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premières bâfes de ces ingénieufes machines
pne uma to-ch i mi que s , c’eft-à-dire, la cuve munie
d’une tablette , les cloches ou récipiens plein
d’eau foutenus fur ces tablettes , les bouteilles
ou flacons garnis de tubes recourbés pour
diriger & conduire les gaz , um; fois trouvés
par Prieftley , il ne s’agiffoit plus que d’en varier
les formes 3 les dimenfions, d’y ajouter les modifications
nécelfaires pour les appliquer 3 foit
aux cas où il fe dégage des fluides élaftiques ,
foit à ceux où il s’en abforbe 3 foit à la me!Lire
précife des gaz produits & des gaz abforbés,
îoit au mélange de pîufîeurs enfemble, foit en
un mot aux diverfes opérations de la nature &
de l’art fur lefquelles les propriétés de production
3 de fixation 3 ou d’altération quelconque
des gaz , exerçant une influence qu’il failoit
déterminer. Telle eft l’origine de tous les appareils
3 de toutes les machines 3 de tous lès inflru-
mensqui ont été ;peü-à-peu inventés par les physiciens
& les chimiftes , à mefure que les décou-
• vertes fe font fuccédées, & à partir de la période
remarquable dont l’expofé va fuivre. 11 faut donc
s’arrêter ici après avoir fait connoître ce qui a
été imaginé de procédés nouveaux pendant les
deux périodes précédentes. Nous terminerons
celle-ci par un rapprochement fin gu lier & bien
frappant entre les expériences de Moitrel d’Ele- i
ment en 1719 , & celles de Haies en 1723 5 c’eft j
que les procédés & lés inftriimens de ces deux
phyficiens réunis 3 les cornues & canons de
fufil adaptés aux récipiens plongés dans l’eau,
les vafes cylindriques, où. il-expofoit ..les corps
brulans & les animaux fur des guéridons , employés
par Haies, affociés aux jets .d’air , aux
récipiens avec les entonnoirs, aux mefures renvers
e s & aux tranfvaferaens d’air des cloches
dans des bouteilles pratiquées par d’Element
au milieu d’une grande.jarre pleine d’eau, auroient
compofé affez exactement les appareils dePrieftley.
Mais comment une brochure de trois fous ,
mépriféè par les? favans de Paris feroit-elie parvenue
en Angleterre & jufque dans le laboratoire
de; Haies , tandis que le célèbre phyficien igno-
roit absolument l’ouvrage & les appareils de
Mayow , prefque fon contemporain & fon compatriote
, ou au moins n’avoit pas fongé aies
employer dans fes expériences ., & préféré imaginer
des machines plus'compliquées», des procédés
qui ne pouvaient pas lui fournir des réftil-
tats aufli exaéfcs que ceux qu’il auroit pu obtenir
avec les inflrumens du médecin chimifte.
Q U AT R I?E M E PÉRIODE.
Travaux de Lavoifier‘y nouvelle théorie quils intro-
duifent dans la chimie.
Si l’on a lu avec beaucoup d’attention les détails
expofés dans h fécondé période, fi l’on a
réfléchi fur la: fuite des faits & des idées qui y
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font préfentés j on a du trouver que depuis les
découvertes de Black, de Cavendish & Mac bride,
plus de dix ans fe font paffés en difeuffions , en
répétitions des mêmes expériences & en difputes
polémiques,' qui loin de nuire à la fcience,
ont contribué a affurer l’exa&itude des premiers
faits & à renverfer , ou au moins affaiblir les
théories vagues & indéterminées qu’on a voit
admis fur plufieurs points de la phyfique &
de la chimie } on a du en conclure , que malgré
la découverte déjà faite de plufieurs fluides élaftiques
différens les uns des autres , on n’avoit
fait encore une attention prefque exclufive qu’au
feul air fixe , que tout fembloit même fe rapporter
à lui j & que, fur-tout parmi les phyficiens
qui lifoient ou difeutoient les expériences des
autres , au lieu d’en faire de nouvelles , oh ne
voyait qu’une feule efpèçe d'air fixe ou d’air
fixé qu’on croyoit produire tous les phénomènes
qu’on commençoit à'attribuer à fa préfence , à
fa fixation ou à fon dégagement. Les premières
expériences de Prieftley présentant un affez
grand nombre d'idées nouvelles , & fur-tout
1 des différences telles entre plufieurs fluides élaftiques
qu’il avoit cru devoir nommer différentes
efpéces d’air., commencèrent- en - fe répandant
dans le monde favant , par y jetter de l incer-
titude & des notions vagues., qui , pour un observateur
.philofophe , fembloit nt menacer de
faire naître de i'obfcurité & du doute dans les
efprits , plutôt que de les porter à de nouvelles
conceptions. 11 falloir en quelque forte arrêter
ce torrent expérimental dans fucourfe trop rapide}
il failoit régler & affurer les tas précipités de
cette nouvelle phyfique , dont le mouvement
accéléré pouvoit entraîner dans mille erreurs,
& qui fembloit appelle»- de toutes parts les hy-
pothèfes & les fyftèmes. Il failoit qu'au milieu
de cette foule d’expériences nouvelles, qui déco
uvroient un monde inconnu , :il fe trouvât
de bons efprits qui fentiffent la néceflké de ne
s’avancer qu’avec précaution fur cette, terre nouvelle
, & de bien reconnoïtre le terrein à chaque
pas qu’on y faifoit. En un mot, au lieu d’aller
toujours en avant, fans examiner avec Je plus
grand foin la valeur réelle de chaque découverte
, il étoit temps de revenir , & de s’arrêter
à chacune d'elles, d’en bien faifir le rapport
avec les précédentes , d’en apprécier toute i’in-
fluence, & fur-tout d’en prouver avec allez de
foin & de préeifion la vérité & d’exa&itude,
pour qu’on ne pût pas élever enfuite le moindre
douce raifonnable fur fon exiftence. Voilà
ce qu’entreprit, à l’époque indiquée, un homme
né avec un efprit auffi fage que profond , &
qui joignoit à une imagination capable des plus
grandes vues, des plus grandes• conceptions,
un jugement affez robufte & affez fain pour en
réprimer le moindre écart ; voilà ce que propofa
Lavoifïer. Pourquoi faut-il que ee nom cher aux
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febnees**, rappelle de fi affreux fouvenirs? Que
ne pouvons nous dérober à l'hiftoire l’irréparable
outrage , que la tyrannie a fait à la phi-
jofophie, en immolant à fa furie un homme
illuftre, qui avoit honoré fon pays par tant de
travaux, & qui lui promettoit encore tant de
fervices ! Re'.pe&able & malheureufe vi&imei
ah ! du moins nos regrets éternels attelleront à
la poftérité la grandeur de notre perte , & le
fentiment profond de nos douleurs ! Ah du moins
le Spectacle de ta gloire , le récit de tes con- ,
quêtes fur la nature , verfera auelque confolation
dans nos âmes. C ’eft: le feul hommage digne de
toi, qu’un témoin confiant de tes Succès ,
un compagnon zélé dé tes travaux accademi-
ques, un admirateur vrai de tes découvertes,
puiffe offrir à ta mémoire,.
Lavoifier avoit à peine trente ans, lorfqu il
publia fes nouvelles recherches fur /’exifiencc d'un
f lu id e élaftique fixé dans quelques fubfiances , & fur
les phénomènes qui réfultent de fon dégagement ou
de f i fixation. Accoutumé par le genre d’éducation
qu’il avoit reçue & par la nature des
études auxquelles il fe livroit depuis plus de
dix ans, fur l’hifioire naturelle , la phyfique &
la chimie , à la préeifion & à l’exaétitude feru-
puleufe , comme on peut s’en convaincre en
lifant les différens mémoires qu’il avoit déjà
rédigés , ou publies depuis 17^$ fur ta meilleure
manière d’éclairer une grande ville , fur j
les expériences faites à la grande loupe du jar- :
din de l’Infante, fur le prétendu changement de :
l’eau en terre , fur l’anal y fe du gypSe , fur quelques
circonftances de la cryftallifation des fels ,
&c. ; Layoifier , dès les premières notions qu’on
avoit eues en France fur les decouvertes de Black
& Cavendish , s’étoit propofé de répéter leurs
expériences, de les varier de diverles manières j
il travailioit fans relâche à reconnoïtre & à confirmer
leurs réfultats , pendant que les ouvrages
annoncés dans la période precedente parojffoient
de toutes parts en Europe. Jaloux de ne publier
que des faits nouveaux & mieux vus ou vus
fous plus de faces que ceux qui étoient annoncés
par le plus grand nombre des phyficiens
qui s’occupoient de cet objet, il ne fe preffa
point d’abord de les faire connoître à mefure
qu’il les découvrait; il les recueilioit, les comparait,
& vouloir qu’ils fiffent un corps de doctrine
complet avant de les donner au public j &
c’eft vraisemblablement forcé & en quelque forte
malgré lui, qu’il préfenta a 1 academie vers la fin
de 1773 l’ouvrage annoncé qui contient le germe
ou la première idée de toutes fes découvertes
poftérieures. Celui du doreur Prieftley venoitde
paroître en Angleterre } la vafte étendue de fes
expériences , l’enfemble que le phyficien angîois
embraffoit, fembloit faire craindre aux amis de
Lavoifier « qu’il ne fût prévenu dans beaucoup
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de points par Prieftley, & qu'il perdît ainft le
frpit de fes travaux ils le prefsèreut de publier
fes recherches ; & Lavoifier céda a leurs inftan-
ces, fur-tout à celles de Trudaine-de-Montigny,
amateur éclairé , avec lequel il avoit répété une
partie de fes expériences. Voilà pourquoi cet
ouvrage contient plufieurs objets qui ne font
que des apperçus, quelques-uns même que fes
propres decouvertes ont depuis contredits. Mais
il n’en eft pas moins précieux * par la méthode
qui y règne , par les vues neuves qu'il offre &
fur - tout par les expériences rigoureufes qu’il
renferme, ainft que par la préeifion des réfultats
qu’il préfente. On peut dire même que ce traité
eft le premier où les procédés chimiques font
décrits- avec une exaélitude qu’on chercheroit
inutilement dans tous ceux qui l’ont précédé i
que la méthode d’opérer qui y eft tracee eft ab-
folument différente de tout ce qu’on avoit fait
jufque-là, & quelle étoit capable de produire
dans la pratique de l’art des modifications propres
à faire changer de face à la chimie. Auffi cela
arriva t-ii, comme des phyficiens le prévirent,
dès la première idée qu’ils prirent de 1 ouvrage
de Lavoifier j il doit donc être regardé comme
formant une époque importante dans l’hiftoirs
de la révolution chimique, puifqu'il en a ouvert
la carrière , & puifque c’eft en pourfuivant la
route qui y étoit tracée avec vingt ans de travaux
auffi infatigables qu'exafts & de recherches
auffi confiantes qu’extraordinaires , qu'il eft
parvenu à fe frayer des chemins nouveaux, a
féconder , à étendre fes premières conceptions,
& à leur donner peu-à-peu la forme , l'tnfemble
& la foiidité d’une doélrine qui a renv.erfe. toutes
. le.s autres. A la vérité,, les découvertes n’ont
pas toutes été dues à fes travaux; une foule de
phyficiens , qui ont parcom u la même carrière
que lui, en ont fait un grand nombre ; & certainement
fa propre hiftoire préfente moins de
découvertes pendant les vingt ans dont nous
parlons, que n’en offre celle de quelques autres
chimiftes, fes célèbres contemporains , comme
on pourra le conclure d’après l’examen de la
période que nous traitons ici ; mais nous avons
confidéré Lavoifier comme le père de la doélrine
dont nous traçons l’hiftoire, comme le créateur
d’une méthode d’anaiyfe chimique. Il eft , pour
cettè fcience , ce qu’ont été Kepler, Newton,
Locke , Euler pour les mathématiques & la géométrie
; il a trouvé une marche nouvelle ; il a
dirigé vraiment les pas de fes contemporains s
il a changé d’une manière heureufe & l’art d’opérer'
8c le mode de raifonner en chimie ; il eft
devenu le centre en quelque forte de tous les
travaux , de toutes les decouvertes faites fut les
fluides élaftiques ; en faifant une application ingénié
ufe & (impie de ces découvertes, en recommençant
avec un art particulier les expériences
des autres & y ajoutant les iieanes pra