
1 hydrogène oxigéné ou l’eau , le carbone hydro-
g é ’é ou Fhuile & le carboné oxigéné ou l'acide
ca bonique, peut faire varier les effets du feu,
iu’.vant la manier^ dont on Rapplique, la rapidité
avec laquelle on le donne, la quantité de
» calorique qu'on introduit & qu'on accumule dans
ces compofés. Lavoifier a expofé la même chofe
en çl autres termes. Si la température à laquelle
le végétal eft expofé n’excède pas beaucoup celle
de l’eaù bouillante , l’hydrogène & I’oxigène fe
reuniffent, & forment de l’eau qui paffe dans la-
diilillacion ; une portion d’hydrogène & de carbone
s’uniffent enfemble pour former de l’huile
volatile} une autre portion de carbone devenue
libre , refte dans la cornue comme le principe le
plus fixe. Si au lieu d'une chaleur voifine de celle
de l’eau b uilla.ite , on applique à une fubftance
végétale une chaleur rouge , alors ce n’eft plus
de l'eau qui fe forme, celle même qui a pu fe
former par la première impreffion de la chaleur,
fe décompofe } l ’oxigène. s’ unit au carbone,
avec lequel il a plus d’affinité qpe l’hydrogène
à cette haute température , il fe forme de l'acide
carbonique i l'h/drogène , devenu libre, s’échappe
fous la forme de gaz, en entraînant une
portion de carbone en diffolution i il né fe forme
point d'huile à ce degré , &r celle qui a pu fe
former fe décompoiè. Il n’e ft, fuivant Lavoifier
, aucune fubftance végétale dont la diftilla-
tion ne fourniffe la preuve de cette théorie , fi
toutefois , dît-il, on peut appeller de ce nom un
fîmple énoncé de faits. Qu’on diftille du fucre,
Continue t-il, tant qu’on ne lui fera éprouver
qu’une chaleui inférieure à celle de l’eau bouillante
, il ne perdra qu'un peu d’eau de criftal-
iifation j il fera toujours du fucre, & il en con-
lèrvera toutes les propriétés$ mais fitôt qu’on
î ’expofe à une chaleur taift foit peu fupéneure
à celle de l’eau bouillante, il noircit ; une portion
de carbone fe fép3re de la combinaifon , en
même tems il (paffe de l’eau légèrement acide &
un peu d'huile } le charbon qui refte dans la
cornue , forme près d’un tiers du poids originaire.
D’après cet expofé de la do&rine de Lavoifier
fur la composition générale des matières végétales,
& fur l’altération que le feu leur fait
éprouver, il eft aifé de coricevoir & d’expliquer
1 obfervârion de M. Woulfe. L'addition
d’un alcali ou de la chaux à une gomme ou à
du fucre qu’ô ‘ met en diftillation , doit apporter
une modification dans les eff ts du feu. Ce
n'eft point parce que ces fubftances empêchent
l'acide de réagir fur Thtiite 8c de la réduire en
charbon qa’on obtient plus d’huile, comme Je
penfoit Rouelle j mais c’eft par unë affinité pré-
difpofante que l'alcali contribuant à former l’acide
pyromuqueux , jk le retenant par fon attraction
de manière à l’êrrvpêther de fe volatilifer
, le force à recevoir une plus grande im-
preffion de la part du calorique, & favorife fa
. décompofition partielle , en permettant à l'hydrogène
& au carbone de fe dégager enfemble
& de former de l'huile. C’eft ainfi , & par le
; même mécanifme des attractions , que 1 acide
| acéteux diftillé feul paffe tout entier, fans dé-
compofition & fans donner d’huile à la distillation
, tandis que fi on le foumet à la même
opération après l'avoir uni à une matière alcaline
, il fe décompofe & fournit de l’huile. 11
faut remarquer qu'en même tems qu'on obtient
de l’huile dans cette opération décrite par M;
Woulfe, il fe dégage aulli une quantité notable
de gaz acide carbonique , que ce-chimiste a négligé
de recueillir & d'indiquer, mais dont il a
marqué affez la production & .la fortie pour les
hommes habitués aux expériences & à la théorie
modernes, en annonçant que les gommes dif-
tillées avec l’ alcali fe bourfouffient plus qu’elles
ne le font feules. II eft facile de voir qu'ici
l'hydrogène & le carbone qui entrent dans la
composition de l'acide pyromuqueux , s'uniffent
enfemble pour former l'huile qu’obtint M.
Wouke, que cette huile eft plus ténue fia plus
légère que celle que donne la gomme diftillée
feule, parce qu’elle contient moins de carbone
que celle-ci, & qu’une portion du carbone fe
combine en effet en particulier avec l’oxigène
pour, compofer l’acide carbonique , dont une
partie refte unie à l'alcali, tandis qu’une autre
fe dégage en gaz, qu’ainfi tout l’acide py-
romuquèux fixé par l'alcali, & fortement chauffé,
fe réduit en huile & en acide carbonique , de
maniéré qu’on Te trouve enfuite IMcali dans le
charbon qui refte. Voilà comment la doctrine
pneumatique parvient à expliquer d’une manière
auffi Simple que naturelle la diverfité de réaction
entre les principes compofans des matières
muqueuSes végétales , fuivant la température
qu'on emploie, & l’addition d'un alcali qui modifie
cette réaétion,
Le troifieme genre de recherches fur les matières
végétales, qu'on doit rapporter à l’ année
1788 , a pour objet la d ftruaion de l’odeur >
ou de ce qu'on a nommé Y arôme des plantes par
l’acide muriatique oxigéné, & la découverte
d’une méthode propre à déterminât la quantité
de ce principe confidéré comme faifant la bâfe
de plufieurs arts 8: en. particulier de la parfumerie.
Plusieurs années auparavant Berthollet
avoît annoncé, que le gaz acide muriatique oxi*
géné , ainfi que l’eau faturée de cet acide , avait
la propriété de détruire les odeurs infeétes d'un
grand nombre de fubftances. Lavoifier avoit
conçu l’idée d’appliquer cette propriété à I’an.i-
lyfe d s végétaux odarans, & d’eftimer la quantité
6u l'énergie de cette propriété dans les di-
verfes fubftances aromatiques , en ™ifon de la
plus ou moins:- grande facilité avec laquelle elles
fcroient détruites par l'aétion de l ’acide rnuria-
cique oxigéné. Chargé d'examiner les clous de
girofle récoltés à Cayenne,,il. les avoit comparés
avec foin à ceux des îles hollandoifes , & il
s’étoit Sèivi, avec une efpérance bien prononcée
de fuccès, de l’acide muriatique oxigéné pour
[ apprécier la quantité &. la force, de . l’arome de
ce girofle des colonies françoifes,-comparativement
à celui des Moiuques. Fourcroy a Suivi
avec un foin particulier l’application de cet ingénieux
& utile procédé à Î'analyfe commerciale
du girofle de l’île de Bourbon, aujourd’hui de
]a Réunion. Il a trouvé que, pour faire d-fpa-
! roître l’odeur duüfffé quantité donnée de cet aromate
, il falloit une dofè d’acide muriatique oxigéné
au moins égale à celle qui étôit néceffaire.
pour détruire la qualité odorante d'une égale
Quantité' de girofle holiandois. La proportion
. d’hune volatile ou effentie-lle donnée par cette
efpèce de girofle François , a répondu à cette
intéreffante épreuve. Ainfi cette découverte de
la disparition de l'odeur par l'acide muriatique
oxigéné, faite d abord par Berthollet, appliquée
enfuite par Lavoifier à la connoiffancè de
la qualité aromatique des végétaux , confirmée
enfin par les expériences de Fourcroy, eft devenue
par ces travaux fucceffifs un nouveau procédé',
une méthode utile pour déterminer la
force , la durabilité , la qualité, en- un mot,
des divers principes odorans , ou de la propriété
aromatique des différens parfums j & on pourra
l’employer auffi avantagea Sèment pour la connoif-
fance des odeurs, que le même réaêlif eft employé
pour celle des couleurs où des teintures,
fine refte plus qu’à en faire une application
plus étendue à toutes les matières, aromatiques
connues, pour les comparer-les unes aux autres
par rapport à l'énergie & à la ténacité de
leurs odeurs. Ce genre de recherches ne peut
manquer,de conduire à la découverte de la nature
de l’arome & à' déterminer avec exactitude
fi la propriété aromatique n’eft pas inhérente
à plufieurs matières végétales, fi elle n’eft
pas l’aCtion même de ces mat;eres portées tout
entières en vapeur fur les nerfs olfaétifs ,
comme le penfent quelques phyfiçiens modernes,
ou bien fi , comme on l’a cru généralement depuis
Boerhaave., elle eft réellement due à un
principe particulier, diftiüâ; de tous les autres
matériaux organiques^ plus ou moins adhérent,
fuivant fes affinités particulières , à chacun de
ces matériaux, & méritant conféquemment d’être
désigné par un nom particulier , tel que celui
Q‘ar»mc, fubftitué au nom d’efprit recteur dans
la nomenclature méthodique.
Le quatrième & dernier objet d’analyfe vé-
S^tale , que nous rapportons à cette année 1788,
bitn plus important encore que les trois
„ premiers ; il s’agit d’un dés plus grands & des
! plus magnifiques travaux qui aient été entrepris
1 depuis la premi. re époque de la révolution chi-
I mique , d’un travail qui fuffiroit Seul pour illuftrer
| fon auteur 8c pour porter fon nom à l’immortalité,
:• quand il n’auroit pas des titres plus nombreux
•pour y parvenir , en un mot, d’une des plus
! vaft.es emreprif.s qui aient jamais .été tentees
■ en chimie , & qui ne pouv6.it , nous ofons le
dire , être conçue & fur-tout exécutée que par
r l ’auteur principal de cette glorieufe révolution,
^ que p-.r cet homme de génie, dont la tête éroic
i affez forte & la marche affez hardie ' ■ our re-
! conftruire, en quelques années 8c de fond en
I comble, Lédifire des connoiffances chimiques.
: Les expériences fur Ja fermentation vineuSè,&
I la théorie;de ce mouvement & de fes produits'
, pif Lavoifier, dont nous voulons parler, offrent
[ un de ces'vaftes projets & une de çes décou-
i vertes extraordinaires que i'hiftoire des fciences
prefente que de loin en loin, & qui fontdef-
j^tinëes à en reculer Ls limites. Jufque- là les
J caufes, les. phénomènes & le produit de la fer~
I mentation vinetife avoient été pour les chirniftes
une énigme inexplicable, un myftere dont ils
avoient prefque généralement cru qu’il feroit
toujours impoffible à l’homme de pénétrer la
profondeur. Lavoifier, conduit par fes bel], s découvertes
fur l’air , fur la combuftion , fur la
formation & la décompofition des acides , fur
celle de l’eau , à reconnoître dans les corps o> -
ganifés des compofés tout différens de ceux que
la fcience avoit permis jufqu’à lui d‘y confulé-
rer, & à en retirer par uneXavante, analyfe des
principes tout autres que ceux qu’on y avait admis
, conçut le projet d’employer les moyens
nouveaux -, les inftrumens précieux que fes recherches
lui avoient fait découvrir, à déterminer
ce qui fe pafîoit dans la fermentation vi-
neufe. Il entreprit, à l'aide de machines ingé-
nleufes & d’appareils exaéls, abfolument inconnus
jufque-1 à , de rechercher la nature des chan-
g;mens qui fe paffoient pendant la converfion
du fucre en alcool : des expériences répétées
pendant plufieurs années l’amenerent à des ré-
fultats Amples autant qu'inattendus. Quoiqu’il
n’âit point configné fon travail entier dans un
mémoire particulier , comme il avoit promis }
nous plaçons à l’époque de l’année 1788 cell^
de fes recherches fur la fermentation, parce
que c'étoit dans le volume de l’académie de
cette année qu'il fe propofoit d’inférer fon mémoire
fur ce beau fujet. Le monde favant aurait
été entièrement privé du fruit qu'il devoir
attendre de ce beau travail , fi Lavoifier, qui
fans doute ne le trouvoit pas affez complet
pour de donner encore à l'illuftre fociété fa-
vante à laquelle iLconfacroit le produit de fes
î veilles , n’en avoit au moins efquifié les prin-
i cipaux traits da'ns fon traité élémentaire de S - K k k k 1