
la fcience n’étoit dans leurs ‘écrits qu’un édifice
a imagination.
x4°* Il faut débarrafler la chimie des obfta-
cles qui retardent fes progrès 5 pour cela il eft
néceflaire d’y introduire l’efprit d’analyfe &
cette réforme ne peut fe faire que dans celle de
fon langage. Tout l’enfemble dont on voit que
cette fcience doit être compofée , n’eft pas
connu 5 ainfî la langue ne peut pas être com-
pîette ni parfaite, mais elle doit être fondée
fur de bons principes j elle doit être plutôt une
méthode de nommer qu’une nomenclature j il
faut qu'elle puiftè s’adapter naturellement aux
travaux futurs, qu’elle marque» d’avance la place
& le nom des nouvelles fubftances qui pourront
etre découvertes, & qu’elle ne puiife exiger que
des réformes' partielles.
®àhs fe livrer a des difcuffîons fur les
principes des corps , on a regardé comme Amples
dans la 'nomenclature ceux qu’on n’a pas
encore decompofés. On les a nommés Igs premiers
, tantôt en leur confèrvant les noms fous
fefquels ils font connus de tout le monde , tantôt
en leur en donnant de nouveaux , exprimant
leur propriété la plus générale & non fujets à
Terreur j. comme ceux qui étoient adoptés.
16°. Une fois les noms des fubftances fimples
détermines ,. le refte de la nomenclature n’a plus
été que la fuite d’une méthode fîmple.. En elaf-'
Tant les compofés fuivant le nombre de leurs
compofans , ceux qui fontformés de deux fubftances
fimples , ont dû être rangés les premiers,
ïl a fallu fermer ici parmi les compofés, & prefque
-toujours défîgner par des dénominations générales,
des claffes , des genres & des’efpèces.
170. Les acides , comme compofés de deux
fubftances fimples , l’une commune à tous 8c
conftituant leur acidité, & l’autre propre à chacun
d’ eux & différente dans to u s , ont reçu
deux noms , le -premier appartenant à leur nature
générale , le fécond à. leur cara&ère fpéci-
fique 5 le premier dépendant du principe commun
aux acides en général ou de l’acidifiant ; le
fécond tenant âu corps particulier contenu dans
chaque acide ou à l'acidifié propre 5 8c comme
dans le plus grand nombre des acides ,. la proportion.
de leurs principes conftituans , de l’acidifiant
&.de l’acidifié varient, on a exprimé ces
variations par la terminaifon variée du nom Spécifique
qui les défigne.
iS-°. Le même principe de dénomination a été
appliqué aux chaux métalliques , comme compo-
fées a’un principe commun à tontes 8c d’ un principe
particulier à chacune * on les a claflees fous
hb nom générique dérivé du principe commua .
(^différencié çhacvine par le nom fpécifique <ii
métal auquel elle appartient.
19*. Les corps combuftibles fervant de principes
fpécifiques & particuliers aux acides & aux
chaux métalliques, font fufceptibles de devenir
à leur tour des principes communs de plufieuis
combinaifons, Les foies de foufre ou les eompo-
fés fuiphureux ont long-terns été les feuls con.
nus dans cet ordre > on commençoit à bien concevoir
en 1786 & 1787 que le charbon s’unif-
foit de même aux alcalis & aux métaux, que ie
phofphore étoit fufceptible des mêmes combi-
naifons, & que tous les corps combuftibles. pa*
roiffoient obéir aux mêmes-attrapions fimples,
D'après cela , on a réuni fous dés noms génériques
terminés par un fon particulier & analogue
dans toutes, ces efpèees de combinaifons,
en fpécifiant chacune d’elles par un nom dérivé
de la fubftance propre unie aii corps . corn.
buftible.
20°. Si la dénomination des compofés de deux
corps,, tirée ^ des noms de ces deux compofans
affociés l’un à l’autre , formoi t air.fi'un langage
analytique propre à faire naître des idées exactes
fur la nature même de ces compofés, & à
les repréfenter à l’efprit fans mélange d'erreur
ni d’hypothèfe , le même principe appliqué
aux compofés de trois fubftances fimples
préfentoit plus de difficultés, en raifon de leur
nombre’, & parce qu’il devenait impoffible d'exprimer
la nature de leurs principes conftituans,
fans employer des noms trop compliqués pour
être aufti clairs que lés précédons. Les fels neutres
qui font dans cet ordre de compofés , &
qui forment une fuite de combinaifons fi nom-
breufes & fi importantes à bien connoitre , ont
exigé une, méthode plus fiinple. Le nom de l’acide
terminé d*une manière particulière, auquel
on a joint celui de-la bâfe à laquelle il eft uni
dans chaque fel compofé , nous a fourni un
moyen de nomenclature aufti clair que précis.
21°. De fimples changemens des dernières fyl-
labes terminant les mots , ont fuffi pbur faire
reconnoître fur le champ quelle eft la fubftance
combuftible qui entre dans la ' combinaifon, fi
ellery eft unie avec le principe acidifiant, & en
quelle, proportion’elle le contient ; à quelle bâfe
cet acide eft uni, s’il y-a; entr’eux fâturation ou
excès de l’acide ou de; la' bâfe.
220. Quant aux cOaibihâifdfi’s complexes , dont
le nombre des compofans eft .plus confidérable,
telles que les matières végétales ou: animales,
outre que leur nature intime n’eft pas- encore
entièrement & completrèment connue , il -efit
été bien difficile d’exprimer le nombre - & h
quantité ds leurs compofans idans leur dénooeination,
& un nom compofé de trois & même
quatre mots n’auroit point été fupportable. On
seft contenté dé prendre les noms déjà exiftans
pour défigner les fubftances végétales & animales
, 8c de les aflortir par des terminaifons
convenables aux réglés qui ont été prifès.
23®. Ces idées fimples & analytiques employées
pour rétabliffement de la nouvelle nomenclature
, ont fait difparoître tous les noms
barbares 8c ridicules qui rendoient prefque inac-
ceflible l’étude de là chimie ancienne, & qui
en cachoient les principes 8c les vérités fous le
voile obfcur des métaphores , des hiéroglyphes,
des fables mythologiques 8c des erreurs de tous
les genres dont i ’aftrologie & l’alchimie avoient
fùrchargé la fcience.
«40. Dans lé grand changement follicité par
tous les hommes éclairés , 8c déjà provoqué
même par les chimiftes les plus célèbres , il n’a
été néceflaire que de très - peu de mots noi>
veaux j à peine même trouvera-t-on fix à fept
noms qui n’exiftoient pas auparavant dans la
fcience à 8c qu’il a bien fallu créer pour nommer
des corps inconnus ou méconnus jufque-là
dans leur état de fimplicité , 8c conféquemment
dans leurs principales propriétés. Le plus grand
nombre de dénominations nouvelles tirées des
anciens noms n’en diflfèrenrque par leurs terminaifons
méthodiquement- variées , dont l’enfemble
conftitue véritablement la nouvelle nomenclature;
Voilà fur quelles bâfes les quatre chimiftes
françois qui fe font réunis pour propofer la réforme
des mots exigée par la nature même des
chofes , ont établi les principes du fyftême de
dénominations qu’ils ont adopté. Ici tous les détails
qui appartiennent à cette nomenclature , 8c
qui forment en même tems le tableau des con-
noiflanc.es chimiques acquifes, doivent être lus
à l’article do premier volume cité ci-deflus.
Nous nous contenterons d’ajouter 3. pour terminer
cette période , quelques mots encore fur
le fort de cette heureufe innovation & fur le
fuccès qu’elle a eus parmi les favans. Malgré les
cris & les clameurs de quelques chimiftes, malgré
l’ironie que quelques autres employèrent
pour combattre les noms propofés , la nouvelfe
nomenclatureffut promptement faifie 8c avidement
reçue par tous les hommes au-defîus des préjugés,
& qui defiroient de bonne foi l’avancement de
la fcience } les autres-, fans répondre aux déclamations
, examinèrent toutes les ôbje étions , 8c
ne trouvèrent pas qu’elles fuflent de nature à
exiger aucun changement dans le fyftême qu’ils
avoient propofé. Les commifîaires de l’acadé*
i&ie chargés alors de- lui en- rendre compte,.
prirent le parti qui convenoic à des hommes fages
& fans prévention , 8c dont cette célèbre compagnie
donnoit l’exemple conftant depuis plus
d’un lïécle : c’ étoit de ne pas prononcer définitivement
fur le mérite de cette nouveauté , d’en-
laifler l’ examen , l’adoption ou le rejet au monde
lavant, d’en attendre, en un mot, le jugement
du tems 8c des réflexions mûres 8c tranquilles
des physiciens & des chimiftes. Bientôt ce jugement,
laiflè avec tant de fagefle au pub lic ,
commença à fe faire connoitre. La nouvelle nomenclature
fut traduite en allemand par Gir-
tanner 8c par plufieurs autres \ en anglois , par
deux phyficiens prefique en même tems 5 en itaw
lien par Dandolo de Venife} en- efpagnol, par-
Aréjula. Dans tous les idiomes on accommoda
au génie particulier de chaque langue l’ordre
des terminaifons des mots , dont l’enfemble fait
la bâfe de. ce langage chimique. C e que Bêrgman
avoit prévu & annoncé à Guyton dans fa cor--
refponaance avec ce favant, relativement à fon
projet de changer- la nomenclature,, arriva promptement
: « Ne faites grâce , avoit dit le favant
profefleur d’ CJpfal,-. ne faites grâce à aucune dénomination
impropre 5 ceux qui favent déjà entendront
toujours j ceux qui ne favent pas encore
entendront plutôt. Les . profefleurs, foit
p a r le choix qu’ils en firent, foit par le defir
preffant de leurs élèves , fe fervirent peu à peu
de cette nomenclature dans leurs leçons j elle
fut adoptée dans un grand nombre d’ouvrages , 8c prefque tous ceux qui parurent en France ,
l’employèrent. Les critiques plus ou moins v io lentes*
8c quelquefois même paflïonnées qu’ on fe
permit d’en faire dans quelques ouvrages périodiques
, loin de nuire à fon fuccès, firent naître
à ceux qui ne l’avoient point encore connue
,- le defir de la connoîtfe , & en répandirent
ainfî le goût même par la fîmple voie de la curio-’
fité. On n’eut p as , à la vérité , plutôt commencé
à s’eti fervir . qu’on en fentit promptement'les
avantages, 8c il faut convenir que pour des hom»-
mes habitués à cultiver leur raifon 8c à fe livrer'
à des études méthodiques , elle devoit rapidement
être préférée au bixarre & ridicule échafaudage
des noms anciens , dont on ne pouvoit
foifir ni la valeur, ni les rapports , ni l ’étymologie
, fans fe reporter au tems d illufîon , de
preftige 8c de myuère, qui leur avoit donné naifi
fance. Il h’eft pas permis, de douter que l ’ordonnance
régulière , le fyftême bien l i é , la dénomination
précife, la commodité d’un langage
toujours clair, toujours exaéà & bien intelligible,
qui peignoir les idées & les faits avec juftefle , qui
retraçoit fans cefle aux yeux du difciple, de
l’orateur ou de l’écrivain la férié 8c la nature
des phénomènes ou des combinaifons qu’ il- avoit
à faifir ou à faire connoitre , a dû fpecialement
contribuer à l’adoption de la* nouvelle nomenclature.