
chaleur qu’on a éprouvée, & qu-'en perdant ce
feu , ils ont par conféquent perdu leur caufticité.
"Cette réponfe eft affez jiir.ple & allez claire.
Mais il n’en fera pas de meme de celle qu’on
polirra faire de la caufticité qui refte toute entière
à l’acide nitrc-çx * après qu’il a agi fur
l’étain ; il faudra fuppolèr. que cet acide qui
perd fon feu ou caufticum en agiffaut fur la
chaux , ne le perd point quand il agit fur l’étain ,
quoique la chaleur & le mouvement qui accompagnent
cette aéiion, foient peür le moins aufii
corifidérables que celle qui naît de l’aétion du
même acide fur la chaux } il faudrait fuppofer
que la chaleur'de la dilfolution de l’étain n’eft
dire qu’au développement du feu combiné dans
ce métal, qui s’en feparepar préférence ,. puif-
qu’au contraire le phlogiftique paraît plus étroitement
combiné dans les métaux que dans l’acide
nitreux.
Mais au lieu de toutes ces fuppofitions dénuées
de preuves , j’examine l’état des deux diAblutions
: je vois que dans celle de la chaux cette
terre a difparu entièrement ; qu’elle s’eft combinée
avec l’acide , de manière qu’il ne refte
plus qu’une liqueur tranfparente & homogène :
en un met, je m’affure par l’expérience que
chacune de fes parties s’eft unie à chacune de
celles de la chaux, & j’en conclus que la tendance
à la combinaifon , quavoitnt les parties
de ces deux fubftancès avant leur union, en
quoi cpnfiftoient effentiellement leur caufticité 3
ayant été fatisfaite par leur union qu’elles ont
contraélée les unes pour les autres, leur caufticité
doit.néceftairement être abolie ou diminuée
en proportion de l’intimité de cette union,
j'examine enfuite l’état de la diffolution d’étain,
& je trouve que ce métal ou fa terre, après
avoir éprouvé toute l’a&ion cauftique & corro
five de L’acide nitreux, n’a été que divifé par
cette aêlion, qu’il s’eft précipité en un dépôt
blanc vau fond de la liqueur j en un . mot que
fes parties n’ont point contraété d’union avec
celles de l’acide j & j’en conclus que,, comme
la caufticité de l’acide nitreux n’eft autre chofe
que la tendance que fes parties ont à l’union,
& qu’il a exercé cette tendance far l’étain,.
mais fans qu’elle ait été fatisfaite par fdn union
fubféquente avec ce métal 5 cet acide doit conserver
après cela la même caufticité, la même
a;idité cu’il avoir auparavant, & cela fetrouve
très conforme à 4’expéçience. Je demande maintenant
laquelle de ces deux explications eft la
plus finiple, & la mieux d’accord avec tous les
phénomènes des ciffolutions, combinaifons, :
faturations , c’eft à-dire avec tous les grands effets
dont la connoiffançe , ainfi que celle de leur
rapports conftituent vraiment la fcience de la
chimie ?
J’ai choifi exprès l’exemple de l’adion de
l acide nitreux fur I’étam , non feulement pour
prouver quelles cauftique s confervent leur caiif-
ticité 3 loriqu’après avoir exercé toute leur farce
lur une fubftance , ils ne contraient point d’union
avec cette fubftance , mais encore pour
avoir occafion de faire quelques remarques fur
ce phénomène qui eft plus ou moins marqué
dans prefque toutes les diffolutions & combinaifons.
En effet , il n’arrive prefque jamais ,
dans aucune de ces fortes d’operations , qu’après
la diffolution , les parties du diffolvant & celles
du corps diffous fe trouvent unies' avec toute
la force dont elles font douées j c’eft pour
cette raifon que les cauftiques après avoir exercé
Eur a&ion lur certains corps avec toute l a&ivité
qui leur eft propre, confervent encore plus ou
moins de leur caufticité, de leur aéfion diftolvante
fur d autres corps , & de leur, faveur , quelque-,
fois même ils cônfervent ces qualité ; tout entières,
ou prefqu’entières comme dans notre exemple,
de 1 acide nitreux avec L’étain. Il y a fur cela
des cas encore,bien plus lînguliers & plus remarquables
, ce font ceux dans iéfquels., malgré une
union très-forte des parties du diffolvant avec
celles du corps .diffous, le nouveau compolë
qui en refulte a une caufticité ou action diiîol-
vante plus forte ; que ifétôit celle de l’une &
de l’autre fubftance avant leur union j le fublimé
■ corrofift & piufieurs autres des combinaifons des
acides avec les métaux , font des exemples de
cet effet fî digne d’attention ; mais bien loin
que ce phénomène fourniffe upe objection, comme
cela le paroït au premier coup-d’oeil, contre
la règle générale de diminution de . la caufticité
proportionnée à .l’intimité de'l’union des parties
du cauftique avec celles .du corps fur lequel il a
agi 5 on verra à l’article fublimé conoftf 3. & dans
piufieurs autres endroits de cet ouvrage., que
c’eft là une nouvelle, preuve de toute la théorie
de la caufticité , telle que je la conçois.
Mais pour revenir au cas plus fimpïe où le
cauftique conferve toute fa caufticité, après fon
aétipn fur une iubftance , faute de l’union fubféquente
avec les parties de cette fubitanee,
j’obferve à ce fujet que c’eft celui de la caufticité
du feu libre. Je fuis bien 'éloigné de refufer de
la caufticité, &r même une très - grande caufti-
citè , à cet élément lorfqu’il n’eft point combiné,
ainfi que je l’ai dit, il doit avoir , te il a en effet
à cet; égard la même propriété que toute autre
efpèce de matière : dès que fes parties intégrantes
, font difpofées ou figurées de manière
qu’elles ne peuvent épuifer les unes, fur les autres
, & dansl’aggrégation, la tendance qu’elles
ont à l’union, cette tendance leur refte toute entière
& par conféquent eft capable de s’exercer ou
d a /oir une aétion fur toute autre matière. Je ne
dis donc point que le feu ne foit pas un cauftiqhei
au contraire, je conviens qu’il en eft un trèipuiffant,
puiffant : mais ce que je dis , c’eft qu’if ne pof-
féde point la caufticité à l’exclufion de toute
autre efpèce de matière, qu’il n’èft po.int le
cauftique unique , le principe & la caufe efficiente
de toute autre caufticité& de toute faveur,
comme un grand nombre de chimiftes le dffent
& s’efforcent de le prouver. Ce que i ai a faire
remarquer pour le préfent, c eft que de tous les
cauftiques , le feu paroït être celui dont les parties
intégrantes, quoique ayant autant & peut-
être même plus de tendance a 1 union que celles
d’aucun autre, s'unifiant pourtant le moins fréquemment
aux parties des autres corps fur lef-
quels il exerce fa caufticité ; en forte que maigre
les effets violens de diffolution & de réparation
qu’il produit, fa caufticité lui refte prefque toujours
toute entière faute de demeurer combine
avec les corps fur lefquels il agit. Le feu libre
qui a porté fon a&ion fur la plupart des corps,
eft après cela dans le même état que 1 acide nitreux
qui a formé la fienne fur 1 étain $ ce n eft
que dans des cas particuliers , qu après avoir agi
comme feu libre fur certains corps, il demeure
combiné avec les mêmes parties de ces mêmes
corps , & perd fa caufticité comme tous les autres
cauftiques y en fui vant la ré ;le générale , c’eff-à-
dire , en raifon de l’intimité de l’union qu’il
contracte.
Je dois pouvoir conclure de ces differentes
réflexions ù obfervations,
Que la caufticité, I’aftion diftolvante , la faveur,
toute aéfion , en un mot, d’une fubftance
matérielle quelconque fur une autre , n’eft que
l’effet de la force générale avec laquelle toutes
les parties dé la matière tendent à fe joindre &
à s’appliquer les unes aux autres, avec toute
l’intimité que peuventleur permettre leur maffe ,
leur figure, le Voifinage ou l’interpofition de
molécules dhme fubftance d'efpèce différente &
autres circonftances de ce genre.
Qu’en conféquence tout corps dont les parties;
intégrantes font appliquées les unes aux autres
de toute, la force avec laquelle elles tendent en
général à l’union, n’a aucune caufticité , aucune
faveur , aucune aétion diffolvaivte.
Qu’il en eft de même de tous les corps dont
les parties intégrantes font unies aux parties in té-,
grantes d’un autre corps avec toute l’intimité
poffble , c’eft-à-dire, que- le'mixte ou com-
~pofé qui réfulte de cette union n’a , tant qu’elle
fubfifte, ni caufticité , ni faveur, ni aétion diffol-
vante.
Que tout corps, dont les parties font difpofées
les unes à l’égard des autres de manière que
la force avec laquelle elles tendent on général
Chim ie , Tome 111,
à l’union 3 ne peut pas être épuifee par celle que
leur état leur permet d'avoir entr wles, ou avec
d'autres , a un degré de caejlkite , de laveur ,
d’aélion diflolvante, exaétement nropornonnee
à ce qui, hi refte de tendance à llumon non
épuilee.
Qu'enfin , un corps dont les parties intégrantes
les plus petites , ou primitives quoique voifines
les unes des autres a- feroient tellement difpofees,
par une caufe quelconque , qu'elles ne po.irroient
contrarier aucun dégré d’union ni d adhérence
entr'elles y & jouiroient par conféquent de toute
la tendance à l'union qui leur eft propre ; une
fubftanceen un mot, telle .que paroït être le feu
libre, auroit par cette raifon le plus grand degré
.poflible de caufticité, de faveur & d action chf-
lolvante.
Cela pofé fî la terre en général, fi un caillou,
par exemple , n'a aucune caufticité, aucune
faveur, aucune aéiion diftolvante , cela siet.t
uniquement de ' ce que fes parties intégi antes
font telles qu elles peuvent repofer pleinement
les unes fur les autres , & adhérer entr'elles
avec toute, "la force avec laquelle elles tendent
en général à l’union. La grande dureté même des
pierres lés plus homogènes & les plus (impies,
qiii font les plus dures de tous les corps que
nous connoiffons dans la nature, eft une preuve
évidente & fenfible de la force extrême avec
laquelle leurs parties primitives intégrantes
font appuyées Se appliquées les unes (ur les
autres.
Et en effet, fi l’on n’admettoit point cette force,
comment feroit-il poflible de fe former, je rie
dis pas feulement une idée nette de la dureté,
mais même aucune efpèce d idee de cette qualité?
Diroit-on avec les cartéfiens & avec Limery,
que les parties propres des terres & des pierres
font des particules crochues ou branchues qui
font acrochées les unes aux -autres ? Mais comment
concevoir que ces parties crochues & branchues
réfifteront à leur réparation , g'iPjp ne
fuppofe pas quelles font dures' elles-mêmes, &
alors n’éft-ce point là bien évidemment expliquer
la dureté par la dureté , c’eft-à-dire , ne U
point expliquer du tout.
S’il étoit poflible de féparer les unes des autres
les parties primitives integ: antes du caillou
le plus dur, & de les ifoler de manière quelles
ne puiffent épuifer les unes fur les autres, comme
dans l’aggrégation du caillou , 1 effort de leur
pefanteur paiticulière, ou de leur tendance à
l’union ; il me paroit évident quelles feroient
capables alors d’exercer cette force dans toute
fon étendue fur toute autre fubftance à laquelle
elles pourroient s’appliquer î que , pofèes fur