
un tamis de foie , dans le pot qui fe trouve
au-deflous ; il faut que ce tirage aille fort vite.
Si un fiphon ne fexpédie pas auflîtôt, on en
met deux 5 mais il faut qu'ils foient foute nus
de façon qu’ils ne touchent pas au fond du chau-
deron , de deux à trois pouces près , afin qu’üs
ne paillent pas tirer le marc de la cochenille.
Quand ce tirage eft fait , on incline légèrement
Je chaùderon fur le tréteau ; & après l’avoir arrêté
dans cet état , on pompe le refte du carmin
avec une feringue à lavement évitant de tirer
du marc ; & à mefure que la feringue eft remplie
, on la repaffe^par le tamis de- foie 3 & on
le met féparément dans une terrine verni (fée.
Quand cette opération eft faite, on laiffe re-
pofer le carmin tiré une heure ou environ , puis
on le foudre de nouveau dans un autre chau-
deron bien net , afin d’en féparer quelque noirceur
qui fe trouve fouvent au fond. On verfe
aufli dans le même chaùderon le carmin
ui a été pompé par la feringue ; mais avec tant
e précaution que le groflier fe trouve féparé
au fond ; on mêle alors ces deux fonds de
carmin enfemble dans une terrine ; on la remplit
d’eau fort claire, & au bout de fept à huit
minutes, on verfe l’eau rougie par une douce
inclinaifon fur 1 e carmin i on remet encore un
peu d’eau fur le fond qui refte & quelques
minutes après on en verfe encore l’eau comme
auparavant i parce moyen, on fépare tout le véritable
carmin de_certaine noirceur, qui fâns
cette réparation le gâterait entièrement, & l’obf-
curciroit au point qu’il acquerroit une couleur
de fang de boeuf. Après tout ce travail, vous i
verferez à travers un tamis, l’eau précipitante
décrite ci-après; quand elle y fera, vous y
mettrez aufii deux onces de tartre pilé , &
remettrez le chaudron au feu, pour faire prendre
au carmin, par un feu de bois très-vif, un
feul bouillon ; il fuffit même de voir paroîrre
quantité de bulles fur la fuperficie de votre
carmin , qui fera monté alors, &. qui n’en fera
que plus beau. On l’ote du feu , & avec un
petit poêlon de cuivre ou de terre, on verfe
toute cette décoêtion peu-à-peu Tur une toile
fine , tendue fur un tréteau de bois élevé ; le
carmin reftera fur la toile en forme de caillé
rouge , & l’eau qui filtrera à travers à gros filet,
fera tellement foncée de rouge“, qu’elle en paroi
tra prefque noire 5 jettez cette eau dans un
tonneau défoncé d’un côté, elle vous fervira
dans, la fuite pour en faire une lacque carminée
très-magnifique. Le lendemain , amaffez avec
une cuiller votre carmin en un tas fur votre toile ,
afin d’achever l’écoulement de fon eau ; quand
ce carmin fera en confiftance de pâte médiocrement
epaiffe, mettez-le dans des terrines
verniffées , & après l’avoir bien battu avec la
cuiller pour le liquéfier & l’unir, on le fait
parcourir toute la terrine en l’inelinant & la
J tournant d’un côté à l’autre, enforte qu’il n’en
refte par-tout que l’épaiffeurd’une pièce de vingt-
quatre fous ou environ ; en cet état on le fait fécher,
en été au foleil, couvert cependant d’une toile ou
d’une feuille de papier, & en hiver dans une étuve ;
car cette fécule eft fujette à moifir facilement,
fans cependant faire aucun tort à la couleur.
Quand ce carmin eft bien- fec, on le broie dans
un tamis de crin fin , fort & ferré & au -deffous
duquel s’en trouve emboîté un de foie, aufli très*"
fin , f it en forme de tambour, avec un couvercle
& une boîte en deffous. On le broie avec
une mollette de verre à long manche , du diamètre
de quatre pouces j & -après l’avoir broyé
un certain temps , on ferme le tambour, &: on
bat le tamis ; ce qui n’eft pas pafle à travers
la foie fe remet avec une cuiller fur celui de
crin , & on rebroie de nouveau ,N tant qu’enfin
tout votre carmin fe trouve pafle à travers la foie ,
en poudre impalpable j alors il eft en état de
vente.
Eau précipitante , proportionnée a la quantité de
carmin décrit ci-dtjfus.
On pile enfemble un demi-gros d’autour (2)
avec deux gras de borax en poudré très-fine ,
on les met dans une terrine verniffée avec la
moitié d’un oeuf jaune & blanc 5 on bat bien
le tout enfemble avec une fpatule de bois, &
on verfe par deflfus, en battant continuellement
& peu-à-peu, une demi-pinte d’eau prefque,
bouillante 5 on la laiffe enfuite dépoter ; cette
eau peut fe conferver vingt-quatre heures 5 elle
fert à fixer & précipiter le carmin.
Nota. Cette opération ne produit qu’un once
de carmin magnifique , qui fe vençioit autrefois
dix-huit livres à Paris. Les petits pots de rouge,
préparés avec ce carmin font tendres, veloutés
& éciatans , & au lieu de corroder la peau, ils
l’unifient extrêmement. Pour s’affurer dé la fidélité
_de ce carmin 3 il n’y a qu’à verfer, fur une petite
quantité de l’efpritde fel ammoniac , & il fe
diffoudra fur le champ ; s’il eft falfifié, vous
y trouverez un précipité indlffoluble, qui vous
fera connoître la fraude & le poids.
Carmin fin , de Langlois de Paris.
Faites bouillir à ben feu de flamme, dans
un chaùderon de cuivre , de capacité fuffifante ,
quatre* grands féaux d’eau de rivière très-claire j
il faut qu’il refte au chaùderon un vuide de
quatre à cinq pouces. Quand l’eau fera prête
à bouillir, tirez-en environ deux pintes , que
vous verferez dans une terrine par . un petit
filet, fur cinq oeufs entiers avec leur écaille ,
bien battus auparavant avec une fpatule de bois,
, en remuant continuellement 3 cela formerai
ootrwne un petit lait, que vous mettrez a part
pour vous en fervir au befoin. Jettez alors dans
votre chaùderon une petite leflive filtrée a-ciair,
préparée, avec dix gros de fonde d Alicante en
poudre très-fine , & bouillie pendant fept a huit
minutes dans deux pin,tes d’eau j & en meme
tems jettez une livre trois-quarts" de cochenille
mefteque , pafl'ée groffiérement à travers un gros
moulin à poivre , bien propre, & deftine à cet
effet j tournez1 d'abord cette cochenille dans
l’eau avec une broffe nette, à long manche ,
afin d’aider la cochenille à fe précipiter, & l’empêcher
deSurmonter & de s’enfuir du chaùderon.
Si cependant cela vous preffe, jéttez-y promptement
un peu d’eau froide, & continuez de remuer
de temps en temps pendant une demi-heure jufte ,
qu’il faut , que la cochenille bouille : après ce
temps-là retirez le chaùderon du feu,, & jettez-
y promptement quinze gros d alun de Rome en
poudre très-fine; remuez un feul tour avec la
broffe ; pofez le chaùderon fur un tréteau de
bois , & lai fiez - le repofer pendant dix à
douze minutes , jufqu’à ce que vous voyiez que
l’eau d’un noir violet, foit changée en une
belle couleur écarlate affez epaiffe; cela s appelle
faire revenir [q carmin. Quand il eft donc revenu,
foutirez-le dans un autre chaùderon ou vaiffeau
équivalent, comme dans 1 operation precedente,
& tirez aufli la fin avec h feringue; puis jettez
dedans , à travers un tamis, ou par inclinaifon,
l’eau provenue de vos oeufs , en rejettant l’écaille
; remettez le chaùderon au feu pour lui
f purifiez tourner derrière. RempIiflTez-les suffi
I pleines qu’il fera poflible , & laiffez-les. repo
pendant trois femainés ; après ce temps-la
y trouverez une pellicule naoifie, afiez épaule »
■ que vous en retirerez avec une baleine, a a
quelle vous aurez lié des morceaux d épongé très
fine , le plus uniment que faire fe peut : on la
courbe un peu en forme d’arc , & en retirant
; à foi, toute. là pellicule naoifie vient d un leul
trait, & tombera à terre ou dans un récipient.
■ Si la pellicule fe caffe, & qu’il fumage que -
.ques fragmsns, retirez-les avec une^ feringue ,
• qui les pompe fort bien; alors tirez leau rouge
I de vos terrines par des fiplabns de verre ou
: autres , jufqu’à ficcité ; vous ne rifquez rien de
pofer votre fiphon au fond même de la terrine^
i le carmin y eft tellement empâté, qu’il y paroit
adhérent. Cependant, s’ il reftoit au fond quel-
; que eau carminée, retirez-la avec la feringue,
& faites-la fécher à l’ombre, en inclinant les
terrines fur le côté , pour donner plus d afliette
au carmin. Lorfqu’il fera fec , retirez-le avec
une broffe , & paffez-le au tamis ; il eft fi tendre
au’il n’a pas befoin d’être broyé. Celui-ci ett ,
J fans contredit, le plus beau carmin des trois
qui font ici décrits , & même de 1 Europe ; il
eft fi léger & fi v i f , qu’ il brûle les yeux, pour
; ainfi dire; aufli'levendoit-on autrefois; » Am-
fterdam, chez la fabricante, un louis dor
l’once.
faire prendre un feul bouillon; fi tôt que yous
l’appercevrez , retirez le chaùderon du feu &
verfez votre carmin peu-à-peu fur une toile fine,
tendue fur un chaflis ; mettez, l’eau rouge qui
filtrera à travers dans un tonneau pour en faire
des lacques. Pour le refte , finiffez l’opération
comme la précédente, il n’y a aucune différence ;
quand il eft fec , broyez-le & le tamifez , con-
fervez-le pour la vente, dans des boîtes de fer
blanc.
Carmin fuperfin , de madame Çenette ,
d Am fier dam.
Faites bouillir dans un chaùderon fia féaux de
banne eau de rivière fort claire ; fitôt qu'elle
fera en ébullition , mettez-y deux livres de
cochenille mefteque en poudre fine i faites-la
bouillir pendant deux heures , ajoutçz-y alors
trois onces de 'falpêcre raffiné ; un moment
après, jettez- y quatre onces de fel d’ofeille,
laiffez-la encore bouillir dix minutes ; ôtez le
chaùderon du feu , laiffez repofer le tout quatre
heures ; - tirez alors le-, carmin au clair par un
fiphon , &c remplirez en autant de terrines qu’il
vous en faut pour y mettre, toute votre eau
carminée ; ayez foin de les pofer fur une planche
l’uae affèz près.de. l'autre, de façon que ysus
Carmin de la Chine , tres-beau & velouté.
L’on fait bouillir dans un bon feau d eau de
rivière vingt onces de bonne cochenille mefteque
, en poudre fine ; on ajoute foixante grains
d’alun de Rome ; on fait bouillir le tout pendant
fept minutes fans plus ; on retire le chau-
deron du feu , & après l’avoir laiffé repofer un
quart-d’heure, on retire la teinture dans un
autre chaùderon bien évacué, ou dans un pot
de terre, foit par le fiphon , ou à travers une
toile fine , faifmt en forte que le marc de la
cochenille en foit bien féparé , ce qui eft de
conféquence. Gardez cette teinture pour le befoin,
elle ne fe gâte point en vieilliffant, au
contraire^elle s’épaiflit, s’éclaircit, & acquiert
beaucoup d’éclat.
Diffolvez alors quatre onces d’étain de mélac
en chapeau dans une eau régale, compofée de
la manière fuivante : on fe procure de la bonne
eau-forte , capable de diffoüdre l’argent ; on
y met par livre une once & demie de fel marin ,
qu’on y fait fondre ; quand le tout fera fondu, ver-
fez cette eau-forte doucement dans un matras ou
bouteille de verre blanc , pour en féparer les
impuretés ; quand cela eft fa it, on y fait fondre
peu-à-peu quatre onces de l’étain fufdit en limaille;
mais fitôt que vous en aurez mis un peu
M i