfe des plantes à feu nud pouvoit donner
naiffance à de grandes erreurs & ne fervoit
que très-peu pour faire connoître les véritables
principes de ces êtres compofés. Ainfi l’on
s apperçut que le pavot, le ftramonium, la ciguë,
fourniffoient par l’analyfe.au feu les mêmes principes
que le bled ; que le poifon, ne fe diftin-
guoit pas de l’aliment par les produits de fon
analyfe, 8c qu il falloit par conféquent renoncer
a cette méthode trompeufe. Ce fut alors que
I on tira des opérations de pharmacie, déjà pratiquées
depuis long-temps, un nouveau mode
d analyfe des végétaux , par l’application de
divers dijfolvans ou menftrues qu’on n’employoit
jufque là que pour préparer des médicamens.
On apprît alors à regarder comme principes
immédiats des végétaux , les matériaux divers
qu’on féparoit des plantes & de leur produits
naturels par l’eau, l’efprit-de-vin. &c. On multiplia
peu-à-peu les diffolvans qu’on employoit
pour^ cette analyfe ; on trouva que l’eau employée
à des températures diverfes, en quantité
différente, & par un féjour plus ou moins
long, agiffoit de'diverfes manières & féparoit
plus de principes^ differens, ou les mêmes principes
en quantités variées* on détermina exactement
la différence & l’ufage de la macération,
de l’infuCon , de la décoétion, & La Garaye
quoique confacrant fpécialement l’eau -froide
en grande maffe appliquée aux végétaux en
poudre & par un renouvellement a&if des fur-
fjîces à la préparation des médicamens que fa
charité bienfaifante avoit feule en vue, rendit
cependant un fervice à la fcience J en fixant
l'attention des chimiftes fur les réfultats in-
| téreffans que cette nouvelle^ méthode fournif-
; foit tout à la fois à la théorie & à la pratique.
! .Cette analyfe des végétaux par les menftrues,
I qui fut- généralement adoptée par tous les chi-
; miftes de l’Europe, devint une fource féconde
: 4§f découvertes entre les mains des Boulduc ,
des Geoffroy, des Neumann, des Rouelle, des
Gaubius qui l’appliquèrent fucceffivement aux
principales efpèces des plantes utiles.
 la même époque où les premiers germes
de cette nouvelle analyfe végétale venoient
d’éclore, & pendant qu’on pourfuivoit encore
dans le fein de l’académie des fciences de Paris s
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ces longues & pénibles diftillations à la cornn
qui dévoient bientôt être reléguées dans la claffe
des travaux prefque perdus , & quelque temps
après inferites fur la lifte des erreurs humaines
Boerhaave s’occupoit auffi de l’analyfe végétale
il mettoit plus d’ordre, de méthode & de clarté
dans l’examen & la defeription des principes
qu’on tire des végétaux 5 il appelloit fur-tout
l'attention des chimiftes fur la matière odorante
qu'il a défignée le premier fous le nom d ’efprit
recleur, fur les fermentations & fpécialement
fur la fermentation acéteufe. Il prélentoit dan:
fes élémens de chimie, le tableau le plus exaéfc_
le plus complet &: le plus méthodique qui eût
encore été fait fur l'analyfe végétale. Il faifoit
tout-à-coup faire un grand pas à la fcience en
raflemblant fur ce genre d'anàlyfe un grand
nombre d'apperçus nouveaux qui ont été faifis
par les chimiftes qui l'ont ftiivi & qui ont
conduit à beaucoup de découvertes. Rouelle
ajouta bientôt aux idées de- Boerhaave, & tou
en fuivant prefque rigourçufement dans fes premiers
cours la méthode de fes leçons , puifque.
comme lui , il commençoit par les végétaux
fournis à la diftillation , qu'il prenoit jufqu'aux
mêmes plantes peur en faire l'analyfe , il étendit
fïngiilièrement fes vues , & "fit beaucoup
avancer la chimie végétale. C'eft à lui qu'on
doit une diftin&ion précife ,& une claftîfication
ekaéfe de ce que les chimiftes ont appelle principes
immédiats des plantes, fans laquelle dif-
tinéhon la chimie n'auroit été encore long-temps
qu un limple expofé des arts qui s’exerçoient
fur les végétaux. Rouelle a donné le premier
un dénombrement de ces principes immédiats j
§§ Iss a-le premier comparés les uns aux autres
pour en montrer la différence & les rapports j
il a fait connoître beaucoup mieux qu'on ne
1 ^voit fait avant lui l'extrait végétal y il en. a
diftingué foigneufement trois différentes efpèces*
il a rapporté à la nature ,de .ces extraits des
fucs tirés 'des végétaux & épaiffis en grand
«ans les arts ; il a examiné avec foin plufieurs
fels des, plantes, & a multiplié à cet égard
lejs connoifïànces des chimiftes fur le tartre &
fur fes diverfes combin'aifons falines. Il ne faut
point oublier que ce travail a été fpécialement
fuivi pendant long-temps & pouffé à une grande
pérfe&ion par Rouelle le cadet, & que le premier
Rouelle ou Rouelle l'aîné n’en avoit jette
en quelque forte que le premier germe.
Il eft impoffible de méconnoître dans les recherches
fucceffives de Boerhaave & des Rouelle,
& fur-tout dans les idées nouvelles qu'ils ont
répandues , le premier par fes ouvrages , & j
les féconds par leurs cours, la fource ou l’ori- J
gine des principales & nombreufes découvertes ]
qui fe font fuccédées fans interruption fur les j
matières végétâtes, & notamment furies diverfes ■
efpèces d’huiles qu’on en retire, foit par l’ex-
preflion, foit par la diftillation, fur les gomnaes-
réfînes, fur le benjoin & les baumes, fur le
caoutchouc ou réfine élaftique , fur les Tels
eftentiels des végétaux, fur les fécules, la matière
alimentaire, le fucre, le gluten de la farine,
les parties colorantes. Ainfi, les travaux
de Neumann, de Gaubius, de Cartheufer, de;
Beccari, de Keffel-Meyer , de Poulletier , de
Macquer , de Baumé, de Parmentier, de Ber-
niard , de Bucquet & de tous les chimiftes
qui, depuis Boerrliaave & Rouelle, ont ajouté
une grande maffe de faits à l'analyfe végétale
fur les principes immédiats qu’elle fournie, découlent
en quelque forte des premières données
des premières bafes de cette analyfe pofées par
ces deux habiles chimiftqs. Il ne faut point
oublier dans le tableau des hommes qui ont
contribué à perfé&iônner la chimie végétale un
profelfeur célèbre que j'ai eu le bonheur d'avoir
pour maîttre, & qui a brillé quelques années
dans la carrière enfeignante avec un éclat trop
promptement affaibli dans la mémoire des favans.
Bucquet qui a donné trop de foins & de temps-
à la préparation de fes cours .& à l'enfeigne-
ment public , pour avoir fait un grand nombre-
de travaux. & d'analyfes fuivies , a écrit fur le
règne végétal un des ouvrages les plus clairs,
les plus méthodiques & les plus riches en faits :
il y a réuni tous les réfultats connus de cette
analyfe , & il les a préfentés avec une méthode ;
& une clarté qu'on trouve dans très - peu de
traités. Son introduélion à l’étude des corps
naturels tirés du règne végétal, publiée en deux
-volumes in-12 dans l’année 1773, eft prefque encore
aujourd’hui l’ouvrage le plus complet &
le plus utile que l'on puiffe etudier fur cette
partie de la chimie. Les découvertes affez nombreufes
qui ont été faites depuis fa publication
peuvent être clafîees dans le rang que
l'ordre établi dans cét ouvragé leur a d'avance
déterminé , & fi l’on y ajoùtoit les connoif-
fances à la vérité très-étendues qu’on a acquifes
fur les acides végétaux , ainfi ique celles qui
ont été apportées par les nouvelles découvertes
, & la doéirine des gaz, fur la nature des huiles,'
fur la fermentation , l’alcool, l’éther, le vinaigre
& l’acide acétique, il ne manquerôit
rien*à ce traité dont la méthode, la précifion
& le mérite ne fauroient trop en recommander
la leéture aux étudians. Il faut remarquer que
fi l’on en excepte la chimie de Boerhaave , il
11’y avoit aucun ouvrage qui pût fervir de guide
ou de modèle à Bucquet , enforte qu'il a la
gloire d’avoir fait prefqu'à la fin de l’époque
qui nous occupe, & immédiatement avant la
révolution chimique qui fera l'objet du paragraphe
fuivant, l'ouvrage le plus complet & le
plus miéthodique qui ait été publié fur cette
matière.
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