
pas le même droit ? Il ne paroît pas qu’on puifle-
aïlsguer aucun motif raifonnable pour le lui réfuter.
Je fais chauffer de l'eau très-pure 5 je la goûte :
elle fait fur ma langue & fur mon palais une im-
preilion de chaleur : on me dit que cette impref-
fton eft une faveur uniquement due à l’aélion
propre des parties de feu dent elle eft pénétrée.,
tant qu’elle eft chaude, parce que ce feu eft la
feule matière favoureufe qu’il y ait dans la nature.
A merveille. Je fais refroidir cette eau jufqu’au
degré de là chaleur animale ; je la goûte de nouveau
: elle ne me fait plus aucune impreflion , du
moins bien fenfible. On me dira fans ,doute que
l ’eau étant aufli infipide par elle-même que tous
les corps .de la nature, à l'exception du feu , ne
peut avoir, dans ce cas-ci, plus de faveur fenfible,
que tous les antres corps regardés comme infi-'
pides, parce qu’elle ne contient pas plus qu’eux du
feul corps favoûreux qui eft le feu. Encore très-,
bien. Mais je fais refroidir cette même eau autant
au-deftous du degré de la chaleur animale, qu'elle
étoit échauffée au deflus dans ma première expérience
) je la goûte une troifième fois : elle fait
fur l’organe de mon goût une impreflion toute
aufliforte que la première, mais toute oppofée 5
& je demande la caufe A e cette nouvelle Jmpréf-
fion : que répondra- t--on ? Dira-t - on que cette
impreflion de froid n'e.ft pas une faveur? Je demande
aulïi-tôt à quel.titre le’chaud en feroit une
plutôt que celle du froid, fid'on convient 3 comme
on* ne peut s’en clifpenfer1, . que le froid a autant
de droit que le chaud d'être regardé comme faveur
j je dirai alors que. le froid n’étant produit
que par l’abfehce des parties de feu , la faveur
froide ne peut être l’effet de l’a&ion propre dès
parties du feu , puifqu'elle n’a lieu que par la
privation 8c l'abfence de ce même feu 3 8ç j'en
conclurai que toute faveur en générai ne dépend
donc point de l'aétion immédiate des parties du
feu.
Pour épuifer toutes les réponfes qu’on peut
imaginer à des difficultés fi preHantes., entreprendra
t-on de prouver que la .faveur froide vient,
aufli bien que la ch a u d ed e l’aébion immédiate
des parties du feu , en difant que lorfque, nous
mettons dans, notre bouche de l'eau plus chaude
que notre corps , les parties du feu agiffent fur
notre goût en paffant, • pour fe diftribuer avec
égalité, de la, fubftance de l'eau dans celle de
notre, organe à, §£ qu'au contraire lorfque nous
mettons dans odçre bouche , de l’eau plus froide
qu’elle, c’eft le feu plus abondant de la fubftance
de notre corps quile quitte, pour paffer jufqu'à
l’équilibre dans la fubftance plus froide de l'eau >
& que dans ce dernier cas qui produit la faveur
du froid, comme dans le premier qui produit
celle du chaud , l’une 8c l’autre de ces fenfations
réfultent également de l’aéfion immédiate des
parties de feu fur nos organes .avec la feule différence
$ que dans le chaud l’a&ion du feu irrire les,
parties de notre corps en quittant le corps étranger
pour y rentrer y & .que dans le froid il ébranle
nos parties fenflbles par le mouvement qu’il faiç
pour paffer de notre corps dans le corps étranger
pour y entrer. S'il en étoit ainfi , répondrai je à
mon tour, il s’enfiiivroit néceflairement de-là ,
que l’impreflion du chaud &Tcelle du froid venant
également de Faêlio.n propre du choc des parties
du feu , leur différence dépèndroit abfoluVent
du mouvement de ces mêmes parties du feu , en-
forte que cet élément auroit la propriété de produire
du chaud en allant dans une certaine direction
3 par ■ exemple' de droite à gauqhe , 8c du
froid lorfqu'il iroit dans une autre direction, par
exemple de gauche à droite.... Je n'infîfterai pas
davantage fur cette matière , car j’ai trop bonne
opinion du jugement de ceux dont je cemb. ts le
fentiment , pour les croire incapables de.fentir
tout ce qu il.y auroit d’abfurde , 8c même.de.ridicule
dans une pareille réponfe. Je regarde.cdnvme
inutile , par la même raifon , de parler ici du
fluide frigorifique de M fchcmbroeck, dont on
pourrôit fuppoier que les parties ont une adfion
propre à exciter la ienfàtion ou la faveur du froid,
de même que les parties du feu font propres à
exciter celle du -chaud; car fi l ’on admettoit un
pareil fluide, dont aucun des effets , du froid ni
du chaud ne prouve d'ailleurs l’exiftence , ' .ce
feroit bien convenir fans dôute, que le feu ne
feçôit pas le feul corps favoureux, 8c ce feroit un
abandon formel de la propofition établie en principe.
D’après toutes ces obferyations, il paroit dé-
montré^aufli folidement qu’un point de théorie
puifle l’être en phyfique, que ce n’eft point à l’action
propre & immédiate des parties, foit du
feu, foit du feu prefque pur, ou d’aucutj caufii-
cum que ce foit qu’on doit attribuer la caufe '
prochaine de la caufticité 8c de la faveur. D’ailleurs
il eft bien aifé de fentir que quand même
on admettroit la matière ignée ou l'élément du
feu comme cauftique unique, comme le feul principe
de la caufticité & de la faveur de toutes
les autres fubftances , ce ne feroit point là .établir
une théorie générale de la caufticité 3 car on n'en
auroit point pour cela une idée plus,, claire &.
plus précife de la caufticité, c’eft-à-dire, de
'l’état ou doit être la matière en général pour
avoir la propriété cauftique ou être douée d’une
a&ion difîblvante 3 puifqu’en fuppofant que le
feu fût la feule fubftance fufceptible de cette
difpofition, il refteroit toujours à demander en
quoi confifte cette même difpofition dans Je feu :
& en phyfique on ne peut pas fe,.flatter d’avoir
approfondi les caufés des grands effets de la
nature, autant que l’efprit humain en eft capable
tant qu’on peut efperer de remonter plus haut
que les caufes particulières, de i’efpéce de celleci<,
auxquelles on s’eft d’abord arrêté. Ainfi, en
attribuant la caufticité, comme on a fait, à l’action
propre & immédiate des parties du feu, ce
n’eft point là aftigner. véritablement la caufe de
la caufticité •& de la faveur, puifqu’il refte toujours
à demander pourquoi le feu lui-même a de
la caufticité & de la faveur, & çn quoi concilient
ces qualités. .
Mais quelle eft donc enfin cette véritable caufe
de la caufticité, me le demandera-t-on à mon tour ?
Je pourrois répondre tout fimplement que je n en
fais rien, fans que pour cela, le lentinrent dont je
.crois avoir démontré le peu de fondement, en
fût plus véritable. Mais il n’eft plus .temps que
je fafte cette réponfe , qui pourtant feroit "peut-
être la pluÿ.fage & la plus raiionnable. J ai exr
pofé mon opinion à ce.fujet dans nombre d’articles
de la premiers édition. de cet ouvrage. Il
faut bien par confisquent que je .la rappelle ici,
& que je l’expliqué le plus clairement qu’il me
fera poflible. Mais avant tout, dans des dilcuf-
lioris'quelconques, Se fur-tout lorfiqu elles font
épineufes comme celle-ci , on doit commencer ,
par Te bien entendre, je ferai donc djabord les
obfervations préliminaires qui fuivent.
Je conviens premièrement, que fi le feu libre
•.eft une fubftance efiéntitllemsnc fluide, la feule-
même qui ait cette propriété par fa nature & qui
foit la caufe unique de la fluidité 4e toutes les '
autres, comme je le penfe, cet, élément ne peut
être-méconnu pour une caufe éloignée, de toute
caufticité , attendu que. l’effet de l’aûion des
cauftiqu.es ou diffolvans ne. peut avoir lieu fans
la fluidité du cauftique & du corps-fur lequel
il exercé Ton action, ou au moins de l’un d'eux :
ainfi le feu libre influe à cet égard dans l’effet
de toute caufticité; mais il faut bien prendre
garde que cë-n eft pas comme caufe immédiate,
c’eft-à-dite , par l-aâion direéte de Tes parties
propres fur les corps qui éprouvent l’effet du
cauftique, mais, feulement comme pouvant feul.
mettre les parties du corps, dans l’état de mobilité
nëceffaire pour que la caufticité ait fon effet :
ainfi, que l’aétion du feu libre n’eft dans la . caufticité
qu’une caufe conditionnelle , eonduio fine
quâ non.
: Ènlfecond lieu ;-je conviens de plus que le feu
libre eft lui-même , dans le fens que j’expliquerai,
un cauftique très-violent; & que d’ailleurs,
fon influence étant néceffaire, dans l'effet de la
caufticité, par la raifon que je viens de dire,
il joue un rôle dans cet effet ; que dans bien des
circonftances il peut l’augmenter, & l’augmente
réellement, comme on le.voit dans les diffolvans,
dont Taétivité eft plus grande, & dans les ali-
mens , dont la faveur eft plus marquée quand ils
foat chauds, que quand ils font froids.
• Troifièmement, il eft bien eiïentiei de fe rappelle
r ici ce que. j’ai die au commencement de
cet article fur l’aêlion des cauftiques & des dii-
folvans 5, c’eft qu’il réfulte conftamment & né-
çelfairement deux effets de cette aêlion, favoir,
la défunion des parties du corps fur lequel elle
fe porte, & l’union de ces memes parties avec
celles du cauftique ou dilfolvant, en forte que
cette féparation & cette nouvelle union font
deux effets fimultanés &c inféparabies d’une même
caufe. En difant que ces deux effets font in réparable
s-, ■ ;je ne veux point faire entendre que ï'u-
nion des; parties du corps diiïous ou rongé par
le cauflique , avec les parties de ce même eauf-
tique , foit toujours proportionnée à fon aètion ,
ou même qu’il n’arrive jamais qu’elle n’ait point
lieu î car cette affertion feroit contraire à l'expérience
y mais je dis que la nouvelle union eft
le but de la caufticité & de l'aétion dïffblvanté j
qu’elle en eft une fuite, une dépendance riécei-
laire , 8c qu’elle s’effeéhie toujours aufli complet-
tement que les circonftances peuvent le permettre.
La nouvelle union eft tellement le but,
8c même le but unique de la diflbiution , elle
en eft une indépendance 8c une fuite fi néeelfaire,
que fans elle la diflbiution n auroit jamais lieu,
la preuve en eft que l’aéiion du diflolvant ou du
cauftique eft ablo’ument proportionnée: à cette
union , c’eft-à-dire , que fi après que le cauftique
a produit tout fon effet de diflbiution, fes parties
n’oiit pu contracter aucune union avec celles
du corps diflous, le diflolvant conferve après
cette diflbiution, tout autant de caufticité ou
d'aCtion diffolvante qu’il en avoit auparavant j
que fi au contraire une union intime 8c parfaite
des parties du diflolvânt avec celles du corps dif-
fous, a fuivi la diflbiution, il ne refte plus au
diflolvant ou cauftique après cette union , la
moindre, apparence d’aCtion diftolvante ou de
caufticité; 8c qu’enfin fi cette union fuivante, ou
plutôt compagne de la dilïolucion , fe fait plus
ou moins complettement, if refte toujours au
cauftique un degré de caufticité très-exactement
proportionné, en raifon inverfe, à l’intimité
de cette union. Ce font là des faits établis fur
autant de preuves expérimentales qu’il y a d'opérations
de chimie, 8c que par conféquent ne peur-
vent contefter aucuns de ceux qui pofîedeht véritablement
cette fcience.
Cela pofé, quelle autre idée raifonnable peut-
on fe former de l'état d’une fubftance quelconque
qui a cette qualité que nous nommons cauf~
t i c i i é , laquelle eft démontrée par le fait n'être
autre chofe qu’une tendance à l’uniôn , finon de
• confldérer les parties intégrantes de cette fubftance
cauftique comme tellement difpofées, foit
parleur figure, foit par i’interpofition de quel-
q,u’autre fubftance que, ne pouvant fe joindre
,, eutr’elles avec l'intimité à laquelle elles tendent,