Caillante dans les cadavres des femmes. La tête, \
recouverte d'une couche de matière graffe , pré-
fentoit la face déforganifée 8c méconnoiffable ; |
on ne trouvoit plus de langue dans la bouche $ :
la mâchoire inférieure luxée , pendante fur le
col , étoit enveloppée de matière gratte ; les
yeux étoient fondus & remplacés comme la langue
par quelques grumeaux. Le crâne renfermoit
le cerveau rappétiffé, noirâtre à fà furface , &
converti en gras comme les autres organes j jamais
ce vifcère ne manquoit, & on fa conftam-
ment trouvé dans Tétât indiqué.
La fubftance nommée g ra s par les foffoyeurs,
n'étoit pas conftamment de la même confiftancej
plus molle 8c très-du&ile dans les corps nouvellement
changés de trois à cinq ans d'enfouiffe-
ment, elle y étoit encore pleine d'eau. Au contraire
dans les fujets convertis depuis long-tems
en gras, ceux , par exemple, qui étoient enterrés
depuis jo.jufqu'à 40 ans, cette matière y .
étoit plus feche , plus caftante, en plaques plus
denfes , quelquefois même elle a paru avoir une
demi tranfparence 8c un tiffu. grenu comme la
cire. Celle qui étoit entièrement 8c complètement
formée, ne contenoit aucune partie orga-
nifée reconnoiffable > dans celle au contraire qui
n'avoit que quelques années de formation, on
trouvoit encore quelques traces de tiffu mufcu-
laire , tendineux, ligamenteux , altéré. Cette
obfervation a prouvé que ce n’étoit pas feulement
le tiffu cellulaire. ou le fyftême «Membraneux
abforbant, comme on Tavoit d'abord conjecturé
, qui fe convertiffoit en gras, mais que
tous les organes , mous , blancs ou colorés en
étoient également fufceptibles. Toutes chofes
d'ailleurs égales , les parties graffes ont paru
paffer plus vite à cet état que les autres. La
moelle de l'intérieur des os a paru éprouver
complettement & promptement ce genre d'altération.
L ’analogie entrescette matière graffe des cadavres
enfouis 8c celle du foie pourri & defféché
à l’air , cité dans un des articles précédens , a
d'abord frappé le cit. Fourçroy. La portion de
gras des cimetières; formée depuis long:tems ,
& devenue feche , caffante , demi-trànfparente,
différoit de celle qui étoit récente , molie 3 graffe 8c du&ile , non-feulement par fon apparence,
mais encore parce qu’elle avoit perdu un de fes
principes , comme, le fera voir Tanalyfe de cette
fubftance. Quelquefois le gras offroit des fur-
faces brillantes , dorées , argentées^ orangées ,
rouges , rofes , ^ coiiime certaines efpèces de
mica. En interrogeant les hommes ..employés aux
cimetières, furtout ceux qui paroiffoient être les
meilleursobfevacers , : 'ic qui avoient eu , par
une longue pratique, Toccafion de voir plus fré- :
quemment ces objets , on j appris les faits
fuivans fur la converfion des corps en gras. Ce
n'eft qu'en trois ans de féjour dans la terre que
ce changement a lieu. La décompofition des
corps qui le précédé & le produit, commence par
la région du bas ventre ; il fe bourfouffle , fe distend
de fluides élaftiquesi fels parois finiffent plus
tôt ou plus tard par fe brifer avec une forte
d'explonon aux environs de l'ombilic ; il s'en
dégage un gaz délétère 8c afphixiant 5 il s'en
écoule une fa nie brunâtre très-fétide., C'eft à
cette explofïon 8c à ct-tte finie que les, foffoyeurs
attribuent les dangers des exhumations récentes
& des caveaux où Ton dépofe les corps : un
mal-aife , un vertige , un tremblement, une
fyncope , font, fuivant eux, les plus faibles &
les premiers effets dé cette vapeur 5 fi elle elt
plus forte, il s'enfuit une dangereufe afphixie,
eut la production d’une maladie putride ; ils en
font en général très-effrayés , & n'ont pas voulu
fe prêter, comme on le leur propoioit , aux
moyens de fe procurer cette efpèce de gaz ,
dont on auroit fort defiré. de pouvoir examiner
la nature.
Dans les corps enterrés feul à feul & ifolés,
après la rupture du ventre , la décompofition
complette & la deftruCtion de tous les organes
s'enfuit plus ou mcins promptement, fuivant
l’humidité des corps ou du fol qai les entoure,
& les corps fe réduifent ea fquelettes.. Si au
contraire les corps font fecs, fi le terrain qui
les enferre eft aride & defféchant, fi la faifon
eft feche & chaude, il fe forme ce qu'on nomme
des momies naturelles. Dans les foffes communes
, furchargées en quelque forte de funérailles
& encombrées de cadavres , tout paroît fe
paffer autrement : les. corps ne font privés d'humidité
ni par le fol qui leur manque , ni par
l'évaporation atmofpherique qui ne les atteint
pas. C'eft leur propre fubftance, qui réagit fur
elle-même, & qui par une lente décompofition
éprouve un changement dans fa nature intime.
Les vifçères creux du bas-ventre brifés en plu-
fieurs points, fondus en férofité putride, s af-
faifient, fe déforganifent, fe détruifent, 8c ne
lailfent que peu de. matière fufceptible. de fp
convertir en gras. Le foie feul, parmi les vi(-
cères abdominaux, éprouve, à caufe de,fa foli-
dité, cette efpèce de converfion. La, putridité
& la deftruClion des parties molles 8c abreuvées
du, bas-ventre fe propage par Toefophage dans
la poitrine, & en détruit également les .vëfiçule.s
pulmonaires & les membranes vafculaires. Ainfi
difparoiffent peu à peu tous les vifçères 8c juf-
qu'à la capacité qui les contenoit, à mefure que
: les parois qui la formoient fe portent fur la co-
j îonne épinière qui en fait le fond. Le même al-
faifïement, la même déforgafifation , plus lente 3c moins complette , ont lieu fous la peau , dans
les fibres, charnues tendineufes 8c dansjes lames
cellulaires
cellulaires qui recouvrent 8c enveloppent de
toutes parts les os j comme ces parties font
moins molles & aqueufes que les vifçères , il n'y
a pas tant de déperdition , & la matière même
qui les conftitue paffe peu à peu, 8c couches
par couches , à l’état d e g r a s .
Quant au mode de deftruélion complette des
corps changés en gras, & à la marche que fuit
la nature .pour en réduire le réfidu à la feule
charpente offeufe , la feule obfervation qui ait
pu jeter quelque jour fur cet objet, c'eft celle
des corps placés obliquement par Téboulement
des terres, dont la partie inférieure réduite à
l'état de fqaelette, & la préfence d'un liquide
jmouffeux vers le fond , ainff que l'humidite environnante,
atteftoient que la deftruétion du g ra s
étoit due à l’eau qui T avoit diffous.
Voilà la note exaéfce des obfervations faites
en grand fur la putréfaction des corps dans la
terre , fur l'état fingulier qu'ils contractent lorf-
qu'ils font enfouis de manière à rallentir leur
décomposition.
L'auteur a donné dans un fécond' mémoire
une analyfe exaéte & détaillée de cette fubftance
graffe, produite par la décompofition lente des
corps enfouis. Ce fécond mémoire eft affez détaillé
pour ne laiffer aucun doute fur les expériences
qui y font décrites , 8c fur les réfultats
qu’elles ont fournis , & cela étoit néceffaire
dans un objet auffi nouveau , aufiï inattendu, 8c
dent aucun favant n'avoit encore parlé. Ce travail
méthodique, 8c qui occupe prèsdeéopag.
in-8° du huitième volume des A n n a l e s d e C h im i e ,
eft divifé en fept articles.
Dans le premier, on traite de Ta&ion de la
chaleur fur le g ra s ; cette matière fe fond à la
chaleur moyenne de l'eau bouillante ou au bain-
marie ; on en tire ainfi en huit jours de tems à
peu-près un huitième d'une eau fétide , verdif-
fant les couleurs bleues végétales, & manifef-
tement ammoniacale $ elle n’eft point encore
entièrement privée d’eau par cette longue dif-
tillation j elfe eft plus colorée & plus feche ,
fans être caffante. Fondue à feu nud , elle prend
la liquidité des emplâtres & des favons 5 elle
fe grille à mefure , & dégage beaucoup d’ammoniaque.
En la fondant doucement & en la
paffant. à travers un tamis de crin, on la puri-
fioit, on la féparoit dp tou® les corps étrangers
qu’elle contenoit j elle devenoit blanche
après avoir été piftée ôu preffée avec un pilon
fur le tamis , tandis qu'elle prenoit une couleur
brune , lorfqu'après l'avoir fait fondre entièrement
, ce qui en volatilifoit beaucoup d’ammoniaque
, on la couloit à travers un linge. Ainfi
purifié, le g ra s fe coupe comme .un favon 5 il
C h i m i z . T o m e I I I
fe feche mieux à l’air que dans fon état naturel.
La diftillation à feu nud , très - longue & très-
peu propre à éclairer fur la nature de ce produit
de la putréfaction lente , a donné avec un
boutfoufflement écumeux & corfidérable de la
matière, de l'eau chargée d'ammoniaque , du
carbonate d’ammoniaque, de l’huile qui s'eft figée
dans le récipient. On s eft convaincu que cette
opération, très-longue 8c très-difficile , ne pou-
voit fournir que peu de réfultats utiles , &. on
a paffé à d'autres moyens d'analyfe.
L'article fécond traite des effets de l'air fur le
g r a s . Des fragmens exactement pefés , expofés à
T air fec 8c chaud pendant Tété de 178(5 , font
devenus fecs 8c caffans, fans diminuer fenfible-
ment dé volume 5 ils ont pris plus de blancheur,
& ont perdu l'odeur qu'ils exhaloientj leur fur-
face étoi t friable ; quelques portions avoient pris
une demi-tranfparence , 8c reffembloient à de la
cire j celles-ci ne donnoient plus de traces d'ammoniaque
â Tanalyfe ; ainfi la matière graffe perd
de l'eau & de l'ammoniaque par fon expofition
à l'air j elle paffe peu à peu de l'état favonneux
à l'état ceraceo-huileux pur.
L’article troifieme comprend Taétion de l'eau
fur le gras. Cette aètion a d'abord étonné ce chi-
mifte} on ne pouvoit pas s'y attendre , d'après
l’idée que l ’afpeét de cette matière avait fait
naître. Délayée dans un mortier avec un peu
d’eau, elle s’y eft bien mêlée, & a formé une
pâte homogène } en ajoutant de Teau , il en eft
réful-té une liqueur blanche , opaque , mouffant
par l’agitation , préfentantr«*ties ftries lâtinées
dans fon intérieur, & fe décbmpofant par les
acides comme une véritable eau de favon ; Teau
de puits s’eft caillebotée 5 les fels métalliques
ont précipité la diffolution comme les fels terreux.
La même diffolution n’a filtré que très-
lentement à travers le papier ; elle a donné une
liqueur'd’un jaune brunâtre , filante , graffe au
toucher , remplie de ftries foyeufes 8c farinées,
qui a fourni par l’évaporation un peu de matière
extraftive 8c des phofphâtes de foude &
d'ammoniaque. Le g r a s traite ainfi, a beaucoup
augmenté ae volume, en abforbant une grande
quantité d’eau, & celle qui a été filtrée n'en
a extrait que quelques légères parties extractives
& falines, fans toucher au favon ammoniacal
qui formoit la maffe du gras. Au refte, l’auteur
remarque à cette occafion, qu'il en eft de
même de tout favon, qu'il n'eft que peu diffoluble
dans Teau, que lorfqu’on filtre de Teau de favon
, on n’obtient qu'une liqueur colorée , pafi
Tant difficilement , qui ne contient que quelques
fels, que le favon refte divifé 8c plein -d'eau
fur le filtre > qu'ainfi de Teau de fayon n'eft que
ce corps divifé en ftries qui retient Teau entre
’ fes molécules, 8c en quelque forte de Teau ab