beaucoup plus encombrée que celles-ci! A la vérité, c’est clans l’intérieur qu’il »
a le plus de décombres, là où les habitations des Qobtes, et peut-être aussi des
Arabes, ont contribué le plus à exhausser le terrain ; car au portique du théâtre
à l’hippodrome, aux thermes, à l’arc de triomphe, aux colonnes triomphales, le
sol est» peu enfoui.
En faisant des fouilles dans les ruines, on trouve beaucoup de médailles qui
appartiennent au temps de Constantin et du Bas-Empire, des agrafes, des boutons
en cuivre et différentes antiques du même genre. Les habitans ont coutume de
frotter les médailles sur la pierre, afin de mettre le métal: à nu , croyant mieux
les vendre aux.voyageurs.
, Tel est l’aspect des restes d’Antinoé. Maintenant que le lecteur a une idce
géijéralé'de la ville et de ses environs, je vais le conduire de monument en monument,
et ensuite je décrirai chacun en particulier. Le lecteur me pardonnera
les détails sur une ville qui est importante sous le double rapport! de l’histoire
d’Adrien et de celle de l’art : aucun-voyageur he s’y étoit fiTête "assez long-temps
pour la bien observer. J’ai été assez heureux pour y faire cinq voyages pendant
le cours de l’expédition Française.*
Une observation qui est générale, c’est.que tous les édifices sont construits en
pierre calcaire numismale. 11 n y a point d’autifes matériaux qui soient entrés lans
la construction, si on en excepte les colonnes de granit qu’on trouve près de l’arc
de triomphe et dans quelques autres endroits. Mais ces colonnes ont elles-mêmes
leurs chapiteaux en pierre numismale. Il y a aussi différens morceaux en marbre
tels que la cuve des thermes, la statue d’Antinoüs, &c. (r)'
S i, de la butte élevée où j’ai supposé le spectateur pour lui faire embrasser
Antinoé d’un coup-d’ceil, on descend vers la droite en se dirigeant au sud, on
arrive d’abord à la grande rue qui partage en deux la ville dans le sens de sa
largeur. On est frappé de cette longue fife de colonnes qui existent d’un bout à
1 autre dans cette rue; il y en a très-peu d’entières. Elles étoient toutes de l’ordre
Dorique Grec. Dans cette série de colonnes, il n’existe aucune interruption, excepté
là où de somptueux édifices bordent la rue. A son extrémité méridionale, est le
portique Corinthien qui précédoit le théâtre. C ’est le monument le plus imposant
et de meilleur goût de tous ceux qui décorent cette ville (2). Quoiqu’il ait beaucoup
souffert, les colonnes* les piliers et les murailles qui subsistent forment
encore un ensemble très-beau. En traversant le portique, on trouve les restes du
proscenium et de l’amphithéâtre. Des fours à chaux, que les barbares y ont établis,
expliquent parfaitement la presque entière destruction de cet édifice ; on. en voit
toutefois distinctement les dimensions, le plan et la disposition générale (3).
Entre les décombres et l’enceinte, dans cette partie, l’espace est uni et point
encombré ; je soupçonne que l’on n’habitoit point de ce côté de la ville. En suivant
l’enceinte jusqu’à l’ouverture du grand vallon sablonneux, on ne trouve rien de
remarquable : mais, arrive a un mur qui a servi a retenir les eaux du torrent, 011
(1) M. Balzac a vu le fût d'une petite colonne brisée (2) Voyez pl. £j\
et des fragmens d’autels en marbre. (3) Voyez pl. $j,
aperçoit vers la droite un monument d’une étendue considérable; sa longueur est
de plus de trois cents mètres. C'est un ancien hippodrome, dont l’ouverture est
tournée vers la ville ( r.) ; les degrés de l’amphithéâtre sont ruinés et couverts par
les sables du désert qui se sont amoncelés du côté du sud-est, jusqu’au haut de
l’édifice. La colonnade qui l’entouroit a disparu : on voit seulement au pied
quelques débris de colonnes renversées.
De I hippodrome, on découvre la grande porte de l’est, à l’issue de la première
rue transversale Ce qui reste de cette porte, consiste principalement en
deux grands piliers Corinthiens placés un peu au-dedans de l’enceinte, et autour
desquels sont bcaucoÙp'de ruines ; au point même de l’enceinte', il n’y a pas de
vestiges conservés ■de la porte qui devoit y exister.
Si Ion descend là rue transversale, on trouve à droite et à gauche plusieurs
beaux monumens presque détruits. Le plus remarquable parmi eux paroît avoir
servi de bain' public.
Arrivé au carrefour, on se retrouve dans la grande rue du portique du théâtre.
Quatre colonnes plus grandes que les autres en occupoient les angles. Si de là on
se dirige perpendiculairement, on remarque, à, une certaine distance, quatre autres
colonne.spareilles, dont une est entièrement debout et parfaitement conservée (2)
Le jàécféstal d’une autre, avec sa b a s e n t encore sur pied.^Ces monumens étoient
des colonnes triomphales élevées en l’honneur d’Alexandre-Sévère. Au bout de
cette meme rue est un monument massif qui paroît avoir été un tombeau; et plus
loin, le reste de la porte du nord.
En revenant sur ses pas au premier carrefour, et continuant la rue transversale
quon avoit quittée,on a devant soi l’arc de triomphe, qui est à l’extrémité la plus
voisine du Nil. Ce magnifique bâtiment est le plus conservé de tous ceux qui embellissent
la ville (3). Entre lui et le fleuve sont deux grandes colonnades en granit.
Cest a quelque distance de l’arc de triomphe qu’est le village actuel de Cheykh
Abadeh, qui a succédé à Antinoé. Les maisons sont bâties en briques crues
enduites de limon ou d’argile sablonneuse. Ces pauvres cabanes semblent encore'
plus misérables a côté des ruines de tout genre et des colonnes encore debout
auxquelles elles sont adossées. Il y a même, dans quelques-unes de ces huttes, des
colonnes qui gênent la circulation, sans que les habitans aient l’air de s’en apercevoir.
Le village renferme une mosquée bâtie avec d’anciennes colonnes bizarrement
placées et de toutes proportions, et qu’on dit le reste d’une ancienne église.
Dans ce village, qui est mahométan, on ignore tout-à-fkit que le nom du lieu
est tiré de celui d’un saint évêque d’Enséné ; car c’est ainsi que l’endroit s’appeloit
selon les Qobtes (4). Aujourd’hui Je nom d’Enséné est inconnu. Selon le P. Sicard'
leveque se nommoit S . Ammonius; il fut martyr à Antinoé. Les habitans l'ont
pris pour un cheykh de leur religion , et ils le vénèrent comme un saint musulman.
Je demandai à l’un d’entre eux s’il savoit qu’ils honoraient un Chrétien; il
me répondit : Toi, tu le sais; mais nous, nous n’en savons rien. Son tombeau est
(à) v 7 Z P l'lSJ' Qtpl’ H , J i s ‘ au Poi”‘ “ (3) Voy n p l.S 7 .
^ (4) On dit vulgairement Ensilé. ( Ftÿej ci-après, p. 3 8.)