
conduit Scheèle à obtenir la matière colorante du
bleu de pruffe, 8c aufli pure &au(ii abondante qu'il
le défiroit, il s'eft décidé à employer pour cela
la chaux de mercure , après avoir vu que le
mercure doux, 3c le fublimé corrolïf étoient
décompofès par l'eau chargée de la matière
colorante , obtenue par les expériences précédentes
, 3c que le bleu de pruffe étoit décoloré
par la chaux de mercure bouillie dans l'eau.
Sur deux onces de bleu de pruffe en poudre 8c
une once de chaux de mercure préparée par l'acide
nitreux, il verfa dans une cucurbite fix
onces d'eau ; il fit bouillir ce mélange quelques
minutes en le remuant continuellement ; ayant
jetté le tout fur un filtre, la liqueur qui
paffa , 8c qui contenoit la chaux de mercure
unie à la matière colorante , fut verfée fur une
once S* demie de limaille de fer non rouülée mife
dans un flacon avec trois gros d'acide vitrioli-
que concentré ; après avoir feçoué ce mélange
pendant quelques minutes, 8c lorfqu'il fut de- i
venu tout noir, le mercure fe trouva réduit
& la liqueur fans faveur mercurielle, prit l'odeur
delà matière colorante : décantée &diflillée
à la cornue dans un récipient bien luté jufqu'àen
obtenir le quart, toute la matière colorante beaucoup
plus volatile que l'eau fut obtenue; comme
elle contenoit encore un peu d'acide vitrio-
Iique, Scheèle la reétifia en la mêlant avec un
peu1 de craie qui' abforba cet acide fans toucher
à la matière colorante , qui paffa très-
pure dans un petit récipient contenant un peu
d'eau diftillée pour condenfer la vapeur. Cette
liqueur d'une odeur particulière a un goût brûlant
& excite la toux.
A ce mémoire inféré dans le quatrième trimef-
tre de l'académie de Stockholm, pour 1781,
Scheèle en a joint un fécond configne dans le premier
trimeftre de la même académie pour l'année
1785. Ce fécond mémoire qui eft la fuite du
premier , & qui porte le même titre a’ejfai
fier la matière colorante du bleu de prujfe , a pour
objet d'en faire connoïtre la nature, fes parties
conllituantes, & l'aétion fur les autres corps ; il
O’eft pas moins intéreffant que le précédent,
& contient une grande quantité de decouvertes,
dont nous ferons connoïtre les principales. La
liqueur colorante obtenue 3c rectifiée comme il
a été dit ci-dèffus, n'eft ni acide ni alcaline ;
cependant elle précipite le favon & le foie de
foufre ;, mais avec’-lés alcalis, elle forme des
efpèces de çompofés qui retiennent des propriétés
alcalines, quoiqu'elle y foit en excès ;
diflillès , ces çompofés perdent l'excès de la
matière, colorante & gaffent à l'état de l'a leflive
du fang , décompofable ï comme elle par les
acidpsravec l'alcali volatil, elle cçnftitue'un
ièl entièrement fublimable ; combinée, avec la I
chaux, elle s*en fepare par les alcalis fixes cauf- 1
tiques , les acides 8c la diftillation j cette dernière
combinaifon étoit employée par Scheèle
pour reeonnoître le fer, 8c il la défignoit fous
le nom de liq u e u r p r é c ip ita n t e . La matière colorante
pure ne précipite que le nitre d'argent en
blanc, le nitre mercuriel en noir ,8c les métaux
aérés, furtoutle fer} elle attaque plusieurs chaux
métalliques, diffout celle de mercure , fépare
l’acide aerien qui eft uni à l’argent, au cuivre,
au fe r , au cobalt. La liqueur précipitante , ou
fa combinaifon avec la enaux, décompofe par
une double affinité toutes les diffolurions métalliques
fur lefquelles elle agit tout autrement
que la matière colorante pure > les précipités
quelle forme dans les diffolucions, font pour
la plupart diffolubles dans un excès de liqueur
précipitante. Quant aux parties conftituantes de
la matière colorante du bleu de Pruffe, après
avoir fait voir qu’elle exifte dans le fel 8c l'efprit
volatil urineux extraits des matières animales
par la diftillation } qu’on la forme en chauffant
du charbon 8c du fel ammoniac ou de l'alcali
fixe 5 que quand on la décompofe par le feu ,
elle donne de l’air fixe , ; de l'air inflammable,
& de l'alcali volatil j qu'en la diftillant avec
une matière avide de phlogiftique , comme la
chaux de mangenèfe noire , 'on la décompofe
oompleitement, 8c on n’obtient que de l’alcali
volatil concret; Scheèle en conclut qu’elle eft
formée d’alcali volatil uni à une matière char-
bonneufe fubtile , à l’aide d’une forte chaleur j
que ce^ cornpofé devient fufceptible de f e fixer
avec l'alcali du tartre, de manière à réfifter
au feu le plus violent. Il termine cette differ-
tation par trois obfervations remarquables fui;
les propriétés de cette matière colorante ; l’une
qu’il -eft probable qu’elle eft fufceptible de
prendre la forme de gaz } l’autre , qu’une fois
unie aux alcalis ou à la chaux, elle eft capable
de diffoudre les chaux métalliques § de formée
ainfi des Tels triples non-décompofables par l’air
fixe , fur-tout aux chaux de fe r , d’o r, d’argent
8c de cuivre } la troifième, qu'elle ne décompofe
pas le plus grand nombre des fels métalliques
par les affinités fimples, quoiqu’une fois
combinée avec le fe r , on ne puiffe pas len fé-
* parer .par les acides. Nous verrons plus bas que
Berthollet s’ eft erifuite occupé de la nature de
la partie colorante du bleu dé Pruffe , & qu'il
eft parvenu à répandre plus de lumière fur ce
fingulier cornpofé, à l’aide des découvertes faites
depuis Scheèle fur les fluides élaftiques, 8c fur
leurs combinaifons réciproques,
L’année 1784 , eft la dernière où Scheèle ait
pourfuivi fes travaux, ou au moins les ait fait
connoïtre , quoiqu’on ne fait perdu qn’ en mai
1.786. Ses, dernieres découvertes ont été confi-
gnées dans les aAnales de chimie de Crell, dan?
les parties 1 A 6 , 7 , 8 8c ro des cahiers de
1784. La plupart ne font que des faits particuliers
, ou des commencemens de travaux fur
lefquels il femble prendre date, ou des explications
de quelques faits déjà préfentés par lui
à d'autres époques. Le mémoire intitulé f u r u n
p r in c ip e d o u x v o la t i l r econ n u c om m e p a r t ie c o n f t i-
tu ante d e s h u i le s e x p r im é e s & d e s g r a ij fe s a n im a l e s ,
inféré dans la partie 2 de ces annales 1784, a
pour but de faire connoïtre une matière que
Scheèle a trouvée dans les huiles douces ou
exprimées ; en les combinant avec la litharge ,
il a vu qu’ il s'en féparoit un principe doux qui
furnageoit la combinaifon 8c qui traité par
l’acide nitreux , s’eft comporté comme l'acide
faccharin. Il-l'a reconnu depuis dans la graille
de porc 8c le beurre. Une partie de litharge
ayant été cuite avec deux parties d« graiffe &
un peu d’eau iufqu'à ce que la maffe eût pris
la confiitance a ’onguent , Schèele la laiffa refroidir
8c fépara l'eau par décantation } celle-ci
évaporée en confiftance de fyrop , ne contenoit
pas de plomb lorfque la graiffe employée fut
fraîche } expofé à une grande chaleur , ce fy-
rop s'enflamme -} on le réduit en vapeur par la
difti’lation ; il en paffe la moitié en lyrop épais
avec fa faveur>enluite il devient empyreumatique,
& il monte une huile -,brune analogue à celle
du tartre } il refte dans la cornue un charbon
léger 8c friable, fans plomb. Ce principe doux
n’eft point fermentefcible ; en quatre mois ,
Schèele ne lui a vu éprouver aucun changement
} ajouté à l'alcool chargé d’alcali, il s’y
mêle 8c fe précipite enfui ce fous forme gélati-
neufe avec l’alcali ;i l’acide du nitre le convertit
en acide faccharin. Scheèle a retiré beaucoup moins
de ce principe de l’huile d'olive que de la graiffe.
Une lettre de ce chimifte à Crell, inférée
partie 6 de fes annales de chimie 1784, annonce
qu'il préparoit le pruffiuite de potaffe , en fatu-
rant l'alcali fixe cauftique liquide avec du bleu
de Pruffe , en- mêlant la leflive alcaline avec de
l'efprit-de-vin reétifié , qui en précipitoit un fel
feuilleté > c’eft fuivant lui la feule re&ification
qui n’admette point de fer , ni conféquemment
de bleu de Pruffe.
Un troifième article , partie 7 , même année,
contient -le procédé que Scheèle imagina pour
obtenir l'acide du citron pur 8c criftallifé } il
confiftoit à traiter le jus de citron par la craie ,
à bien laver le précipité qui fe forme après
l’avoir féparé de la partie muqueufe & favoneufe,
diffoute dans la liqueur furnageant la combinaifon
de l’acide avec la bâfe de la craie, à traiter
Ce précipité par l’acide vitriolique , pour féparer
la chaux & mettre l'acide citrique à.nud > celui-
ci évaporé en confiftance de fyrop clair, fournit
des criftaux qui ne fe changent point en acide
faccharin par l’ft&ion de l’acide du nitre ^ tandis
que le jus de citron entier , ou comme le dit
Schèele , l’acide extraélif du citron éprouve ce
changement.
Le quatrième objet inféré dans les annaîês de
Crell, pour 1784, partie 8 , eft une lettre de
Schèele, où fe trpuvent cinq obfervations chimiques
; la première , fur la nature de l’air fixe
qu’ il ne regarde pas comme prouvée, favoir qu’il
eft formé d'air vital 8c de phlogiftique , & fur
l ’air inflammable qu’ il affure être une efpèce de
foufre formé de phlogiftique 8c de matière de
la chaleur : la fécondé fur l’éther acéteux, qui
ne fe forme jamais que par le lecours de l’acide
nitreux ou de l’acide marin 8c de la manganèfe 5
la troifième, fur l’emploi du lait de chaux 8c non
pas d'eau de chaux , comme on le lui avoit fait
dire pour féparer les fleurs du benjoin ; la
quatrième , fur la décompofition du vitiiol de
foude par la chaux qu'on fait bouillir avec lui,
qui n’a lieu que fur la plus petite quantité,
8c dont le produit ne vaudroit pas le travail ;
enfin la cinquième ,• fur la couleur noire de la
pierre infernale qu’il affure être toujours due à
du cuivre précipité, dont on retrouve la chaux
en diffolvant le fel dans l'eau.
Un cinquième 8c dernier travail de Schèele
en 1784, eft une lettre adreffée à Crell, 8c
inférée dans la partie ia e de fes annales de
chimie pour cette année } elle contient deux
obfervations } la première, fur le principe
doux 8c volatil des huiles qu’ il ne doute pas
être fufceptible d’une entière décompofition par
des diftillations réitérées , puifqu’à chaque reéci-
fication il fe dégage une liqueur analogue à
l’efprit de tartre, 8c le principe doux devient
plus piquant 8c plus amer } la fécondé obferva-
tion eft relative à l’acide méphytique, fur la formation
duquel par l’air du feu 8c le .phlogiftique,
admife par M. Kirwan, il élève des doutes.
11 lui paroît qu’il y aura toujours uns objection
forte contre cette opinion , tant qu’on n’emploiera
que la limaille de fer pour la révivification
de la chaux de mercure.,, 8c tant qu’on ne
l’obtiendra qu’ en calcinant du fer dans l’air du
feu, par le verre ardent} le fer, dit-il , contient
ordinairement un peu d’acidè méphytique ,
puifqu’il eft plus ou moins chargé de plombagine
, cornpofé de phlogiftique 8c d’acide méphytique.
Après avoir fait connoïtre les mémoires particuliers
de Scheèle, en partie traduits 8c tous
recueillis par madame Picardet, de Dijon , qui
les a publiés en deux volumes i n - 1 1 1 à Dijon,
en 1785", il nous refte à parler du traité chimique
de l’air .8c du feu , donné en allemand
par l’auteur en 1777, enrichi d’un avant-propos
de Bergman, 8c traduit depuis dans toutes les