
on trouve dans Boyle une expérience capitale,
un énonce effentiel que Vanhelmont n avoit pas
' même foupçonné , c;éft celui de la diminution
de l’air par les corps combuftibles qu’on y fait
brûler, comme le foufre, le camphre , l’ambre,
8çc. Tout en refferrant_en quelque forte le mérite
des découvertes de Boyle . ou plutôt ,en
les comparant aux idées plus avancées plus
hardies de Vanhelmont, il eft jufte a il eft in-
difpenfable d’infifter fur ce qui . eft dû particulièrement
au phyficien ariglois , & le dernier
réfultat fur la difparution- d’une partie du volume
de l’air par la combuftion , eft trop Taillant
& touche de trop, près à la révolution chimique
dont nous traçons ici l’efquiffe , pour ne
pas la faire reffortirdu milieu deschofes déjà connues
que Boyle a réunies dans fes ouvrages, & en
rendre à fa mémoire l'hommage qu’il a mérité.
On doit remarquer ici que les travaux &' les
expériences de Boyle ont coïncidé avec l’éta-
bliffement des fociétés favantes , qu’il a contribué
à l’éclat dont a brillé, dès fes commen-
cemens , la iociété royale de Londres , qu’il
étoit tout rempli des idées & des vues profondes
du chancelier Bacon, qu’il recommen-
çoit en quelque forte la phylïque fous des
aufpiCes àuffi heureux que fes moyens étoient
nouveaux & puiffans. Une fuite naturelle de
cette obfervation nous porte à être1 étonnés
que les belles idées de Vanhelmont, que l’ouvrage
de Jean Rey, la Angularité & la nouveauté
piquante de fon alfertion fur la fixation
de l’air dans les' métaux calcinés I que la dif-
cuffion qu’elle excita parmi les correfpondans
& les amis favans de Merfenne , St qu’enfin ,
les phénomènes de l’air narurel & de l’air J
• faétice de Boyle , ainfi que l’importance & la
très nouvelle utilité des machines dont il enri-
chiffoit la phyfique, n’aient produit ni enthou-
fiafme , ni chaleur, ni grandes entreprifes fur
l'air & fur les émanations , de la part des phy-
ficiens qui fe raffembloient alors en fociétés favantes
dans plufieurs parties de l’Europe.
A l’occafion des travaux de Boyle, nous citerons
ici une anecdote littéraire qui prouve
que vers la fin du fiècle deriïier, on s’occu-
poit beaucoup de l’attraélion de l’air par les
corps & de l’augmentation de poids qu’il oc-,
cafionnoit. Il exiftoit alors un père Chérubin
d’Orléans, capuçin de la province de Touraine ,
qui travailloit beaucoup à la phyfique , qui avoir
publié en 1671 un traité de la dioptrique oculaire
en 167® & 1700 , des differtations curieufes,
intitulées : les effets de la force de contiguïté des '
corps & Vinvention du binocle. Ce phyficien écrivit
& rendit publique, en 1675) une dijfertation fur
la perméabilité du verre , fu r la caufe de Vaugmentation
du poids de Vétain & du plomb par la
calcination , dans laquelle, en réfutant une des
opinions de Boyle-, il s’exprime alfez clairement
fur la fixation de i’ajr dans les chaux métalliques.
C ’eft une expérience remarquable du.phy-
x anglois qui paroit avoir donné lieu à cette
djiiertatiou. Boyle ayant enfermé une once de
plomb dans une retorte qu’il fcella hermétiquement
, 1 expofa à l’aélion de la flamme pendant
deux heures , & trouva enfuite le métal
en partie calciné & augmenté de irç grains 5
il crut pouvoir expliquer cette augmentation
de poids par la pénétration de la flamme à travers
au verre. Lib. de. permeabilitate vitri h
flamma. Expérience III . Sur quoi Je père Chérubin
obferve avec autant de fineffe d’efprit
que de vérité, que la conclu lien de Boyle n’eft
point exaéle, & que fon opinion à cet égard
lui eft Fort fufpeéte, parce que, dit-il, « pour
33 Prouver la prétendue perméabilité du verre
33 Pfr cefte expériencé, il de v o it , avant que
” d ouvrir la retorte , la pefer avec tout ce
33 qu elle contenoit, afin de reccnnoicre fi l’air
» extérieur ( qu’il dit y faire irruption dedans
33 avêG. bruit , lorfqu’on l'ouvre ) , n’a point
” caüfô de changement au premier poids que
33 ^ on suroît obfervé avant d’ouvrir la retorte;
33 & le trouvant exa&etnent de même,, alors,
59 il auroit légitimement pu inférer le refte,
» 8c en confëquence, fa prétendue perméabi-
33 “ te du verre ^ qu’il n’a pu abfolument fans
33 ceta : c_é défaut étant abfolument effentiel en
33 f°n expérience ; 8c en effet, il auroit fans
» doute trouvé repefant la retorte, après l’avoir
>3 ouverte , qu’elle pefoit davantage qu’aupara-
« vant, 8c je le prouve néanmoins ».
» Je remarque, continue-t-il, pour ce fujet
33 avec lui, i°. que ce métal s’étoit en partie
» calciné 8c réduit en chaux dans le vaiffeau
» par l’aétion du feu , 1 9. que, lorfqu’il a ou-
» vert la retorte , rompant fon col, Pair exté-
33-rieur , ( pour m’exprimer en fes termes ) ,
» y a fait irruption avec bruit ».
» Or, ces deux circonftances remarquées, il
39 eft évident que le bruit que cet air extérieur a
» fait en entrant dans ce vaiffeau, l,orfqu’on l’a
» ouvert, (outre la preuve que M. Boyle en tire,
» que le vaiffeau étoit fàin 8c entier ) , prouve
» encore que l’air intérieur du vaiffeau y avoit
» été très-fortement raréfié par la violente ac-
» tion du feu , qui en avoit confommé tout
33 l’humide 8c tout l’hétérogène, en calcinant la
33 partie du métal qu’il avoit -réduite én'chaux ;
33 8c par conséquent que le vaiffeau étant mainte-
» nant réfroidi, cet air, auparavant très-raréfié,
» étoit maintenant très-violemment atténué,
33 comme je l’ai fait voir en la ventoufe. Il y a
33 donc aiîflî de même changé la nature de fa
». confiftance 8c d e fon reffort 5 il n’y pouffe plus
» du centre à la circonférence, comme il faifoit
» étant raréfié: il attire au contraire très-violemment
à loi > c’eft pourquoi il eft toujours
dans ce vaiffeau1 actuellement en état d’y attirer
» très-fortement l’air extérieur, au moment qu’y
»a faifant l’ouverture, on lui en donnera le moyen5
w 8c le bruit que M. Boyle a remarqué que cet
n air, qui y eft attiré, fait en y entrant, en eft
«« la preuve fenfible.
» Mais cela expliqué, il n’y a aucun philofophe
33 artifte qui ne fâche ce que l’expérience, jointe
» à la raifon , démontre continuellement j que
»3 tous les corps calcinés font ués-grande attraction
»3 d‘air. Pour répondre néanmoins à un anglois
» par un autre également doéte 8c curieux artifte,
» c’eft M. le chevalier Digby i J1 affure par fes pro»
» près expériences, que les corps calcinés aug-
» mentent notablement de fubftance, par l’attrac-
» tion qu’ils font de l’air ; 8c c’eft ce que i’obferva-
» tion de M. Boyle, que nous examinons, prouve
*> manifeftement ici 5 car ce métal qui fe trouve tal-
» ciné dans la retorte fcellée hermétiquement, y
» eft non'-feulement privé de toute humidité,
» mais encore imprimé d’une qualité ignée très-
» ardente, qui lui fait attirer avec une avidité
» extrême, la partie humide de l’air extérieur,
» de laquelle il s’empreigne au moment que,
» rompant le col de la retorte, on lui permet
» de l'attirer. C-eft donc évidemment ce qui a
39 augmenté le poids de ce métal calciné, en
» cette observation de M. Boyle ; & il s’eft fna-
35 nifeftement trompé., au jugement qu’il a fait
' » de^ la caufe de l’augmentation du poids de ce
» métal, qu’il a réellement trouvé pluspefant,
» l’ôtaat de fon vaiffeau , qu’il ne l’ y avoit mis 5
« la caufe qu’il allègue de cet effet eft donc
33 fauffe. Ce n’eft donc point la pénétration de
« la flamme au travers du vaiffeau dans lequel ce
*• métal étoit enfermé 5 donc la perméabilité dus
» verre, qu’il inféroit en conféquence de cette
» caufe prétendue, eft pareillement fauffe.
» Or, bien loin même que la caufe de l’aug-
33 mentatioh du poids de ce métal prouve la
“ perméabilité du verre , elle prouve for-
» mellement Iç contraire : puifqu’il eft évident
33 que ce vaiffeau de verre retient fortement cet
39 air dans urte confiftance d’atténuation fi vio-
99 lentée, & fi contrainte j ce qui ne pourroit
39 pas être , fi le verre avoit des pores 5 car cet
» air qui eft toujours en attraction aCtuelie,
93 comme l’on connoît fenfiblement par le bruit
33 «jvie fait l’air extérieur attire au-dedans, lorfque
99 l’on rompt le col du vaiffeau, ne fouffriroit
33 pas cette violence, & attireroit néceffaire-
33 ment des parties fubtiles de l’air extérieur,
33 pour lui aider, à occuper la capacité de fon
33 vaiffeau, 8c à fe remettre dans fa confiftance
93 “ bre & naturelle. »
Il eft évident par la lecture de o r îr,
que le père. Chérubin d’Orléans regardez c
une vérité bien connue & bien démontrée , qu£
les corps calcinés attirent l’air. On eft étonné
que ce foit un phyficien beaucoup moins habile
èc moins connu dans la république des lettres,
qui réfute Boyle , qui le redreffe , & fur un
fait que celui - ci devoit avoir beaucoup plus
préfent & beaucoup plus fortement démontré
que le / phyficien françois , puifque l’anglois
s’occupait beaucoup des propriétés de l’air ,
de fon influence dans tous les phénomènes, ôc
puifqu’il avoit même fpécialement infifté fur
fon abforption par les diftérens corps. Dans l’explication
donnée par Chérubin contre Boyle , on
trouve à la fuite de l’objeétion qu’il lui fait de
ce qu’il n’a pas pefé fa retorte avant d’en brifer
le col, une idée qui prouve cependant que ce
phyficien n’entendoit pas exactement ce qui fe
paffe dans la calcination des métaux, & qui
exige qu’on ne lui attribue pas conféquemment
plus de mérite qu’il n’en a dans cette partie de
la phyfique. Il eft clair qu’il croit que l’abforp-
tion de l’air par la chaux de plomb n’a lieu dans
l’expérience de Boyle qu’au moment où fe fait
l’ouverture de la retorte, & que c’eft à l’air
extérieur qui rentre avec force dans ce vaiffeau
qu’il l’attrroue 5 il ne l’eft pas moins que ce n’eft:
qu’à cet air étranger à l’appareil, & qui ne s’y
fait jour qu’à l’inftant où on le brife , qu’il rapporte
l’augmentation de poids que la chaux acquiert,
& affurément ce n’eft point ainfi que
les chofes fe paffent j le plomb fe calcine en
raifon de l’air contenu dans l’appareil, & voilà
pourquoi il n’augmente que de fîx grains ; il fe
'fait un vide dans'la cornue , d’après l’abforption
de l ’air vital ; & c’eft ce vide que l’air extérieur
vient remplir : tout eft fait par rapport à la
calcination du .métal, lorfque cet air pénétre
l’appareil. Si Boyle, fi Chérubin qui le réfute,
avoient refait l’expérience, & qu après avoir pefé
l’appareil, ils euflertt ouvert la cornue fous l’eau,
ils auroïent reconnu la quantité d’air diminué ,
abforbé & fixé ; ils auroient trouvé qu’elle ré-
pondoit jufte à l’augmentation de poids au plonib.
On voit donc que Chérubin n’a point connu,
au moins exactement, la théorie de la calcination
des métaux , & qu’en réfutant Boyle, c’étoit
plutôt de l’impénétrabilité du verre qu’il s’oc-
cupoit que de l’influence de l’air dans cette
opération.
Il ne faut donc pas compter le père Chérubin
parmi les phyficiens qui ont véritablement contribué
aux progrès de cette partie de la phyfique
pneumatique, puifqu il n’a fait aucune expérience
& aucune découverte particulière 5 il eft vrai
qu’au milieu de la renaiffance de la phyfique
expérimentale, & malgré l’aétivité que i’-érabii^
fement des fociétés lavantes lui donna, on «e