
& en changeant totalement la marche fuivie juf-
que là dans les livres élémentaires de la fcience chimique
, il a donné de nouveaux principes de
chimie au commencement de 1789. Chargé alors
par la fociéte de médecine de lui rendre compte
ae cct ouvrage que Lavoifîer lui préfenta, je traçai
dans un rapport lu à cette fociété, le 6 février
1789 , une efquiffe du traité de Lavoi-
fier; cette efquiffe pourra prouver à ceux qui
méditeront l'expofé de la méthode adoptée
par Lavoifîer, 8c la difpofltiou qu’il a faite de
tous les matériaux recueillis dans fon propre
fonds d’expériences & de ; découvertes ; qu’il
avoir réellement fuivi dans la présentation fuc-
ceflive de Ses mémoires un plan bien arrêté dont
il fe propofoit de raffembler, tôt ou tard, les
parties éparfes ; & ç’eft manifeftement ce projet
qu’il avoit commencé à mettre à exécution. On
y verra que c'eft auffi tous ce point de vue que
j’ai confidéré£ il y a fept ans, le traité de La-
voilier dans l’anaiyfe que j’en ai présentée alors
à la fociété de médecine ; mais comme l’ou-
vsage.dont je parle eft de plufïeurs années pofté-
rieur à l’époque des decouvertes de Lavollier ,
comme il n’a été rédigé , & n’a pu obtenir le
Succès dont il a joyi qu’après l’accord des chi-
miftes françois , qu’apiès la victoire complette
qu’ils ont remportée Sur .tous leurs Antago-
jniÜes, & Surtout après-leur réunion, ainfi que
leur travail commun de la nomenclature méthodique
qui leur eft due ; ce feroit anticiper Sur
des faits poftérieurs , ce feroit confondre des
époques réellement diftinCtes que de rendre ici
.compte de ce traité} hâtons-nous,de parcourir
les deux périodes que nous avons placées entre les
découvertes qui ont créé-la nouvelle théorie de;
Lavoifîer , & l’établiflèment de la nomenclature
qui l’a consolidée. ' '
CINQUIEME PÉRIODE.
Travaux faits par les phyficiens , & fur-tout par les
çkimifies étrangers , pendant les .recherches précédentes
de Lavoifier j concordant* de leurs, résultats
comparés.
Pendant tous les travaux de Lavoiêer dont
il vient d’être rendu compte, la chimie étoit
cultivée dans toute l'Europe avec une grande activité.
Londres , Berlin, Vienne 8c la plupart
des villes d’Allemagne, mais Sur-tout la Suède,
ëtoient le Séjour & je théâtre d’un grand nombre
de chimiftes qui multiplioient leurs recherches,
te accumuloient les découvertes. Les nouvelles-
idées répandues d’un côté par Méyer, de l’autre
par Black, Cavendish Je Macbride, germoient
peu à;peü dans toutes les têtes. Leurs théories pr,é-
lentoient comme deux routes dans la même carrière
où chaque phyficien fuivoit Son chemin
d’après les premiers pas qu’il avoit faits, & les
premiers guides qu’il avoit eus en 1776. Aucune
d©Chine n’étoit arrêtée entre les chimiftes; leurs
opinions divergentes menaçoient de voir s’élever
autant de théories qu’il y avoit de cultivateurs
dans la fcience 5 & l’on ne pouvoit pas prévoir
quel feroit le point où elles coïncideraient
toutes, ou ft quelque homme de génie fixeroit invariablement'toutes
les opinions vacillantes. Tandis
que de longues difeuftions s’élevoient en Allemagne
, deux hommes d’un grand mérite fem-
bloient , par le nombre & [’importance de leurs
découvertes , devoir fixer bientôt en Suède la
deftinée de la chimie ; Bergman & Schèele avan-
çoient. fingulièrement la fcience , l’enrichiffoient
chaque jour de nouveaux faits, créoient de nouvelles
méthodes d’analyfe, trouvoient de nouvelles
fubftances, & s’en fer voient d’inftt umens
pour parvenir à des connoiflances plus étendues
fur la nature & la compofition des corps. On ne
travailloit pas avec moins de zèle en France;
mais fi Lavoifîer cherchoit à renverfer les idées
anciennes 8c à établir une méthode plus exaCte,
foit dans l’art expérimental, foit dans le raifon-
uement, le plus grand nombre des phyficiens
& des chimiftes , plus ou moins fortement attachés
à la doCtrine du phlogiftique, ne fembloient
pas difpofés à y renoncer, & ne croyoient né-
ceffaire , .comme la plupart des favans étrangers,
que d’y admettre des modifications relatives aux
découvertes:récentes. Il leur fembloit que tout s
ces découvèrtes, quelque flngülières qu’elles ftif-
fent, ne devoiént pas changer entièrement la théorie
ancienne, 8 c n’exigeoient que d’y faire des additions
convenables. Telle étoitla manière de pen*
fer d'un des plus illùftres chimiftes françois, qui
; avoit toujours,. dans des ouvrages brillans de
l,clarté,1 de méthode & de pureté de ftyle, expofé,
1 foutenu 8c développé la: théorie de. Stahl. Marquer,
occupé pendant les premières années de la
révolution chimique françoife , à rédiger la fécondé
édition de fon dictionnaire d® chimie, profita
des nouvelles découvertes--fur l'air & le*
fluides élaftiques, rendit un compte très-exaéi
de ces découvertes dans des articles nouveaux;}
mais au lieu de renoncer au phlogiftique, il le crût
plus folidement établi que jamais par le double
changement qu’il propofoit dans cette théorie;
i ç. de fubftituer la lumière au feu fixé ; 1 ? . de
regarder l’air comme le précipitant de la lumière,
Je réciproquement la lumière comme lé précipitant
de l’air. G’c-ft ainfi qu’il expliqua , eh 17771
les phénomènes de la combuftion de la flamme »
de la calcination & de l’augmentation de poids
des métaux , de l’altération dé l’air par la aspiration,
de la formation de quelques acides. Mais
il étoit évident dès-lors que pour ne pas'renoncer
à une hypothèfe chérie & dont il prévoyoit
même la perte totale , comme il le laifîoit échap*
per dans les conventions particulières, Mac-
quer avoit cédé une partie de fes opinions, &
déjà porté une véritable atteinte à la théorie
du principe inflammable, dont l’exiftence prétendue
, attribuée alors à celle de la lumière
modifioit tellement la nature '& les propriétés
que ce n’ étoit plus le phlogiftique d®
Stahl.
Mais tandis que Macquer cherchoit à lier la
«aufe du phlogiftique aux nouveaux faits 8c
aux nouvelles idées chimiques , un autre
chimifte de la même école , élève & ami de ce
Rouelle qui avoit foutenu & montré Sthal avec
tant d’énergie & de chaleur à Paris , un des
hommes qui de voit être le plus attaché à fa •
doctrine , mais qui l’étoit encore pîùs; à la
vérité, attaqua Eexiftence du phlogiftique avec
dès armes d’autant plus terribles | 8 c lui porta
un coup d’autant plus afluré, qu'il partoit d’un
des chimiftes qu’on pouvoit compter jufques-
là au nombre0 & prefque à la tête de fes plus
forts défenfeurs , & que c’étoit exactement à
la même époque où Lavoifîer jettoit les premiers
fondemens de fa nouvelle doétrinè entièrement
contradictoire avec celle. de Stahl. Bayen t
dans quatre mémoires inférés dans le jouniafde
phyfiqile depuis le mois de février 1774 jufqu’en
décembre 1777, intitulés modeftement: E f f a i d 'e x périences
c h im iq u e s , f a i t e s f u r q u e lq u e s p r é c ip it é s de
mercure d a n s la v u e d e d é c o u v r ir * Leur n a tu r e payant
trouvé que ces chaux pouvoient toutes être réduites
fans addition , commença à jetter des
doutes fur la néceflité du phlogiftique , & par
fuite fur toute la théorie de ce prétendu principe.
Les expériences qu’il rapporte' font en
effet entièrement contradictoires avec l’exiltence
du phlogiftique ; 8 c comme il s’en occupoit
depuis 1772 ,& qu’il en avoit même conçu les
premières idées fix ans avant cette dejrnière
époque , en s’occuppant des moyens de démontrer
par les difibJutions métalliques, la préfence :
du foufre dans plufïeurs eaux des Pyrénées , il ;
eft évident que c’eft à lui qu’il faut faire remonter
les premières attaques , mites à la doCtrine du :
phlogiftique , & en même temps la première
propofition de la doctrine pneumatique* Car
Bayen a recueilli avec foin l’air dégagé des chaux ;
de mercure pendant lèar réduction, il en a me-
furé la quantité , eftimé le poids ; il a fait voir
qu’en fe calcinant, les métaux enîevoient de l’air
à l’atmolphère ou aux acides; que ce n’étoit
donc pas par là perte d’un principe , comme
le prétendoient lès Sthaliens, mais par /une
réelle acquilition d’un véritable principe aérien
que la calcination avoit lieu. Il a entrevu que
le même principe de l’air qui calcinoit les métaux,
étoit contenu dans les acides, & fur-tout
dans ceux du nitre & du foufre. Donnons ici, par
un court expofé de Tes mémoires , une idée
exaCte dès-expériences'qui l’ont conduit à ces
idées y Sc qui l’ont placé à la tête des chimiftes
antiphlogifticiens , car il a manifeftement à cet
égard raiitériorité fur Lavoifîer, dont il trouva
d'ailleurs les premiers travaux qui parurent à
cette époque , très-ingénieux & dignes de la plus
grande attention de la part des_ chimiftes. Dans
la première partie de Tes effais , inlerés en février
1774 dans le journal de phyfique , tom. I II,
pag. 129 à 145 , Bayen examine la nature & les
propriétés des précipités de ladiftolution nitretife
de mercure par l’alcali du tartre , l’alcali volatil
effervefeent, l’alcali fixe cauftique & l’eau ds
chaux. Tous ces précipités contiennent encore
un peu de leur diffolvant & de leur précipitant,
tous ftétonnent lorfqü’on les chauffe, après les
avoir mêlés avec un peu de foufre , tous , 8c
voici ce qui le frappbit davantage, fe réduifent
feuls & fans addition ; ils perdent en fe rédui-
fant un huitième de leur poids. Il croyoit alors
que parmi ces précipités il y en avoit dont une
portion feulement étoit réductible par elle-même.
Le précipité du fublimé corolif par l’alcali fixe
donne, quand on le chauffe, une certaine quantité
de mercure doux ; comme il détonne aufli avec le
foufre y il1 enjréfulte que la préfence de l’acide
nitreux .n’eft pas néceffaire , ainfi qu'on auroit
pu le croire , à cette détonation* Le précipité du
fublimé côrrofil par l'eau de chaux, ell celui
qui contient la chaux de mercure la moins fur-
chargée de principes étrangers ; aufli eft-il celui
qui fe réduit le plus complètement par la feule
chaleur. Dans ce premier mémoire , qui n’eft,
à proprement parler,qu’une introduction au grand
travail que Bayen avoit entrepris s il ne prend
encore aucun parti, il ne fait que préparer les
voies jdifpofer les efpnts à ce qu’il devoir offrir de
I nouveau Sl de frappant dans les fuivans.
Deux mois après,, dans le journal de phyfique
d’avril même année, (tom. III, pag. 2803 296) ,
il donna quelques développemens de plus a cette
deuxième partie de fon Effai , il annonça qu’il al-
loit s’occuper duphénoir.ème le plus frappant pré-
fenté par ces précipités , celui de leur augmentation
de poids ; dès-lors il fit entrevoir, qu il s é-
carteroit bientôt de la doCtnne de Stahl. Il
diftingue dans ce mémoire deux ea u fes de 1 augmentation
de poids dans les précipités 4 la ^pre-
mière étoit l'adhérence d’une partie du diffolvant
& du précipitant, 8c la féconde celle que l’on
fait être la fuite de ia converfion d’un métal en
chaux. Il lui paroit que cette derniere caufe, qui
alîoit jufqu’à un huitième du-poids d un métal,
étoit un fluide élaftique fixe dans^ ce métal, fui-
vant l’exprefllon de Lavoifîer^ qu’il adopta. Il fe
propofoit de le prouver par l’expérience , 8c en
faifant les réductions des précipités mercuriels dans
un appareil chymico -pneumatique 8c propre à recueillir
le fluide qui s’en dégageoit. Le précipité du
nitre dé,mercure par l’alcali fixe ordinaire, traité
dans cet appareil à la dofe de 1 gros 63 grains avec