
cryftaj ( une eîoche ) long & étroit , il Tem-
phffoit ci eau , .&■ , après l’avoir bouché avec la
main pour pouvoir le renverfei & le tranfporter
dans lé grand récipient ( faifant fondion de nos
cuves actuelles) fans aucune perte d’eau, il le
fufpendoit a la furface de l’eau du grand, de
manière qu’il n’y avoit que le \ bord du petit
récipient qui trempoit dans l’eau , afin qu’il pût
reftèr plein ainfî fufpendu. Il débouchoit alors
l’entonnoir > & l’air , preffé par l’eau fortant par
la tige, formoit un jet- qui s’élèvoit fous, l’eau
-dn petit récipient trois fois plus haut que dans 1 expérience précédente. On trouvoit en fuite vers
le haut dp petit récipient tout l’air que le jet avoit
fourni 5 fi on vouloit le mefurer , on marquoit,
avec un fil , l’endroit où l’air s’étoit terminé
dans le petit récipient ; on y mettoit autant d’eau
que cet air occupoit d’efpace , & , fi on verfo.it
certe même eau dans l’enronnoir , on voyoit
qu’elle la rempliffoit jufte.
La cinquième expérience de Moitrel d’Element
avoit pour objet de mefurer Vùir par pinte 3 ou par
teLe autre mefure que l’on voudrait 3 pour faire voir
que l ’air était une liqueur qu'on pouvoit mefurer
comme Us autres liqueurs. Pour remplir cette condition
3 il plongeoit dans l’eau une mefure ren-
verfée, 8c il'tenoit à la fuperficie au-deffus de la
mefure un vafe decryftal plein d’eau 8c renverfé,
e’efi-à-dire, un récipient ou- une cloche. En penchant
la mefure , on voyoit l’air fortir & couler
au .travers dé l’eau 5 pour s’aller rendre dans le
vafe placé au - defifus 3 8c duquel il defcendoit
autant d’eau qu’il y montoit d’air 3 parce que ■
celui c i , difoit-il| eft moins pefaht que l’eau.
Ainfi il avoit trouvé le moyen 3 comme il l’expo
foie lui-même dans les remarques placées à la
fuite de cette cinquième expérience -, d’empri-
fonner l’air par le fecours de l’eau, & de le
rendre vifibie en relie quantité qu’on le vouloit 5
il étoit aifé de plus de faire en ce genre plu-
fieurs jolies expériences, félon la cnriofité & le
génie des performes. Il ayertiffoit qu’il étoit beaucoup
plus commode de fe fervir d’un demi-feptiex
<Jue d’une pinte 3 pour mefurer ainfi l’air.
Enfin , dans la fixième& dernière expérience ,
ce phyficien fe propofoit de mefurer une pinte
d’air dans une bouteille qui ne tenoit pas pinte ,
afin de voir répandre U furplus. Il fe fervoit , pour
cela, d’une bouteille ordinaire, dont il otoit
l ’ofïer ; ( il paroît qu’à cette époque on garnif-
foit toutes les bouteilles d’ofier pour les rendre
moins fragiles , ce qui annonce qu’elles étoient
encore affez chères & beaucoup moins communes
qu’elles le font devenues quelques années
après } ) après l’avoir remplie d’eau , il la bou-
choit avec le doigt ÿ pour la retourner ou la ren-
verfer fans en répandre, il en faifoit tremper
le goulot dans l’eau du grand récipient au fond
duquel il avoit mis un entonnoir de verre la tige
en haut ; il éèevoit enfuite cet entonnoir peur
faire entrer fa tige dans le goulot de la bouteille
foutenue à la furface de l’eau, il mettoit
avec une mefure de l’air daûs l’entonnoir en
plongeant cette mefure renverfée fous l’eau j
cet air couloit dans la bouteille, & comme la
mefure dont il fe fervoit étoit un demi-feptier,
au quatrième demi - feptier qu’il faifoit palier
ainfi , on voyoit fe répandre au-dehors de la
bouteille l’air qu’elle ne pouvoit pas contenir}
il couloit, dit-il, entre la bouteille 8c l’entonnoir
, mieux que fi ç’eût été du vin ou d’autres
liqueurs. Pour retenir l’entonnoir placé dans la
bouteille, il fe fervoit d’un fil de fer iong de
cinq à fix pouces , crochu par les deux bouts ;
il accrochoit, le bord de l’entonnoir avec un
bout, & plaçoit l’autre extrémité entre les doigts
de la main qui tenoit la bouteille , afin d’avoir
l’autre main libre pour mefurer.
On voit, par cette expofition des expériences
faites en 1718 & 1719 par Moitrel-d’Element,
ingénieur & démonftrateur de phyfique dans les
colleges de Paris, en même temps, à ce qu’il
paroît, que le médecin Polinièreque ce phyficien
ingénieux avoit dévancé Haies dans fes
appareils pour renfermer & mefurer l’air ; qu’il
ne lui a manqué que d’appliquer cet appareil
aux fluides élaftiques dégagés des corps dans
leurs analyfes dont jl ne s’occupoit pointj que
ce n’étoit même que des expériences curic-ufes,
agréables à l’oeil , & récréatives qu’il s etoit
propofé de faire, quoiqu’il parût vouloir les
deftiner à fervir d’introduétion ou de préliminaire
à une étude plus férieufe & plus approfondie
des véritables propriétés de l’air, & que
cependant on trouve dans la defeription de fes
procédés fimples & très-clairement énoncés le
germe des appareils & des machines dont on
s’eft fervi plus d’un demi-fiècle après, & que
beaucoup d’hommes ont cru avoir été inventés
& vraiment imaginés dans les temps modernes.
Il eft vrai que les expériences de Moitrel-d’Ele-
ment ont fait fi peu de bruit ou d'effet parmi
les phyficiens de fon temps, que les foins qu’il
fe donna pour, éveiller l’attention & piquer la
curiofité eurent fi peu de fuccès dans le mondé
favant, que fes efforts furent entièrement inutiles
& qu’on le laiffa dans la plus profonde obf-
curité. On méprifa fa petite differtatiou, on n'y
fit nulle efpèce d’attention, elle fut enfeveiiè
dans quelques bibliothèques & perdue pour les
favans jufqu’en 1777 , ■ époque' où Baumé la
fit connoître à Gobet, qui recherchoit à cette
époque tous les auteurs anciens qui avoient entrevu
quelques-uns des faits fur l’air & les fluides
élaftiques dont les propriétés 8c les-combt-
naifons occupoient alors tous les efprits &
tous les laboratoires des chimiftes. Cependant
p Moitrel-d'Element ne méritoit pas ce mépris
, cette incurie, cette infouciance pour fes
travaux, de la part des phyficiens de fon temps.
On voit, par la lifte de fes écrits, qu’il ne mam
quoitni d'idées heureufes , ni d'invencions utiles
aux progrès des. fciences naturelles. Il ayoit également
publié en mars 1719 une petite brochure,
du prix de 5 fous alors comme la première, mais,
fous un titre encore plus piquant> elle étoit intitulée
: La maniéré de colorer l ’air 3 & de voir fa
couleur naturelle , avec quelques autres expériences.
Cette brochure , qu’on n’a point retrouvée depuis
1777 3 quoiqu’on l'ait beaucoup cherchée,
& qui n’eft qu’annoncée dans quelques catalogues
de livres & de bibliothèques, contient peut-être
quelque fait , quelque découverte qui tient de
près à la connoiifance des gaz. On diroit qu’il
doit y être queftion du gaz nitreux mêlé avec
l'air ou du gaz acide muriatique oxigèné. Au
moins on ne peut douter, d après ce qu’on vient
d’expofet fur P. Moitrel-d’Element, qu’il s’étoit
attaché à la démonftration des propriétés de l’air,
avec beaucoup plus de foin & de détails que ne
l’avoient fait les phyficiens de fon temps ; qu’il
avoit fait d’affez grands progrès fur l’art, des expériences
qui avoient pour objet l’examen & la
connoiffance des propriétés de ce fluide élaftique,
qu’il en étoit fi continuellement 8c fi opiniâtrement
occupé , que fes converfations rouloient
fans ceffe fur cet objet, & que plufieurs favans
diftingués de fon temps le traitoienq prefque
d’extravagant & d’infenfé. Il avoit auffi préparé
un ouvrage, intitulé : Expériencesphyfiques, & un
traité des feux d’artifice , où il devoit, difoit-il ,
parler du feu a fond. Il eft dommage que cet ouvrage
n’ait point été publié .5 on y auroit certainement
trouvé des idées 8c des expériences fin-
gulières , différentes de celles qui étoient adoptées
alors, & peut-être entièrement originales.
Quoiqu’il etifoit, les belles expériences de
Mayow & de Haies, les appareils ingénieux qu’ils
avoient imaginés, ceux de Moitrel-d’Element, publiés
bien avant l’ouvrage du phyficien anglois, ne
devinrent ni des inftruméns de. laboratoire, ni des
objets de méditation & de recherches, ni des machines
de phyfique , ni, comme ils auroient du
l’être, des additions & des corrections aux appareils
employés jufque-là. Boerhaâve, malgré
fon zèle pour les progrès de l’art auxquels il
a. contribué dans d’autres parties, fubftittia bien
un appareil nouveau à celui de Haies , pour
prouver le dégagement de l’air dans les effer-
vefcences : c’étoit des phioles fufpendues au haut
des récipiens pneumatiques & pofées en, bafcules
de manière à pouvoir verfer dans le vide fur de
la craie ou"des alcalis l’acide qu'elles contenaient
& à produire l’cffexvefcence. Mais ce
n’étoit encore qu’une légère modification de
cette machine déjà employée par Haies, comme
nous l’avons indiqué, un transport de fes phioie*
mobiles fous la cloche du vide , & il navoi
en aucune manière perfectionné l’art de recueillir
8c de mefurer l’air ou les fluides élaftiques dégagés
dans les analyfes. Tout cela fut bientôt
regardé , ou comme un point général de phyfique
terminé parles recherches de Halei , ou comme,
un objet qui n’appeloit point l’attention des phyficiens
, & que quelques-uns même rangeoientau
nombre des erreurs. Nul changement, nuiie modification
réelle, nulle addition ne furent faits
aux inftruméns , aux appareils , aux manières
de’ procéder 8c d’opérer des phyficiens & des
chimiftes. Souvent tourmentés par les vapeurs
élaftiques , par les exhalaifons aeriformes qui fe
développoieut ou fe dégageoient dans leurs expériences
de diftiHâtions, de clyffiis, de détonations
, d’effervefcences , de fenr, îtations,
ils n’éyitoient les dangers de rupture dont les
efforts de ces vapeurs menaçoient leurs vaif-
feaux, qu’en multipliant le nombre de ceux-ci ,
qu’en augmentant leur volume , ou qu’en donnant
une iffue plus ou moins facile à ces vapeurs
par des ouvertures qu’ils pratiquaient dans
leurs appareils. C’eft ainfi que d’abord , d’après
Glauber , enfuite d’après le génie particulier de
chaque artifte , on a employé pour les diftilla-
tions & la concentration des vapeurs ou efprits,
acides, de l’efprit ammoniacal, &c., des ballons
ou des bouteilles fphériques épaiffes , réunies
par des tubulures alternativement larges & coniques
, recevantes 8c reçues, au nombre de
deux jufqu’à fix , qu’on nommoit ballons ajuftés,
ballons enfilés. La forme ronde qu’on leur donne
it , l’épaiffciir & la force du cryftal avec laquelle
on les faifoit, parurent d’abord être de
bons moyens pour s’oppofer aux expanfions 8c
aux dilatations intérieures des vapeurs ; enfuite
on reconnut que, dans quelques opérations,
■ telles que celle des cîyfifus , celie des difti Hâtions
d’eaux fortes , d’efprit de nitre , d’efprit
de fel, il y avoit tant de raréfacHon , & tant de
difficulté à fe condenfer dans les vapeurs qui fe
dégageoient , qu’il falloit leur offrir un grand
: efpace & de - là les allonges , les aludels, les
ballons fucceflîvemqnt lûtes & adaptés les uns
aux autres jufqu’ati nombre de fix ou huit. On
fui vit cette pratique encore long-temps après les
découvertes & les appareils de Haies, qui ne
firent que peu d’impreffion fur l’efprit & peu
d’effet dans les laboratoires des chimiftes. Cependant
, comme depuis Boyle & Haies on commença
à dire plus fréquemment & même par une
forte d’hsbitude à „répéter fans ceffe dans les
descriptions des expériences de chimie, qu’il fe
dégageoît de l’air dans les diftillations & Us
analyfes , on commença en même temps à distinguer
ce nouveau produit des vapeurs con-
denfables, à renoncer à Fefpoir de le retenir
& de I’emprifônner dans l’efpace intérieur des