
en créant pour les faftes de l ’efprit humain une
des plus étonnantes époques parmi celles qui
l’honorent, & un des plus beaux monumens de
la gloire de notre fiécle, a ouvert aux chimif-
tes une carrière nouvelle , & leur a donné les
moyens d’expliquer facilement une foule de
faits jufque - là inintelligibles-. On a vu dans les
périodes précédentes combien d’oppofitions cette
grande découverte a rencontrées parmi les phy-
fici ens j quoique depuis la nomenclature qui ert
a exprime & confîgné le réfukat parmi les vérités
reconnues, le nombre des détracteurs Sc
des oppofans , déjà diminué par les fuccès que
plulîeurs phyficiens avoient obtenus , n’ait pas
ceffé d’attaquer cette belle découverte , la plus
grande partie des phyficiens & des chimiftes
l’ ont regardée comme démontrée , & s’én font
% v i , les uns pour expliquer plufîeurs opéra-
. tions obfcures auparavant , les autres pour étayer
leur théorie particulière. Dans cette derniere
clafle il faut compter quelques chimiftes allemands
, convaincus de la réalité des expériences,
mais non partifans de la doctrine pneumatique.
En général, les hommes qui nioient cette
ingénieufe expérience, ont trouvé moins de faveur
& obtenu moins de confiance qu’ils ri’ en
avoient eues jufque-là.
La foeiété des chimiftes hollandois qui travaillent
en commun à: Amfterdam aux progrès
de la fcjence ,. MM, Deiman & Van - Trooft-
Tisk ,• trouvèrent un moyen de décompofer
l’eau par l'éleCtricité , d’en obtenir du gaz
hydrogène & du gaz oxigène mêlés , dans l’appareil
où ils la fournirent aux commotions.,
& de la refaire, de toutes pièces par une combuftion
rapide , opérée à l’aide de l’éleêtrifa-
t io a , lorfque par la difpofîtion même de l’appareil
& par la production augmentée des gaz ,
les deux poules de l’excitateur forties de l'eau
fe trouvoient plongées au milieu de ces fluides
élaftiques. L ’expérience, répétée à Paris par les
citoyens Chappe & Sylyeftre., n’eut pas ü’abord
tout le fuccès qu’on devoir en -attendre , parce
que l’appareil fe brifoit conftamment j mais au
moyen d’une correction qui confiftoit dans une
fohère métallique placée au-deffous d’un tube
de. verre & de divers robinets deftinés à faire
pafler les fluides élaftiques obtenus de la boule
dans le tube fupérieur , ces phyficiens ont parfaitement,
réufïi à opérer la décompofition & la
recompofîtion de l’eau, & ont confirmé ainfi d’une
maniéré aufli pofitive qu heureufe la précieufe
découverte des chimiftes hollandois.
Quelques doutes qui pouvoient refter encore fur
plufîeurs phénomènes, accompagnant la déçompo-
fition & la recompofîtion de l’eau, ont engagé deux
phyficiens de Paris à répéter avec un grand foin
les’ expériences for lefquelles elles étoient fondées
« Lpfevre-Gineap, profeffeur dephyfique au
collège de France , fît avec des appareils conf-
truits exprès une combuftion foignée du gaz hy,
drogène & du gaz oxigène , & une décompo-
iîtion de l’eau par le fer, dans le printemsde
1788. Son gaz oxigène avoit été retiré de l’oxide
de manganèfe , & (on gaz hydrogéné de la dif-
folution du fer par l’acide fulfurique étendu
d'eau ; il a obtenu deux livres trois onces trente-
trois grains d’eau, contenant un peu d’acide nitrique,
& il n’y a eu que trente-un grains de
perte 5 15 onces 4 gros 7 grains d’eau décompos
e par le fer , lui ont donné 4 gros 24 graiss
de gaz hydrogène , 5c 2 onces 7 gros 17 grains
d’augmentation de poids dans le canon de fufil.
Les précautions qu’il a prifes 5c l ’exaétitude qu’il
a employée dans cette expérience qui a duré
12 jours, & qui a été faite en préfence^-d’un
grand nombre de membres de l’académie des
fciences Sc d’autres fa vans , étoient propres à
diffipe-r toutes les incertitudes 5c à corriger toutes
les erreurs.
# Une autre expérience plus décifîve encore a
ete faite dans le laboratoire de Fourcroy , &
par les foins de Séguin 5c de Vauquelin. Au
mois de mai 179° s ces chimiftes réunis
ont fait la recompofîtion de l’eau avec du
gaz hydrogène extrait de la diftolutipn du zinc
par l’acide fulfurique étendu , & avec du gaz
oxigène obtenu du muriate furoxigéné de po-
taffe , fel nouvellement découvert par Berthele
t , 5c dont une des propriétés lès plus remarquables
eft de fournir par l’aCtion du calorique 1 air vital le plus pur que l'on puiffe obtenir.
Jamais on n’avoit apporté plus de foin qu’il n'en
a été mis à cette expérience remarquable. Les
gazomètres neufs 5c très-grands avoient été faits
par Fortin , ainfi que la machine pneumatique,
le ballon à pefer les gaz, les balances, les tubes
, les eudiomètres de tous les appareils dont
on s eft fervi. Les quantités, les-pefanteurs., les
états de prefîion, la nature mêmes des fluides
élaftiques, ont été déterminés avec une préci-
fion & une fevérité dont il n’y a que peu d’exemples
dans les laboratoires de chimie. L’expérience
a duré i 8y heures fans aucune interruption.
Les rempliffages des cylindres gazométri-
ques., les pefées, les préparations , les effais
eadiométriques des deux fluides élaftiques. out
occupé tous les momens des travailleurs j ils ;
étoient perfuadés que l’oubli ou la négligence |
d’une feule des précautions qu’ils ont prifes, j
poiivoit produire des erreurs très-préjudiciables
à l’exaétitude des réfultats. En réduifant les gaz
qu’ils ont employés à la température de 10 de- j
grés de Réaumur , & à la prefîion de 28 pouces
de mercure, 8cen'négligeant ici le calcul
du réfidu gazeux , ils ont combiné 25/82,730
pouces cubiques , ou 1039,358 grains de gaz
hydrogène , & 12457,342 pouces cubiques ou
• 6109,869 grains d’air vital. Le volume total des
fluides élaftiques combinés étoit de 38040,072
pouces cubiques, & leur poids total de 7249,227
I grains > ( Ce dernier .poids égalé 12 onces 4 gros
49,227 grains. ) & ils ont obtenu 12 onces 4
gros 45 grains d’eau. En forte que fur des vo-
! lûmes auflî confîdérables de gaz & fur un poids
affez fort, ils n’ont eu que 4,227 grains dé déficit.
Un réfultat plus remarquable encore de
cette expérience , c’eft que les 12 onces 4 gros 45
grains d’eau obtenue étoient parfaitement pures ,
tandis que jufque-là l’eau formée dans cette com-
buftion,. étoit toujours acide. Ils ont prouvé que
cette fîngulière pureté de leur eau , coïncidante
avec le gaz azote 5c l’acide carbonique trouvée
dans le réfidu aériforme de leur ballon , pro-
; venoit, non pas de l ’excefîive pureté du gaz oxigène,
puifque celui-ci tenoit encore 0,03 de
pouce de gaz azote, & qu’il a été retrouvé à
la fin de l'expérience 467 pouces cubes de ce
gaz dans le réfidu,. mais de l’extrême lenteur de
' la combuftion, telle que la flamme qui l’annon-
çoit étoit à peine vifïble le jour, 5c ne prefen-
toith nuit que la groffeur d’une tête d’épingle.
Ils ont prouvé par - là que la température
néceflaire pour combiner en acide nitrique le
gaz oxigène & le gaz azote , eft fupérieure à
celle qui unit en eau le gaz oxigène 5c le gaz
hydrogène 5 qu’on pouvoït ainfi à volonté ob- '
tenir de l’eau parfaitement pure ou de l ’eau :
acidulé j mais qu’il y avoit de l’avantage à n’em- ::
ployer que la combuftion très-lente , parce que le :
calcul de la quantité d’air vital employé à la j
formation de l’acide du nitre, compliquoit les |
réfultats s à caufe de l’état incertain où étoit j
cet acide. Suivant le calcul de leur expérience , 1
100 parties d’eau font formées de 85,662 d'oxi-
gènp & de 14,538 d’hydrogène , ou que le poids 1
de l’hydrogène y eft à celui de l ’oxigëne dans ]e
rapport de 14538 à 85662. Ils avertifîent encore
à la fin de leur mémoire les phyficiens, que
les difficultés qu’on trouve dans une expérience
femblable, ne doivent point les décourager ,
qu’en fuivant un pareil travail avec l’exaétitude
qu’ü exige , on fe rend capable d’entreprendre
enfuite les recherches chimiques les plus délicates
; que s’il n’en exifte aucune plus épineufe,
les attentions & les foins qu’elle demande deviennent
applicables à toutes celles qui veulent*
«ne manipulation foignée , 5c à cet égard ceux
qui ont été témoins des précautions minutieufes
«perpétuelles qu’on eft obligé de prendre pour
Me pareille expérience , ont du être convaincus
qu aucune ne peut former davantage aux opérations
délicates , ni conftituer un plus fore
^PprentifTage. Il eft prefque inutile d’ajourer ici
que depuis les deux expériences exaCtes & authentiques
faites à Paris , 5c qui ont donné des
renutats femblables à ceux qui avoient déjà été
«Qtrevus à Londres par Cavendïsb 1 5c ttouvés
eft France par Moftge , Lavoifier & Meunier -,
lès oppôfitions faites contre la décompofition de
yp_au 5c les objections préfentées par quelques
phyficiens, ont perdu toute leur force. En Hollande
, M. Van-Marum, fi recommandable par
une foule de recherches , de travaux 5c de découvertes
faits dans le Muféum de Teyler confié
à fes foins, a fait fabriquer des gazomètres
un peu différents de Ceux qu’on avoit connus 5c employés, de forte que la récompofition dé
l’eau eft devenue entre fes mains une opération
beaucoup plus fimple 5c beaucoup plus facile.
Au refle, il eft important dé faire obferver ici
que pour les hommes qui ont bien fuivi 5c bien
apprécié la marche des faits qui conftituent la
chimie moderne , 5c qui fondent la théorie pneumatique
, il y a tant d’expériences connues oiï
l’on voit l’eau fe former & fe décompofer, qu’il
n’eft prefque plus befoin de leur offrir en particulier
cette preuve de fa nature , qui exige desappareils
chers, des foins immenfes 5c un tetns-
confidérable-, 5c qui n’eft qu’une répétition ifolée
ce qui fe pafle dans un nombre confîdérable-
d’opérations de la nature 5c dé Part.
1 Le cinquième phénomène , qui forme un des
titres généraux de la philofophie chimique., &
qui comprend la nature & l’a Ction des
terres 5c des AicAxis , n’a encore que peu
de rapports avec la doétrine pneumatique , quoiqu’il
foit facile de prévoir que quelque jour élie
en aura de plus intimes 5c de plus multipliés. Un
feul des corps alcalins | fufc’eptibles de former
avec les acides les fels proprement dits, l’alcali
Volatil ou l’ammoniaque , offre dans fa nature ,
entrevue par Schèele & Bergman , 5c prouvée
enfuite par Berthoîlet, une compofition de
deux Tùbftarrces , toutes deux fufceptibles de
prendre la forme fluide élaftique , l'hydrogène 5c l’azote. Lqrfqa'on en opère la réparation ou
la décompofition , ce n’eft qu’en donnant à l’un
d’eux Pétât aériforme 5 & comme c’eft toujours
en fai fan t entrer l’hydrogène dans une nouvelle
combinaifon qu’on opère cette décompofition ,
l’azote eft celui des principes de l’ammoniaque
qu on obtient en état de gaz. Voilà pourquoi
Fourcroy a propofé Tunion de l’acide muriatique
oxigéné avec l’ammoniaque liquide , comme un
procédé très-propre à fournir du gaz azote. Ç ’eft
fur la nature bien connue de l’alcali volatil qu’ eft
fondée la découverte de Guyton, fur la diffoîution
de l’étain par l’acide nitrique , qui au lieu d’offrir
une effervefcence 5c de donner du gaz nK
treux, comme tant d’autres diflblutions métalliques
, fe trouve contenir de l’ammoniaque formée
par l’union- de l’azote , bâfe ou radical de
1 acide nitrique., & de l’hydrogène de l’eau j
cette formation d’ammoniaque, obfervée depuis
dans une foule d’autres difTolutions métalliques,
tient à ce que les métaux tiès avides d oxigene \