nomenclature , comme il nous l'apprend lui-
meme dans fon difcours préliminaire , & en-
trainé par la liaifon néceffaire que la nouvelle
«nethode de nommer offroit avec les faits, fon
ouvrage s eft peu-à-peu transformé'entre fes
mains en un T raite élémentaire , par le rapport
intime qui exifte en effet entre la férié des faits
qui condiment la fcience , les idées qui les rap-
pelfént & les mots qui expriment ces idées. Il
etoit d autant plus naturel qu’en travaillant fur
le nouveau plan de nomenclature, Lavoifier fût
conduit à créer une marche fort différente de
celles qui avoient été fuiviesjufque-la , que fes
n^ri fcU^es découvertes , ainfi que les nouveaux
réfultats auxquels elles 1 avoient amené , lui
donnaient véritablement le droit & exigeoient
■ Ji? m®me tems de lui de changer la face de la
fcience , de renoncer lur-tout aux énoncés vagues
& aux généralités fi fouvent erronées ou
lans rondement par lefquels on avoit coutume
de commencer l’étude de la chimie, & qui
admettoient d’ailleurs dès les premiers pas une
,..ef ~e connoiffances ou au moins de notions
qu il falloir fuppofer acquifes par ceux qui s’y
Iivroient, 8c qui retardôient néceffairemenr fes
progrès. Son ouvrage, quoiqu’il ne contienne
véritablement que les premières 8c les plus ef-
lentielles vérités de la chimie renouvellée, quoi-
qu il ne femble être dans fa première & fa troi-
fieme parties que l’énoncé méthodique des découvertes
qui lui appartenoient 8c des inftrumens
ingénieux qu il avait employés pour les faire , eft
remaquable & vraiment original par l’enchaînement
des idées ; il mérite une analyfe détaillée
dans cette hiftoire de la révolution chimique,
puifqu il en fait une des époques les plus Taillantes
, par l’influence qu’il a eue fur l’étude de
cette belle fcience.
Les phyficiens , 8c tous les hommes qui s’a:
donnent a 1 étude de la philofophie naturelle ,
c,e^ aux expériences de Lavoifier
qu elt due la révolution que la Chimie a éprouvée
depuis quelques années; à peine M. Black eut-
il fait connoître , il y a bientôt vingt ans , l’être
fugace qui adoucit la chaux & les alcalis, 8c qui ;
avoit jufques-îà échappé aux recherches des chi-
miftesj a peine M. Prieftfëy eut-il donné fes pre-
-mières expériences fur l ’air fixe & ce qu’il appe-
loir les différentes efpèces d’air, que Lavoi-
fler , qui ne s’étoit encore appliqué qu’à mettre
dans les opérations de Chimie de l’exariîtude &
de la précifion , conçut le- vaffe projet derépé-
var'fr toutes les expériences des deux
célébrés phyfîciens anglois , & de pourfuivre
avec une ardeur Infatigable une carrière nouvelle
, dont il prévoyoit dès-lors l’ étendue. Il ;
fentit fur-tout que l’art de faire des expériences
vraiment utiles , & de contribuer aux progrès de
la fcience de l ’analyfe , confiftoit à ne rien laiffer
échapper, à tout recueillir * à tout pefer.
Cette idee ingénieufe , à laquelle font dues
toutes les découvertes modernes , l’engagea à
imaginer, pour leseffervefcences, pour les com-
buïtions , pour la calcination des métaux, 8cc.
des appareils capables de porter la lumière la plus
vive fur la caufe 8c les réfultats de ces opérations.
On connoît trop généralement aujourd’hui
la plupart des faits 8c des découvertes que cette
route expérimentale nouvelle a fait naître , pour
que nous ayons befoin d’en fuivre ici les details;
nous nous contenterons de rappeler que c’eft: à l’ai-
de ces procédés, à l’aide de ce nouveau fens ,
ajouté, pour ainfi dire, à ceux que le phyficien
poffédoit déjà, que Lavoifier.eft parvenu à
établir des vérités & une do&rine nouvelles fur
la combuflion, fur la calcination des métaux
fur la nature de l’eau, fur la formation des acides,
fur la diffolution des métaux, fur la fermentation
& fur les principaux phénomènes de la nature.
Cesdnftrumens fi ingénieux, cette méthode expérimentale
fi exari®. 8c fi différente des procèdes
employés autrefois par les chimilles , n’ont
ceflfé , depuis 1772, de devenir entre les mains
de Lavoifier 8c des phyficiens qui ont fuivi
la même route, une fource féconde de découvertes.
Les mémoires de l’académie des fciences
offrent, depuis 1772 jufqu’en.1786 , une fuite
non interrompue de travaux , d’expériences , d’a-
nalyfes faites par ce phyficien fur le même plan.
Ce qu’ily a de plus frappanr pour ceux qui aiment
a fuivre les progrès de l’efprit humain dans ce
genre de recherches , dont on n’avoit aucune
idée il y a vingt-cinq ans, c’eft que toutes les découvertes
qui fe font fuccédées depuis cette
époque , n:ont fait que confirmer les premiers
réfultats trouvés par Lavoifier , & donner
plus de force & plus de folidité à la doctrine
qu’il a prcpofée. Une autre confidération,
qui nous paroît egalement importante, c’eft que
les expériences de Bergman , de Scheéle, de I
MM. Cavendish, Prieftley, & d’un grand nombre
d autres chimiftes dans, différentes parties de
l’ Europe, quoique faites fous des points de
vue& avec des moyens différens en apparence ,
fe font tellement accordées*avec les réfultats généraux
dont nous parlions plus haut, que cet
accord, bien propre à convaincre les phyficiens
qui cherchent la vérité fans prévention &
avec le courage néceffaire pour réfifter aux préjugés,
n’ a fait que rendre plus folides 8c plus
inébranlables les fondemens fur lefquels repofe
la nouvelle doririne chimique. .C’eft: dans cet
état delà fcience , c’eft à l’époque où les faits
nouveaux , généralement reconnus , n’excitoient
déjà plus de difcuflions entre les phyficiens que
relativement à leur explication, que Lavoifier
, auteur de la plus grande partie de ces découvertes
, & de la théorie fimple 8c lumineufe
qu’ elles ont créée, s’eft propofé d’enchainer
dans un nouvel ordre les vérités nouvelles, 8c
d’offrir aux favans, ainfi qu’à ceçix qui veulent
le devenir , l’enfemble de fes travaux. Ceux qui
ont fuivi avec foin les progrès fucceffifs de la
Chimie, ne trouveront dans l’ouvrage dont je
parle ici , que les faits qu’ils connoiffent
déjà ; mais ils fe préfenteront à eux dans un
ordre qui les frappera par fa clarté 8c fa précifion.
Ce fera donc fpécialement fur la marche
des faits, des idées 8c des raifonnemens tracés
par. Lavoifier , que j’infifterai dans le compte
que je vais en rendre.
Ce traité eft divifé en trois parties. Dans la
première, Lavoifier expofe les élémens de
la fcience & les bâfes fur lefquelles elle eft fondée.
C’eft fur les corps les plus fimples, 8c fur le
premier ordre de leurs combinaifons , que roule
cette première partie, comme nous, le dirons
tout-à-l’heure.
La fécondé partie préfente les tableaux de
toutes les combinaifons de ces corps fimples en-
tr’eux., 8c des mixtes qu’ ils forment les uns
avec les autres; Les compofés falins neutres en
font particulièrement le fujet.
Dans la troifième partie , Lavoifier décrit
les appareils nouveaux , dont il a imaginé
la plus grande partie, 8c à l’aide defquels il
a établi les vérités expofées dans la première
partie.
Confidérons chacune de ces parties plus en
détail, 8c fuivons l’auteur jufqu’à fes dernières
divifions, pour faire connoître Tutilité & l’importance
de fon ouvrage.
Prtmiere Partie.
En expofont, dans un difcours préliminaire,
les motifs qui l’ont engagé à écrire fon ouvrage ,
Lavoifier annonce que c’eft: en s’occupant de
la nomenclature 8c en développant fes idées fur
les avantages 8c la néceffité de lier les mots aux
faits , qu’il a été entraîné comme malgré lui à
faire un traité élémentaire de,-Chimie ; que
cette nomenclature méthodique l ’ayant conduit
du connu à l’inconnu, cette marche qu’il s’eft
trouvé forcé de fuivre, lui a paru propre -à
guider les pas de ceux qui veulent étudier la
Chimie j il penfe que , quoique cette fcience
ait encore beaucoup de lacunes 8c ne foit pas
eomplette comme la géométrie élémentaire, les
faits qui la compofent s’arrangent cependant
d’une manière fi heureufe dans la doéirine moderne
, qu’il eft permis de la comparer à cette
dernière, 8c qu’on peut efpérer de la voir s’ approcher,
de nos jours , du degré de pejrfeétion
qu’elle eft fufeeptible d’atteindre. Son but a été
de ne rien conclure au-delà de l’expérience , de
ne jamais fuppléer au fdence des faits.
C ’eft pour cela qu’il n’a point parlé des principes
des corps , fur lefquels on a depuis fi
long-temps donné des idées vagues , dans les
écoles 8c dans les ouvrages élémentaires ; qu’il
j n’a rien dit des attractions ou affinités chimiques,
qui ne font point encore connues, fuivant lui ,
I avec l ’exactitude néceffaire pour en expofer les
généralités dans des élémens. Il termine ce difcours
en retraçant les raifons 8c les motifs qui
ont guidé les chimiftes dans le travail de la nouvelle
nomenclature, 8c en faifant voir quelle
influence les noms exaCts propofés dans ee travail
, peuvent avoir fur les progrès 8c l’étude
de la fcience.
La première partie qui fuit immédiatement
ce difcours préliminaire , comprend dix-fept chapitres.
Lavoifier annonce qu’il traite, dans cette
première partie, de la formation des fluides aéri-
rormes 8c de leur décompofition ; de la combustion
des corps fimples , 8c de la formation des
acides. Ce titre, qui n’auroit certainement pas
rappelé aux anciens chimiftes l’enfembie ae leur
fcience , le comprend cependant tout entier pour
ceux qui la poffèdent ; 8c en effet, il y a neuf
ans qu’en traçant pour la première fois l’état des
connoiffances chimiques modernes dans quelques
féances fur les fluides élaftiques, j’ai fait
voir que toute la fcience étoit comprife dans l’histoire
de leur développement 8c de leur fixation.
Il eft donc vrai de dire, que quoique le domaine
de la Chimie ait été fingulièrement agrandi
par le nombre conftdérable de faits nouveaux
qu’elle a acquis depuis quelques années, le rapprochement
, la liaifon 8c la cohérence de ces
faits, peuvent en refferrer les élémens dans l ’efprit
de ceux qui les poflèdent, 8c de ceux
qu’une méthode exaéte guide dans leurs études ;
n les expériences femblent effrayer rimagina-
tion parleur nombre, les réfultats fimples qu’on
en tire, 8c les données générales qu’elles four-
niffent, font évanouir les difficultés , 8c rendent
le travail d? la mémoire plus facile. Cette vérité
fera mife dans tout fon jour, par* l’expofé
dès divers objets compris dans cette première
partie de l’ouvrage de Lavoifier.
Le premier chapitre traite de la combinaifon
des corps avec le calorique ou la matière de la
chaleur, 8c de la formation des fluides éîafti-
quès.' Le calorique dilate tous les corps en écartant
leurs molécules , qui tendent à fe rappro-
; cher par 1,a force d’attraèhon. On. peut donc cori-
: fidérèr fori effet comme celui dune force répüt-
five ouoppofeë ài’attra&ion, Lorfque l’attraaioa