
Europe $ il traça lui-même aux favans qu’il y
réunit j la route qu’ils dévoient fuivre pour perfectionner
les fciences 5 il voulut que toutes les
découvertes fuffènt vérifiées avec foin. Prefque
tous elèves de Galilée , ce s phyficiens mirent
dans leurs expériences le zèle & les lumières
<pi’on devoit attendre de pareils hommes. De- là
leurs premières découvertes fur les températures
& les thermomètres 3 fur la congélation., fur
l’hygrométrie, fur la preffion de l’air, fur le vidé
& fur les expériences qu’on y peut faire , fur la
compreflion de l’eau, fur les changemens de couleurs
dans les différens fluides , fur la chaleur ou
le froid produits par le mélange d’-un grand nombre
de corps entr’eux.
La fociété royale de Londres, effayée d’abord
par quelques anglais qui avoient pris- en
France le goût des conférences favantes dans les
affembiées de Thévenot & de Montmor, fut
établie par Charles II en 16605 & elle commença
fous les. aufpices & avec- la gloire de Boy le &
de Newton. Elle publia le premier volumè des
Tranfallions Pkilofopkiques en 1665, & cet ouvrage
n’a point été interrompu depuis cette
époque. .:■ *
A-peu-près à la même époque , l’académie des
curieux de là nature réunir par une affociation
libre de travaux, par une communication de découvertes,
tous les hommes qui s’occupoient'dès
fciences phyfiques, dans leur application à d’art
de guérir > & cette fociété publia depuis 1670,
fous le nom ef'Ephémérides des curieux de la
nature , un ouvrage périodique , qui devint bientôt
la collection la plus completté, le recueil le
plus précieux de tout ce qivil y avoir de nouveau
en hiftoire naturelle en anatomie, en
phyfique & en chimie..
L’académie des fciences de Paris fut fondéé
par Louis XIV en 1666 5 elles reçut en 16&9 lin
nouvel accroiffement & de nouvelles faveurs. Les
fa vans les plus illuftres de France des pays
étrangers y furent affoeiés 5 leurs travaux & leurs
découvertes furentconfignés dans tin recueil qui,
fous le titre fîmpie & modefte de mémoires , offre
depuis long- temps le plus beau monument qu’on
ait élevé parmi les hommes à la gloire des fciences
& à futilité du genre humain.
A l’exemple de ces premières affodations,
il fe Forma bientôt dans plufïeurs capitales des
principaux empires de l’Europe des académies
qui furent infirmées fur des plans analogues, 8c
dès-lors le même efprit de recherches , le même
goût de l’expérience, la même marche pour interroger
la nature & connoître fes opérations,,
furent généralement adoptés &r répandus. Dès-
lpis la manie, des fyftêmes fans faits x des explications
fans bâfes, des commentaires perpétuels
fur les anciens, des difputes fur les mots, abandonna
peu-à-peu les écoles, & l’on commença -
a y prendre la même direction que dans les
académies. Dès-lors les découvertes fe fuccé-
dèrent de toutes parts, 8c tous les jours-, au.
jargon ridicule qui avoir ténu lieu de véritable
fcience, fuccéda par-tout le doute fâge, Srl’ex-
pofé pur des faits , des' obfervations. ' Oh recommença
en quelque forte toutes lès fciences ;
on reprit^ les travaux dans toutes les branches
de la phyfique j on créa même un grand nombre
de fes parties qui n’exiftoient pas avapt l’art
expérimental^, & au lieu de s’en rapporter aux
atterrions des anciens , & de fe traîner dans
l’ornière de,s commentaires , on fe fraya de nouvelles
routes plus Sûres pour arriver à la vérité :
i°n ne confulta plus que le livre de la Nature.
La chimie participa bientôt à. ce mouvement général.
Les expériences des laboratoires ne furent
plus uniquement deftinées à la découverte du
grand-oeuvre , & fi , pendant quelque temps
encore, on n’eut prefque en vue que la-recherche
de nouveaux remèdes, que le perfedlionnement
des compofitions pharmaceutiques, peu à-peu la
fphère chimique s’aggrandit 5 on appliqua l’art
de l’analyfe aux matériaux des arts ,*aux productions
quelconques de la nature, à la découverte
de fes phénomènes. Le nombre des chi-
miftes phyficiens 8c philofophes fe multiplia fin-
guhèrement ; la patience infatigable qu’on avoir
apportée à la recherche de la pierre philofo-.
phale & du .remède univerfel fut appliquée à
des travaux véritablement utiles, & ’ ta fcience.
s’aggrandit promptement dans toutes fes branches.
Depuis l ’année .1660,.à peu-prës jiifqu’à 1760»,
c’eft-à dire, dans Tefpace d’un fiècle , les expériences
& les découvertes dé chimie furent
tellement multipliées, & fur-tout tellement comparées
& rapprochées les unes des autres , qu’on
eut regarder cette époque côminë une 'des plus- '
riilantes , & comme Celle qui a fait; prendre
à la fcience un.. effet tout nouveau. Dans cet
efpâce dè temps le nombre des-chirniftes'devint
confidérable , & quoique ceux qui ont' acquis
de la- gloire en cé genre aient prefque tous été
ou médecins ou métalîurgifles , leurs travaux
& leurs. découvertes ont également contribué à
toutes les autres branches dés cohnoiffances humaines.
Aucun écrivain n’a encore entrepris de
tracer même une efquiffe dé''cétte importante
époque de la.chimie5 les matériaux en font épars
dans une foule de volumes , de collections académiques
, de journaux 8c d’ouvrages particuliers.
Oa n’attendra pas de nous un expofédé-
taillé de tant de travaux-, de'tant de découvertes
qui fé font fuccédés fans interruption, un pareil
travail èxigéroit des recherches immënfies qui
deviendroient aujourd htii prefque- impoffibles à.
un feül homme. Nous, nous contenceions, de
préfenter les principales découvertes, les plus
grandes malles des travaux qui diftinguent cette
période, qu’on peut défigner fous le nom des
!travailleurs , ou des recherches Juivies 5 il fuffira
pour en donner f idée fommaire , qui feule
doit être l ’objet de cet a r t ic le d e fixer l’attention
du Ieéteur Si fur les traits les plus
faillans & fur les hommes qui fe font le plus
illuftrés 5 en les offrant tantôt par ordre des
temps ou des dates , tantôt par fucceffion de
travaux 8c de découvertes. 11 nous, fera cependant
permis., & on le trouvera fans doute très:
naturel de commencer par les travaux des chi-
miftes françois, & de fuivre, à mefure des recherches
faites dans l’académie des fciences de
Paris , celles qui y auront plus ou moins de
rapport dans les pays étrangers.
Dans les premières années de l’établiffement
de l’académie, à dater de 1666, les cnimiftes
qui en étaient membres fe propoferent de fuivre
un ordre de travail qui pût répandre du jour
fur la nature de tous les cofps naturels. Ils voulurent
qu’un fil non interrompu d'expériences
& de recherches les conduifit à la vérité. Do-
dart & Duclos tracèrent les premiers un plan
de travail fur l’anaîyfe des eaux minérales &
fur celle des plantes, qui "a été fuivi longtemps
dans le fein de cette illuftre fociété, fans
empêcher toutefois les' membres de' s’occuper
chemin faifant de tout ce qui leur paroîtroit digne
de leur attention. De-là les premières tentativés
de Duclos fur un allez grand nombre d’eaux de
France, tentatives qui donnèrent quelques vues
nouvelles, telles_ que celles de Remploi de
pîufieurs réaétifs, inconnus jufque-H, la connoif-
fance des eaux-mères 3e des Tels déliquefeens
qui les conflituent, des idées attez exacts fur
h minéralifation des eaux. De-là encore ces
longues fuites d’analyfes végétales, commencées
par Dodart & Bouîduc, foit par le feu, foit
par les diffolvans, & qui furent continués avec
un zèle infatigable & une patience’ à toute
épreuve , par les chimiftes de l'académie pendant
plus de trente ans. On en trouve les rélultats
dans la matière médicale de Geoffroy ; elles
©nt fervi de modèles à celles qui ont été faites
depuis en Allemagne, en Hollande & dans ‘
d’autres pays, par Neumann, Gaubius, Car- ■
theufer ., &c. .Leibnitz jetta un coup-d'oeil fur
la chimie à la même époque j on lui doit quelques
obfervations fur les phofphores & fur les
fels des eaux. A l’exemple de l’académie de Paris,
il fut le fondateur de l’académië de Berlin en
1700, & il n’oublia pas d’y comprendre la culture
de la chimie. Newton s’en occupa également
à la fociété royale de Londres dont il fut
un des flambeaux , 8c il contribua pour fa
part à fendre les idées chimiques plus exactes
& plus fages qu’elles a’avoient été jufques-Ià.
C*eft ainfi qu’on a vu de tout temps dans l’académie
de Paris les fciences d’obfervation 8c
d'expériences , recevoir des fciences du calcul
une influence heureufe qui a fingulièrement contribué
à porter l’exaêtitude & la précifion dans
les réfultats qu'on a tirés des faits, & dans les
théories chimiques fur-tout.
Pendant que les premiers chimiftes françoîs
traçoient la marche qu’ils fe propofoient de
fuivre , Beccher avoitédonné en Allemagne,
én Hollande & en Angleterre un très-grand
mouvement à la chimie, par les idées nouvelles
qu’il avoit répandues fur la minéralogie, la
métallurgie, par les efpérances qu’il avoit fait
concevoir, & fur-tout par les fources de découvertes
qu’il fembloit avoir ouvertes de toutes
parts. Kunckel, fon contemporain & confeillec
des mines de Saxe paffa faisante ans entiers à
faire des expériences & à rechercher les propriétés
des métaux 8c des acides.En Angleterre,les fciences
commençoient à prendre un efïor nouveau après
les écrits du chancelier Bacon. Boyle conquit
en quelque forte de nouvelles terres dans le
domaine de la rature, en faifant un grand nombre
d’expériences dans le vuide, en s’occupant des
couleursde s odeurs , des éffluves en général ,
de la flamme , d’un.grand nombre de propriétés
de l’air , des eaux minérales, &c. Il fuivit une
grande partie des idées & des confeils de Bacon;
il traita cependant tous ces objets plutôt en
phyficien qu’en chimifte, mais ceux qui lui font
ce reproche n ont point affez réfléchi que fa
manière valoit encore mieux que le myftère &
la tournure alchimique qui avoient été adoptées
jufques-Ià pour expliquer les phénomènes chimiques
, & qu’elle a contribué à bannir le langage
myftique 8c les explications alchimiques
qu’on avoit prodiguées jufqu’à lui, & qui avoient
éloigné une foule de bons efprits de l’étude
8c de la culture de la chimie. La chimie doit
à Boyle pîufieurs découvertes intéreffantes fur
les fels , fur les eaux & les réaétifs qui fervent
à leur analyfe,fur l’air, les températures , la
cryftallifation, les odeurs, &c. Newton s’occupa
aulh de la chimie , & le coup-d’oeil qu’il jetta
fur cette fcience fut l’époque des vues nouvelles
extrêmement importantes & qui font reliées
long temps fans être ni vérifiées, ni appliquées
con^nablement. C ’eft ainfi qu’il annonça les
effets dés rayons de la lumière fur les corps,
la combuflibilité du diamant, & même la nature
compofée de l’eau ou au moins l’exiftence d’un
corps inflammable comme principe de ce fluide
Mais les idées chimiques de ce grand homme
fur ces objets ainfi que fur les combinaifons
& les attrapions étoient réellement au-defïiîs
deron fiècle ; & elles n’ont reçu une véritable
xanétion 8c ne font devenues véritablement importantes
que depuis les grands changemens qu*