
brillante, légère qu'il compara au fel
fedatif, 8c que j’ai reconnue depuis pour être de
la même nature que le blanc de baleine. On travailla
beaucoup aufli fur la putréfaction , ou la
decompofition fpontanée des matières animales.
Gaber, Pringle, Macbride, madame Darconvillë,
firent un grand nombre d’expériences fur les
fubftances qui fe ' putréfient. Quelques eflais
furent commencés fur des humeurs animales
produites par la maladie j on tenta de recon-
noitre chimiquement la. nature du pus, & on
Crut trouver qu’il avoit les caractères d’un 'mucilage
animal doux 8c nourriflant, lorfqu’il étoit
-, Pur - faî]s mélange, fans altération , lorfqu’il
provenoit d’une blelfure accidentelle faine,
u* U*n. mot * une .Brande ardeur s’empara des
chimiftes pour fe livrer à l’examen des matières
animales j on jfurmonta toutes les difficultés ,
tous les dégoûts oui accompagnent ces fortes
de travaux , & on multiplia- finguiièrement les
expériences & les analyfès , depuis 1757 juf-
qu a 1772. La fuite de ces recherches në fut
point interrompue à cette dernière époque 5 mais
comme alors elle changea de face par la révolution
qni s'opem dans la fcience , comme une
neuve Le fçène J k préfenta aux phimiftes en
meme temps qu’une, nouvelle carrière à parcourir
leur fut alors ouverte, il faut foigneu-
fement diftinguer cette fuite' de travaux °, &
interrompre Texpofé hrftorique que nous avons
fefquiiTé, pour le reprendre dans le paragraphe
fùivant.
On peut conclure quant au moment ou nous
nous fixons ici, que les analyfès animales furent
finguiièrement multipliées depuis Margraff
Rouelle 5 niais il faut obferver que malgré
1 éxaéhtude qu’on apporta dans ces travaux ,
malgré les foins que l’on prit aux expériences
qui furent faites ae t.outes parts, il manquoit
encore entre elles un rapport, une connéxion,
un rapprochement, dont la néceffité n’étoit
même pas encore fentie. Chaque analyfe étoit
pour ainfi dire une piè.ce ifoiée qui n’avoit aucune
linifpn av£c une autre j l’une n’éclairoijt
point l’autre ; elles é.toien.t indépendantes 8ç
cqmmç incohérente?, de forte qu’on ne pouvait
en tirer aucun réfuiiat bien faillant bu
bien utile pour la phyfique animale pu pour
!a médecine. Il falloit pour engager les chimiftes
a les eontinupr aveo la même ardeur, ou un
grand dëfir de travailler à recueillir des faits
nouveaux fans pouvoir’ en tirer encore parti,
ou des yuçs ■ particulières qui très-fouvçnt u’é-
rqient nullement remplies. Tel étoit par exemple
l’objet que Hqmberg fe propofoit lorfqu’il fit
travail fujvi fur les excréniens humains dont
il av.oit obtenu une hffileblançhe qui devoit avoir i
i.i propriété de fixer le mercure en argent fin.Tl ;
r>? ’ Lr9^va pas .cette huile, comme on W pepfe j
bien, mais il découvrit le pyrophore. Quelque-'
fois une brillante, une fingulière découverte
faite par hazard fur quelque fubftance animale ,
réchauffoit tout à coup le zèle rallenti des chi-
mifies, 8c les engageoit à fe remettre de nouveau
à l’ouvrage. Ainfi comme la découverte
du phofphore de l’urine avoit porté les chimiftes
à travailler fur cette humeur, celle de l’acide
phofphorique dans les os , faite prefque immédiatement
à la fin de l’époque qui £.ous occupe
par les deux fuédois Gahn Se Shèele, ralluma
pour ainfi dire encore une fois tout le feu des
chimiftes. Mais de nouveaux motifs d'encouragement
iè joignirent bientôt à ceux-là depuis
le renouvellement moderne de la chimie, comme
nous le verrons dans le paragraphe fuivant. Ce
fut fur-tout par des rapports entre les faits anciens
& ceux nouvellement découverts, par des
réfultats prochainement & immédiatement applicables
à la phyfique animale, par des explications
précieufes pour cette phyfique qui for-
tirent des nouvelles expériences,- que la chimie
animale prit un eflor plus grand qu’elle ne
pourra plus perdre, comme on; le fenrira plus
bas. Il n’en eft pas moins vrai que toutes Tes
découvertes, tous les travaux, même- les plus
corrects 8c les plus exacts, faits fur les fubf-
tances animales depuis la fin du.fiècle dernier
jufqu'à la nouvelle révolution chimique, travaux
qui ont été fur-tout plus précieux & plus
accumulés dans les trente dernières années qui
ont précédé cette révolution, n’oflfr oient encore
ayant la nouvelle théorie, que des pierres d’attente
, que des matériaux détachés dont il étoit
prefqu’impoffible de tirer parti ; nous avons vu
la même chpfe par rapport à' la chimie végétale
, & ce caraaère d’indécifion diftingue par?
ticulièremeiit cette période jji la chimiç.
§. V I. Des découvertes nouvelles fa ite s depuis celle
des , c ejl-a-dire depuis 1760 , jufqu'à nos
jours y & de la grande révolution produite dans la,
feiençe par ces découvertes,
C’efi: un grand & magnifique fpeéhcle pour
la philofophie , que de voir un feul phénomène
nouvellement découvert en chimie , une expérience
neuve , à la vérité, devenir prefque tout?
à-coup une fource intariflable d’autres decouvertes
^ & produire en peu d’années un change?
ment total dan,? la fcience , foit par rapport à la
manière de traiter & d’analyfer les corps, foit
par rapport a la théorie que les réfultats des
analyfès nouvelles, ont fait naître. 11 n’y a pas
dans toutes les époques de L’hiftoire des diverfes
conno.ifiances humaine? un trait plus faillant,
une révolution plus étonnante, que celle qui
s’eû opérée en chimie depuis une vingtaine d’années,
8c qui s’eft préparée quinze ans à peu près
auparavant. Lorfque Venel vers l’an 1750, ||
Black vers l’année 175:7, troiivoient, le premier
que les eaux minérales acidulés froides dévoient
leurs propriétés au fluide élaftique qui fe d é gageait
dans- les effervefcences des alcalis avec
les acides, 8c le fécond que la caufe de cette
eff;rvefcence donnée depuis fi long-temps comme
caractère alcalin , & qui avoir frappé d’une manière
particulière l’efprit des chimiftes , étoit la
même que celle.de l’adouciffement Se de la cryftal-
lifabilité des alcalis & des terres alcalines j
ces deux grands chimiftes étoient l’un 8c l’autre
bien éloignés de prévoir que leurs découvertes
alloient jetter au milieu de l’Europe favante un
germe fécond d’où fortiroient une foule de découvertes'
plus étonnantes & plus fingulières les
unes que les autres, que ce premier fait alloit
devenir un centre, autour duquel fe rangeroient
lous quelques années une immenfe quantité de
faits analogues, & que- l’ancienne théorie de là
chimie, qui fembloit depuis Stàhl & tous fes com-.
mentateurs établie fur des bâfés fi folides, s’é-
crouleroit bientôt, pour être remplacée par
une doélrine dont la clarté , l’évidence 5 lapré-
cifion, l’enfemble, & fur-tout l’influence fur
toutes les branches de la phyfique, feroient bientôt
oublier tout ce qui avoit été adopté jufqu’à
cette époque pour l’explication des altérations
& des combinaifons chimiques de tous les corps> *
foit dans la nature , foit dans l’art. A là vérité,
dira-t-on , les découvertes capitales de Venel
& de Black, avoient été précédées par les brillons
apperçus de Vanhelmont, par les expériences
piquantes & les idées ingénieufes ^de B.oyîe fur
. les effluves , & fpécialement par les recherches
de Haies fur l’air retiré des corps. Mais il faut
en convenir, ces apperçus & ces expériences
ifolées n’étoient que des pierres d’attente oubliées
depuis , & qu’il étoit inipoffible de mettre
en oeuvre > plufieurs même ne pouvoient être
regardées que comme des idées bizarres , que.
comme des opinions inintelligibles pour le plus
grand nombre des phyficiens , & même pour
' ceux qui pouvoient par l’étendue & la profondeur
de leur efprit y trouver une ample matière
de découvertes & une fource dé réflexions jnta-
riftable j ce n’étoit tout.au plus que des éclairs
.rapides lancés par-ci par-là au milieu d’une nuit
ôbfcure , & nullement propres à diffiper les antiques
ténèbres qui couvroient Ta théorie .des
phénomènes naturels, à l’intelligence defquels
leurs auteurs les avoiènt appliqués fans leur donner
un appui fuffifant par l’expéùience ou par le
ràifonnèment. Il n’y a pas encore trente ans que
les idées de Vanhelmont étoient abandonnées &
rejettées même comme celles d’une tête bouillante
& 'exaltée , & qu’elles . i’avoient fait
regarder par lès- phyficiens. comme une efpèce de
| | § ! Les eflais de Boyle n’avoient fait qu’ une
légère impreffion fur leur'efprit, & ce qui eft
bien plus étonnant, lès expériences fi remarquables
& fi frappantes de Haies , n’avoient excité aucune
ardeur, aucun mouvement parmi les hommes,
qui s’occupdient de l’étude de la nature. Auffi
la grande lacune qui paroît avoir exifté entre
les expériences de Haies Sz celles de Black, permet
elle de dire quil n’y a que peu de rapport
ou de liaifon entre ces deux époques, & que
les réfultats du premier n’ont dirigé ni convenablement
éclairé les découvertes du fécond de
ces phyficiens ! je ne penfe pas cependant qu’on
puilîe adopter légèrement cette idée 5 fans doute
il y a une très-grande diftance 8c conféquem-
ment une différence extrêmement faillante entre
les expériences de Haies 8c celles de Black 5 mais
cependant en réïléçhiflant à la marche naturelle
de l’efprit humain, on ne peut s’empêcher de
reconnoître urie liaifon fecrette , une dépendance
manifefte, une fuite ou une fér<e d’idées
même néceflaire, entre le travail de l’un 8c les
découvertes de l’autre y comme il y en a entre
les recherches de Boyle 8c celles de Haies , 8c
comme depuis on en trouvera également entre
les expériences de Black , de Prieftley 8c de La-
voifier, 8c cependant ce dernier a marché à pas
de géant dans cette nouvelle carrière, 8c a laiffé
bien loin derrière lui ceux avec lefquéls il avoit
en quelque forte commencé cette glbrieufe
courfe. Aurefte ces rapports, ces liai Ions d’idées
8c de faits, ces prôgreffions de découvertes, ne
peuvent être faifîs que par un expofé bien exact.,
8c par un tableau bien fuivi des travaux qui ont
été faits les uns après les autres, & d.è la marche
accélérée que la fcience pré fente, à l’obféf-
vateur depuis les trente années dernières qui
ont précédé celle où j’écris ceci ( fin de l’an :w j-r
Cette partie fi intéreffimte de l’hiftoire de la
chimie n’a encor été même exquiflee par aucun
chimifte ; elle renferme dans fon court efpaçe
pair rapport à la durée du temps , une maife fi
confidérable de travaux, de découvertes, de faits
réunis ou ifolés , que là prem’ère contemplation
en eft effrayante pour celui qui veut s’en rendre
compte à lui-même, 8c fut-tout' en offrir le détail
aux autres. Il faut recueillir du milieu d’une
immenfe collection d’ouvrages , de diflertations ,
de mémoires, de journaux , tout ce qu’elle préfente
de faillant, fans entrer cependant dans des
détails minutieux 5 il faut fur-tout faire fortir
de cet amas de faits ceux qui offrent les réfultats
les plus piquants, & qui tiennent à des découvertes
mères fi je puis m’exprimer ainfi , fans
prétendre fatisfaireentièrement lès hommes éclairés
, pour îefquels il feroit néceflaire de fe livrer
à un travail que les civconftances, celles fur-
tout du temps qui m’eft donné pour l’Encyclopédie,
rendent aü-deflus de mes forces, mais
auquel la beauté 8c l’importance du fujet me font
délirer, de me livrer quelque jour. Je ne me pro