Il résulte de ces faits, que, pour donner une description des antiquités d'Alexandrie
et de ses environs qui porte avec, soi quelque intérêt, et pour ne point laisser
perdre a des événemens fameux leur plus curieuse application, celle qui se fait
sur les lieux, nous devons dire autant ce que furent ces monumens que ce qu’ils
sont aujourd hui, et quelles vicissitudes ils ont éprouvées. Nous n’oublierons pas
cependant que ce 11 est point I histoire d’une ville qu’on nous demande, mais la
description de ses ruines, et que les monumens ne doivent être que l’occasion de
rappeler les faits. Nous indiquerons ce qu’on voit d’antique [ 1 ] sur chaque point
du sol d Alexandrie, ce qu on y voyoit autrefois, et les principaux traits historiques
qui s’y rapportent (1).
Pour se faire une idée juste des ruines d’Alexandrie, des beaux monumens
qu’elles rappellent, du caractère qu’elles présentent, et des époques marquantes de
l’histoire des arts auxquelles on doit les rapporter d’après le style des divers frag-
mens qu’on y retrouve, il faut nécessairement avoir présent à la pensée un tableau
succinct des principales variations survenues dans l’existence de cette ville. Il convient
que chaque partie de ce tableau se compose des traits caractéristiques qui la
font distinguer dans le cours général des progrès des lumières et de la civilisation.
Nous n avons point 1 intention de faire une histoire particulière : nous ne voulons
que placer, en quelque sorte, Alexandrie et ses antiquités dans la suite des temps.
APERÇU CHRONOLOGIQUE E T GÉNÉRAL SUR ALEXANDRIE.
I . " P Î R I O D E , D E 1 6 6 3 A N S ,
J U S Q ü ’ À C A M B Y S E .
Les beaux temps de l’Egypte proprement dite ou des divers royaumes successivement
formes sur les bords du Nil, et dont Alexandrie est séparée par un
désért assez étendu, sont bien antérieurs à la fondation de cette ville. Cette
longue suite de siècles pendant lesquels les sciences et plusieurs arts furent portés
à un très-haut degré de perfection par les Égyptiens, tandis que le reste du monde
le plus connu des anciens étoit encore barbare, a vu les Éthiopiens franchir les
cataractes du Nil et s’établir au nord de ces frontières naturelles. La civilisation
de ces contrées, bien plus vieille que les archives de l’histoire profane, s’est
étendue progressivement pendant cet intervalle : elle a élevé les monumens dont
il subsiste encore de si beaux restes clans la haute Égypte ; elle a bâti Memphis
vraisemblablement avec les ruines de Thèbes, bien avant qu’Alexandrie ait été
construite à son tour des débris de Memphis, ou du moins ait hérité de sa magnificence.
Tous ces objets, qui forment la collection d antiquités et la plus grande
partie de laDescription de l ’Égypte, sont antérieurs à la création d’Alexandrie. Cette
ville, si ancienne pour nous, est donc en quelque sorte une ville moderne relativement
aux autres cités Égyptiennes.
( 0 On nous permettra aussi de marquer le théâtre
particulier de quelques- uns des événemens importans
d’une expédition récente et célèbre qui fait tant d’honneur
à la valeur Française, et qui laissera autant et de
plus beaux souvenirs en Égypte que la plupart de celles
qui l’ont précédée.
: Suivant la chionologie en usage, mais dont les monumens astronomiques ou
des arts du pays ne sont pas les seuls qui tendroient à modifier le système (1), les
Pharaons, ou anciens rois de diverses dynasties, régnèrent pendant un espace de
.1663 ans, ,usquà l’année 525 avant l’ère chrétienne, époque où leurs états furent
envahis par Cambyse, roi de Perse. Ce conquérant frénétique ravagea l’Égypte,
et notamment Memphis, qui en étoit alors la capitale.
La puissance Romaine étoit à cette époque dans son enfance ; le dernier Tar-
quin alloit cesser de régner. Les beaux siècles de la Grèce, qui avoit précédemment
reçu des colonies Égyptiennes, étoient sur le point de commencer et les
arts y prenoient naissance. II n’existoit sur le sol que devoit occuper un’jour la
magnifique Alexandrie, qu’une misérable bourgade, habitée par des pâtres à demi
sauvages [2].
2 . e P É R I O D E , D E I p j A N S ,
D E P U I S - C A M B Ï S E J U S Q U ’ X A L E X A N D R E .
Sous le règne des successeurs de Cambyse, qui ne s’occupèrent point, pendant
leur longue et sanglante lutte avec la Grèce, de la position avantageuse de ce
bameau (2), 1 Égypte se souleva fréquemment contre ses nouveaux maîtres, et fut
en proie a toutes les horreurs des révolutions. Les arts y demeurèrent dans la
langueur. A la gloire militaire que les Grecs acquirent en combattant les Perses,
succéda le triomphe plus doux des lettres et de la civilisation ; puis la corruption]
qui leur succède souvent aussi, mais sans en être toujours l’effet immédiat; puis
enfin les divisions intestines et ^’assujettissement au pouvoir des Macédoniens.
A u moment où 1 éclat de 1 ancienne Grèce commençoit à s’éclipser, Rome,
qui devoit s’emparer de cette contrée, y puiser toutes les connoissances, et ensuite
etendre son pouvoir jusqu’à l’Égypte elle-même, Rome ne brilloit pas encore. La
nouvelle république étoit livrée aux agitations qui suivent toujours les changemens
de gouvernement. Elle pratiquoit les vertus des premiers âges, envoyoit des députes
à Athènes pour y recueillir des principes de législation que la Grèce elle-
même devoit à l’Égypte, et elle s’efforçoit de maîtriser quelques peuplades ses
plus proches voisines; mais elle n’avoit point encore attaqué l’Étrurie.
3 *C P E R I O D E , D E 3 0 2 A N S ,
D E P U I S A L E X A N D R E J U S Q U ’ X A U G U S T E .
La monarchie des Perses en Asie fut à son tour renversée par Alexandre, qui
s’empara de l’Égypte 332 ans avant J. C., environ deux siècles après Cambyse.
Le système du monde civilisé fut considérablement changé par ce grand homme,
quil ne faut pas regarder, malgré ses excès, comme un simple conquérant. II
sentit la nécessité de lier les intérêts de tous les peuples qui composoient son immense
empire, de diriger vers un centre commun leurs rapports commerciaux (3),
■ (') U'odore compte tentât dix mille, tantôt vingt-, (a) L’existence des villes de Marra, Momemphh et
trou mille ans depuis Osirls jusqu’à Alexandre. Hérodote de quelques autres lieux voisins, est seule connue à cette
rapporte un nombre de générations de rois tel, qu’il en époque.
résulterait une série de onze mille et quelques cents ans. (3) Il venoit de détruire Tyr.
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