
« Ie. Il eft-facile préfenrement de diftinguer deux
fluides effentiellement différents , qui ont en
.conféquence , un ordre d’affinité propre : l’un
eft \e phlogiftique 3 ou la matière .du feu ; l’autre
.eft ce fluide élaftique , que ïi.oùs nommons air
fixe y il n’eft plus permis de les confondre aujourd'hui
, comme l’ont fait les anciens chiniifies-,
qui confidérant plus l’analogie du procédé que
les propriétés des reiukats., afiimiloient. la calcination
de. la pierre calcaire & la calcination des
métaux: dans la première opération3 c’eft l’air
fixe que l’on enleva à la pierre 3 Sc le feu le dégage
même en vaiifcaux clos , \mê'i.e dans la
pouffière de charbon : dans la fécondé, e’eil l’air
fixe qui s’empare de la terre métallique ^ qui fe
l'approprie, en la féparant du phlogiftique $ auffi
nulle calcination métallique dans les. céments
charbonneux ; point de .calcination en vaiffeaux
clos , qu’eri proportion de leur capacité 5 point
de calcination complette, que dés furfaçes en
contaét avec l’air libre 5 & par contre-preuve ,
le métal fe calcine en vaiffeaux clos ., s’il y a
une matière capable de fournir l ’air fixe ».
*» La calcination humide achève de démontrer
la différence des deux fluides; dans la diffolution
des terres-métalliques par l’acide vitriolique,
c’eftle phlogiftique qui eft rendu libre; il noircit
l’argent 80 fa diffolution , réduit la litharge à
la fur face & s’enflamme facilement ; le fluide
rendu libre dans la diffolution des terres calcaires
par le même acide, n’a aucune de ces propriétés
».
2,°- L’air fixe s empare des terres métalliques,
s unit avec elles , comme l’acide marin à la lune
cornée , à raifon d’une affinité fupérieure à celle
du fluide différent qui les ténoit en diffolution;
il les prend à mefure qu’il les touche , & qu’elles
fe trouvent dans la condition de cette affinité,
en éprouvant au moins un commencement de
diffolution : le nouveau compofe fe précipite dé
même j parce qu’il eft moins foluble ; il fe précipite
fans affeéler aucune forme régulière ,
parce que le paflage à l’état folide eft trop
fubit ».;
** L’affinité de l’air fixe avec les différentes ;
terres métalliques varie comme celle de tous les
autres diffolvans.; il y en a qu’il attaque fponta-
némerrc dans l’état métallique folide ; tel eft le
fer , dont la rouille eft une. vraie chaux, & en
a toutes les propriétés, il y en a avec lefqueHes il né
peuts’unir, du moins à un certain point : tels font
l’or, le platine & l’argent: il y en a avec lefquelles
il fe combine fi difficilement, qu’elles s’élèvent
en vapeurs, fans perdre leur phlogiftique, auxquelles
il adhère fi peu, qu’il s’en fépare fans
intermède., ç’eft le hnercure ».
» 40. Cette hypothèfe nous conduira penfer
qu# les acides contiennent eux-mêmes de l’air
fixe, puifqu'iis en fourniffent aux terres des métaux
, qu’ils lepr donnent les propriétés de chaux
métallique?, fans qu’elles aient pu recevoir ce
principe , ni de l’air libre avec lequel elles n’ont
point été en contaèl, ni d’aucune autre fubftance;
cela eft fur-tout fenlible dans les diffolutions où
nous difons que l’acide calcine plutôt qu’il ne
diffout le métal, comme celle de l’étain par
l’acide nitreux, & dans toutes les opérations
après lefqusltes on retrouve , d’un côté , le métal
en état de ,chaux , de l ’autre , de l’ acide vitrio-
: lique rendu fulfureüx'par le phlo:giÛique;; dès
lors l’acide le plus firnple ne doit plus être con-
fidéré comme un principe que la chimie ne peut
décompofer, puifqu’elle lui ôte Ô£ lui. rend à
volonté, une de fes parties oonftituantes; cela
ne répugne nullement à l'idée.que Newton nous
.a donnée de l’acide en le défini flan t , ce qui attire
fortement , & qui cftfortemeiugattiré ; & à. en juger
par l’acide dont mous pouvons fuivre plus, aifé-
ment la formation : il eft très-probable , cornsie
le remarque. M. Üabé Rozier , que le vin ne
tourne à l’acide, qu’en-abforbant une portion
d’air qui augmente fon poids ».
» 5°. En tenant compte de l ’air fixe dans
les diffolutions, les réductions , les cémentations
, les précipitations alcalines terreufes 8c
métalliques, il faudra Amplement admettre des
-affinités réciproques & nmultanées , e’eft - à-
dire, décompofition & cotnpofition ; les açides
ne toucheront pas aux chaux 'métalliques, parce
qu’ils feront refpe&ivement comme des corps
neutralifés par le même principe : les matières
graffes , les flux , les charbons ne lâcheront leur
phlogiftique aux terres métalliques , qu’autant
qu’ils leur céderont leur air fixe; l’alcali & la
craie abandonneront ce principe à la terre du métal,
en même temps qu’ils s’empareront de l’acide ,
& fi l’on précipite une diffolution métallique par
un métal , ce ne fera plus de l’air fixe qui fera
donné en échange, ce fera du phlogiftique,
parce que c’eft du phlogiftique que porte le métal!;
c’eft ce qui arrive dans la précipitation du
cuivre par le fer, du mercure par le cuivre, 8cc.
Je ne doute pas- que lorfqu’on fera parvenu à diftin-
guer deux terres métalliques, dont l’ une ait plus
d’affinité avec l’air fixe, l ’autre plus avec le
phlogiftique , on ne puifïé .également les déterminer
à cet échange par la voie fèche ».
» 6°. Les terres métalliques font donc toujours
unies ou au phlogiftique, ou à l’air fixe , ou à
un acide , & il peut arriver que les fels métalliques
ne foient corrofifs que parce qu’il y demeure
encore une portion d’air fixe , qui empêche
la parfaite faturation. Quoi qu’ il en fo it, les
propriétés de ces trois compofés doivent être
fort différentes , & elles le font en effet dans des
degrés qui ne peuvent être plus marques. L’eau
diffout complètement les dêrnières , &: ne tou r
n a s aux deux autres; le feu eft le lèuldifiol-
vant capable d’agir fur ceux-ci. ; mais il fait
Amplement du premier un métal f lu id e 3 il forme
un verre avec le fécond: cette propriété confiante
»'exclut pas les difterens degrés de lufibilité ,.à
raifon de la nature particulière de la terre ;
la chaux de plomb , par exemple, eft bien plus
foluble que la chaux d’étain ».
» 70. Puifque Jes alcalis 8c les abforbans font
les fubftances les plus avides , les plus abondamment
pourvues d'air fixe , puifqu’ils fervent à
la fufion des terres vitrifiables, il eft probable
qu’ils n’agiffent fur elles qu’en leur communiquant
le même principe qui donne aux terres
métalliques la même propriété d® couleur en
maffes vitreufes plus ou moins transparentes ».
»8°. Il eft tout fimple que l’incinération ne puiffe
fe faire comme la calcination des métaux , qu’au-
tant qu’il y a tout à la fois iffue au phlogiftique ,
& libre accès à l’air ; la nature de l’alcali qui en
eft le produit, indique la raifon de cette fécondé
condition, & j’ai vérifie qu’en conféquence ,
le charbon entouré de cément calcaire, fe con-
fommoit très-fenfiblement, quoiqu’en vaiffeaux
clos , tout de même que les métaux s’y calcinent,
parce.que ce cément fournit ae l ’air
fixe ».
» 90. Enfin, la cryftallifation bien confiatée de
l’alcali par l’air fixe nrèft qu’une faturation qui
faitceffer la déliquefcence , qui diminue la faveur
eàii'ftiquè, parce que , comme le dit très-bien
M.Maequer. ces qualités dépendent uniquement
de L'état de liberté & de concentration où
fe trouve le diffolvant; voilà le. point de reflem-
blance des alcalis & des terres calcaires ; ils font
au nombre des fubftances qui attirent fortement,
& qui font fortement attirées; ils s’emparent
de l’eau avec d’autant plus d’avidité, ils font fur
ROtre organe uns impreffion d’autant plus vive ,
qu’ils font moins faturés d’air, fixe ; les terres
cale-air.es., ■ & même les chaux métalliques., prennent
aux alcalis leur air fixe ;■ voilà l’ordre de
l'affinité ».
» Il y a plus de difficulté à expliquer'tm autre
phénomène qu,e j’ai: moi même obfervé plufieurs
fois, c’eft que l’alcali fixe végétal donne à la
longue au fond des huiles graffes ou effestielles
de très-gros cryftaux . parfaitement identiques;,
& également folubles par le vinaigre ; effc-ce que
les huiles contiennent ue l ’air fixeeftfce qu’elles
font perméables à ce fluide, f ne le laiffent-elles
aller à l’alcali , qu'à mefure qu’elles’ peuvent le
reprendre à leur furface ? Nous ne fommes pas
affez avancés pour^réfbudre ces queftions ; mais
fl eft évident quelles ne peuvent ir/empêcher
de conclure par rapport à l’objet que je me fuis
propofé ».
» Ainfi la feule conféquence à tirer de tous les
faits que je viens de rafüembler r c’eft que nous
n’avons pas encore eu une terre métallique pure
non engagée , c’eft que les propriétés que nous
leur attribuons en cet état , n’appartrennent
qu'aux compofés dont elles font partie, & que
nous devons à cet égard réformer nos exprei-
fions lorfque nous parlerons de la terre de tel ou
tel métal ».
» Mais ne craignons plus d’ affirmer, comme auparavant
avec Stahl que les métaux reçoivent
en effet leur forme conftituante de l'union de
leur terre avec le phlogiftique ; tenons également
pour certain coe dans la chimie , foit naturelle ,
foit artificielle , rien ne fe fait que par diffolution,
fuivant la loi d’attra&ion , & ces variétés
de diftances produites par les variétés de figures
dans lefquelles Bufton a trouvé une explication
fi claire des affinités; enfin,, que loin de porter
atteinte à ces vérités , les expériences fur l’air
fixe, nous ont réellement fait connoître un
diffolvant nouveau , dont l'aétion eft fubordon-
nëe aux mêmes réglés, dont l’éxiftence vérifiée
a déjà redifié nos conjectures fur plufieurs points
importans , dont les affinités & les produits ne
peuvent plus qu’enrichir la chimie & les arts qui
en dépendent ».
Il eft , je penfe, bien évident par la IeCture
de cette opinion conciliatrice de Guyton , qu’elle
eft entièrement fondée fur l’identité, qu'il ad mec-
toit entre l’air fixe , exiftant dans la craie,, les
alcalis > & celui qui fe fixoit dans les métaux pendant
leur calcination & leur diffolution ; que cette
identité n’exiftanr alors que dans celle du mot
air fixe.qu’ on adoptoit pour tous les cas où l’on
voyoit un fluide élaftique fe dégager pu fe fixer
dans les combinaifons: cette erreur involontaire de
Guyton reffembloit à celle déjà commife à cet
égard par Lavoilier, qui à cette époque n’avoic
point indiqué de différence entre le prétendu
air qu’on obtenoitde la pierre à chaux pendant fa
calcination , les alcalis pendant leur diftblution par
les acides, & celui qui lui paroiffoit s’unir aux métaux
par la calcination' & par précipitation-:
commife encore à la même époque par Bayen ,
, qui dans fon examen de la réduéliondes précipités
mercuriels, riommoit, commeLavoifier, fluide
.élaftique la fubftance àériforme , le gàz qu’il
en obtenoit, & fembloit'ainfi l’affimiler au fluide
.élaftique dégagé pendant les effervefcences. De-}à
dépend la néceffité où étoit Guyton d’admettre
l'air fixe dans les acides , qui le cédoient, félon
lui, aux métaux pour les calciner ; de-là , cette
diftinftion, qui n’eft plus aujourd'hui pour nous
qu’une ingénieufe erreur , de ces deux corps