entièrement confacré à la fcience renouvellée,
fous le titre d’ A n n a l e s d e C h im i e , dans lequel
ont été inférées toutes les découvertes les plus
importantes , & une fuite d’analyfes & de travaux
fur les matières animales 3 plus complette
6c plus riche qu’aucun ouvrage périodique ,
qu’aucune collection académique ou favante n’en
avoit offerte mfque-ïà. On va voir par la notice
que nous allons en donner , que les chimiftes
François , plus avancés dans cette partie neuve
de leur fcience que ceux de la plupart des autres
nations , ont travaillé fans relâche aux progrès
de cette analyfe fi peu cultivée 3 quoique fi digne
de l'être. .
En 1789 Fourcroy a décrit deux procédés pour fe
procurer abondamment & facilement le gaz azote,
qu’on n’avoit encore obtenu jufque - là qu’en
décompofant l’air atmofphérique par un fulfure
alcalin liquide , à h maniéré de Scheèle , ou en
traitant les matières animales par l’acide nitrique
, fuivant la méthode de Berthollet. L’un de
ces procédés confifte à faire paffer le gaz acide
muriatique oxigéné , dégagé du mélange d’oxide
de manganèfe , de muriate de foude , d’acide
fulfurique & d’eau , à travers un petit flacon
plein d’ammoniaque liqirde , & terminé par un
tube plongeant dans une cuve & fous dés cloches
pleines d’eau. L'acide muriatique oxigéné
décompofe tout-à-coup l’ammoniaque , & en dégage
1 azote, qui fe fond en gaz par le calorique
mis en liberté dans cette opération. Des
«fiais multipliés depuis cette première annonce
ont appris qu’il falloir conduire l’opération avec
prudence, ne pas faire pafier le gaz acide muriatique
oxigéné avec trop de force & d’abondance
, parce qu’il y a une effervefcence violente
, & quelquefois même une inflammation
rapide, accompagnée de détonation & de fracture
des vaifleaux.
Le fécond procédé , plus fimple encore que
le premier, Sc qui répand un nouveau jopr fur
les phénomènes de la digeftion, tient à la découverte
du gaz azote prefque pur dans la vef-
■ fie natatoire des carpes. Il fuffit de percer ces
vefiies fous l’eau et fous des cloches pleines de
ce liquide pour le recueillir j on peut fe les procurer
abondamment dans les marchés aux poiffons
de Paris , où l’on vend ces veffies par tas ,
ftrtout dans les mois de février, mars & avril.
L’auteur tire de ce fait la conclufionque pen- !
dant la digeflicn des matières animales dont le
poiffon fe nourrit , il fe dégage de fon eftomac
du gaz azote qui pafle par un. canal bien connu
des anatomiftes dans la vflïe natatoire , & la
diftend. Ce n’eft pas, au refte, une conclufion
qu’on puiffe tirer peut être par rapport à toutes
les efpeces d? poiffons , puifque, fuivant quelques
phyfiçiens , il fe? trouve quelquefois du gaz, acide
carbonique, ou même du gaz oxigène dans les
veffies natatoires de ces animaux. Il faudra des
expériences plus multipliées & plus exactes que
celles qui ont été faites jufqu’ici fur cet objet,
pour décider la queftion d’une maniéré plus po-
fitive, pour bien s’affurer furtout fi le gaz dé-
veloppé dans la veffie natatoire des poiffons efl
toujours le même , foit dans les diverses efpèces,
foie dans les mêmes individus.
Un travail plus étendu fur l’azote des matières
animales , par le même auteur , avoit
déjà été lu à l’académie en août 1788. Four-
croy y avoit prouvé , i° . que l’azote étoit dégagé
de ces matières par l’acide nitrique foible
à une chaleur de 15 degrés j 20. que parmi les
matières animales, la gélatine étoit celle qui en
donnoit le moins, l’albumine davantage, & la
fibrine la plus grande quantité } que la chair
des jeunes animaux en fournifloit moins que
celle des adultes, qu’il fe féparoit plus vite de
celle des animaux carnivores que des herbivores
ou frugivores j 4e*. que ce principe provenoit
bien des matières anima'es, & non de l’acide
nitrique , comme on Tavoit foupçonné , puif*
qu’enfuite on trouvoit cet acide tout entier &
fans altéiation > y°. que la quantité d’azote tirée
ainfi des fubftances an males , répondait exactement
à celle de l’ammoniaque que chacune dt
ces fubftances étoit fufceptiole de fournir par
l’aélion du feu $ 6°. que c’étoit pour cela que
des matières animales enfouies depuis long-p. ms,
& où il s’étoit formé beaucoup d’ammoniaque ,
ne donnoient plus de gaz azote par l’aétion de
l’acide nitrique > 70. que le gaz azote extrait
des fubftances animales par cet acide , avoit une
odeur fade particulière , femblable à celle du
muriate d’ammoniaque fortement chauffé & vo-
latilifé, du citrate d’ammoniaque détonant feul,
ou du nirre- ordinaire détonant avec du charbon,
de la chair de poiffon qui commence à s’altérer
; 8°. que le gaz azote avoit fur k s animaux
une aélion très-délétère & très-rapide, qu’il pour-
roit bien conftituer l’efpèce de vapeur dégagée
des foffes d’aifance , & connu des vidangeurs
fous le nom d e p lom b ; on a cependant depuis
cette époque effayé ce gaz mêlé à l’air , & le
doéteur Beddoes en a obtenu de bons effets dans
la phîhifie pulmonaire j 90. que ce gaz verdif-
fo.it légèrement les couleurs bleues végétales,
que les fubftances qui le contenaient g verdif-
faient elles mêmes par fon dégagement, telles
que l’acide nitrique, la chair qui fe corrompt,
o c c . ; 10. enfin, que fouvent le gaz azote enle-
voit avec lui du carbone des matières même
d’où il fe dégageoit, & le laiffoit dépofer dans
les vafes où on le confervoit. Il eft même vrai-
femblable que le foufre , & furtout le phofphore,
fouvent prefque toujours même contenu dans
les matières animales d’où on le dégage , s’exhalent
en diffolution dans ce gaz , depuis qu’il
'réfuîte des expériences de M. Goërtling > que
le phofphore eft non pas combuftible ni lumineux
, mais feulement diffoluble dans ce gaz ,
comme l’ont démontré les recherches de Berthollet
& nos propres recherches j depuis que
Berthollet a fait voir que cette affinité entre
Tazote & le phofphore pouvoit éclairer la phy-
fique animale fur le mode d’adhérence de"ce dernier
dans les matières de ce régné.
Ç’eft en 1788 & 1789 que M. Prouft a fait
çonnoître la découverte importante du phosphate
natif de chaux , fel terreux qui fait la bâfe
des os de l ’homme & du plus grand nombre des
animaux, dans l’Eftramadure , où on le trouve
en couches plus ou moins épaiffes , formant de
véritables filons ; ce fel a depuis été trouvé fous
forme pulvérulente, mê é de fluate de chaux
dans une terre recueillie à Kobala-Polyana , près
de Sigeth dans le comitat de Marmarofch, &ana-
lyféè par MM. Haffenfratz & Pelletier. Il refaite
de cette découverte que la matière qui
forme la partie folide .des ,x>s de la plupart des
animaux, excepté les coquilles & les madrépores,
exifte abondamment, dans l’intérieur de la terre ;
& comme on trouve auffi ce fel terreux dans les
cendres de la plupart des végétaux, il s’enfuit
que la nourriture porte fans ceffe dans notre
corps la fubftance deftinée à réparer les pertes
que font nos organes foüdes. Le citoyen Vau-
quelin , d’après la quantité de phofphate de chaux
qu’il a trouvée dans la farine de froment, ef-
time que chaque homme , en fuppofant qu’il
prenne une livre de farine par jour , introduit
dans fon corps , fous la forme de pain , y onces
60 grains de ce fel par an. En déterminant auffi
ce qui en fort par la voie des urines , on faura
ce qui refte de ce fel dans le corps humain par
chaque année, & d’où dépend cette tendance à
l’offification qui confirme le dépériffement naturel
de l'homme & le conduit à la mort
fénile.
En 1789, on doit aux travaux du cit. Fourcroy
trois obfervations ou découvertes fur l’ana-
lyfe animale.
La première eft celle d’une femme attaquée
d’une maladie nerveufe après de longs chagrins ,
qui étoit accompagnée de fréquentes & fortes
conYulfions. Pendant un de ces accès, il fortic
par le bord des paupières, par les narines & par
les oreilles des gouttes de fang qui, effuyées avec
un litige, y laiflerent des taches d’un beau bleu
fe féchant à l’air. Ces empreintes refte rent
fans altération pendant quelques jours , & paf-
ferent enfuite à un vert fale & a‘u jaune ; les
acides ne faifoient rien fur cette couleur > les
alcalis la détruifoient en laiflant une légère tache
de rouille fur le linge. 11 femble donc qu’elles
étoientdues à du pruffiate de fer formé fponta-
n-:ment dans le fang altéré de cette malade j mais
il faudroic plufieurs obfervations analogues pour
affurer que cette formation , qui n’e.ft ordipai-
rement que le produit d’une décompofition avancée
des fubftances animales , a véritablement
lieu dans les altérations pathologiques du fang.
Les e t. Fourcroy S z Vauquelin ont découvert
à la vérité depuis cette époque , que l'on for-
moit facilement & abondamment de l’acide pruf-
fique, en traitant les matières animales par l’acide
nitrique , qu’on l’obtenoit de l’albumine & de la
fibrine du fang traitées par cet acide, à l’aide
d’une chaleur douce & p^r la diftillation* & que
cet acide étoit, par rapport à la facilité & à la
nature même de fa formation artificielle aux
matières animales très-compolées , ce^ que font
plufieurs acides végétaux aux fubftances végétales
avec lefquelles on les forme par le moyen
de l’acide nitrique. Mais il n’exifte point allez
d’obfervations pour affurer qu’il fe paffe une
altération .analogue dans les maladies, & le fait
vu par le cit. Fourcroy , eft jufqu'ici une de
ces obfervations rares, une de ces circonftances
extraordinaires que l’art n'a encore offerte à aucun
méJecin, ou qui n’a point frappé. encore
leur attention.
La fécondé découverte de ce chimifte a pour
fujet l’analyfe d’un morceau de foie humain fuf-
pendu'& defieché dans Tair où il étoit expofé
depuis plus de dix ans. Après avoir éprouvé quelques
uns des phénomènes de la décompontion
putride, & avoir été rongé par les larves de
quelques coléoptères , ce morceau de foie étoit
converti en une matière friable, fech% inodore,
d’une couleur grife , ayant l’apparence d’une
terre un peu fpongieufe ou d’agaric minéral ;
depuis deux ou trois ans il étoit dans cet état,
& ne fubifloit plus d'altération. En l'examinant
depuis , on y appercevoit des portions de membranes
delféchées & quelques filets vafculaires
bruns fecs ; en le frottant entre les doigts, il
étoit gras & on&ueux comme une efpèce de
favon ; mis fur un charbon allumé , il s’eft ramolli
& fondu, bourfoufflé , noirci, en exhalant
une odeur de graifTe brûlée j il a laifle un
charbon léger, qui, par une forte incandefcence,
a donné un peu de cendre blanche.
Diftillée , une demi-once de ce fragment a
donné quelques gouttes d'une eau blanche d'une
odeur fade , une vapeur blanche épaiffe , qui
s’eft figée en une huile concrète , blanche , com*
me lamelleufe & criftalline, fur le col de la connue
, du gaz hydrogène carbon,©, fans apparence
d’acide ni d^’alcali.
Un gros de foie chauffé avec deux pnees d’eau
diftillée 9 a donné à ce liquide une odeur faypn-
O o o o 1