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Jure. L'entonnoir porte un bouchon ajufté au
bout d'un bâton , & qu'on ôte à volonté & très-
facilement pour vcrfer l’acide vitriolique fur la
craie qui doit remplir le tiers de la moitié de la
bouteille. Le tube s’ajufte à frottement avec un
tuyau garni d'un robinet , & celui-ci avec un
tube doublement recourbé à angles droits dont
l'extrémité eft reçue jufqu'îtu haut d'unè bouc
h e pleine d'eau renverfée & Supportée dans
une iîrfè également pleine à l’aide-d'un guéridon
percé dans fcn milieu. La fécondé confite
à'boucher fous l'eau le flacon rempli d'air fixe
par le procédé qu'on vient d'indiquer. La tro’i-
fièmeys'opère à l’aide d'un corps de pompe qui
puife le fluide dans un vafe & le conduit dans
un autre; on a fubftitué à ce moyen compliqua
des procédés, beaucoup plus fimples. Dans
le quatrième , Lavoifier fubftituoit à la bouteille
renverfée placée dans la jarre qui terminoit le
dernier appareil, trois bouteilles à deux tubulures'remplies
du liquide qu'on vouloit faire tra-
verfer par le fluide élaftique., communiquant en-
femble par deux tubes ; la première s adaptoit
au tuyau fortant de la pompe ; la dernière portoit
un autre tuyau qui pafloit fous un flacon ren-
verfé plein d'eau pour recueillir la portion de
fluide élaftique qui n'étoit point abfofbée1 par la-
liqueur des trois bouteilles intermédiaires. C'efl
l'appareil de Woulfe , appliqué avec intelligence
aux expériences fur les fluides élaftiques,
Les neuf expériences décrites dans le feptième
chapkre , à la fuite des quatre appareils & procédés
dont nous venons de parler, & quietoient
néceffaires pour exécuter ces expériences, font
confacrées à déterminer l'aétion du fluide élâfti-
que dégagé de la craie & de la réduction dgs
chaux métalliques par le charbon, fur lés animaux
qu'il futroque s fur les corps embrafës &
enflammés qu'il éteint , fur l’eau dé chaux qu'il
précipite en une quantité-déterminée de craie 3
qu’il rediffout enfuite, l'aétion du- même fluide
dégagé ou de l'effervefcence ou de la réduétion,
dépouillé , dit-il , de fa partie fixable par l ’eau
de chaux fur les mêmes corps, ainfi que l'effet
du réfroidiffement fur ce même fluide. L'auteur
conclud de ces expériences* les feules qu'il ait
décrites alors fur la nature & les propriétés du
fluide élaftique obtenu dans les précédentes,
i°. qu'il exifte un rapport prefque parfait eptre
ce fluide élaftique dégagé-de la réduction; ;du
minium & celui qui eft dégagé des ëfférvçfcèn-
•ces ; i° . que ces fluides font compôfés dune?
partie fixable' par Teau de la chaux, 8z c , , &
d’une autre partie non fixable par les mêmes#
agéns, fufceptible d’entretenir là vie' des ani-j
m a u x & qui paroît fe rapprocher de l'air de
l’atmofphère. Remarquons ici que Lavoifier com-j
mettoit une grande erreur, provenant de ce que;
fon air fixe étoit réellement mêlé-d'air atmofpfré-*
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rique des vaifieaux.- 30. Que c'eft dans la partie
fixable que réfide la propriété nuifible dé ce
fluide ; 4% que rien ne met encore en état de décider
fi la partie fixable dii fiüide élaftique des efftr-
•vefcences & des réductions 3 ift une fubftance ejfen-
tie lie meut différente de F air, eu fi c eft l ’air lui-
même auquel, il a cté ajouté ou .■retranché quelque
chofe , & que la prudence exige encore de fufpendrt
fon jugement fur cet article. Telles étoient les propres
paroles de Lavoifier en 1773 ; on' pourroit
en conclure qu'il étoit moins avancé dans là con-
noiflance de l'air fixe que beaucoup de. ceux qui
bavaient précédé, & qu'il étoit plus près de
l'opinion dès phyficiens qui regardoient l'air fixe
comme' de l’air altéré par quelques corps^ étrangers,
qu'il n'adoptoit pas celle des cliimiftes qui
étoient très-perfuadés que l'air fixe n'étoit en
aucune manière de l ’air , mais bien uiv corps- particulier.
Ici, fans porter un jugement trop prompt
& trop févère far la dernière phrafe 'dé Lavoifi'er
que nous venons de citer,. ii faut s'en rapporter
à cet égard a ceux qui , ayant vécu avec lu i,
on& connu fa manière & participé en quelque
forte £ les idées ; ils diront que. Lavoifier', difficile
à convaincre fur la caufe des phénomènes
phyfiques , ne prenoit un parti que larfque la
lomme ou la force des faits qu’il a voit rafiem-
blés , la certitude & le caractère en quelque forte
des expériences qu'il avoit faites^ luifournifToient
des preuves ivréiiftibles ; que jufqu’à ce qn'iL les
eût acquifes, il n'admettoit encore aucune théo-
. rie î qu'il fe faifoit un devoir alors de préfenter
toutes les opinions fans décider laquelle méritoit
la préférence ; & c'eft justement ce dernier cas
où fe trouvoit ce phyficien à fépoque de 1773.
11 régnoit alors parmi les chimiftes une différence
d'opinion fur la nature de Sair fixe : la dilcuf-
fion étoit pour ainfi dire ouverte entre eux à la
face de l'Europe favante ; c'étoit un grand-procès
non encore jugé au tribunal des’fàvans , mais
dans l'intention duquel on produifoit perpétuellement
des pièces nouvelles 3 Lavoifier n'a-
voit pas encore ofé prendre un parti, il n'avoit
pas voulu affeéter le ton affirmatif ou tranchant,
il cherchoit manifeftement à ménager , à ne
point effrayer les favans ; il vouloit leur, faire
peu-à-peu goûter des idées bien nouvelles qu’il
avoit déjà conçues fur l'air fixe & fur celui de
l'atmofphère ; il cherchoit à diriger leur attention
vers ces idées dont il jettoit les premiers
germes dans l'intention de les accoutumer
aux expériences'rigoureufes , il attiroit fur les
•fiennés tons lès regards & toute la critique pour
■ eh pouvoir- faire recevoir les conféquerîces fi
• elles--; étoient bien réçues oomme -elles ne
fuffifoient point encore pour-faire accepter la
théorie qu'il àvôit déjà conçue fur la naturè de
l'air fixe-, il ne fe propôfoit, dans la manière
dont il' s’exprimoit à fon égard, que de préparer
en quelque manière les e'fprits , : les tenir en
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fulpers , les avertir de l'état où &n étoit à l’époque
.où il écrivoit l’art des 'expériences pour la
comïoiffiînce-de h .composition intime -de-l'air
fixe. Le caractère de Lavoifier , qui l'a ‘conduit
le plus loin dans la carrière nouvelle qo il s eft,
ouverte , c'eft la Confiance avec laquelle il pour-
fuivoit & varioit les expériences , c'eft le lecret
qu'il gardoit d'abord fur les idées qu'elles lui
avoient fait concevoir , la patience avec laquelle
il tentoit de fuite• & fans interruption les expé- .
riences propres à les confirmer ou a les détruire ,
la/lenteur qu’il mettoit à prendre^ un parti . la
force & la vigueur avec lefquelles i l l’adoptoit,
le foutenoit, le / défendoi:t lqtfquhl l’avoit pris
une fois, sûr dé la vérité & de ta folidite des preuves
expérimental es qu'il avoit acqu'fes. 1 elle étoit
certainement fa pofition en 1773 & au commencement
de ï774., fur la nature de l ’air fixe- qu'il
affe&ôit'-éncore , fi l'on veut y prendre garde^,
de ne point défigner fous ce'norr^, quoiqu il fut
prefque- univerfellement adopte en Europe a
l’époque où il écrivoit fon ouvrage. On ne peut
douter que , frappé d'une obfervatipn de Caven-
dish, publiée dès 17Ô7 , fur la diminution du volume
de l'air pair la combuftion du charbon , fur
la formation d'une quantité prefque proportionnelle
à cette diminution d'air fixe pendant cette
combuftion & fur l'àbfqrptîon totale de cette
matière formée ainfi par l'alcali cauftique, il
avoit cherché dès-lors, mais n'avoit point encore
trouvé les imoyens de déterminer ce qui fç palfe
dans cette combuftion'; mais.il avoit conçu , fur
la fbrmatiori de l'air fixe.., une préçieufe idée
qui l'a engagé à refter; encore indécis fur la nature
de ce fluide. * & à ne pas adopter définitivement
la dénomination propoféê, car fi l'air
entroit dans cette combinaifon , 'comme il le
foupçonnoit, ce fluide ne devenoit pas réellement
fixé. On verra, plus bas , comment & par
quelle découverte auffi. exaéte qu'importante fon
travail a été terminé fur cet objet, & comment
ce qu’il a trouvé , quelques années après , fur la
nature du fluide élaftique des effervescences &
, des rédu&ions métalliques avec le charbon, étoit
d'accord ou au moins ne contraftoit pas avec le
peu qu'il en avoit d it, avec l'incertitude où il
étoit d'abord refté dans l'ouvrage qui nous occupe
, & dont nous allons continuer l'examen.
Le chapitre huitième eft deftiné à expofer quelques
propriétés de l'eau imprégnée du fluide'
élaftique dégagé des effervefcences 5c des réductions
métalliques, Cette eau n'a précipité
aucune diftblution métallique Lavoifier en con-
: clud que les métaux ont plus d'affinité avec les
acides qu'avec le fluide élàftiqiie. Le fyrop de
violettes a pris une légère teinté rougeâtre par
l'acldition de l’eau chargée de. ce fluide. La dif-
folution de terre calcaire/opérée par le fluide
élaftique dégagé pendant la réduction d’une chaux
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de plomb par le charbon , a été précipitée par les
alcalis fixes & /volati.s cauftiques , qui enlèvent
la .portion de fluide tenant la craie diffiolubie,
fans enlever celle qui lature la cha.nx en craie ;
elle verdie ‘légèrement le fyrop de violettes ;
elle précipite les vitriols de xmc , de fer & de
cuivre, la diffolution de plomb & celle gu mercure
par l’acide du nitre.
Dans le neuvième chapitre , qui a pour titre
de la, combuftion du phgfphore Ô* de la formation de
fon aci.de , Lavoifier décrit neuf expériences .qui
prouvent. que le phofpjiore en brûlant ah (orbe
une partie de l’ air, que cette abfor.ption s arrête
à-peu-près au cinquième en volume de l’air , que
leiphofphore augmente de poids ; que, lorfqu on
fait l’expérience fur l'eau, l'acide qui lé forme
eft fluide , mais qu’il eft en flocons blancs concrets
lorfqu’on la fait.au-deflus du mercure; que
l'eau en vapeur ne contribue point à entretenir
cette combuftion & ne fait que rendre l'fcide
'liquide ; que la vapeur d’eau dans l’air ne fait
point brûler une .plus grande quantité du phof-
phore ; que l’augmentation de la pefanteur Spécifique
de l’eau chargée de l'acide phofphorique
formé par la combuftion dans l'air , attefte auffi
1 que cette augmentation de pefautçur ne peut
pas provenir de l’eau. Lavoifier conclud de ces
expériences, que la diminution du volume de
l'air qui s’obfèrve pendant la combuftion du
phofphore , ne tient point à l’abforption de
l’eau qui y étoit contenue ; que la plus ou'moins
grande quantité d’eau introduite fous la cloche
' & combinée avec l'air qui y eft enfermé, ne
change rien aux phénomènes, & que la feule
différence qui en réfui te eft d'avoir l'acide ou
concret ou fluor; que l'humidité, abforbëe par
l'acide à mefure qu'il fe forme, augmente à
la vérité fon poids , mais feulement comme acide
liquide & non comme acide/, & que c’eft ainfi
que par l'air humide on obtient plus d'acide liquide
que par l’air fec qui fournit moins d’un
acide concret ; que la plus grande partie de la
fubftance abforbee par le phofphore pendant fa
combuftion, eft autre chofe que l’eau que c’eft
à l’addition de cette fubftance que l'acide phofphorique
, formé par cette combuftion , doit
l’excès de pefanteur qu'il a fur le phofphore ;
que c'eft à la, fouftra&ion de cette fubftance absorbée
par la combuftion du phofphore, que l’air •
qui y eft employé doit fa diminution de volume ;
que le phofphore abforbc à-peu-près deux fois
fon poids de la fubftance qu’il enlève à l'air
atmofphérique pendant fa combuftion ; que le
poids dont il augmente, comparé au volume de
i’air diminué, annonce que le fluide élaftique
.abforbé pèfe à - peu - près deux tiers de grain
par pouce cube , c'eft-à-dire , qu’ il eft à-peu-
près d'un quart plus pefant que l’air atmofphér
. rique.